l’art de guillotiner les procréateurs (manifeste anti-nataliste) de Théophile de Giraud (2006)
Ce livre constitue le remaniement d’un ouvrage intitulé De l’Impertinence de Procréer édité en 2003.
Théophile de Giraud estime que la philosophie a débattu de toutes les questions qui s’imposent à l’esprit humain hormis une seule : la validité éthique de la procréation. Aucun ouvrage pour en décortiquer le bien-fondé, ou pour en démontrer la nature criminelle. Tabou suprême ! Cet ouvrage aura donc l’ambition de combler une lacune dans l’histoire de la pensée en proposant au lecteur un argumentaire anti-nataliste. Voici quelques extraits recomposés de son livre :
1/7) Arguments (flasques) en faveur de la procréation
Les pucerons ne disposent que d’une faible conscience argumentative : ils se multiplient fort bien sans recourir à d’hypocrites prétextes. De même, nous ne nous reproduisons nullement par philosophie, ou préoccupation religieuse, ou bienveillance philanthropique. En passant, faisons remarquer que le fondateur d’une religion qui prétend en savoir beaucoup sur Dieu a finalement laissé fort peu de descendants charnels… Né d’une vierge, le Christ est mort sans enfants, non sans demander de nous castrer en vue du Royaume des Cieux ! Dès le Ve siècle, saint Augustin dans son traité La Virginité consacrée avait déjà lancé cette vigoureuse semonce : « Ce n’est plus servir le Christ que de multiplier la race humaine. » De toute façon la vie n’a aucun avenir, Big Chill ou Big Crunch, la destruction aura le dernier mot : pourquoi la différer ?
- Ah mais monsieur rendez-vous compte, si l’humanité disparaît nous n’aurons plus ni Shakespeare, ni Tolstoï, ni Gandhi !
- Certes, mais nous n’aurons plus de Hitler ni de Staline ni de Leopold II ni de Bush, ni d’exterminateurs d’Amérindiens ou d’aborigènes australiens, ni de dirigeants de multinationales… Le travail implicite de la plupart des diamants de la pensée fut de rendre l’homme suffisamment conscient de sa misérable condition pour qu’il prenne le parti de renoncer progressivement à se reproduire. Ecoutez Gandhi dans ses lettres à l’Ashram : « Celui dont l’activité est entièrement consacrée à la réalisation de la Vérité, qui exige un désintéressement absolu, n’a pas de loisirs à consacrer à l’occupation égoïste d’engendrer des enfants. »
Si vous cherchez à connaître le mobile ultime de la venue au jour de nouvelles victimes, interrogez plutôt les futurs parents sur le pourquoi de leur parentalité : ils vous répondront le plus naïvement du monde qu’ils font un enfant parce qu’ils en ont envie ! Ils engendrent pour satisfaire un prurit, une concupiscence ! Les enfants sont là pour empêcher les parents de s’ennuyer. L’enfant n’est rien d’autre qu’un cadeau que les parents se font à eux-mêmes. A travers leurs rejetons, les rejetonneurs n’ont souci que de transmettre leurs gènes, que d’assurer leur survie, que de reconnaître leur image peinte sur la figure de leur bébé. Parlez donc d’adoption aux amateurs de bébés, vous verrez une moue se dessiner sur leur faciès avide de posséder une proie émanée de leurs entrailles. Des orphelins ? Le bébé d’un autre ? Allons donc, convoquez plutôt les scientifiques afin qu’ils m’aident à vaincre ma stérilité ! L’enfant ne paraît le plus souvent que pour permettre aux parents de paraître. A bien y regarder, aucun enfant n’existe pour sa propre finalité, tous ne sont que de simples appendices des chimères, des attentes et des prurits parentaux.
Le discours politique ose vanter la reproduction à visée économique : il faudrait fabriquer des enfants afin de garantir le financement des pensions de retraite ou de soutenir la croissance industrielle. On demande donc à un individu de naître afin de nous aider à résoudre nos problèmes : quelle pestilence ! La fécondité comme source de prospérité est fondée sur l’instrumentalisation d’autrui, c’est-à-dire sur le principe même de l’esclavage. Je vous le rappelle, l’enfant n’est pas un billet de banque ! Il n’a pas à naître pour matelasser les escarres de votre caducité : financez votre propre avenir ou bien résignez-vous à l’idée que vous êtes mortels.
