« La machine automate incarne la croissance continue et illimitée de l’emprise sur le milieu naturel et humain, alors même qu’elle épuise ce milieu et provoque ainsi sa fin. En fait, presque personne ne remarque le gigantesque système technique à l’œuvre dans la vie quotidienne. La minuscule prise de courant sur laquelle brancher la télé est reliée à des transformateurs, des lignes haute tension et la centrale atomique. Le skieur qui ne s’occupe que de la réussite de ses vacances peut-il glisser sur une neige vomie par des canons alimentés par l’eau qu’on est allé chercher deux mille mètres plus bas dans la rivière sans se poser quelques questions ? Les objets techniques qui constituent cette mégamachine sont hétérogènes, mais liés entre eux dans une infrastructure réticulaire sous surveillance constante. Ce recouvrement domaine public/privé entraîne la dépendance accrue du citoyen par rapport au pouvoir. Les nœuds de pouvoir (écoles, usines, prétendues expertises, etc.) diffusent des normes technoscientifiques adaptées à la stratégie des multinationales : brancher le plus de monde possible sur le poumon artificiel afin de nous rendre tous dépendants, matériellement et moralement, du progrès technique. » (In Fragilité de la puissance d’Alain GRAS)