Copenhague vu de l’Inde

 – Le point de vue de Fabrice Flipo : L’histoire des négociations sur le changement climatique est, pour l’Inde, une longue suite de malversations de la part des pays développés. Le Protocole de Kyoto, signée lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, prévoyait que les pays développés fassent la preuve de leurs progrès en 2005. Nous sommes en 2009 et seuls deux pays semblent être en mesure de remplir leurs engagements : le Royaume-Uni et l’Allemagne. Et voici que les pays développés demandent maintenant aux pays en développement de s’engager !

Comment résumer la position de l’Inde dans les négociations ? Pour Hindustan Times, la réponse est à la fois simple et claire : polluter pays (le pollueur doit payer). L’Inde ne prendra aucun engagement tant que les pays développés violeront aussi ouvertement leurs engagements alors qu’ils sont responsables de 75 % du problème et que l’Inde sera parmi les pays touchés – à vrai dire, l’Inde est déjà touchée, des représentants de ses « tribus » viendront en témoigner à Copenhague. Les arguments des pays développés, qui font de la Chine le premier émetteur mondial, sans tenir compte ni de l’histoire ni de la population, semblent tout simplement odieux pour les pays en développement. Ils semblent s’inscrire dans un retour à l’attitude coloniale, quand les pays développés se permettaient de conquérir des espaces « vierges », de les exploiter et n’en partaient que quand ils en étaient chassés par les mouvements populaires. Or ces mouvements constituent encore très largement l’ossature politique de pays tels que l’Inde. Le parti actuellement au pouvoir en Inde, le Congrès, est l’héritier de l’Indian National Congress fondé en 1885 par les nationalistes. Les frontières de l’Inde sont le résultat de la lutte anticoloniale. L’unité nationale est largement tributaire de ce passé.

            Les Indiens ne sont pas moins bien informés que les Français. Ils sont tout aussi écologistes que les Français. A ceci près que les Français demandent encore plus de croissance économique, alors qu’ils jouissent déjà d’un niveau de vie incomparablement plus élevé que les Indiens. Les Indiens eux commencent tout juste à voir arriver chez eux quelques bribes du mode de vie des ex-colonisateurs. C’est pour eux une grande victoire, non pas une victoire guerrière mais une fierté nationale : être capables de faire aussi bien que les colons, en ne comptant que sur ses propres forces. L’Inde fabrique presque tout ce dont elle a été privée autrefois : les machines, les navires, les logiciels etc. 

– Le point de vue de Biosphere : Il s’agit donc de savoir qui détient le leadership en matière d’exemple à suivre en termes de civilisation et de mode de vie. Mais si la Chine et l’Inde suivent le même modèle de développement que celui des pays colonisateurs, un modèle qui nous projette de plus en plus vite contre un mur, il n’y a aucune issue possible : la température du globe dépassera largement en moyenne les 2° C et la surface de notre planète ne sera plus reconnaissable, elle deviendra « inhumaine ».

En définitive les anciens colonisés connaissent une nouvelle acculturation en adoptant l’imaginaire thermo-industriel, leur indépendance n’a pas amené à une autonomie conceptuelle : qu’on habite en Inde ou en Chine, on pense comme l’Américain moyen, avoir un grand appartement, une bagnole et un ordinateur. 

– Le point de vue du Monde (3 novembre) :  Comprenne qui pourra la position du Monde ! En grand titre, « L’Inde tentée d’assouplir sa position sur le climat ». En sous-titre, l’avis opposé, « L’opinion publique et les partis  restent hostiles aux concessions aux pays riches ».

En définitive nous allons savoir à Copenhague si l’Inde a accepté d’être phagocytée par les USA ou si elle accepte la décolonisation de son imaginaire. Tout dépendra aussi de la force de  caractère de Barack Obama pour résister en tant que Président au mode de vie américain. Quand je lis la virulence des propos de certains commentateurs de ce blog, je ne peux que penser que Copenhague sera de toute façon un échec.