L'écologie passe aussi par l'électronique
Un clip de Volkswagen pour la Passat Bluemotion moquait l’illusoire « retour à la bougie », credo attribué à une communauté d’écologistes radicaux cherchant vainement à n’émettre aucun gramme de CO2. Dès que je critique la société des écrans sur mon blog, un commentateur exige que je n’utilise pas mon ordinateur ! Employons des arguments sérieux, ne nous envoyons pas des bougies et des pavés numériques à la figure.
Internet est un moyen génial pour un militant comme moi de diffuser ses analyses. Mon bi-mensuel est envoyé à près de 1500 correspondants d’un simple clic. Mais cela ne peut m’empêcher d’écrire qu’Internet est un moyen technique qui n’existait pas autrefois, qui progresse fortement aujourd’hui et qui disparaîtra demain.
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Une pensée personnelle ne porte pas très loin si tu n’essayes pas de la faire partager. J’ai commencé par écrire en 2001 un gros livre, plus de 500 pages, qui récapitulait la somme de mes connaissances économique, sociologique, politiques et bien sûr écologiques : Pour une biographie de l’humanité, journal d’un humain ordinaire. A ma demande, Yves Fremion commente mon manuscrit : « ça ne manque pas d’intérêt, mais quel pavé ! Se pose la question du but de cette entreprise : si ce n’est perçu que comme l’opinion d’un individu inconnu cela n’intéressera personne. » Il avait bien raison, aucune maison d’édition n’en a voulu en 2002… Les comités de lecture préfèrent sélectionner un gars déjà connu, même s’il n’a écrit qu’un navet sans importance. Seule la notoriété fait vendre dans notre culture de masse.
Je condense l’année suivant mon pavé sous la forme d’un Dictionnaire des apparences. Le bide à nouveau ! Je m’accroche, j’essaye de rebondir, de penser autrement. Notre époque facilite la circulation des idées grâce à Internet, cette formidable cyber-poubelle essayons ! Je ne connais rien à la création de site, j’en parle à un ex-collègue de lycée avec lequel je m’occupais des échecs. Pas écolo pour un sou, mais passionné d’informatique. Je lui envoie des textes et miracle ! Un jour, le 28 avril 2005, il me dit d’aller sur un site http://biosphere.ouvaton.org/. Mon site est créé, mes premiers articles y sont visibles. J’ai commencé à le nourrir du contenu de mes fiches et de mes livres. J’ai réalisé que je n’avais plus besoin d’éditeur, j’étais devenu mon propre éditeur. Comme j’étais assez provocant, le titre de mon site est virulent : Biosphère nous dit : « décroissance humaine ». Plus fondamentalement ce site se veut une source de documentation, je n’oublie pas ma vocation de formateur : un lexique, beaucoup de résumés de livres, un billet quotidien d’analyse de l’actualité… Tous les jours, j’envoie un texte au concepteur du site, Daniel Lavie, qui le bascule sur Internet. Pour les grandes vacances, j’envoie 30 textes d’un coût, Daniel peut nourrir le site chaque jour pendant un mois. Mais toute collaboration a une fin. Difficile de rester sur la même longueur d’onde avec autrui. Nous mangions ensemble au restaurant, nous marchions ensemble, mais nos discussions tournaient en rond. Il ne croyait pas au déterminisme culturel, il ne croyait pas à l’écologie, il ne croyait pas au réchauffement climatique, il avait foi en la technique.
En mars 2010, c’est d’ailleurs la question de la technique qui va entraîner le divorce. Voici notre dernier échange par courriels interposés. Lui : « Tu te souviens, comme moi, des débats stupides à propos de la calculatrice à l'école. Les enfants ne sauront plus compter... les techniques graphiques de la division et de l’extraction de la racine carrée (imbéciles) étaient défendues contre la nouvelle technologie. » Moi : « La calculatrice a été la prémisse de cette désorganisation mentale de la jeunesse qui pense que la machine peut réfléchir à sa place ; les jeunes ne savent plus faire une proportion par eux-mêmes. Quant aux racines carrées, combien d'élèves les utiliseront dans la vraie vie ? Ce que je sais, c'est que l'écran du portable est devenu une drogue dans les établissements scolaires et que le sms envoyé par le copain est devenu plus important que le discours du prof. Sans parler des profs qu'on essaye de faire sortir de leurs gonds pour pouvoir les filmer et envoyer ça sur Internet. J'aurais beaucoup d'autres choses à dire sur l'intoxication par les écrans, mais il suffit de regarder ce que proposent les différentes chaînes de télé. etc. etc. » Daniel Lavie s’est contenté de répondre : « Tu n'analyses rien. Tu calcules avec une courte vue. Tes textes sont - et tu le sais - consternants. » Peu de temps après cet échange, ce professeur de mathématique à la retraite a bousillé mon (notre) site, comme ça, sans m’avertir. Il en avait la clé, il a tout effacé. J’ai été obligé de tout recommencer à zéro ! C’est ainsi qu’agissent en général les technolâtres, par le refus de l’échange... ils sont tellement habitués à ce que la technique pense à leur place. Daniel ne relayait mon discours écolo que par amour pour la transcription Internet.
Un jeune qui savait maîtriser Joomla m’a reconstitué le site biosphere.ouvaton en modernisant la page d’accueil. Le site est devenu « réseau de documentation des écologistes activistes ». Mon réseau, que je gère tout seul, veut donner aux écologistes quelques moyens de comprendre et critiquer la société thermo-industrielle actuelle. Maintenant à la retraite, je peux continuer à former par Internet interposé ; ma vocation d’éducateur reste intacte. Grâce à mes archives, je peux reprendre la bibliothèque, le lexique, les repères de toutes sortes… qui existaient sur mon ancien site. J’ai transcris toutes les connaissances antérieures que j’avais accumulées, des centaines et des centaines de pages. Sauf que cette fois, c’est directement mes doigts qui alimentent le site.
