Comment la vision profondément subversive de l’écologie politique des années 1970 a-t-elle laissé place au très consensuel développement durable alors que la liste des manifestations de la crise environnementale est quasiment infinie ? D’abord parce que le mot développement durable (DD) semble lui-même pris d’une croissance infinie à un tel point qu’on peut parler de concept glouton. Ensuite parce qu’il est adapté au capitalisme. Mais sur une planète où les inégalités vont croissantes, où la misère demeure au cœur de l’abondance, où l’hybris productiviste fait chaque jour des ravages à la nature et à l’homme, il faudra un peu plus que le bienveillant DD pour apporter un changement.
1) le développement durable ou l’écologie par en haut
Le DD recouvre tout à la fois des comportements individuels, des politiques publiques, des stratégies d’entreprise, un marketing, etc. Mais les tenants du DD se contentent de demander une réorientation de l’économie afin de préserver à long terme le système capitaliste existant, afin de le rendre durable. Donc rien ne garantit que ce processus puisse effectivement rendre conviviale ou autonome la société dans son rapport à la nature. En un sens, le DD réactive au contraire la vieille idée de maîtrise rationnelle de la nature. Il se pourrait même que l’environnement soit utilisé pour justifier de nouvelles extensions du capitalisme, de la sphère de l’Etat, de la domination technoscientifique, etc. Les adeptes du DD pensent une écologie par en haut, centralisation, planification, technique, technocratie. Un mot émerge dans le rapport Brundtland, c’est le mot gestion, nouvelle gestion, gestion intégrée. Le DD se contente de mobiliser des ressources techniques afin de résoudre des problèmes techniques de survie de l’espèce.
Mais la prise de l’homme sur l’outil s’est transformée en prise de l’outil sur l’homme. Devant une amélioration de l’offre de transports (par exemple une nouvelle ligne de métro), les individus en moyenne ne choisiront pas de diminuer leur temps de transport vers le centre, mais ils iront s’installer plus loin en périphérie. Il y a hétérorégulation généralisée qui s’inscrit dans un mouvement plus large de destruction de la société civile par l’Etat. Par ce terme société civile, il faut entendre l’ensemble des relations que les individus tissent entre eux, sur une base réciproque, en dehors de cadres institutionnels, en particulier celui de l’Etat. Il s’agit des relations nouées au niveau du quartier, de la communauté, des rapports d’entraide et de solidarité. L’Etat détruit ce tissu social au profit d’un mode assistanciel, paternaliste.
Le DD fait de la gestion environnementale, il ne fait pas de politique. Quand le DD met au cœur de la démocratie des procédures participatives, c’est pour leur fonction instrumentale : il s’agit de faciliter la remontée de l’information vers le pouvoir central et de mieux faire admettre les projets décidés en amont. C’est l’écologie par en haut.
2) l’écologie politique ou l’écologie par en bas
Les premiers penseurs de l’écologie demandaient une remise en cause fondamentale de nos modes de vie, en appelaient aux valeurs d’autonomie, d’autogestion, de décentralisation, de critique de la technique, de dépassement du capitalisme. L’écologie politique dénonce la spécialisation de nos sociétés (fondée sur la division croissante du travail) et la perte d’autonomie qui en découle. Les solutions « techniques » aux problèmes environnementaux apparaissent comme un leurre, en tendant non à réduire la croissance, mais à lui donner de nouvelles ressources. Pour l’écologie politique, le développement même de la technique est ce qui pose problème. Il n’y a pas neutralité de la technique, le développement technique est lié à celui du monde industriel et à la destruction de la nature par le mode de production capitaliste. L’écologie politique prend aussi le contre-pied d’une certaine gauche productiviste et autoritaire. Par exemple à propos des nationalisations, il n’y a aucune différence entre un Etat au service des multinationales et des multinationales au service de l’Etat. Pourquoi l’Etat serait-il nécessairement moins exploiteur que certaines sociétés ou certains individus ?