2/7) Surpollupopulation
Chaque minute, 100 personnes meurent, 240 naissent. L’inverse eut été mieux. Il y aurait d’abondantes raisons d’intenter procès aux populateurs puisque désormais la procréation n’est plus seulement un crime contre l’enfant, elle est aussi un crime contre l’Humanité ! En effet deux menaces éléphantesques écrasent de tout leur poids le XXIe siècle vagissant : la Surpopulation et son corollaire immédiat, la Pollution, ici comprise en tant que destruction du biotope. On insiste trop peu sur cette vérité biomathématique : le prétendu « droit » à la reproduction semble un sujet intouchable… Et pourtant les spécialistes l’admettent désormais unanimement, la planète est en train de trépasser à petit feu. Lorsque l’on sait par ailleurs que les aspirations ultimes de la plupart des pays du Tiers-monde s’avèrent de s’aligner sur le niveau de vie occidental, on devine sans peine quelle catastrophe se profile dans les prochaines décennies !
Non seulement, et tous les psychosociologues le savent, l’Occidental ne fera pas machine arrière, n’abandonnera pas sa rage d’accumuler des biens matériels, mais une masse croissante de nations viendront grossir les légions dont la boulimie ne tardera guère à engloutir les derniers espaces naturels disponibles et à raréfier sans remède les ultimes ressources planétaires. Ainsi constate-t-on que d’année en année la superficie des terres nouvellement conquises (au détriment de la végétation forestière…) pour l’exploitation agricole demeure inférieure à celle des sols arables définitivement perdus ! Trop nombreux dans un sac de farine, les charançons s’entre-dévorent. Les tensions et les frustrations causée par une démographie incontrôlée préparent les guerres « absolues » de l’avenir. Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars.
Certains voudraient nous faire croire que notre planète peut tolérer 12 milliards de créatures humaines. Oui, 12 milliards de malheureux se serrant la ceinture, convertis de force au végétarisme, résignés à une existence de citadins compressés : destin de bétail parqué. Je préférerais pour ma part savoir la terre peuplée d’un maximum de cent millions d’individus. Faisons remarquer à nos amis les militants verts, admirables champions de l’Ethique, que sur une planète dont la santé périclite à cause de la quantité irraisonnée de ses habitants, un écologiste qui se reproduit est un écologiste douteux… Aucun combat pour la préservation de l’environnement ne peut plus s’envisager sans une lutte intensive contre la fécondité ! Rappelons-le sèchement : sur notre planète surpollupeuplée, la procréation s’apparente désormais à un crime contre l’humanité !
3/7) Agathogénisme, procréation selon le Bien
Aucun politicien n’a pour l’instant le courage de tenir un discours hostile à la fécondité : et pour cause, il contrarierait dangereusement l’égoïsme de ses électeurs… Quant aux « belles âmes », elles n’osent jamais utiliser les termes de coercition, ni de sanctions économiques pour juguler les matrices, craignant sans doute de ternir leur angélique image de philanthropes salonniers. Comment se fait-il que personne ne tire les conclusions de ces propos de l’actuel Dalaï-Lama, Tenzin Gyatzo : « Il faut informer clairement, sans hypocrisie. Il faut dire : six milliards d’habitants, c’est trop. Moralement, c’est une grave erreur, à cause de la distorsion aggravée entre pays riches et pays pauvres. Et, pratiquement, c’est dramatique. A l’origine de tous nos dangers, je mets la surpopulation. Il faut faire connaître et promouvoir le contrôle des naissances aussi vite que possible. Il faut donc éduquer les populations du Tiers-Monde. Et il faut le faire énergiquement, sans réticence sentimentale. »
Comment agir ? Si nous souhaitons réellement faire aboutir cet indispensable projet de restriction des naissances, le premier geste à poser sans délai semble de toute évidence de supprimer les allocations familiales ; le second, comme le suggérait déjà Bergson, de lever un très lourd impôt sur chaque nouveau bébé pour réfréner le rêve de continuer à surpollupeupler tranquillement notre planète agonisante.; le troisième de prohiber toute forme de procréation médicalement assistée ; le dernier enfin, et le plus important, de se lancer dans une politique d’éducation et de conscientisation systématique des jeunes générations : le goût de la nulliparité peut s’enseigner au même titre que celui de la non-violence et du respect d’autrui. Il va de soi qu’il appartient à l’Occident de montrer l’exemple au Tiers-Monde : nous devons enclencher les premiers le processus de contraction démographique ! Ne craignez aucun déficit de main d’œuvre si plus aucun enfant ne naît en Occident, des milliards de personnes frappent notre porte.
