Fragments de mort, fragments de vie
Notre société « moderne » a un rapport à la mort complètement décalé : personne ne doit mourir ! On réalise des guerres « zéro mort », on soigne le moindre bobo à coup de médecin et d’hôpital, on fait survivre les vieux au-delà de leur force, on rêve à la vie éternelle. On oublie simplement que la mort et la vie sont intimement liés. La mort ne doit pas faire peur. Eugénisme, suicide, euthanasie, tout est possible quand c’est mûrement réfléchi.
Loin des religions, ma pensée est pragmatique : je suis poussière et je retournerais poussière, ma mort n’est qu’un épiphénomène des grands cycles naturels, il me faut célébrer le recyclage des corps.
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En avril 1970, je lis avec curiosité un livre de Jean Rostand, L’homme, écrit en 1940 : « Nos sociétés donnent la possibilité de survivre et de se reproduire à des milliers d’êtres qui eussent été autrefois implacablement éliminés dès le jeune âge. La fécondité des idiots est très sensiblement supérieure à celle des individus normaux et les avantages sociaux ou financiers font plus pour unir les humains que la beauté du corps ou la finesse de l’esprit. La diminution de la mortalité infantile, les vaccinations généralisées entraînent un affaiblissement de la résistance moyenne de l’espèce. Grâce à l’obstétrique, des femmes deviennent mères malgré un bassin trop étroit, et grâce au lait stérilisé, nourrices, en dépit de glandes mammaires insuffisantes. Il s’ensuit un avilissement progressif de l’espèce. Les tarés, les débiles et les criminels encombrent les hôpitaux, les asiles et les prisons. Tandis que les superstructures spirituelles et sociales deviennent sans cesse plus pesantes, leurs fondations organiques perdant en solidité. Donc par l’effet de la civilisation, nul progrès à espérer pour l’animal humain, mais une décadence à craindre. » Cette liberté d’expression, dite en 2012, ferait scandale. Mais il y a du vrai dans ces propos.
Selon la thèse de Darwin sur la sélection naturelle, une partie seulement des naissances atteignent l’âge de la reproduction car seuls les mieux adaptés résistent. Mais comme les humains modifient leur milieu et fabriquent aujourd’hui une grande partie de leurs moyens d’existence, ils étendent indûment leur capacité à se reproduire et il leur faut alors construire socialement leur propre conception de la sélection ; en empêchant la nature de faire son oeuvre de sélection, on devient alors responsable de ses propres critères d’expansion démographique. Peu d’intellectuels ont intériorisé ce jugement. L’humanisme actuel, même s’il est plutôt favorable à l’euthanasie active, est encore totalement opposé à l’eugénisme ! Personnellement je soutiens tout ce qui facilite la décroissance démographique du moment que c’est démocratiquement discuté et appliqué de façon individualisée, au cas par cas. Eugénisme à la naissance, euthanasie en fin de vie et même suicide me semblent des choix courageux quand ils sont assumés en toute conscience.
L’eugénisme est un concept agréable que l’histoire humaine a rendu dangereux. Composé à partir de « eu » (bien) et « genos » (race), il s’agit d’améliorer l’espèce humaine au travers de ses gènes. Le projet du fondateur de l’eugénisme, Francis Galton, se résumait en une phrase : « Se débarrasser des indésirables et multiplier les désirables ». C’était une définition trop vaste et d’autant plus condamnable. Nous étions au début de l’ère victorienne, alors que la science génétique n’existait pas encore… On rêvait d’améliorer les lignées humaines comme le font les horticulteurs et les éleveurs. Au cours du XXe siècle, dans des pays très divers, on a voté pour un eugénisme négatif qui vise à empêcher les « dégénérés » de se reproduire : plus de 50 000 personnes furent stérilisés aux Etats-Unis entre 1907 et 1949, des criminels, des faibles d’esprit, des pervers : dans le Dakota du nord et l’Oregon, la sodomie était un motif suffisant. Un rapport du tribunal municipal de Chicago, en 1922, classe parmi les personnes susceptibles d’être stérilisées les tuberculeux, les aveugles, les sourds, ainsi que les orphelins, les bons à rien, les gens sans domicile et les indigents. Le nazisme n’a fait que reprendre une méthode à la mode… Je répète, cet eugénisme-là est condamnable.