Le salut passe par la sortie du système étatique en élaborant des microsociétés de base, se gouvernant elles-mêmes, associées entre elles. La recherche d’autonomie se traduit par l’autolimitation. Au niveau collectif, l’autonomie de la société signifie la capacité de subvenir à ses propres besoins sans mettre en danger les cycles écologiques ou les ressources naturelles. Il y a autorégulation conviviale. Ivan Illich appelait conviviale une société où l’outil moderne est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. Conviviale est la société où l’individu contrôle l’outil. L’homme a besoin d’un outil avec lequel travailler, non d’un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d’une technologie qui tire le meilleur parti de l’énergie personnelle, pas d’un outillage qui l’asservisse et le programme. Un exemple de reconquête de l’autonomie serait la création d’ateliers communautaires autogérés, à l’échelle des quartiers. Dans cette optique, tout le monde peut être son propre médecin (au moins pour la plupart des affections courantes) et l’éducateur de ses enfants. Le simple fait d’utiliser des objets construits pour durer et pour être réparable facilement par tout un chacun est déjà un pas vers plus d’écologie et moins de production.
L’écologie politique place enfin au cœur de ses préoccupations l’exigence démocratique. En tant qu’elle considère les individus comme fondamentalement égaux et responsables, elle ne peut que promouvoir une version forte de la démocratie. La sphère du débat et la sphère de la décision sont peuplées des mêmes personnes. C’est l’écologie par en bas.
conclusion
Comprendre qu’il y a une limitation des ressources ne définit en rien une politique précise, on peut en tirer des conclusions diamétralement opposées. Par exemple avec l’écologie par en haut l’industrie nucléaire, loin de subvenir à des besoins préexistants, cherche à créer de nouveaux besoins pour justifier son développement. Avec l’écologie par en bas, il est impossible de séparer la question de la production de l’énergie de celle de son utilisation. Ainsi il est vain de se demander si le nucléaire peut subvenir aux besoins en énergie avant de questionner ces « besoins ». Selon André Gorz, « Refuser le programme nucléaire, c’est refuser la logique du capitalisme et le pouvoir de son Etat (…) Le capitalisme de croissance est en crise non seulement parce qu’il est capitaliste, mais aussi parce qu’il est de croissance ».
En refusant le culte de la croissance, le socialisme réussirait à se débarrasser d’une erreur stratégique. Car une critique radicale du développement durable porté par le capitalisme devrait permettre de dépasser l’idée que l’écologie politique ne serait ni de gauche, ni de droite. Comme le dit René Dumont : « Lorsque j’emploie le terme d’écologie socialiste, je veux dire ceci : une société respectueuse exige une certaine austérité – par opposition au gaspillage -, et cette austérité n’est acceptable qu’avec une réduction marquée des inégalités ».
en complément, compte-rendu de lecture par Julie CELNIK
FELLI Romain (2008), Les deux âmes de l’écologie. Une critique du développement durable, L’Harmattan, Paris, 102 p.
Romain Felli, géographe et politologue, enseigne l’histoire des idées politiques à l’Université de Lausanne. Spécialiste de philosophie de l’écologie, ses travaux portent notamment sur les relations qui existent entre environnement et organisations sociétales, sur la gouvernance de l’adaptation au changement environnemental, ainsi que sur la démocratie participative.1
1/5) Les deux faces de la pensée écologiste
Les deux âmes de l’écologie. Une critique du développement durable, paru en 2008 mais rédigé principalement en 20052, est l’une des premières publications de l’auteur. Depuis, R. Felli a contribué à des revues académiques classiques3, mais aussi à des revues telles que Le Sarkophage, ou Ecorev (Revue critique d’écologie politique). Ces deux dernières publications indiquent assez clairement son affinité avec le courant de pensée des objecteurs de croissance français. D’ailleurs, dès le sous-titre de l’ouvrage, l’avertissement est donné : il s’agit d’une critique du développement durable. Mais loin de constituer un pamphlet acerbe, la critique de R. Felli est étayée d’une comparaison, méthodique, entre écologie politique et développement durable, qu’il appelle « les deux âmes de l’écologie ». Par analogie avec le penseur marxiste Hal Draper, qui évoque les deux âmes du socialisme4, il nomme respectivement ces deux pôles de l’écologie : « l’écologie par en bas » et « l’écologie par en haut ».