Alors que tous les pédiatres et psychopédagogues admettent qu’il n’est pas de tâche plus difficile, plus complexe, que celle d’élever un enfant, le dernier des crétins peut s’essayer à fonder une tribu. On refuse le droit de vote aux adolescents sous prétexte qu’ils n’ont par la maturité requise pour élire une marionnette plutôt qu’une autre, mais on accorde licence à des fillettes de tomber enceintes et d’accoucher au lieu de les pousser vertement, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, droit dans la salle d’avortement !
4/7) Permis de procréer
Comment se fait-il qu’il n’existe à ce jour aucun permis de procréer ? Et pourtant, quel foisonnement, dans nos sociétés, de permis en tout genre : permis de conduire, de chasse, de pêche, de construire, de travail, de séjour, d’inhumer, etc. Sans oublier les permis de pratiquer une profession : les omniprésents diplômes. Tout le monde jugera indispensable qu’un médecin, ou un ingénieur ou un soudeur ou une puéricultrice n’obtienne guère licence d’exercer sans avoir démontré au préalable ses compétences, mais tout le monde juge naturel que le premier nabot venu puisse s’autoproclamer spécialiste en éducation en mettant simplement un enfant au monde ! Est-il un secteur de la vie humaine où il importe davantage d’avoir affaire à des personnes irréprochables que dans celui de la mise en existence d’une nouvelle créature ?
Le Parlement de Taiwan a rendu obligatoire pour tous les candidats au mariage un cours d’éducation familiale consistant à quatre heures d’information sur la gestion de la famille et de conseils sur la manière d’élever des enfants. Quatre heures toutefois, cela semble un peu court : nous prônons quatre années. Intensives. Il n’est pas acceptable que des individus deviennent parents sans posséder un bagage équivalent à celui d’un spécialiste de la psychologie infantile. Les parentalisables financeront ces études (tout caprice possède son prix) ainsi que les responsables politiques qui auront enfin compris qu’il coûte moins cher à la société d’investir dans l’Enfance que dans l’appareil répressivo-sécuritaire. Ceux dont le quotient intellectuel est insuffisant se consacreront à autre chose. Combien de parents sont pédophiles ou font de leurs engendrés des esclaves, combien les maltraitent ou les laissent sans savoir ni joie alors que d’autres les emprisonnent dans une prison dorée, les étouffent par leur surprotection ?
Un étonnement nous stupéfie : l’existence pour les candidats à l’adoption, d’une très officielle Procédure d’Agrément. Oui, le législateur exige en France de « s’assurer que ceux et celles qui désirent adopter offrent les capacités familiales, éducatives et psychologiques nécessaires à l’accueil d’un enfant déjà né ». On évalue les compétences et les motivations d’individus de toute évidence magnanimes, qui se portent au secours d’un enfant déjà plongé dans l’enfer d’exister MAIS le plus malveillant des crétins détient le droit absolu de plonger dans cet enfer autant d’inexistants qu’il le souhaite. Absurde au point d’en être obscène. Il va sans dire que notre projet d’agathogénisme revendique solennellement qu’une telle procédure d’agrément soit étendue à tous les parents, adoptifs ou biologiques !
Pas de mariage avant trente ans : c’était déjà le conseil d’Hésiode dans Les Travaux et les Jours ainsi que Platon dans ses Lois… Pour jouir du droit à l’adoption en France, le critère temporel est fixé à 28 ans pour les célibataires ou les couples mariés depuis moins de deux ans. S’il est interdit d’adopter avant d’avoir atteint la maturité raisonnable des 28 ans, il s’érige dans l’invraisemblable que la procréation soit autorisée à n’importe quel âge, dès 12 ou 13 ans si tel frétille le caprice des amateurs de joujoux. Les limites régissant l’adoption préfigurent celles qui demain régiront la procréation : on y sent à l’œuvre le primat accordé à l’intérêt supérieur de l’Enfant. D’ailleurs la justice française peut désormais envoyer certains parents de délinquants en « stage parental » pour combler leurs lacunes de savoir-éduquer.