Maintenant, notre connaissance croissante du génome humain permet de mesurer de façon plus précise les difficultés à venir de la personne à naître. L’eugénisme positif vise à sélectionner et à produire des êtres conformes à des normes, par exemple la santé de l’espèce. C’est un eugénisme bienveillant quand il laisse la liberté aux couples. Il s’agit d’éviter la venue au monde d’enfant malades ou handicapés et cela s’inscrit donc dans une logique thérapeutique. Il ne s’agit pas de la quête de l’enfant parfait, mais de l’enfant normal, capable d’un développement à l’égal des autres humains. Dans la pratique déjà, le monde développé se lance en silence dans l’éradication programmée du mongolisme. Depuis la découverte en 1959 des bases chromosomiques du mongolisme, la diffusion généralisée dans la population des acquis de la génétique favorise le consensus sur une interruption thérapeutique de grossesse. L’amniocentèse permet de vérifier la constitution des chromosomes, elle est systématiquement proposée en France aux femmes de plus de 38 ans, le taux de trisomie 21 augmentant avec l’âge de la mère. Cela passe aujourd’hui dans le libre choix de le femme dont on sait que 90 % décident d’éliminer l’enfant trisomique 21. Il s’agit d’un eugénisme démocratique, même si au nom de la liberté individuelle, on laisse encore tout le poids de la culpabilité à l’individu.
Mais soyons réaliste : quand un enfant est né débile, sourd et presque aveugle, c’est la société qui est en charge d’une existence que les parents ne sont pas en mesure de supporter moralement, matériellement ou durablement. Le geste médical pourrait alors sortir du cadre de la stricte relation individuelle pour servir une politique collective de régulation du retard mental et d’éradication des maladies génétiques. Un certain nombre de pays ont aujourd’hui des dispositions législatives autorisant la stérilisation à des fins de sélection. C’est le cas de la Chine qui a en 1994 adopté une loi destinée à améliorer la qualité des nouveau-nés. L’article 8 indique : « Le bilan de santé prénuptial doit comporter l’examen des maladies suivantes : les maladies génétiques grave ; les maladies infectieuses désignées et tout sorte de maladie mentale pertinente. » Et l’article 10 : « Après avoir effectué ce bilan de santé, le médecin doit l’expliquer et donner un avis médical à l’homme et à la femme auprès desquels il a diagnostiqué une maladie génétique. Ce couple peut se marier si tous deux acceptent de recourir à des moyens contraceptifs pendant une longue période ou de subir une opération assurant leur stérilité. » Cet interventionnisme de l’Etat peut ouvrir la porte au totalitarisme, il doit être solidement encadré.
La démocratie est toujours confrontée à des principes contradictoires, liberté individuelle, contrainte collective. La délibération démocratique tranche… jusqu’à la prochaine délibération. Aux Etats-Unis se développe aujourd’hui la notion de responsabilité génétique : on voit surgir des procès pour « naissance inacceptable » intentés à leur médecin par des parents d’enfants handicapés. Bientôt pourront se dérouler des procès pour « vie inacceptable » intentés par les enfants contre leurs parents ou contre la société. C’est l’individu qui devrait décider en dernier ressort, soutenu par son entourage. En 1978, j’attendais un enfant. La mère travaillait dans un institut médico-pédagogique, entourée de mongoliens et autres anomalies. Elle était terrorisée à la possibilité de mettre un enfant anormal au monde. J’ai alors pensé sincèrement que si mon enfant à naître ne pouvait être autonome, je l’aurais avec amour doucement étouffé sous un oreiller. Je n’ai pas eu à le faire… La mort devient parfois une valeur préférable à la vie car certaines existences ne méritent pas d’être vécues ; pour moi, l’enfant n’est rien en soi si les conditions de son épanouissement ne sont pas assurées par sa famille et par ses propres capacités d’autonomie à venir.
