(éditions le centurion,114 pages, 3,95 euros)
Rien dans l’introduction n’indique sur quoi veille ces trois veilleurs. Et même à la fin de l’ouvrage, on ne dit toujours pas explicitement qu’il s’agissait à l’origine de manifester contre le « mariage pour tous ». En effet les trois jeunes auteurs essayent de dépasser la polémique stérile et refusent la pensée binaire. Il n’est donc aucunement question de se faire le porte-parole d’un mouvement catholique, mais de traiter de la complexité du réel. C’est pourquoi il y a une profusion de citations d’auteurs, Thoreau ou Illich, et même Pièces et main d’œuvre : les références de fond sont bien présentes dans ce livre pour une écologie intégrale qui ne choisit « ni l’humain contre la nature ni la nature contre l’humain ». Les auteurs écrivent même que « ce que disent les objecteurs de croissance n’est pas si bête ». Cette complexité voulue du discours a cependant son inconvénient, on passe d’un thème à l’autre sans s’arrêter sur aucun : le statut de la famille, l’eugénisme, l’acharnement thérapeutique, PMA et GPA...
Mais il est bon que ce livre repose l’essentiel du message des écologistes, à savoir la nécessité de redéfinir « nos limites ». Quelques réponses sont abordées au cours de ce livre, l’illusion du désir, l’altérité sexuelle, la nécessaire adéquation d’une communauté au milieu environnant, le sens des frontières (nationales ou familiales), la recherche du durable, les circuits courts. Terminons par une citation qui donne l’idée générale de ce livre : « La liberté humaine ne saurait se déployer hors du cadre de notre condition, effectivement déterminée par un ensemble de facteurs irréductibles. »
1/3) citations
- A partir de quel seuil de développement un système n’est-il plus viable, durable, adapté à l’homme ?
- Un honnête homme n’a guère besoin de compter plus que ses dix doigts, ou dans les cas extrêmes peut-il y ajouter ses dix doigts de pied. (Henri David Thoreau)
- Le mot limite vient du latin limen qui signifie à la fois le sentier, le sillon, la trace et la frontière : la limite n’enferme pas, elle oriente
- Il n’y a plus de religion ou d’idéologie pour rassembler les foules, plus de boussole collective.
- OGM ou pilules contraceptives bouleversent les rythmes et les lois de la nature.
- Les OGM menacent la diversité génétique planétaire et privent les paysans de leur indépendance agricole et du droit ancestral d’échanger les semences.
- L’humain n’a plus d’autre essence que son désir, d’autre limite que son compte en banque.
- Jusqu’à présent, la croyance totalitaire que tout est possible semble n’avoir provoqué qu’une seule chose : tout peut être détruit (Hannah Arendt)
- Dès lors que tout est individuellement permis, plus rien n’est collectivement possible.
- Le transhumanisme estompe les distinctions entre le réel et le virtuel, entre l’humain et la machine.
- La conscience de notre finitude humaine est la condition de toute écologie.
2/3) Quelques valeurs pour les auteurs
- Chaque époque générant ses propres excès, on doit les contrebalancer par la tendance inverse. Ainsi, quand les sociétés sont marquées par le poids des structures traditionnelles, est-il bon de chercher à émanciper l’individu, tandis que celles-ci s’affaissent, il faut au contraire promouvoir un réenracinement.
- L’altérité sexuelle est la première grande différence structurelle qui nous donne à vivre l’expérience féconde du manque : homme ou femme, notre corps nous limite. L’individu est d’abord et toujours l’effet d’une cause. L’union d’un homme et d’une femme, ce lien politique fondamental, le précède et le fonde. Du Pacs au mariage soi-disant pour tous, en passant par la déjudiciarisation progressive du divorce, la famille n’est plus un fait indubitable, mais un choix subjectif toujours soumis à renégociation. Quand la famille-foyer explose, la famille-marché s’impose. La déconstruction systématique et l’émancipation désincarnée laissent en réalité l’individu seul et nu face aux nouveaux prédateurs du pouvoir et du marché. Défense du mariage, défense du bocage, même combat ! Celui des équilibres naturels.
- Les frontières sont ressenties comme des instruments de violence et de domination, au lieu d’être d’abord perçues comme les conditions sine qua non de la vie en commun dans un espace déterminé. Pour se différencier de l’intrusion ou de l’annexion, l’hospitalité requiert d’avoir une porte à ouvrir et un seuil à franchir. Pour pouvoir accueillir celui qui vient de loin, lui donner de la chaleur de son foyer, encore faut-il avoir un chez soi : un lieu stable, délimité, préservé de la violence du monde extérieur. A l’échelle d’une nation ou d’une maison, seule la frontière permet au visiteur d’être authentiquement accueilli. Un monde sans bornes est un monde sans rencontres. Ce qui cause la guerre, ce n’est pas la frontière, c’est son franchissement brutal. Le respect des frontières mettrait à l’abri d’une expansion colonialiste. Le « sasnfrontièrisme », loin d’être un humanisme, serait plutôt la révélation de l’angoisse d’une civilisation qui, ne sachant plus ce qu’elle est, noie son identité singulière dans une indistinction géographique. Les migrants économiques, clandestins ou légaux, sont les premières victimes de cette économie sans frontières, car la misère qui leur fait miroiter de lointains Eldorado les arrache à leurs foyers, à leurs familles.
3/3) Quelques ostracismes injustifiés
Il faut non pas, comme le prétendent certains malthusiens anthropophobes, diminuer drastiquement la population (en commençant par les plus pauvres, toujours suspects d’être irresponsables), mais bien plutôt diminuer drastiquement notre production et notre consommation.
L’antispécisme brouille les frontières du vivant en confondant l’homme et l’animal.