Il convient d’expliquer au public cette double difficulté : un épuisement plus lent des ressources signifie moins de confort exosomatique, et un plus grand contrôle de la pollution requiert proportionnellement une plus grande consommation de ressources. Mais bien sot serait celui qui proposerait de renoncer totalement au confort industriel de l’évolution exosomatique. L’humanité ne retournera pas dans les cavernes. Il n’en reste pas moins que certains points pourraient être inclus dans un programme bio-économique minimal :
- Il faudrait interdire totalement non seulement la guerre elle-même, mais la production de toutes les instruments de guerre. Les pays qui sont tellement développés qu’ils sont devenus les principaux producteur d’armement devraient être capables de parvenir sans difficulté aucune à un consensus sur une telle interdiction si, comme ils le prétendent, ils possèdent de surcroît assez de sagesse pour guider l’humanité. L’arrêt de la production de toutes les instruments de guerre libérera des forces de production fantastiques en faveur de l’aide internationale sans pour autant abaisser le niveau de vie des pays intéressés.
- Grâce à ces forces de production, il faut aider les nations sous-développées à parvenir à une existence digne d’être vécue, mais non point luxueuse.
- L’humanité devrait diminuer progressivement sa population jusqu’à un niveau où une agriculture organique suffirait à la nourrir convenablement. Bien entendu les pays qui connaissent à présent une très forte croissance démographique devront faire des efforts tout particuliers.
- En attendant que l’utilisation directe de l’énergie solaire soit entrée dans les mœurs, il convient d’éviter soigneusement et, si nécessaire, de réglementer strictement tout gaspillage d’énergie tels que les excès de chauffage, de climatisation, de vitesse, d’éclairage, etc.
- Nous devons nous guérir nous-mêmes de notre soif morbide de gadgets extravagants, si bien illustrés par la voiture de golf et les grosses voitures. Les fabricants devront cesser de fabriquer de tels « biens ».
- Nous devons aussi nous débarrasser de la mode. C’est une maladie de l’esprit que de jeter une veste ou bien un meuble alors qu’ils sont en mesure de rendre les services que l’on est en droit d’en attendre. Et c’est même un crime bioéconomique que d’acheter une nouvelle voiture chaque année et de réaménager sa maison tous les deux ans. D’autres auteurs ont avancé que les marchandises devraient être construites de façon à durer davantage. Mais il est plus important que les consommateurs se rééduquent eux-mêmes dans le mépris de la mode. Les constructeurs devront bien alors se concentrer sur la durabilité.
- Il est nécessaire que les marchandises durables soient rendues plus durables encore en étant conçues comme réparables.
- Il nous faut nous guérir du circumdrome du rasoir électrique, qui consiste à se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à un appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini. Ce changement conduira à un émondage considérable des professions quoi ont piégé l’homme dan le vide d’une régression infinie. Nous devons nous faire à l’idée que toute existence digne d’être vécue a comme préalable indispensable un temps suffisant de loisir utilisé de manière intelligente.
Les recommandations qui précèdent apparaîtront en général raisonnables. Néanmoins, l’humanité voudra-t-elle prêter attention à un quelconque programme impliquant des entraves à son attachement au confort exosomatique ? peut-être le destin de l’homme est-il d’avoir une vie brève, mais fiévreuse, excitante et extravagante, plutôt qu’une existence longue, végétative et monotone. Dans ce cas, que d’autres espèces dépourvues d’ambition spirituelle – les amibes par exemple – héritent d’une Terre qui baignera longtemps encore dans une plénitude de lumière solaire !
In La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas Georgescu-Roegen (Sang de la terre, 1995) -1ère édition, 1979