De même que les innovations techniques du XXe siècle ont eu pour moteur la nécessité de neutraliser les résistances au développement industriel, l’organisation socio-politique a été mise en place pour neutraliser le conflit social. L’impossible liberté réclamée par la classe laborieuse a été obtenue de façon illusoire. La négation du vivant et les exigences humaines ont donné son aspect original de « société du spectacle ». Les revendications ont été satisfaites au moyen d’images et de leurres que la nouvelle organisation technicienne pouvait créer en abondance. Ce mode d’organisation a fourni à ses emmurés des images de liberté et de vie. Le « spectacle » n’est rien d’autre que l’ensemble des compensations mensongères offertes à ceux qui ne sont plus rien.
Cette façon de n’être au monde que par la médiation d’images a donné lieu à d’extravagantes manifestations collectives. L’extraordinaire importance des rassemblements sportifs d’un bout à l’autre du monde, l’intérêt que leur accordent les médias, les violences auxquelles elles donnent lieu de la part du public, relèvent bien de l’hystérie moderne. Les spectateurs d’une exhibition sportive vivent, par procuration, un affrontement dans lequel ils s’engagent personnellement, ils s’identifient à tel joueur, à telle équipe, et par cette identification, ils connaissent d’intenses émotions. Ces manifestations ont bien pour fonction de canaliser des impulsions interdites, de contrefaire une vie absente. Il en est de même des divertissements musicaux actuels, qui se déroulent en outre dans les mêmes lieux que les compétitions sportives. (in La folle histoire du monde de Michel BOUNAN)