(Ecosociété, 210 pages, 19 euros)
Face au réchauffement climatique, à la pénurie d’énergies et de matières premières, industriels et gouvernements font croire à la solution magique de l’écoefficience. Selon ces adeptes du développement durable et du statu quo, on pourra continuer à produire et à consommer comme avant, en ayant simplement recours à des techniques qui dilapident un peu moins de ressources. David Owen tord le cou à cette croyance confortable. Non, la technique ne résoudra pas les problèmes engendrés par la technique. A cause d’un petit détail déjà décrit par Stanley Jevons au XIXe siècle : l’effet rebond. Une voiture a beau être plus « efficiente » qu’avant et consommer moins, l’économie ainsi dégagée permet de rouler plus et d’augmenter le nombre d’automobiles en circulation. Les lampes nécessitent moins d’énergie ? On en met partout. Les frigidaires et autres congélateurs sont plus performants ? Mais les appareils électroménagers se multiplient dans les maisons. Les TGV rendent les déplacements moins coûteux, plus rapides, mais cela favorise la bougeotte. Le gain de productivité que représente l’efficacité énergétique est réinvesti dans un surcroît de production et de consommation.
Vert paradoxe montre donc que ce n’est pas en consommant différemment que les problèmes environnementaux seront résolus, mais en ne consommant pas ; que ce n’est pas en achetant une voiture hybride que tout ira mieux, mais en supprimant cet « ennemi numéro un de la planète » de nos rues. Plutôt que de s’en remettre aux mains des ingénieurs et d’attendre un miracle scientifique, le journaliste du new Yorker appelle à s’engager collectivement dans la voie de la frugalité, l’abandon de la croissance, le ralentissement, et à faire « casquer » les riches (dont fait partie, à l’échelle planétaire, un simple automobiliste français). En taxant l’énergie, les émissions de carbone, en supprimant l’espace dévolu à la bagnole, en arrêtant de financer à fonds perdus des projets d’innovation audacieux. Certes, c’est moins porteur électoralement que de faire croire que tout continuera comme avant. Mais « aucune transition à grande échelle des combustibles fossiles aux sources d’énergie renouvelables ne sera possible sans réduction radicale de la consommation d’énergie dans les pays les mieux nantis ».
Ce livre écrit dans un langage simple et direct souffre toutefois d’une analyse quelque peu superficielle, réduite aux comportements des consommateurs. Et dans sa quête de rationalisation verte, l’auteur en vient à proposer une organisation assez cauchemardesque, ou la densité de Manhattan est érigée en modèle à suivre : les hommes devraient s’entasser dans des mégalopoles, nourris par une agriculture industrielle à forts rendements, pour limiter leur empreinte !
(Résumé extrait du mensuel La Décroissance, novembre 2013 p.14)