En effet, R. Felli considère qu’il y a deux courants de pensée dans l’écologie, « deux tendances (…) délimitant les deux pôles d’une pensée politique des rapports de l’être humain à la nature » (Felli, p.13). Alors que l’écologie par en bas repose sur la tradition du socialisme autogestionnaire, libertaire et altermondialiste des années 1970, l’écologie par en haut repose sur trois tendances (naturaliste, autoritaire, technocratique), dont la troisième domine aujourd’hui, incarnée par le développement durable. Selon lui, l’idée communément admise d’un lien direct entre les luttes écologistes des années 1970 et l’écologie dominante contemporaine résulte d’une vision simpliste, voire totalement erronée de la pensée écologiste. C’est ce « mythe de la continuité entre écologie [politique] et développement durable » (Felli, p.10) que R. Felli tente de déconstruire à travers son ouvrage.
2/5) Comparaison de doctrines politiques selon la méthode wébérienne de l’idéal-type
D’un point de vue méthodologique, R. Felli opère une comparaison synchronique entre les deux théories politiques de l’écologie qu’il a précédemment identifiées. En s’appuyant sur la méthode wébérienne des types-idéaux5, il met en exergue les pôles vers lesquels tendent chacune de ces deux doctrines. La démonstration de l’auteur est structurée de façon relativement binaire, autour de chacune des principales oppositions observées entre écologie politique et développement durable. Il oppose notamment « les idées d’autonomie, d’autogestion, de décentralisation, de critique de la technique, de dépassement du capitalisme pour l’écologie par en bas, et de centralisation, de planification, de technique, d’expertise pour l’écologie par en haut » (Felli, p.13).
Les grands chantiers qui animent la pensée écologiste sont analysés selon un jeu de miroir entre vision de l’écologie politique, et vision du développement durable. L’objectif est de montrer qu’il s’agit d’oppositions conceptuelles, philosophiques, et qu’elles « ne peuvent être réduites à quelques divergences d’interprétation ou d’opinion » (Felli, p. 86).
3/5) Visées d’autonomie ou de survie et leurs déclinaisons
Pour l’auteur, la plus importante des oppositions concerne le principe moteur de l’écologie politique et du développement durable : autonomie pour la première, survie pour le second. La survie est en effet l’objectif premier des tenants d’une écologie par le haut ; survie de l’espèce humaine (en termes biologiques), survie du support des sociétés humaines (la planète et les ressources naturelles), et enfin survie de l’économie (modes de vie et de production). C’est en tout cas ce qui est annoncé dans le rapport Brundtland, bible des développement-durabilistes, et sur lequel R. Felli appuie sa critique. En revanche, l’idée de survie n’est pas totalement absente de la pensée de l’écologie politique, mais elle rattachée à celle d’autonomie, mot d’ordre des écologistes « par en bas », notamment A. Gorz et C. Castoriadis. L’autonomie renvoie à deux niveaux (individuel et collectif) et se traduit par l’autolimitation, ou « autorégulation » (Gorz). Elle s’oppose à la spécialisation des fonctions, à l’instauration d’un clivage experts / population, et plus largement, à une hétérorégulation centralisée. Pour R Felli, l’écologie politique fait le choix « politique et éthique de l’autorégulation » (Felli, p.32), souhaitant voir éclore une « société conviviale » (Illich), anti-productiviste et profondément démocratique (comptant sur la volonté des êtres humains de s’autogouverner).
Ce clivage originel induit d’autres oppositions, concernant notamment l’espace-temps de l’action écologiste (pour les générations présentes ou futures), sa dimension scientifique ou volontariste, l’usage de la technique (R. Felli prend le nucléaire comme exemple), l’appropriation du pouvoir politique (par les experts ou les citoyens) et son application (démocratie ou participation) dans un cadre défini (Etat ou société civile).
