livre collectif WWI, Vers une prospérité durable, RIO + 20
Sous le titre original de Moring Toward Sustainable Prosperity, la dernière édition du Worldwatch Institute dresse une synthèse des enjeux les plus important qui auraient du être débattus récemment par le Sommet de la Terre à Rio, vingt ans après celui de Rio en 1992. Mais la planète continue de brûler et nous regardons toujours ailleurs. Nous avons privilégié le chapitre montrant que la décroissance économique succède inéluctablement à une société de croissance, que la démographie est aussi du domaine de la politique et que nous ne faisons jamais assez attention au poids écologique de nos dépenses ordinaires, en particulier celles afférentes à nos animaux domestiques… Voici quelques extraits :
1/3) Economie : La voie de la décroissance pour les pays surdéveloppés (Erik Assadourian)
L’accélération du réchauffement de notre Terre et le déclin des services écosystémiques confirment que la décroissance économique est indispensable. En effet, une croissance économique continue est source de dérèglements écologiques, qui engendreront des problèmes bien pires encore. La liste des effets secondaires du sur-développement ne se limite pas à l’obésité : la charge de la dette, la durée élevée du temps de travail, les dépenses pharmaceutiques, le temps passé dans les transports, l’augmentation de l’isolement social, etc. Mais la société est tellement impliquée dans la croissance que même certains écologistes et experts du développement durable continuent de défendre l’idée d’une croissance « verte ». Plus de la moitié des Etats-uniens considèrent la climatisation et le sèche-linge comme des produits de première nécessité ! C’est pourtant d’une transformation en profondeur qui réduirait la taille de l’économie d’au moins un tiers dont nous avons besoin.
En 2010, Barcelone a organisé la seconde Conférence internationale sur la décroissance économique pour la durabilité écologique et l’équité sociale. La décroissance devra être minutieusement planifiée. Les transformations du mode de consommation toucheront des dizaines de secteurs, comme l’alimentation, le transport, l’électronique, les voyages, les animaux domestiques, l’habillement, les appareils ménagers, etc.
The Meatless Monday Campaign encourage les personnes à se passer de viande une journée par semaine pour réduire les impacts de la consommation de viande. Cette campagne lancée en 2003 a connu des précédents pendant la Première puis la Seconde Guerre mondiale, quand le gouvernement des Etats-Unis avait rationné la viande : plus de 10 millions de familles et 425 000 négociants ont défendu le « lundi sans viande ». Les légumes consommés par les ménages provenaient à 40 % des jardins particuliers et communautaires. Puisque la crise environnementale constitue pour la sécurité nationale une menace plus grande encore que ne l’était la Seconde Guerre mondiale, ce type d’adaptation se doit d’être abordé.
Lors de la dernière Guerre mondiale, le taux marginal d’imposition des contribuables déclarant plus de 200 000 dollars par an a aussi connu un pic à 94 %. Sur une planète qui compte 7 milliards d’individus, le revenu annuel écologiquement soutenable est de l’ordre d’environ 5000 dollars par personne et par an, soit un niveau considérablement inférieur à ce que les occidentaux considèrent comme le seuil de pauvreté. Passé ce seuil, les hommes achètent des maisons plus grandes, multiplient les appareils domestiques, les gadgets électroniques et même les déplacements par avion. Les inégalités de revenu possèdent une forte composante environnementale, car plus une personne possède de richesse, plus elle consomme.
La publicité pourrait être taxée. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, les budgets publicitaires des entreprises sont déductibles des impôts. En 2011, les dépenses consacrées à la publicité s’élevaient à 155 milliards. Il sera indispensable de freiner l’économie de la consommation et de mieux répartir les heures de travail. Cigarettes, voitures, armes, alcools, cosmétiques… produisent certes des emplois, mais ces industries, bien souvent irresponsables socialement, méritent-elles d’être maintenues ? La suppression progressive de certains pans de l’économie est une étape essentielle de la décroissance. Les contractions inévitables du marché devraient accélérer la venu d’un modèle de plénitude tel que décrit par Juliet Schor.