Après la réflexion sur la vie digne ou non d’être donnée, la vie digne ou non d’être enlevée. C’est l’euthanasie, la mort douce (du grec « eu », bien et « thanatos », la mort). Un acte simple quand il s’agit de faire piquer son chat ou son chien, un acte illégal envers les humains dans la plupart des pays. Un débat de plus en plus vif s’est engagé entre ceux qui font de la vie un droit sacré et ceux qui font de la mort dans la dignité un droit de chacun, entre ceux qui ceux qui jugent que l’on ne peut disposer de la vie d’autrui et ceux qui veulent abréger l’agonie d’un malade dont on sait la mort certaine. Dans l’encyclique Evangélium Vitae (l’Evangile de la vie) de 1995, il est écrit que l’euthanasie est une grave violation de la loi de Dieu en tant que meurtre délibéré d’une personne humain, moralement inacceptable. Mais nous savons maintenant que dieu est aveugle, sourd et muet, c’est simplement Jean Paul II qui nous transmet son propre message. Pour le pape, le problème est résolu d’avance par une référence théologique, dans notre système démocratique il n’existe rien de tel, la règle ne peut naître que du libre débat : couple, comportements sexuels, définition de la mort, toute décision est menée dans le cadre rationnel de la réflexion collective sans aucune crainte irrationnelle de la transgression. Quand l’euthanasie est légalisée aux Pays-Bas, il est significatif que les réactions hostiles proviennent à la fois de l’Osservatore Romano etde la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. Le problème de l’euthanasie est d’autant plus urgent à résoudre que les techniques de soins palliatifs multiplient les cas d’acharnement thérapeutique. Cette pratique a pour objectif de soulager les douleurs physiques de la personne, qu’elle soit atteinte d’une grave maladie évolutive ou en phase terminale. On contrôle la douleur en essayant de préserver la capacité de relation du malade avec l’entourage, on ne soigne plus tout simplement parce qu’il n’y a plus de solution thérapeutique, on se contente d’attendre la mort « naturelle », mais où est la nature quand la vie est reliée à des tuyaux ?
Dans La perte des sens Illich dénonçait la médicalisation de la fin de vie : « En 1974, quand j’écrivais Némésis médicale, je pouvais parler de « médicalisation » de la mort. Les traditions occidentales régissant le fait de mourir sa propre mort avaient cédé à l’attente de soins terminaux garantis. Je forgeai alors le mot « amortalité » pour désigner le résultat de la liturgie médicale entourant le « stade terminal ». Le dernier cri en matière de soins terminaux a motivé la mobilisation de l’épargne de toute une vie pour financer l’échec garanti… De même que l’habitude d’aller « en voiture » atrophie les pieds, la médicalisation de la mort a atrophié le sens intransitif de vivre ou de mourir… L’âge industriel réduit l’autonomie somatique, la confiance dans ce que je sens et perçois de mon état. Les gens souffrent maintenant d’une incapacité à mourir. Peu sont capable d’envisager leur propre mort dans l’espoir qu’elle apporte la dernière touche à une vie active, vécue de manière intransitive. » (recueil de textes d’Ivan ILLICH) – Fayard, 2004)
Lorsque certains soins curatifs ne sont plus adaptés, il faut savoir s’abstenir et reconnaître que la mort est en train de venir. En matière de choix, nous sommes tous des porteurs de dignité, que ce soit refus d’une transfusion sanguine ou de toute autre pratique thérapeutique jugée inutile par nous. La sagesse, c’est de ne pas mettre en suspens le vieillissement de nos artères, d’accepter notre destin et la nécessité de notre mort. En France, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité milite pour le libre choix de terminer sa vie. Les trois objectifs de l’association sont le droit à la lutte contre la douleur (soins palliatifs), le droit au refus de l’acharnement thérapeutique (l’euthanasie passive) et le droit à l’euthanasie volontaire. Les deux premiers points commencent déjà à passer dans les mœurs, par exemple avec la loi Leonetti en France. Reste le troisième point, le suicide assisté. Cette pratique pourrait concerner trois catégories de personnes, les grands malades, les grands vieillards et les grands infirmes. L’aide à mourir est inscrite depuis 1994 dans la loi des Pays-Bas sous réserve de force majeure pour le médecin. En l’an 2000, ce pays va plus loin encore puisque le médecin ne risque plus de recours direct en justice. Comme en 1994 le praticien doit respecter les critères de minutie : demande du patient de façon volontaire et répétée d’une aide pour mourir ; maladie incurable et insupportable ; information du patient et conclusion commune qu’il n’y a aucune autre décision acceptable ; avis d’un confrère indépendant ; avis d’une commission paritaire qui sert de tampon entre le praticien et la justice. La loi reconnaît la validité d’une déclaration écrite d’euthanasie qui rend possible l’euthanasie si l’individu devient incapable de s’exprimer (coma, sénilité…). L’euthanasie est applicable aux enfants de 12 à 15 ans avec l’accord des deux parents, les mineurs de 16 et 17 ans peuvent décider par eux-mêmes.