R. Felli montre que le développement durable part du principe de survie de l’humanité, et agit au nom des générations futures en se basant sur des savoirs scientifiques (crise environnementale) et techniques (e.g. l’écologie industrielle) pour conserver et rendre plus durable (dans le temps) le modèle économique capitaliste, en s’appuyant sur un appareil étatique puissant pour mettre en œuvre ses solutions techniques. A l’inverse, l’écologie politique avec sa visée d’autonomie est présentée comme subversive, posant une radicale égalité entre les individus, se méfiant de la technique (comme domination et non comme modernité), critiquant la volonté de puissance de la société industrielle étatique croissanciste. Elle prône l’autolimitation (politique et économique), la démocratie directe par une société civile politisée, et un bouleversement des modes de production. (Felli, p.85)6
La pertinence et l’intérêt de cette comparaison entre écologie politique et développement durable tient dans le fait que R. Felli ne se contente pas de juxtaposer les positions propres à chacune des 2 tendances, pour montrer les différences ; il procède par va-et-vient réguliers, et mieux encore, il analyse les critiques faites par les tenants du développement durable à ceux de l’écologie politique, et vice versa. Ce qui permet de montrer que chacune des deux faces de l’écologie est consciente de l’autre et s’y oppose. Comme le rappelle R. Felli : « il faut considérer que le développement durable ne s’est pas construit sur ou à la suite de, mais contre l’écologie politique » (Felli, p.13).
4/5) Le développement durable, ou la suprématie d’un concept bisounours7
Comme le constate R. Felli en introduction de son ouvrage, aujourd’hui « le développement durable tient désormais lieu de discours hégémonique sur l’environnement » (Felli, p.8) ; en conclusion, il attribue cette hégémonie au « triomphe du consensus » (p.90). Le « Dédé » est pour lui un « concept kitsch »8 en ce qu’il concentre « les attributs (…) d’un monde où règne l’harmonie et la bonne volonté, bien loin de la réalité sordide de l’exploitation capitaliste » (p.88). Le développement durable est l’expression d’une « synthèse non-dialectique des contraires » (p.89) : l’objectif pour le système capitaliste en place est de faire disparaître les contradictions entre croissance infinie et ressources limitées, soit disant au nom de la survie de l’espèce humaine. Il s’agit ainsi de nier la possibilité de réfléchir à un autre modèle de société, en raison de l’urgence environnementale, mise en avant par les tenants du développement durable (qui sont selon R. Felli bien plus « catastrophistes » que les partisans de l’écologie politique). Le développement durable présente ses solutions comme les seules possibles, et ce faisant, renforce l’axiome du « There is no alternative » employé par la pensée néo-libérale pour naturaliser le système actuel9.
Les penseurs de l’écologie politique des années 1970 craignaient une réappropriation de leurs thématiques par le capitalisme (Felli, p.25). L’analyse de R. Felli leur donne raison, à ceci près que l’écologie capitaliste, incarnée par le développement durable, n’est définitivement pas une écologie radicale : il s’agit de panser les plaies ouvertes, et non de penser les maux. Le développement durable fait de la « gestion environnementale » pour reprendre l’expression de l’auteur (p.43). A l’inverse, l’écologie politique « se veut radicale et prend les choses à la racine » (p.90) ; elle remet en cause le fonctionnement profond de la société, et porte une vision radicale de rupture avec le système industriel de croissance. Ce dualisme mis en avant par R. Felli entre en résonance avec l’opposition Shallow / Deep Ecology développée par une partie des écologistes nord-américains.
