Nous n’avons pas besoin de portable. La téléphonie fixe était parvenue en France à son degré de maturité ; on pouvait téléphoner partout et de n’importe quel endroit. Toutes les familles ou presque étaient équipées, des cabines téléphoniques étaient facilement accessibles, l’égalité devant le service de la communication à distance était une réalité. Jetons nos téléphones portables... Ce n’est pas revenir au courrier à cheval, c’est revaloriser la téléphonie fixe.
Voici quelque lectures complémentaires :
2007 La tyrannie technologique, critique de la société numérique (collectif)
Extraits de l’article « Le téléphone portable, gadget de destruction massive »
Economie/pollution : Le téléphone portable est un concentré de nuisances. D’abord à cause de sa puce. Pour fabriquer une puce de 2 grammes, cela nécessite 1,7 kilos d’énergie fossile, 1 mètre cube d’azote, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d’eau. Ce n’est pas tout, votre téléphone a aussi besoin de condensateurs en coltan (colombo-tantalite), un minerai malléable, résistant à la chaleur et à la corrosion. Celui-ci est extrait notamment en République démocratique du Congo, au centre d’une guerre pour le contrôle des ressources qui a tué plus de 3,5 millions de personnes depuis 1998. Bilan de l’activité des mines de Coltan : saccage des forêts et des cours d’eau, massacres d’animaux, en particulier les derniers gorilles des plaines. De plus, les champs électromagnétiques générés par les antennes des portables provoquent indirectement des ruptures dans les brins d’ADN des cellules humaines. Les ondes interfèrent aussi avec les ondes alpha et delta du cerveau. Enfin les téléphones jetés après usage concentrent un mélange complexe de composants particulièrement toxiques. Rentabilité oblige, les portables ont été mis sur le marché sans que des études préalables de nuisance aient été faites…
Sociologie/addiction : Derrière le jargon hystérique des amateurs de gadgets électroniques, on aura compris l’essentiel : il faut changer de portable aussi souvent que l’exigent la mode, le « progrès » et les fabricants. Plus que tous ces prédécesseurs, ce gadget pousse au mimétisme et au conformisme si chers aux marketerus. Faites le test, dites à vos collègues que vous n’avez pas de portable ; la majorité s’esclaffe : « T’es contre le progrès ? Tu t’éclaires à la bougie ? » ou s’inquiètent : « Mais comment tu fais ? » Le portable est typique du système d’innovation qui consiste à vendre les remèdes aux maux causés par les innovations précédentes. Vous ne parlez plus à vos voisins à cause de la télévision ? Téléphonez-leur ! Mais pourquoi aurions-nous besoin d’une médiation électronique pour communiquer si ce n’est pour nous adapter à un monde qui atomise chacun de nous et qui morcelle nos vies ? Comme la prothèse qui remplace un membre, le téléphone est supposé réparer artificiellement les dégâts de ce monde-là, qui fait de nous les rouages de la machine à produire et à consommer en masse. Finalement des téléphones portables, pour quoi faire ? « Allô, c’est moi. J’suis dans le bus. J’arrive. A tout de suite. »
Celui qui proclame encore son désir d’être hors-champ, mais présent à lui-même, a tôt fait d’être classé dans les marginaux et les asociaux.
2009 Bertrand Méheust, La politique de l’oxymore
Comme l’a montré l’exemple de l’amiante, comme le montre celui des pesticides, comme le montreront sans doute les effets différés des téléphones portables, jamais on ne peut arrêter immédiatement une technologie dangereuse : on calcule la décélération en fonction des impératifs économiques et des rapports de force.
2009 Simon Charbonneau, Résister pour sortir du développement (le droit entre nature et liberté)
Avec l’irruption de l’informatique, depuis les années 1990, les possibilités d’évasion dans des mondes virtuels ont été multipliées par dix. Ce sont d’abord pour les enfants la possibilité d’accéder à des jeux vidéos. La généralisation des téléphones et ordinateurs portables contribue également à l’envahissement de notre univers mental par les images et les représentations artificielles du monde. Or, l’individu ne se construit que par une relation à autrui et à la réalité qui l’entoure.
Ironiquement on pourrait dire que le bon militant va emprunter l’autoroute pour se rendre plus rapidement sur le prochain chantier d’autoroute qu’il combat ! Quant à l’utilisation des moyens de communication électronique, jamais Internet et le téléphone portable n’ont été autant utilisé que dans le monde associatif. Il faut dire que ces moyens ont démontré leur efficacité pour l’action en réseau. Or comme toute technique, ces nouveaux moyens ne sont pas innocents car ils participent à l’instauration d’un ordre social où les relations humaines sont médiatisées par la technique. La dénonciation de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre n’a jamais été aussi répandue, mais cela n’empêche pas le public d’abuser de la voiture et même de protester contre la hausse du prix du gazole ou de prendre l’avion à la première occasion pour quelques voyages exotiques à l’autre bout de la planète. L’homme moderne vit aujourd’hui avec une personnalité éclatée. Jamais la dissociation entre nos paroles et nos actes, nos idées et nos pratiques quotidiennes, nos sentiments les plus nobles et nos comportements n’a été aussi importante. En un mot, on peut dire que l’ensemble de notre société est frappée de schizophrénie.
2010 Jean-Luc Coudray, L’avenir est notre poubelle (l’alternative de la décroissance)
L’ère des grandes inventions est terminée. Internet change moins la vie que l’électricité, le téléphone portable moins que le téléphone tout court, le four à micro-ondes moins que la machine à laver, le magnétoscope moins que la télévision, l’appareil photo numérique moins que l’appareil photo argentique. Les innovations évoluent vers le gadget, l’ère du progrès est derrière nous. Les nouvelles machines, caméscopes, lecteurs DVD, lecteurs de musique portatifs, guidage par satellite de l’automobile, ordinateur familial, sont des jouets. Pour ne pas plonger dans la barbarie, nous ne recherchons pas la philosophie ou l’intelligence, mais le rasoir électrique.
2010 Colin Beavan, No impact man
Une question me taraude à propos du progrès : nous avons, par exemple, des téléphones portables toujours plus sophistiqués ; or si nous passons notre vie, de la naissance à la mort, à changer de joujoux, sans jamais répondre aux questions importantes, progressons-nous, ou bien nous contentons-nous de nous divertir ? Quand je parle de tout cela avec mes amis, ils ont l’impression que je suis contre le progrès. Mais ne pas se soucier de l’avenir n’est pas synonyme de progrès. Ca n’a rien à voir avec le progrès que d’avoir toujours plus de choses. Le progrès réel, c’est faire un pas en avant vers une amélioration.
L’école de la psychologie positive a constaté que l’acquisition d’un nouveau téléphone portable, d’une voiture ou d’une maison ne nous procure qu’une bouffée de plaisir éphémère. Pour atteindre de nouveau un pic de bonheur, il nous faut un autre shoot, un autre mobile, une autre bagnole. La vie des gens les plus heureux, ont découvert les psys, n’est pas régie par ce cycle infernal. Les psychologues ont confirmé ce que les partisans de la vie simple professent de manière anecdotique depuis si longtemps : les gens heureux prennent le temps d’apprécier ce qu’ils ont et de savourer leur expérience. Ils ne se dépêchent pas de traverser le « maintenant » pour arriver à l’« après ». Ils privilégient l’instant présent, quel qu’il soit, et y trouvent de l’intérêt.
2010 Crise écologique, crise des valeurs – collectif (Labor et Fides)
Le jeûne est une pratique jaïn qui pourrait être interprété dans un sens écologique. En s’abstenant périodiquement de nourriture, l’individu acquiert une force intérieure, une capacité de faire plus avec moins. Et cela peut s’exprimer dans d’autres domaines que la nourriture : jeûner par rapport à la voiture (réduire sa consommation d’essence), ou par rapport aux médias (période pendant laquelle on proscrit la télévision, Internet et le téléphone portable). Cette cure volontaire de simplicité peut favoriser un nouveau lien avec la nature et faire apprécier les choses essentielles de la vie.
2010 Jean Aubin Croissance infinie, la grande illusion
Voici dix ans, peu de gens donnaient l’impression de souffrir du manque de téléphone portable. Voici quinze ans, le manque d’ordinateur laissait encore de marbre une fraction importante de la population. Et si on avait trop chaud en voiture, la chaleur de l’été était bêtement considérée comme normale. Inconscients que nous étions ! Heureusement, toutes ces souffrances ignorées nous ont été révélées, et le remède nous a été abondamment proposé. Oui, l’ordinateur est venu, et la clim, et le portable ! Et nous savons que ce n’est pas fini. Il faut changer régulièrement : le téléphone prend déjà des photos et des films, mais demain matin, il fera rasoir électrique pour les messieurs, épilateur pour les dames. En Europe, on produit plus de vingt kilos de déchets électroniques par an et par habitant, et on prévoit trente kilos dans dix ans. Faut-il s’en offusquer alors que cela crée des emplois ? L’argument qui tue. Mais l’alcoolisme aussi crée de l’emploi en grosse quantité à la vente, sans oublier les voitures disloquées par les chauffards ivres, et qu’il faut remplacer. Pourquoi donc lutter contre ce si gros pourvoyeurs d’emploi, ce facteur décisif de croissance ?
Il faudra bien que l’humanité se contente de ne consommer que ce que la Terre peut lui fournir durablement. Il faudra bien qu’elle revienne à une empreinte écologique de 100 %, au lieu de 130 % actuels. Le seul chemin pour cela, c’est celui d’une décroissance de la consommation des ressources limitées. Une décroissance qui concerne avant tout l’Occident : la décroissance de la consommation appelle la décroissance des inégalités. Pendant que nous nous réjouissons des fonctions toujours plus sophistiquées de nos téléphones portables, quelques centaines de missions d’individus se désespèrent de ne pouvoir ajouter une poignée de riz à leur ration quotidienne.
2010 ENTROPIA n° 9, contre pouvoirs et décroissance
Le TGV est en synergie avec tout le système d’objets, les ordinateurs, les téléphones portables, en arrière duquel se profile évidemment la silhouette des centrales nucléaires ou des champs d’éoliennes High Tech. Il semble illusoire de demander à des gens vivants en symbiose avec ce système de ralentir à tous les sens du terme, matériellement et psychiquement, de se déconnecter ne serait-ce que quelques jours. Se débrancher de la mégamachine est perçu par la plupart des gens comme une sorte de mort sociale. Pour combattre la menace écologique, il faudrait modifier en profondeur notre mode de vie présent, ce qui est précisément, la pression de confort aidant, la solution la plus malaisée à mettre en œuvre.
2010 Alain Hervé, Le paradis sur Terre
A quoi sert l’homme ? Les économistes répondent : à produire et à consommer, et que ça saute. L’homme se reposera en regardant la publicité pendant trois heures et demie par jour sur les écrans de télévision.
A quoi sert l’homme ? Après recherche, consultation et réflexion, nous proposons une réponse provisoire : à rien. Oui, je sais, il a inventé le téléphone portable, mais les pingouins et les pissenlits n’en ont rien à faire.
Entre le petit trou dont il sort et le grand trou dans lequel il va tomber, il ne fait que consommer gaspiller, détruire, prêcher l’accélération, la prédation… Il se sert. Il s’est servi et il n’a rien rendu. Pourrait-il encore enchanter le monde, le servir, ne plus seulement se servir ?
2010 Claude Lorius et Laurent Carpentier,Voyage dans l'anthropocène
Personne n'avait jamais manifesté dans la rue pour réclamer des téléphones portables... Cela n'avait jamais été une nécessité... Qui aujourd'hui accepterait de s'en passer ? C'est la fin du pétrole qui peut nous réveiller. Qui est en train de nous réveiller. Si nous sommes pessimistes sur l'aveuglement des hommes, nous sommes optimistes sur leur conscience de leurs intérêts bien compris : les choses vont bouger parce que nous y sommes contraints et forcés.
2011 Le portable, technique douce ou dure ? sur le blog de Michel Sourrouille