Dans le Tennessee, certaines sages-femmes du village The Farm dispensent les savoir-faire perdus depuis que le système médical états-uniens recourt aux techniques modernes pour faire venir les enfants au monde. Aux Etats-Unis aujourd’hui, un tiers des femmes accouchent par césarienne, ce qui génère des risques tant pour la mère que pour l’enfant. Le programme de The Farm a permis de former de nombreuses sages-femmes et a attiré l’attention sur la surmédicalisation de l’accouchement, démontrant que la césarienne est rarement nécessaire. Sur les 3000 naissances intervenues dans le cadre de ce programme depuis 1971, seules 2 % ont été réalisées par césarienne. En considérant les ressources tant financières qu’écologiques indispensables à l’intervention chirurgicale, la diminution des interventions chirurgicales inutiles est inéluctable. La sagesse ancestrale prendra toute sa place dans un avenir aux ressources limitées.
Pour inhumer leurs morts, les Etats-Unis consomment chaque année 3 millions de litres de fluide d’embaumement, 104 000 tonnes d’acier et 1,5 million de tonnes de béton. Les inhumations émettent ainsi plus de 1,5 millions de tonnes de CO2. Il faut impérativement recourir à des méthodes plus naturelles et rappeler aux familles en deuil que l’humain s’inscrit dans un cycle de vie plus large : la perte est aussi génératrice de vie.
Il serait temps que la culture populaire célèbre le logement multigénérationnel. Le jardinage pourrait participer à diminuer le coût de la nourriture des ménages et l’impact écologique de l’agriculture. Les initiatives de simplicité volontaire revêtent de multiples formes, de l’émission de télévision « Simple Living » jusqu’au boycott du « Buy Nothing Day », en passant par les sites Web permettant aux individus d’échange des biens dont ils n’ont plus besoin. Plusieurs religion s’activent également pour encourager les hommes à vivre plus simplement. Les habitants des quartiers redécouvrent des habitudes perdues, à savoir l’entraide. A une plus large échelle, le mouvement des Villes en transition, né en 2005, s’efforce de réduire la consommation d’énergie de la communauté et de relocaliser les réseaux économiques et alimentaires pour rendre les communautés plus résilientes dans un futur aux ressources limitées. L’idée de découpler la croissance de la prospérité n’est plus un rêve utopique, puisqu’elle est devenue une nécessité financière et écologique.
Il existe désormais un mouvement pour la décroissance. Des partis politiques prônant la décroissance existent en effet dans certains pays. Plusieurs publications et sites Web sont consacrés au sujet, parmi lesquels le mensuel français La Décroissance et le site Degrowthpedia. En 2009, la Fondation Adbusters Media, à l’origine du Jour sans achat et de la semaine sans TV, a lancé une campagne pour inciter les étudiants en économie à réclamer à leurs professeurs une adaptation aux réalités écologiques de la vie sur une planète finie. Au final, que les élites de la société l’acceptent ou non, les limites naturelles de la Terre, révélées par la part sans cesse croissante des 7 milliards d’individus qui s’efforcent de consommer toujours plus, briseront le mythe de la croissance continue. La décroissance fait partie du futur de l’humanité.
2/3) Démographie : neuf stratégies pour fixer la population sous les 9 milliards (Robert Engelman)
Robert Engelman est le président du Worldwatch Institute. Cela n’en donne que plus de poids à sa pensée : « Une population future moins nombreuse signifie que les générations futures exerceront une moindre pression sur le climat, l’environnement et les ressources naturelles. Les sociétés peuvent agir pour faire en sorte que le pic démographique mondial se situe à un niveau inférieur aux 9 milliards d’habitants attendus, même s’il est rare que les décideurs et les médias abordent cette éventualité. Il s’agit pourtant d’un scénario de bien-être mondial sans inconvénient majeur. » Voici les 9 stratégies qu’il préconise :
1. Garantir l’accès de tous à une large gamme d’options contraceptives pour les deux sexes
On estime que 40 % de toutes les naissances sont non désirées. Si toutes les femmes pouvaient décider du moment de leur grossesse, le taux de fécondité à l’échelle du globe passerait sous l’indice de renouvellement des générations. Alors que le monde dépense quelque 42 milliards de dollars par an en nourriture pour animaux domestiques, il suffirait de 24,6 milliards pour financer les services de planning familial.