Une nouveauté en page d’accueil du site, une présentation des actions en cours que je reçois par courriel ; je relaye, comme si j’étais une agence de presse à moi tout seul. Mon positionnement est clair : « Dans notre réseau, il n’y a ni adhésion formelle, ni cotisation, ni leader ; ton anonymat sera préservé si tu le veux. Tu recevras tous les quinze jours. Nous t’accompagnons dans ta réflexion militante personnelle grâce aux informations contenues dans notre site que tu peux nourrir de tes connaissances (fiches de lecture, etc.) et de ton action. Nous ne soutenons aucun groupe, parti ou religion en particulier car seul importe pour nous la recherche de l’épanouissement de Soi avec et à travers celui des autres formes de vie sur Terre. Devant l’urgence écologique, l’important est d’agir chacun à notre échelle même si le résultat n’est pas garanti… Faites ce que vous devez faire, tel est le message principal à la base de notre réseau d’écologistes. » J’envoie une synthèse bimensuelle à des centaines de correspondants, Biosphere-Info. Malgré tous mes efforts, les retours sont rares. Peu de personnes m’envoient des analyses et le réseau est très peu utilisé par les militants du parti EELV, Europe Ecologie Les Verts. Les écologistes n’ont pas encore grand chose à dire. Moi, j’ai tant de choses à leur dire…
Mon engagement électronique est même double. En plus de mon site biosphere.ouvaton.org, je gérais directement depuis 2005 un blog biosphere.lemonde.fr offert par le groupe LE MONDE à ses abonnés. En tant que professeur de SES, le quotidien LE MONDE était mon instrument de travail depuis 1975. Je le lisais tous les jours, j’en faisais souvent un commentaire. Le premier article de mon blog le 13 janvier 2005 résulte d'un évènement relayé par les télévisions du monde entier, le tsunami dans le Pacifique. J'ai mis en parallèle le traitement sur-médiatisé des conséquences du tsunami sur les humains d’une part, et d'autre part une information isolée sur la disparition prochaine des primates :
« D'un côté le tsunami pourrait faire aujourd'hui 150 000 victimes humaines, de l'autre chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D'un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d'humains, de l'autre l'activité de ces mêmes humains élimine complètement leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D'un côté les aides publiques d'urgence en faveur de l'Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l'autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l'irrésistible baisse des populations de primates.
L'humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l'autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n'a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l'humanité s'apitoie sur son propre sort, mais elle n'a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d'absurde sur cette planète.. »
Il y a en effet quelque chose d’absurde sur notre planète. C’est ce qui motive mes efforts, aider à renverser l’ordre existant, retrouver la sagesse derrière l’incohérence des affaires humaines. Cette première contribution "Solidarité avec les bonobos" a été suivie par une analyse de plus en plus régulière de l'actualité, jusqu'à pouvoir écrire chaque jour un article, quasiment 365 jours sur 365. Je mesurais ainsi toujours davantage l'ampleur des risques que l'activisme humain entraîne pour les écosystèmes qui nous font vivre. Voici la rubrique « A propos » qui présente le blog :
« La déformation de l’information est perceptible dans une société dont l’idéologie dominante nous a fait oublier depuis deux siècles les limites de la planète et le sens des limites. Alors que la situation actuelle devrait nous inciter à la simplicité du mode de vie et à la sobriété énergétique, c’est toujours l’achat de la plus récente automobile qui structure les pages du MONDE et qui manipule la pensée collective.
« Ce blog s’est donc donné pour objectif depuis début 2005 de commenter le quotidien LE MONDE, le journal qui nous semble le plus « objectif » de la presse française. Si nous sommes personnellement satisfaits de l’éventail des connaissances que nous fournissent ce quotidien, nous ne sommes pas entièrement convaincus par la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation. Car qu’est-ce qui fait sens ? Quelle place relative donne-t-on à tel évènement ou à telle démarche ? Quel doit être le commentaire pertinent d’une information ? Quelle est l’idéologie qui sous-tend l’article d’un journaliste ? LE MONDE n'est pas à l'abri des critiques.
« Historiquement les premiers journaux n’étaient que de simples instruments pour organiser le bavardage, et ils le sont plus ou moins restés. Ce blog veut rompre avec le bavardage, c’est la tentative désespérée de porter un autre regard sur l’évènement, un regard un peu moins économico-libéral, un peu moins anthropocentrique, un regard que nous voudrions plus ouvert, plus glocal plus écolo. Pour que change LE MONDE... » Glocal signifiant « penser globalement et vivre localement ».
J’ai mis en relation le site et le blog, ce qui fait qu’on peut passer de l’un à l’autre de multiples manières. J’ai fait personnellement tout ce qu’il m’était électroniquement possible de faire pour alerter nos populations sur l’urgence écologique. Mais cela ne suffit pas, il me faut aussi rechercher le collectif et les associations sont là pour ça…
Pour lire la suite, en choisissant son propre chemin :
01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion
02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas
03. En faculté de sciences économiques, bof !
04. Premiers contacts avec l’écologie
05. Je deviens objecteur de conscience
06. Educateur, un rite de passage obligé
07. Insoumis… puis militaire !
08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales
09. Du féminisme à l’antispécisme
10. Avoir ou ne pas avoir des enfants
11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs
12. Ma tentative d’écologiser la politique
13. L’écologie passe aussi par l’électronique
14. Mon engagement associatif au service de la nature
15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience
16. Ma pratique de la simplicité volontaire
17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes
18. Techniques douces contre techniques dures
19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie
21. Ma philosophie : l’écologie profonde