« Une culture globale de nature essentiellement techno-industrielle s’étend actuellement partout dans le monde et détériore les conditions de vie des générations futures. L’ampleur de la crise est due en partie à ce qu’elle est largement incontrôlée : les évolutions se produisent à un rythme accéléré sans qu’aucun groupe ou aucune classe ait forcément prévu ou accepté la phase suivante. Il est important de réaliser que le pourcentage de croissance est exponentiel, et que 1 % ou 2 % de croissance annuelle induisent des transformations sociales et techniques de plus en plus importants qui s’ajoutent à celles, énormes, déjà accumulées. Aujourd’hui la formule « PNB = pollution nationale brute » tient toujours et la politique écologique continue chaque année de souffrir des actions menées pour faire croître le PNB.
La crise des conditions de vie sur Terre peut nous aider à choisir une nouvelle voie avec de nouveaux critères de progrès, d’efficacité et d’action rationnelle. Nous, qui somme responsables et participons à cette culture, nous avons la capacité intellectuelle de réduire notre nombre consciemment et de vivre dans un équilibre durable et dynamique avec les autres formes de vie. Nous, êtres humains, pouvons saisir la diversité de notre environnement et en prendre soin. Le terme d’écologie profonde a été introduit dans un article de 1973 « The shallow and the deep, long-range ecology movements ». A la fin des années 1970, George Sessions et moi-même avons formulé huit points, à l’aide de 179 mots (en anglais) pas plus, pour en faire une offre de « plate-forme de l’écologie profonde » :
1) L’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre a une valeur intrinsèque. La valeur des formes de vie non humaines est indépendante de l’utilité qu’elles peuvent avoir pour des fins humaines limitées.
2) La richesse et la diversité des formes de vie sont des valeurs en elles-mêmes et contribuent à l’épanouissement de la vie humaine et non humaine sur Terre.
3) Les humains n’ont pas le droit de réduire cette richesse et cette diversité sauf pour satisfaire des besoins vitaux.
4) Actuellement, les interventions humaines dans le monde non-humain sont excessives et détériorent rapidement la situation.
5) L’épanouissement de la vie humaine et des cultures est compatible avec une baisse substantielle de la population humaine. L’épanouissement de la vie non-humaine nécessite une telle baisse.
6) Une amélioration significative des conditions de vie requiert une réorientation de nos lignes de conduite. Cela concerne les structures économiques, technologiques et idéologiques fondamentales.
7) Le changement idéologique consiste surtout à apprécier la qualité de vie (en restant dans un état de valeur intrinsèque) plutôt que de s’en tenir à un haut niveau de vie. Il faut se concentrer sérieusement sur la différence entre ce qui est abondant et ce qui est magnifique.
8) Ceux qui adhèrent aux principes ci-dessus ont l’obligation morale de tenter d’essayer, directement ou non, de mettre en œuvre les changements nécessaires ».