Sous le signe de mon père
Je n’ai jamais reçu de compliments de la part de mon père. Comme il arrivait à ses derniers couchers de soleil, j’ai lourdement insisté auprès de lui pour quémander ce que j’estimais être mon dû, l’étalage de mes qualités. Qu’il en cite au moins une était mon espérance ! Alors mon père réfléchit un moment et me dit spontanément : « Tu as toujours fait ce que tu devais faire. » Après réflexion, je crois que c’est le plus formidable compliment que j’ai pu entendre au cours de ma vie déjà longue. C’est à moi qu’il incombe de déterminer quelle est la meilleure façon de gérer ma vie. Puisque j’avais selon mon père accompli au mieux cette tâche fixée implicitement, j’avais donc réussi ma vie.
Je retrouvai là l’enseignement des stoïciens pour qui le sage « fait tout bien », et donc ne peut perdre en sagesse. Mais en quoi réside cette perfection ? Seulement dans la certitude de n’avoir d’autre activité que le bon usage de soi-même et du monde. Cet usage n’a pas de définition précise, il n’y a pas de mode d’emploi, aucune recette à appliquer de manière prédéfinie et intangible. La sagesse est dans l’attitude, pas dans les moyens ni même dans le résultat. La sagesse consiste seulement à faire tout de la meilleure manière possible.
La meilleure manière possible ? Mon héritage pourrait se résumer à ces dix préceptes que j’ai mis en évidence sur mon site biosphere.ouvaton.org :
Les Dix Commandements de la Biosphère
Tu as autant de devoirs que droits ;
Tu pratiqueras la simplicité volontaire ;
Tu aimeras ta planète comme toi-même ;
Tu réagiras toujours de façon proportionnée ;
Tu protégeras l’avenir des générations futures ;
Tu respecteras chaque élément de la Biosphère ;
Tu ne laisseras pas les machines te dicter leur loi ;
Tu adapteras ta fécondité aux capacités de ton écosystème ;
Tu ne causeras pas de blessures inutiles à ton environnement ;
Tu vivras des fruits de la Terre sans porter atteinte au capital naturel.
Il n’y a pas d’ordre de préférence entre ces dix préceptes, ils sont complémentaires. Ils permettent aussi l’interprétation, il n’y a rien de figé dans le cours d’une vie. C’est aussi très différent des préceptes religieux. Dans les Dix commandements du Décalogue, il y avait beaucoup trop de choses pour Dieu et bien peu pour encadrer une organisation socio-économique qui détériore la Biosphère. Quant aux cinq piliers de l’existence des musulmans, ils sont simplistes. Toute religion, en mettant Dieu et non la Biosphère au centre de ses directives, définit des règles de comportement centrées sur les intérêts de sa propre secte, non sur l’intérêt de l’espèce humaine, encore moins sur les rapports entre les humains et la nature qui nous permet de vivre. Dieu ne nous attend pas dans l’au-delà. Si nous n’avons pas fait ce que nous devons pendant notre existence, nous n’avons servi à rien.
Servir de la meilleure manière possible ? Je ne pense pas qu’il se trouverait au monde un homme pour noircir une seule feuille de papier si nous avions le courage de vivre ce en quoi nous avons foi. Si c’est un monde de beauté et de vérité, à quoi bon dresser des milliers et des milliers de mots entre la réalité de ce monde et moi-même ? Quel est notre avenir si nous devons continuer à militer par écrans interposés ? Notre futur tel que je le vois est au plus près de la nature, nous ne sommes que fragment de Terre…
Et pourtant j’ai écrit ce livre en i.book… parce que je le devais. Maintenant, à chacun de faire sa part, la part du colibri ! Le plaisir sera donné de surcroît à qui fait ce qu’il doit.
Pour lire ou relire un chapitre qui précède :
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde