Hercule, l’électricité en phase terminale
Hercule joue la sobriété. Avant d’entrer dans les détails techniques du projet de réorganisation d’EDF, l’élément de langage que les écologistes devraient tenir sur l’électricité, c’est : « Soyons Négawatts ». En effet, en ces temps de descente énergétique qui s’amorce, la politique de l’offre doit s’accompagner forcément d’une politique de réduction de la demande. Il faut politiquement induire une réflexion collective sur les besoins réels en électricité pour tendre vers une sobriété énergétique.
Pour en savoir plus sur le projet Hercule
Le projet de réorganisation d’EDF « Hercule » n’est pas encore engagé que ça chauffe, grève syndicale le 19 janvier, opposition politique des « insoumis » comme des Républicains. Constatons d’abord que 12 % des ménages sont en situation de précarité énergétique, c’est à dire consacrant plus de 10 % de leurs revenus aux dépenses énergétiques. Une augmentation rapide et constante des prix de l’électricité pourrait conduire à une nouvelle révolte de type gilets jaunes. Dans un MÉMO du 17/12/20, EELV précise la situation énergétique actuelle, dramatique. EDF est incapable de financer les investissements pour la poursuite ou l’arrêt du nucléaire et encore moins de financer les renouvelables qui plafonnent à 11,7 % de la consommation d’énergie primaire, 17,2 % de la consommation finale en 2019 (Pour mémoire l’objectif était de 23 % en 2020 et 33 % en 2030). Aujourd’hui EDF est surendettée avec 33 milliards d’euros de dette, une paille au regard des investissements à venir. Le grand carénage consiste en la remise en état du parc des réacteurs nucléaires pour leur permettre de tenir de 50 à 60 ans. La Cour des comptes a réactualisé en 2020 le coût du grand carénage sur la période 2014 à 2035 à 100 milliards d’euros. Le Parlement français estime le coût du démantèlement des centrales nucléaires et le traitement de leurs déchets à 75 milliards d’euros dont seulement 35 ont été provisionnés. La construction de 6 réacteurs EPR reviendrait (au minimum) à 46 milliards d’euros. A noter qu’EDF est DÉJÀ en train d’acheter les terrains pour construire ces EPR!
Le projet Hercule vise à séparer EDF en trois entités : EDF Bleu, entreprise publique, comprendrait principalement les activités liées au nucléaire ; EDF Vert, dont le capital serait ouvert au privé, rassemblerait les activités de fourniture et de distribution d’électricité, ainsi que les énergies renouvelables ; enfin, EDF Azur aurait un statut particulier et serait chargé de la gestion des barrages hydroélectriques. En devenant actionnaire à 100 % d’EDF Bleu, l’État va pouvoir faire sauter le verrou de la cotation d’EDF qui limite son accès à l’emprunt. Si l’État le décide il pourra apporter sa garantie aux emprunts d’EDF qui verra sa capacité d’investissements démultipliée. C’est sans doute la raison principale de l’opération de réorganisation d’EDF, le contribuable devient dernier recours du nucléaire. Ce découpage répond à la volonté d’EDF de contourner le dispositif Arenh, « Accès régulé à l’électricité nucléaire historique » (Arenh), mis en place en 2011 ; il fallait ouvrir EDF à la concurrence, objectif premier de l’UE avec séparation entre les fonctions de distribution et de production (unbundling). Le dispositif Arenh oblige EdF à vendre un quart de sa production à 42 €/MWh à des requins genre Total-Energie-Directe (qui la revend avec une marge confortable et un label « Vert »). L’Arenh ne couvre que le coût de production primaire d’EDF, c’est à dire sans le grand carénage, la déconstruction, ni le traitement des déchets, ce qui revient à subventionner ses concurrents. Curieuse conception du libéralisme ; on nous refait le coup de la privatisation des autoroutes en privatisant les profits et en mutualisant les pertes.
De toute façon l’avenir reste sombre pour la production d’électricité nucléaire. En effet 60 % des centrales nucléaires ont été construites avant 1985 – soit 35 ans au compteur. On fait un foin avec Fessenheim, attendez 10 ans et il y aura presque 40 réacteurs avec le même age que Fessenheim aujourd’hui – 40 réacteurs à démanteler et probablement 40 autres à reconstruire puisque personne ne semble préparer la mise à la retraite de nos réacteurs. De milliards dont on n’aura pas le moindre sou en situation prévisible de crise structurelle de la société thermo-industrielle (liée à la fin des énergies fossiles). Isoler le nucléaire dans une structure publique pendant que les activités génératrices de cash sont privatisées ne fait qu’accroire l’impossibilité d’un avenir pour le nucléaire.
Pour en savoir plus sur le scénario Négawatt, extraits :
14 février 2017, NégaWatt, rencontre avec Thierry Salomon
… C’est le sens du mot NégaWatt, l’énergie que nous sommes susceptibles de ne pas consommer. Est-il bien raisonnable de circuler en ville avec une voiture de 1300-1500 kilos pour transporter un bonhomme qui en pèse 70 ? Un calcul a montré que 2 réacteurs nucléaires en France servaient uniquement pour les appareils en veille. Nous devons réfléchir en termes de besoins, les classer selon une grille qui va de l’indispensable au nuisible, en passant par le nécessaire, le superflu… Et cette grille doit faire l’objet d’une législation. Ai-je vraiment besoin de me déplacer ? Quels sont les déplacements de loisirs et les déplacement contraints ? Ce qu’il faut, c’est intégrer dans l’ensemble de nos actes les externalités négatives, les conséquences néfastes de nos consommations d’énergie…
21 décembre 2007, soyons négawatts
…. L’approche traditionnelle (et quasi-exclusive) des questions énergétiques par l’offre va se déplacer progressivement vers une approche davantage guidée par la demande, laquelle va gagner en pertinence et en force. L’intérêt bien compris des consommateurs est de satisfaire leurs besoins finaux avec la moindre dépense énergétique. La logique voudrait que ce déplacement de l’offre vers la demande s’accompagne d’un déplacement des financements consacrés à l’accroissement de l’offre (MégaWatts) vers ceux destinés à réduire la demande (Négawatts)…