N’attendons pas de ce livre une critique de l’automobile, Jean-Pierre et Marine Corniau est membre d’un conseil en Management, Sia. N’attendons pas du titre un éclairage. La planète compte 7 milliards d’humains en 2012, mais les 1,2 milliards d’automobiles seront atteints, peut-être, en 2020 seulement. Le stock mondial de véhicules était estimé à 800 millions en 2011, année où ont été produits 80 millions de voitures particulières et d’utilitaires légers. On y parle beaucoup d’automobiles, mais jamais de la pression démographique. La référence à Malthus n’arrive qu’en page 148, uniquement pour s’intéresser à la population chinoise et indienne et à leur aspiration à un « niveau de vie comparable à celui atteint à la fin du XXe siècle par les pays développés ». Seule l’AIE (agence internationale de l’énergie) est reconnue comme une source d’information fiable, l’ASPO est ignoré.
Ce livre n’est donc significatif que par l’inquiétude qui apparaît de page en page.
p.15 L’automobile présente un double visage. Instrument du rêve prométhéen de liberté et de puissance de l’homme, elle s’est transformée en espèce invasive. C’est un produit privé qu’on ne peut pas utiliser sans que soient mises en œuvre par la collectivité des infrastructures complexes et coûteuses. Elle impose une gestion collective de la liberté individuelle qui conduit à une multiplication des mesures de contrôle.
p.17 Le rapport Randers, publié en mai 2012, est encore plus pessimiste que le rapport Meadows de 1972. Il constate que l’absolue incapacité de la communauté humaine à se doter d’une vision et d’une gouvernance à long terme renforce les risques d’une rupture systémique avant la fin du siècle.
p.21 L’industrie du pétrole repousse sans cesse ses propres limites en allant toujours plus profond extraire l’huile. Ces conquêtes coûteuses et risquées vont-elles suffire ? Car les plus belles histoires ont une fin : un réservoir fini s’épuise… La seule question qui demeure est : quand et à quel prix ?
p.40 L’industrie automobile mondiale n’est pas incitée au début de la décennie soixante-dix à imaginer les ruptures qui vont brutalement l’affecter. Le choc n’en sera que plus violent.
p.44 L’épisode militaire de Suez entraîne un rationnement en 1956-57 en France. Il limite la possibilité d’acheter de l’essence chaque mois à 20 ou 30 litres selon la cylindrée (…) 1971 est la première année où la production américaine cesse de croître. L’inversion de la courbe de production de pétrole aux USA constitue la première illustration à grande échelle du pic de Hubbert.
p.49 Le Premier ministre français Pierre Messmer annonce en mars1974 une politique volontariste de contraction de la demande d’énergie. Tous les secteurs sont concernés : réduction de vitesse sur le réseau routier, limitation de la période de chauffage des lieux publics, incitations fiscales à consommer moins d’énergie.
p.51 Le troisième choc pétroler se traduit par une hausse des prix qui commence en 2003 pour atteindre son paroxysme au premier semestre 2008. Le cours du brut est multiplié par cinq pour atteindre 145 dollars le baril en juillet 2008.
p.56 Les cours du pétrole sont dictés par le coût marginal de production qui ne cesse d’augmenter compte tenu de la complexité de la recherche off-shore ou dans des zones éloignées et difficiles. Les perspectives de baisse du prix du pétrole sont donc nulles.
p.58 Le XXIe siècle restera politiquement dangereux et économiquement instable car la menace pétrolière est durablement installée.
p.60 La guerre ignorée : 3000 morts par jour dans le monde.
p.64 Lente asphyxie urbaine.
p.66 Les polluants, plus de 2 millions de victimes chaque année.
p.70 Le transport routier génère près d’un cinquième des émissions de CO2 de l’UE et des pays industrialisés.
p.76 Pour cette industrie automobile de plaisir et d’inconstance, mais aussi d’ingénieurs, la réponse au triple défi urbain, environnemental et générationnel ne pouvait venir que de l’abondance des gammes, de la fuite en avant technique.
p.78 La crise est la seule thérapie de cette industrie.
p.85 Il est paradoxal que les constructeurs allemands leaders produisent des véhicules conçus pour rouler à 250 km/h. L’industrie automobile met un point d’honneur à produire pour M. Tout le monde des véhicules dont ils n’auront jamais l’usage.
p.93 Les ventes de véhicules sur le marché intérieur chinois ont largement dépassé celle des Etats-Unis au premier trimestre 2009. Ce passage de relais marque symboliquement la fin d’une époque, celle du leadership des pays pionniers de l’industrie automobile.
p.149 Il est clair que peu de décideurs ont la fibre sacrificielle pour risquer leur mandat face aux électeurs ou aux actionnaires en sortant des sentiers balisés de la continuité.
p.150 Comment éliminer la consommation de ressources non renouvelables en cessant de grignoter notre capital naturel, dans une démarche de mise en cohérence des horizons courts et longs ? Deux clans irréductibles s’opposent violemment. Les libéraux pensent que la science et le marché trouveront, au moment opportun, les bonnes réponses, même si le prix en est élevé. Les adeptes de la décroissance estiment qu’il faut changer tout de suite de modèle économique en revenant à un statu quo ante mythique.
Le texte se prolonge par « l’ère du savoir infini » qui commence : « Autour du microprocesseur s’est construit un ensemble de méthodes et d’outils dont l’application à tous les domaines de l’activité humaine nous dote d’une nouvelle capacité, une prothèse cérébrale (…) Il apparaît plus facile, économique et écologique de transporter de l’information que des personnes. De physique et matérielle, la communication devient virtuelle et immatérielle…
[éditions Lignes de repère, 2012 (192 pages, 19 euros)]