Un jour prochain sans doute, le testament de fin de vie sera la règle, une vie ne vaut que si elle est utile pour soi et pour les autres. Mon propre testament de fin de vie est ainsi rédigé par la présente : « Sain de corps et d’esprit, je déclare ce jour (4 novembre 2002) que je n’accepte pas les soins palliatifs qui ne serviraient qu’à me maintenir en vie et non à me réinsérer dans la société. Je déclare accepter par avance une euthanasie passive si la conscience morte de mon cerveau m’empêche de percevoir mon état de légume humain. J’exige le droit à euthanasie active si j’estime en toute conscience que ma vie ne vaut plus la peine d’être prolongée ».
En France le Conseil d’Etat a estimé que le devoir du médecin de sauver un malade ne pouvait prévaloir sur la volonté de celui-ci : le code de déontologie médicale donne obligation de respecter la volonté de la personne. Le métier de médecin est d’adoucir les peines et les douleurs lorsque cet adoucissement peut conduire à la guérison mais aussi de procurer une mort calme et douce quand il n’y a plus d’espoir… C’est alors un geste d’amour, un acte de compassion. Mon cousin germain est bien fatigué, il est alité, il souffre de plus en plus. Cancer du colon, ganglions près de la colonne vertébrale, une opération qui a arrêté le déchaînement cellulaire à un endroit et laissé des métastases ailleurs, de la chimio qui rend très malade mais qui n’a pas soigné grand chose, l’hospitalisation après avoir porté à domicile des packs délivrant la morphine qui ont eu de moins en moins d’effet palliatif. Alors il se retrouve dans un lit anonyme avec la morphine à haute dose, l’occlusion intestinale ou une hémorragie, on ne sait plus trop, la fin de plus en plus proche, la douleur de soi et la douleur des autres. Est-ce cela mourir dans la dignité ? Il y a eu euthanasie passive, permise en France par la loi Leonetti. On augmente les doses de morphine et on arrête toute aide à survivre. Quelle différence avec l’euthanasie active ?
De toute façon il nous restera toujours le suicide comme expression de la volonté. Claire Quillot expliquait son suicide programmé en fin de vie comme une manière de « ramener une sorte d’optimisme ». Dès 1970, je connaissais cette déclaration de Paul Lafargue : « Sain de corps et d’esprit, je me tue avant que l’impitoyable vieillesse me dépouille de mes forces physiques et intellectuelles, ne paralyse mon énergie et ne brise ma volonté et ne fasse de moi qu’une charge à moi-même et aux autres. Depuis des années, je me suis promis de ne pas dépasser les 70 ans. » Il a tenu sa promesse en 1911, c’est un exemple qui a été suivi. Marius Jacob, qui servit de modèle à Arsène Lupin, se suicide en 1954 (à 75 ans) : « Amis, j’ai eu une vie bien remplie d’heur et de malheurs, et je m’estime comblé par le destin. Aussi bien je vous quitte sans désespoir, le sourire aux lèvres, la paix dans le cœur. Vous êtes trop jeunes pour apprécier le plaisir qu’il y a à parti en bonne santé, en faisant la nique à toutes les infirmités qui guettent la vieillesse. J’ai vécu, je puis mourir… Vous trouverez deux litres de rosé, à votre santé. » Je ne sais pas encore si j’aurai le même courage.