5/7) Le salut par le féminisme
Il faut rappeler sans cesse que la Fête des mères fut instituée par des purulences de droite et d’extrême-droite. Il faut dire et redire que rien n’encensa jamais autant la maternité que le nazisme et le fascisme ! Tous les démographes reconnaissent que la femme n’est jamais si féconde que dans les sociétés les plus phallocratiques où la femme se voit réduite à sa fonction reproductrice. Il n’est de plus sûr moyen de s’approprier une femme que de lui donner une nombreuse progéniture, la privant du même coup de toute autonomie existentielle. Le féminisme jouera un rôle crucial dans la lutte contre la fécondité. Simone de Beauvoir l’avait bien compris : « Il n’existe pas d’instinct maternel : le mot ne s’applique en aucun cas à l’espèce humaine. Il n’est même pas vrai que l’enfant soit pour la femme un accomplissement privilégié. Que l’enfant soit la fin suprême de la femme, c’est là une affirmation qui a tout juste la valeur d’un slogan publicitaire. » Aussi cette féministe exemplaire proclamait-elle « se féliciter chaque jour de n’avoir pas eu d’enfants ». Il convient d’urgence de promouvoir les combats féministes dans le monde entier.
Les statistiques révèlent que là où la femme jouit de la liberté maximale, elle choisit en général de n’avoir que peu ou pas d’enfants, préférant en toute occurrence la Qualité que la Quantité, et surtout optant pour d’autres voies d’épanouissement que celle de banale puérivome. La femme a mieux à faire que d’élever des enfants dont notre humanité déjà trop pullulante n’a plus le moindre besoin. Ce qui nous émerveille, ce qui force notre respect, ce ne sont guère les reproductrices, ce sont les femmes qui s’engagent dans l’art, dans la science, dans la littérature, dans la politique, dans le militantisme écologique… Thérèse d’Avila, Louise Labé, Gasara Stampa, Ann Radcliffe, Jane Austen, Emily Brontë, Louise Michel, Lou Andreas-Salomé, Camille Claudel, Virginia Woolf, Hannah Arendt, Simone de Beauvoir, Simone Weill : toutes nullipares mais toutes aussi merveilleuses fécondes en insurrection, en bienveillance et en cérébralités !
Il n’est pas du tout indifférent de constater que l’époque de la libération sexuelle coïncide exactement avec l’apparition et la diffusion à grande échelle de méthodes contraceptives fiables. L’émancipation de la femme fut elle-même concomitante à cet endiguement de la fécondité involontaire.
6/7) Quelques citations
- « Ceux qui désirent perpétuer leur vie et empêcher leur mort se trompent dans l’intelligence des choses. » (Lieu-Tseu, Le vrai Classique du Vide parfait, IVe siècle av. J.-C.)
- Un de ses amis l’exhortait à faire des enfants. « Sois sans crainte, lui dit-il, comme progéniture, je laisse derrière moi des victoires olympiques. » (Diogène le Cynique)
- « Ne me demandez point pourquoi je ne me suis pas marié: je me suis abstenu par pitié pour les enfants que j’aurais pu avoir. » (Arthur Schopenhauer)
- « Dans nos sociétés surpeuplées, et où, pour la majorité des êtres humains, la misère et l’ignorance règnent, je crois préférable d’arrêter une vie à ses débuts que de la laisser se développer dans des conditions indignes. » (Marguerite Yourcenar, nullipare)
- « Le raz de marée d’une surpopulation famélique menace notre planète d’éclatement. Des enfants, pour quoi ? » (Gisèle Halimi)
- « Je frustre l’avenir, stérile sans remords, De toutes les douleurs et de toutes les morts Qu’en toi je n’ai pas enfantées. » (Amélie Murat, Pour l’enfant qui n’existe pas)
- Un échangiste nullipare ruisselant de sperme, de cyprine et de libertine lubricité vaut mille fois mieux que le plus chaste père de famille…
- Devenons des génies plutôt que des géniteurs.
- Mécontents de tous les continents, boycottez la reproduction.
- Adoptez donc: vous comblerez votre « désir d’enfant » et soulagerez une détresse au lieu d’en engendrer une nouvelle !
- On ne dira jamais assez que Hitler et Staline furent des enfants maltraités !
7/7 Conclusion
Répondez sans dérobade. S’il existait une solution capable d’abolir la totalité des maux dont gémit notre désastreuse humanité, auriez-vous la macabre inintelligence de dédaigner un tel remède ? Non, cela va sans dire. Eh bien une solution existe : elle consiste tout bonnement à cesser de procréer…
Qui regrettera que l’embranchement des primates, qui n’a encore jamais cessé de s’entretuer depuis qu’il s’est un peu différencié des autres singes, ait tout à coup cessé d’exister ? Les animaux que nous passons notre temps à exploiter, maltraiter, torturer, emprisonner et génocider ? Certes non.
PS : trouver ce livre en librairie est difficile. Il faut s’adresser directement à la maison d’édition « Le mort qui trompe »
30 rue des 6 moulins
17320 marennes