5/5) Une troisième âme de l’écologie : la philosophie de la Deep Ecology et son aile constructrice, le biorégionalisme
A la lecture de l’ouvrage de R. Felli, on regrettera l’absence de l’écologie profonde dans son étude des principales doctrines écologistes. Si elle est brièvement évoquée en début d’analyse, la pensée de l’écologie profonde est totalement mise à l’écart, notamment en raison des travaux de D. Bourg auxquels R. Felli se réfère10. D. Bourg, comme L. Ferry11 avant lui, et comme la quasi-totalité des intellectuels français encore aujourd’hui, maintiennent un embargo sur l’écologie profonde, considérant qu’il s’agirait d’un totalitarisme vert, d’un antihumanisme, voire d’un néo-nazisme12. Le chauvinisme humain si profondément ancré dans la pensée écologiste française empêche toute réflexion sérieuse sur une reformulation ontologique des rapports de l’homme à la nature, ambition de l’écologie profonde13. L’analyse de R. Felli n’échappe pas à la règle ; mais il ne s’agit pas tant d’un manque de la part de l’auteur, que d’un silence des écologistes français sur cette question, qu’il soient partisans d’une écologie politique subversive ou d’un développement durable mou.
Pourtant, la doctrine de l’écologie politique a beaucoup à voir avec la philosophie de la Deep Ecology, et plus particulièrement avec son aile constructrice, le biorégionalisme. R. Felli établit d’ailleurs un lien, voire une filiation, entre la pensée de l’écologie par le bas et la pensée de R.W. Emerson et H.D. Thoreau, précurseurs d’une éthique environnementale écocentrée (Felli, p.23). Mais ce changement de regard sur la relation homme-nature n’est pas la priorité de l’écologie politique française, qui bien que subversive, voire « révolutionnaire » (p.82), reste foncièrement anthropocentrée.
Outre-Atlantique, chercheurs comme militants se sont emparés pleinement de la question de l’éthique environnementale. Champ de recherche universitaire à part entière14, l’éthique environnementale, ou « philosophie de l’écologie », constitue aussi le socle théorique d’un militantisme écologique radical. Des trois principaux courants environnementalistes états-uniens15, celui qui s’apparente le plus à l’écologie politique décrite par R. Felli est sans aucun doute l’écologie radicale écocentrée, notamment le biorégionalisme.
Le biorégionalisme, comme l’écologie politique, se veut un modèle de société en rupture avec la société industrielle de croissance. Ce courant de pensée repose sur le concept de biorégion, espace géographique naturel homogène, auquel la population humaine (perçue comme espèce), s’intègre en perturbant au minimum les équilibres naturels. Les notions de « reinhabitation » et « living-in-place » sont centrales, impliquant « une relation d’interdépendance et d’échange avec l’écosystème de la biorégion »16 selon P. Berg, fondateur du mouvement biorégionaliste. On retrouve la visée d’autonomie, à l’échelle d’une biorégion, qui est subordonnée à cette volonté de vivre en harmonie avec le milieu naturel immédiat. Ainsi, pour le biorégionalisme « une gouvernance décentralisée écologique et démocratique [est] son droit inaliénable »17. A l’instar de l’écologie par en bas décrite par R. Felli, la pensée biorégionale s’appuie sur le savoir et l’expérience des habitants pour gouverner, selon une logique bottom-up et localisée. Le biorégionalisme est donc en opposition forte avec les institutions gouvernementales actuelles, bureaucratiques et centralisées. Il en va de même concernant la figure de l’expert, décrite par R. Felli comme la tête pensante du développement durable, et à laquelle l’écologie politique et le biorégionalisme opposent la figure du citoyen.
D’autres ponts peuvent être établis entre pensée de l’écologie politique et pensée biorégionale ; la principale similitude étant une remise en cause du fonctionnement profond de la société. Ces deux alternatives politiques, l’une francophone et anthropocentrée, l’autre anglophone et écocentrée, n’ont pas su s’imposer sur « le marché des idées » (Felli, p.86), en partie faute de demande de la part d’une société en apparence sans choix face au désastre écologique annoncé. Aujourd’hui, comme le souligne R. Felli en conclusion de son ouvrage, le développement durable a remporté la bataille. A quand la revanche ?
Julie CELNIK (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
Annexe :
1 Il a notamment publié : « Neoliberalising adaptation to environmental change: foresight or foreclosure?» Environment and Planning A 44, pp. 1-4, 2012 ; « Pouvoir, échelles et Etat : l’impasse ‘localiste’ de l’écologie par en bas », in Entropia, n°9, pp. 148-157, 2010 ; « Justice globale pour les réfugié-e-s climatiques ? », in Asylon(s) 6, 11-2008. ; « ‘Semper crescis... aut decrescis.’. Croissance de la décroissance », in EspacesTemps.net, 2008.
2 Informations recueillies lors d’une correspondance par email avec l’auteur.
3 Espace Temps ; Swiss Political Science Review ; Review of International Political Economy.
4 DRAPER Hal (1966), « The Two Souls of Socialism », in New Politics, 5(1), pp. 57-84. H. Draper parle de « socialism from below » et de « socialism from above ».
5 Voir COENEN-HUTHER Jacques (2003), « Le type idéal comme instrument de la recherche sociologique », in Revue française de sociologie, Vol. 44, pp. 531-547.
6 Cf en annexe, le tableau issu de l’ouvrage de R. Felli reprenant les « types idéaux des deux âmes de l’écologie ».
7 Formulation personnelle.
8 Reprenant cette formulation de « concept kitsh » à Dario Lopreno.
9 Voir ROTHE Bertrand ET MORDILLAT Gérard (2011), Il n'y a pas d'alternative, Seuil, Paris.
10 Voir BOURG Dominique (1996), Les scénarios de l’écologie, Hachette, Paris. D. Bourg distingue trois catégories d’écologie politique : l’écologie profonde, l’écologie totalitaire (de H. Jonas) et l’écologie démocratique. C’est à ce troisième courant que se réfère R. Felli pour parler de l’écologie par le bas.
11 Voir FERRY Luc (1992), Le nouvel ordre écologique. L’arbre, l’animal et l’homme, Grasset, Paris.
12 Voir LANASPEZE Baptiste (2007), « L’écologie profonde n’est pas un ‘totalitarisme vert’ », Biosphère, http://biosphere.ouvaton.org/index.php?option=com_content&view=article&id=570:2007-lecologie-profonde-nest-pas-un-qtotalitarisme-vertq-par-baptiste-lanaspeze&catid=92:annee-2007&Itemid=58, consulté le 10/11/12.
13 Exception faite de M. Serres, E. Morin, C. Larrère, B. Latour, H-S. Afeissa, P. Descola.
14 Une revue académique y est consacrée depuis 1979 (Environmental Ethics), ainsi que plusieurs chaires d’enseignements et de recherche depuis les années 1980. Voir AFEISSA Hicham-Stéphane (2008), « Ethique environnementale », in V. BOURDEAU et R. MERRILL (dir.), DicoPo, Dictionnaire de théorie politique, http://www.dicopo.fr/spip.php?article112, consulté le 27/03/11.
15 Voir CELNIK Julie et DURAND Frédéric (2012), «L’essor des préoccupations environnementales en Amérique du Nord », in GIBAND David (coord.), L’Amérique du Nord au XXIème siècle : enjeux, défis et perspectives, Ellipses, Paris, pp. 119-131.
16 Voir DE BENOIST Alain et MARMIN Michel (2001), « Aux sources du biorégionalisme » (entretien avec Peter Berg), in Eléments, n°100, http://grece-fr.com/?p=3515, consulté le 25/08/12. Notons qu’Alain De Benoist est l’une des principales figures de la droite française, fondateur du mouvement de la « Nouvelle Droite », à laquelle ne se reconnaît pas du tout P. Berg et les biorégionalistes : cet entretien réalisé par De Benoist montre en revanche une récupération politique des théories biorégionalistes par une partie de la droite.
17 ABERLEY Doug (1999) « Interpreting Bioregionalism. A Story from Many Voices », in MC GINNIS Michael (ed.), Bioregionalism, Routledge, NY, p. 25 (traduction personnelle de : « democratically defined and ecologically decentralized governance was its unalienable right ».