Ce sont les Anglais, à la pointe de la révolution industrielle au XIXe siècle, qui ont forgé le mot touriste à partir du mot français « tour ». A l’origine, le touriste désignait en effet les jeunes gens fortunés qui effectuaient le grand tour de France, et souvent par la suite des déplacements en Suisse, en Italie, en Grèce. Le voyage de formation, la lecture aristocratique du grand livre du monde, s’inscrivait alors dans une vie d’oisiveté. Maintenant l’invention des congés payés, l’élévation du niveau de vie, le développement de l’automobile et de l’avion ont généralisé le tourisme pour une frange toujours plus large de la population mondiale qu’on peut appeler la classe globale. Le tourisme, première industrie mondiale de service, source d’emplois, de dépaysement et de plaisirs, connaît une expansion prodigieuse : en 2020 on prévoit un milliard et demi de touristes, soit 7 % de la population mondiale qui se déplace. Ces voyages ne relèvent pourtant ni du désir individuel, ni de la nécessité, on s’en va parce que tout le monde part, on obéit à l’injonction de l’industrie du tourisme. Ce tourisme de masse n’est pas durable, pour l’accueillir on bétonne, on dénature, on paupérise, c’est le grand saccage des communautés autochtones qu’on transforme en folklores. En fin d’excursion lointaine, le touriste se hâte de rentrer chez lui, toujours étranger à ses lieux de séjour successifs et aux populations rencontrées : il se contente de remplir un album de souvenirs personnels après avoir parasité une vie sociale ou un lieu de rêve. Vous devez être des voyageurs immobiles, il y a suffisamment de moyens de communication pour faire le tour du monde dans son fauteuil, il y a suffisamment de richesses relationnelles et naturelles près de chez vous pour vous en contenter.
Touristes de tous les pays, unissez-vous,
Restez chez vous.