La mort n’est rien. La mort n’est que la continuation de la vie par un autre chemin. Août 1972, j’avais 24 ans, j’écrivais que j’attendais le retour à la terre, l’instant suprême où mes molécules se disperseraient dans l’infini univers, et recommenceraient leurs sarabandes sans but. Une métempsycose cosmogonique. 26 décembre 2011, je rédige sur mon blog du monde.fr mon testament écolo :
« Je soussigné désire un enterrement sans aucune cérémonie religieuse, sans fleurs ni couronnes ni aucune marque matérielle de condoléances. Je veux être enterré de façon à minimiser mon empreinte écologique au maximum. Pas de crémation qui utilise une énergie extracorporelle devenue trop rare. Pas de cercueil qui mobilise des ressources naturelles. Pas de vêtements car nu je suis né, nu je veux mourir. Mon idéal est de participer sans rechigner au grand recyclage que la nature nous propose gratuitement. Pour faciliter la chose, Paris nous offre paraît-il un modèle que je recommande : la commune fournit aux personnes décédées (sans ressources ni famille) des caissons en béton étanche équipés d’un système d’introduction de l’air afin que les espèces qui aident au recyclage de l’organisme puissent accéder au festin. L’oxygène accélère le dessèchement du corps et l’évacuation des gaz de décomposition est assurée. Il n’y a aucune pollution et le caveau peut être récupéré à l’infini : tous les cinq ans, il est à nouveau disponible. Nous ne nous appuyons pas assez sur les compétences de la biosphère qui possède depuis des temps immémoriaux un sens pratique très développé en ce qui concerne l’équilibre dynamique et le recyclage performant.
Je suis émerveillé par toutes les générations précédentes d’hominidés qui depuis des millions d’années n’ont laissé pratiquement aucune trace sur terre. Ils ont permis aux décomposeurs le soin de disperser leurs molécules pour profiter aux autres formes de vie. Je suis révolté par tous ces puissants et autres saccageurs de la nature qui font construire des pyramides et des mausolées dédiés à leur ego, des statues ou des monuments grandioses à la hauteur de leur suffisance. Ils n’ont aucun sens de l’écologie, ils n’ont pas le sens des limites, ils sont néfastes. Notre trace sur terre importe dans le souvenir que nous laissons aux vivants, pas dans l’empreinte écologique qui défigure notre planète. Je suis abasourdi de voir que les gens qui vivent à l’occidentale se croient à l’égal des puissants, construisant buildings immenses et autoroutes un peu partout. Je suis ulcéré par cette pub de Renault qui prétendait « laisser moins de traces sur la planète ». D’après Jean-Guillaume Péladan, « L’européen moyen émettra au cours de sa vie 752 tonnes d’équivalent CO2 de gaz à effet de serre…Nous devrions avoir peur de la trace laissée après notre mort : entre un et deux millions de fois notre propre poids, c’est plus qu’une trace ! » (Sur quelle planète vont grandir mes enfants ? - Ovadia, 2009).
Je ne suis que fragment de la Terre, nous ne valons certainement pas plus que le lombric qui fertilise le sol. Mais j’aspire aussi à un monde meilleur pour mes descendants, une société humaine en harmonie avec notre merveilleuse oasis de vie perdue dans l’immensité d’un univers apparemment sans vie. Ce n’est donc pas une planète vide d’hommes que je souhaite, mais une planète où l’espèce humaine parcourt son existence d’un pas léger qui ne laisse presque aucune empreinte.
Quand j’aurais quitté le monde des humains, quand mes atomes tourbillonneront pour l’éternité dans l’espace galactique infini, alors seulement j’atteindrai la véritable plénitude. Je ne peux regretter véritablement cette espèce plus souvent homo demens qu’homo sapiens, je ne peux me sentir totalement concerné par cette agitation désordonnée de l’humanité dont les préoccupations restent le plus souvent égoïstes et de courte vue. Ethnocentrisme, anthropocentrisme, nationalisme, indépendantisme, chacun se croit le centre de la Biosphère et ne vit que pour sa personne ou son groupe d’appartenance. J’ai pourtant essayé de penser et vivre autrement, mais ma vie a été par nécessité incertaine et impotente. Tout ce que je sais de manière certaine, c’est de n’être que fragment de la Terre, minuscule élément d’une petite planète qui compte déjà beaucoup trop de mes semblables. Tout ce que je sais, c’est que les problèmes deviennent innombrables et les réponses toujours lacunaires. Tout ce que je sais, c’est que les générations futures vont être obligées de faire avec…
Une petite citation de Jean Rostand pour conclure provisoirement : « Du point de vue sidéral, la chute d’un empire ou même la ruine d’un idéal ne compte pas plus que l’effondrement d’une fourmilière sous le pied d’un passant distrait. Quand le dernier esprit du dernier de notre espèce s’éteindra, l’univers ne sentira même pas sur lui le passage d’une ombre furtive. » D’accord ! Il n’y a ni optimisme ni pessimisme dans cette sentence, juste un constat. Mais je préfère conclure autrement, avec mon père.
pour revenir au sommaire global
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde