bimensuel BIOSPHERE-INFO (1er au 16 octobre 2013)
les Carnet de campagnes d’élections volées de Clément Wittmann
Clément Wittmann a été le candidat de la décroissance pour la présidentielle 2012. Il faut avoir recueilli au moins 500 « parrainages » de maires sur les 2/3 du territoire. Clément a donc commencé un tour de France en vélo pour les recueillir. Il n’en a obtenu que 152 : Présidentielle volée !
Il a donc rédigé n « carnet de campagne » que vous pouvez commander par mail à
Itinéraire politique et militant
Je (Clément Wittmann) suis objecteur de conscience. En 1983, j’ai eu le bonheur de participer pendant mon service civil à l’étude et à la protection d’espèces sensibles, comme le Faucon Pèlerin. Comme l’ensemble des prédateurs, le faucon pèlerin cherche à dépenser le minium d’énergie pour capturer ses proies. Dans un vol de pigeons, c’est donc l’animal le plus faible qui finira dans ses serres. Le faucon se situe à l’opposé du gaspillage qui caractérise les sociétés croissancistes. J’avais pris contact avec le concept de décroissance. Nous avions été confronté à des pertes de pontes du faucon. Nous avons mis en cause le DDT, un puissant pesticide dont l’accumulation dans les chaînes alimentaires s’est révélée désastreuse sur la reproduction des rapaces. A l’issue de mon service, j’ai adhéré au parti des Verts. Ma transition de l’écologie politique vers la décroissance a commencé lors d’un colloque organisé par le Monde diplomatique en 1986. Le lecteur comprendra ma colère lorsqu’en intervention publique, des auditeurs me demandent : « Mais ne faut-il pas de la croissance pour aider les pays africains à sortir de la pauvreté ? » Continent-réservoir pour la croissance française, l’Afrique est aussi un continent-dépotoir.
Premiers contacts
Le tour de France à vélo a commencé le 14 mai 2011. Il s’est achevé à Angers le 24 mars 2012. Les contacts sont difficiles. Dans un café de Saint-Bonnet-des-Bruyères, les habitués n’ont pas l’air trop portant pour la causette ; on est des étrangers pis aussi des drôles de gars avec nos vélos plus remorques garés juste devant. A Ajaccio la réunion s’achève, je dois avouer au lecteur que les échanges devenaient difficiles dans ce bar où l’apéritif est à 1 euro. A Urbise nous conversons longuement avec l’employée de mairie ; tout y passe : « les vélos avec les remorques, c’est dangereux… les industriels ne renonceront jamais à l’automobile car les sommes en jeu sont trop importantes… » A Périgny, le maire nous déclare avoir des opinions mais n’en pas faire étalage… Tract, on repart après une discussion difficile ! A Saint-Didier-la-Forêt, le maire nous explique « ne pas faire de politique. D’ailleurs il ne signera pour personne ». On discute malgré tout en insistant sur l’aspect politique que recouvre chacune des actions qu’il décide ou non de prendre… Nos dirigeants n’ont de cesse de refaire et d’élargir les chaussées, rocades et autoroutes. Prenez vos bagnoles, il n’y a de sous que pour elles. Nos démocraties routières pensent vivre dans un pays assez riche pour avoir le rail et la route. Le beurre et l’argent du beurre !
Pourquoi donc avoir colporté les idées de la décroissance ? Quels sont les points communs entre la Pie Grièche Grise, le paysan ghanéen, le traquet pâtre ou la boulangère-épicière-postière de Louroux de Bouble ? Tous sont les victimes actuelles ou prochaines du productivisme, de la croissance, de l’ultralibéralisme et de la concentration des richesses. Tous sont les victimes d’un monde sans limites, tous sont victimes de la domination des uns sur les autres et de tous sur la nature.
Au départ de cette campagne, j’avais fait le rêve de pouvoir enfin dialoguer avec de nombreux élus et citoyens sur l’aménagement du territoire, le désarmement, la décroissance, la mutation nécessaire de l’agriculture… mais très vite il a fallu se rendre à l’évidence, il n’y a que censure des idées hétérodoxes. Mon handicap n’est pas constitutionnel mais institutionnel. Le quotidien LE MONDE, comme la meute des chiens de garde (les médias), ont très arbitrairement décidé qu’à cette élection il n’y aurait qu’un seul candidat à l’écologie, Eva Joly. Ce livre se veut être un lanceur d’alerte, alerte sur l’emprise de l’oligarchie.
Quelques points de réflexion
La critique radicale de l’accélération et du culte de la vitesse constitue un point essentiel de l’objection de croissance. Or les pouvoirs publics on fait le choix du tout-TGV. La ligne Montpellier Perpignan a un coût de 7 000 000 000 euros. Peu importe les dégâts collatéraux, 1200 à 16000 hectares de terres agricoles ou forestières saccagées. De hauts grillages infranchissables longent de façon continue la ligne, fragmentant le territoire. Durée actuelle du trajet, 1h300. Une fois la LGV construite, 50 minutes.
La Grèce, un pays endetté mais surarmé, voilà ce que les médias dominants ne nous disent jamais. De 1,34 milliards d’euros en 1988, les dépenses militaires ont atteint 7,3 milliards en 2009 ! La Grèce a acheté à la France des missiles, des blindés, des navires de surface, des mirages 2000. L’Allemagne a vendu à la Grèce six sous-marins. Transférer les budgets militaires vers des activités civiles est une nécessité éthique.
Les sous-marins de Karachi ont été construits à Lorient. Un contrat salué à l’époque par Jean Yves Le Drian : « Cela va donner du travail à nos ouvriers ». Nous mesurons l’absurdité totale et le vie éthique de nos sociétés. Les engins de mort sont créateurs d’emploi et les élites ont écarté le débat de fond sur le sens du travail. Maintenant Jean Yves Le Drian est ministre de la guerre du gouvernement socialiste. Que la marchandise produite soit utile, toxique ou criminelle n’a qu’une importance secondaire. La production d’armement représente le paroxysme du non-sens du travail. Mais cette critique s’applique à l’immense majorité des secteurs d’activité de nos société productivistes. De quoi avons-nous vraiment besoin ? Les chiens de garde veillent, le débat doit rester médiocre.
Le patron du volailler Doux, 146e fortune française et des salariés payés a Smic en France, à 100 euros par mois dans la filiale brésilienne du volailler. Les poulaillers Doux rejettent 14 000 tonnes d’azote. Le poulet Doux vit serré à 25 poules par mètre carré. Pour détruire l’environnement, mépriser ses salariés, torturer ses poulets, le groupe Doux est généreusement subventionné.
Quelques dialogues-culte grâce aux dessins de Jean-Luc Coudray qui accompagnent le livre
- Les médias m’ont dit que je n’étais pas un candidat important … Ce sont les médias qui votent.
- C’est quoi un pays des droits de l’homme ? … Un pays qui délocalise la barbarie.
- Pourquoi la croissance unifie tous les partis ? … Seule l’absence de pensée met tout le monde d’accord !
- Le système économique s’effondre dans 20 ans … Tu imagines tous les profits qu’on peut encore faire avant la catastrophe ?
- Les dégâts de la croissance sont irréversibles … Ainsi elle est sûre de rester dans l’histoire !
- L’homme est la première espèce qui se parasite elle-même !
- La décroissance, c’est la santé psychique de nos sociétés et la santé physique de la planète ! …
conclusion
Sur les petites routes de campagne ou les boulevards d’une grande ville, le cycliste est confronté en permanence à la violence de la domination mécanique. Le dogme du développement économique a injecté son venin dans les région les plus reculées du monde. les violences contre les écosystèmes, les peuples du sud, les générations futures… ont leurs dealers, qui quotidiennement vendent leur doses. Ils sont hommes politiques, patrons de presse, capitaines d’industrie. L’arrogance de ces dealers rend l’écocide inévitable et sa réalisation de plus en plus proche.
Tout acte de consommation est un acte de destruction : prélèvements de ressources en amont, déchets en aval. La décroissance ce n’est pas un slogan, c’est une nécessité absolue. Jean-François Mouhot écrit : « Nos enfants nous maudiront pour les dégâts irréparables que nous aurons causé à la planète. Sans aucun doute, diront-ils, c’était là un peuple de barbares. » Il n’y a pas d’écologie possible sans décroissance. Pourtant François Hollande a fait de la croissance son programme… Comment peut-on expliquer que les nations travaillent à leur perte avec autant de méthode et d’insouciance ?
Quelques précisions sur le concept de décroissance porté par Clément Wittmann
La foi généralisée en la croissance économique semble condamner son antidote, la décroissance : « Les Verts sont pour la décroissance, ce n’est vraiment pas raisonnable » (Jean-Pierre Chevènement) ; « La solution n’est pas dans la décroissance, mais dans la modification des modes de croissance » (Serge Lepeltier) ; « Il n’y a aucun avenir dans une stratégie de décroissance. Engager la France sur cette voie, vos enfants le paieraient très cher. » (Nicolas Sarkozy) ; « La décroissance me semble une hérésie à l’heure actuelle » (Corinne Lepage) ; « On voudrait la croissance verte, les socialistes nous promettent la décroissance rose » (Nathalie Koscisko-Morizet) ; etc.
Pourtant l’idée de décroissance (heureuse) fait son bonhomme de chemin. Nous avons recensé des livres qui contiennent le mot « décroissance » dans leur titre. Les liens vous mènent vers des résumés sur le site-réseau de documentation des écologistes.
1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN
2003 Objectif décroissance (collectif, revue Silence)
2006 Le pari de la décroissance de Serge LATOUCHE
2007 Demain, la décroissance ! (penser l’écologie jusqu’au bout) d’Alain De Benoist
2007 petit traité de la décroissance sereine de Serge Latouche
2008 Le choc de la décroissance de Vincent Cheynet
2008 La décroissance, Rejets ou projets ? (croissance et développement durable en questions) de Frédéric Durand
2009 La décroissance économique (pour la soutenabilité écologique et l’équité sociale) par collectif
2010 ENTROPIA n° 8, Territoires de la décroissance
2010 ENTROPIA n° 9, contre pouvoirs et décroissance
2011 La décroissance heureuse (la qualité de la vie ne dépend pas du PIB) de Maurizio Pallante
2011 Décroissance versus développement durable (ouvrage collectif)
2013 Penser la décroissance (politiques de l’Anthropocène) par collectif
Notons la création d’une nouvelle collection, « Les précurseurs de la décroissance » (éditions le passager clandestin) : Epicure, Charles Fourier, Jacques Ellul…
La décroissance n’est pas une invention théorique et nouvelle, toutes les civilisations antérieures se sont effondrées après une période de faste plus ou moins longue. La révolution industrielle a permis depuis deux siècles une croissance tendancielle, mais celle-ci est cyclique (analyse de J.Schumpeter) et les périodes d’expansion sont toujours suivies de période de récession comme en 2009, voire de dépression comme en 1929. Or il apparaît de plus en plus évident que les Trente Glorieuses occidentale ou la croissance actuelle des pays émergents se font au détriment du capital naturel que le système thermo-industriel se garde bien de considérer dans ses comptes financiers. Une étude approfondie des réalités contemporaines montre que nous nous dirigeons inéluctablement soit vers une décroissance subie et inégalitaire, soit une décroissance choisie, maîtrisée et partagée de façon solidaire.