2. Garantir l’éducation pour tous avec une attention particulière pour les filles
Les femmes n’ayant pas été scolarisées ont en moyenne 4,5 enfants, 3 après quelques années à l’école primaire, 1,9 avec une ou deux années de cycle secondaire. L’éducation permet aux filles d’explorer d’autres aspects de la vie que celui de la maternité.
3. Eradiquer le sexisme dans tous les aspects de l’existence
Les femmes qui sont en mesure de gérer leurs biens, de divorcer et de participer à la vie sociale à égalité avec les hommes sont davantage susceptibles de retarder leur maternité. Cette égalité est d’autant plus nécessaire que les hommes, dans la plupart des pays, tendent à souhaiter plus d’enfants que leur partenaire.
4. Proposer à tous les étudiants une éducation sexuelle
L’ignorance des jeunes est un obstacle à la prévention des grossesses. Ils ne savent pas comment fonctionne leur corps, comment refuser la relation sexuelle non souhaitée, comment éviter la grossesse.
5. Mettre un terme à toutes les politiques qui récompensent financièrement les parents en fonction du nombre d’enfants
Des politiques subventionnent la fécondité de « sur-remplacement » (des taux au-delà de deux enfants par femme), contribuant à engendrer des populations plus nombreuses qu’elles ne le seraient autrement. Les gouvernements peuvent maintenir les avantages financiers sans les lier au nombre d’enfants, en les associant à la parentalité elle-même.
6. Enseigner les relations entre population et environnement
Peu de systèmes scolaires dans le monde comportent un enseignement qui explique aux jeunes les interactions entre la taille de la population, l’environnement naturel et le développement humain. Une formation sur l’influence du nombre d’hommes pourrait constituer une bonne incitation à une transformation culturelle hâtant la fin de la croissance démographique.
7. Chiffrer les impacts sur l’environnement
Une taxe carbone permettrait aux parents de mesurer l’impact de chaque être humain, chaque naissance donc, sur l’environnement. Une tarification environnementale pousse à réduire les taux de fécondité puisque les couples comprennent que le coût d’un enfant supplémentaire s’avère important.
8. S’adapter au vieillissement de la population plutôt que de le retarder
Les impacts du vieillissement sont moins importants et durables que ceux de la poursuite de la croissance démographique. Car autrement ce sont les décideurs de demain qui se verraient contraints de prendre en charge le vieillissement différé à un moment où la densité de population et les problèmes qui lui sont associés rendront encore moins attrayante et réalisable une incitation à la poursuite de la croissance démographique.
9. Convaincre les dirigeants à mettre un terme à la croissance démographique
La population est devenue un sujet tabou en politique, dans les affaires internationales, et même dans les médias et l’opinion publique. Or un ensemble de politiques visant à améliorer la vie des femmes, des hommes et des enfants aurait pour retombée le ralentissement démographique.
Plus les gouvernements retardent les politiques préconisées, plus le monde devra gérer des populations plus denses et des augmentations du taux de mortalité.
3/3) Ecologie : Impact des animaux domestiques sur l’environnement (Erik Assadourian)
Aujourd’hui, la grande population de chiens, de chats et d’autres animaux domestiques produit un impact écologique considérable. Pour ne parler que de nourriture, un chien de grande taille a besoin de 0,36 hectare de ressources mondiales par an et un chat de 0,13 hectare. A titre de comparaison, un Bangladais utilise en moyenne 0,6 hectare de ressource, soit moins que deux bergers allemands. Rien qu’aux Etats-Unis, on recense actuellement 61 millions de chiens et 76,5 millions de chats (ndlr : La population du Bangladesh est estimée à environ 152 millions d'habitants en 2012).Un propriétaire états-unien de chien dépense entre 4000 et 100 000 dollars pour son chien sur l’ensemble de la durée de vie de ce dernier (ndlr : plus de 80 % de la population du Bangladesh vit avec moins de deux dollars par jour). Les propriétaires d’animaux domestiques et leurs enfants devraient apprendre le coût écologique de leurs compagnons. Les décideurs doivent admettre que la possession d’un animal de compagnie est un luxe, qui doit donc se payer entre autres par le biais d’une taxe sur la nourriture pour chiens et chats
Une réduction du nombre d’animaux domestiques aurait les mêmes avantages que la stabilisation de la population humaine. Shanghai a adopté en 2011 la politique de « l’animal de compagnie unique ».
(éditions de la Martinière)