écologie appliquée

Sociologie des jeunes militants écolos

Ecolo dès le plus jeune âge

Linda, même pas 9 ans, a trouvé des slogans pour en parler en classe :

– Soyons raisonnable, utilisons les énergies renouvelables

– Je protège ma planète, je prends ma bicyclette

– J’agis pour la Terre, je respecte les écogestes

– Je protège ma planète, je finis mon assiette

Maelys, juste 12 ans, pour sa candidature de déléguée de classe en 5ème :

Aujourd’hui nous aimerions nous présenter à l’élection des délégués car nous voulons voir cette classe au plus haut. Et pour cela nous avons quelques idées. Organiser des goûters zéro déchet est une idée fantastique pour promouvoir la durabilité et réduire notre impact sur l’environnement. En optant pour des aliments frais et non emballés, préparés à la maison, nous pouvons éviter les déchets plastiques inutiles. Utiliser des boîtes et des contenants réutilisables pour transporter les collations permet également de limiter les déchets. C’est une initiative amusante et éducative qui nous permet de prendre soin de notre planète tout en profitant de délicieuses collations. Ensemble, nous pouvons faire une différence pour un avenir plus vert !

Installer une plante dans la classe ! Les plantes apportent une touche de nature et de fraîcheur à l’environnement, ce qui peut rendre la classe plus accueillante et agréable. En plus d’être esthétiquement plaisantes, les plantes peuvent également améliorer la qualité de l’air en absorbant le dioxyde de carbone et en libérant de l’oxygène. Elles peuvent également aider à réduire le stress et favoriser la concentration des élèves. Alors, pourquoi ne pas ajouter une plante dans la classe pour créer une atmosphère plus verte et apaisante ? Mettez la main à la plante 😉 !

Ecolos un peu plus âgés

Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes entrent dans le mouvement directement par la porte de la contestation dure. Cet engagement est coûteux en matière de santé mentale, avec des formes de burn-out militants qui peuvent arriver très vite. Il y a aussi l’enjeu de l’écoanxiété, cette question de la crainte du futur, qui n’est désormais plus, pour eux, lointain. Cette réalité est niée. Une tribune de Laurent Lardeux, pourtant anodine, entraîne des réactions disproportionnées chez des commentateurs sur lemonde.fr

Laurent Lardeux : « La notion de radicalité renvoie au fait de se placer en rupture par rapport au pouvoir politique institutionnel. Or, chez la plupart de ces jeunes, il n’y a pas d’envie de scission, mais au contraire la volonté de s’adresser directement aux pouvoirs publics et aux institutions,dans l’espoir d’infléchir les organisations. Les actions restent, dans une très large majorité des cas, non violentes. Elles occasionnent en fait très peu de dégâts : c’est de l’ordre de jets de soupe sur des vitres de protection, de manifestations lors d’événements sportifs, d’occupations de places ou de sites industriels. Par rapport aux associations plus anciennes, qui sont sur un fonctionnement plus hiérarchisé et où il faut un consensus sur l’orientation unique qui guidera le mouvement, la génération climat agit dans de nombreuses sous sections locales qui peuvent avoir leur propre direction. »

Les réactions d’internautes anti-écolos

Taraxacum : De faux rebelles testostéronés qui entraînent l’idéal naturel de la jeunesse vers l’habituelle impasse des mouvements inexpérimentés

un Transnaute : Faut bien s’amuser un peu et se rebeller contre les parents.

Atchoum la houle : Ces jeunes veulent imposer par la force un demain qui soit la copie d’hier, pousse à son paroxysme le « c’était mieux avant ». Ce sont surtout des idéalistes incapables de devenir adulte pour vivre dans leur époque.

Pm22 : On commence comme cela et on termine bon bourgeois de gauche, député, ministre, Rédacteur en chef… ou on pantoufle dans une ONG avec bon salaire.

Antonio : De jeunes oisifs repus et choyés par l’ancien monde qui veulent donner la leçon à ceux qui voudraient aussi leur part et leur imposer le puritanisme étroit de leur projet de nouveau monde.

Vexinfrancais : On aimerait que ces activistes publient leur bilan carbone détaillé,…habitudes vestimentaires, voyages en avion, usage du numérique….. Asperger un tableau et pire bloquer une autoroute, c’est pour la planète ou c’est pour faire parler de soi ?

Jean Kaweskars : Une petite amende de 3000€ / personne à chaque sit-in non déclaré, blocage de route ou jet de liquide sur une œuvre d’art d’un musée leur redonnera très rapidement le goût de la démocratie et du respect des lois.

Totoro : A lire la majorité des réactions on peut être sûr d’une chose : ce ne sont pas les lecteurs du Monde qui feront avancer la cause écologique…

Pour en savoir plus, écolosceptiques, organisation du déni (écrit en 2015)

L’heure est à la déconsommation

Hausse des prix des carburants, de la taxe foncière, du tarif réglementé de l’électricité (15 % en février, puis 10 % en août)… trop, c’est trop, dans les rayons des supermarchés l’heure est à la déconsommation pour les Français.

Cécile Prudhomme : Les Français n’ont pas cinquante solutions. Ils limitent leurs achats. Ils privilégient la nourriture au détriment du reste. Ils sortent moins, dépensent moins dans les loisirs et rognent sur leur épargne afin de payer leurs factures d’énergie. Ils achètent de moins en moins de produits à réchauffer, comme les plats cuisinés surgelés. En fait, tout ce qui nécessite d’allumer le four, et donc d’utiliser de l’énergie. Le choc est bien plus fort sur les produits qu’ils ne mettent pas dans leur assiette. Toutes les catégories de la maison, dont le petit électroménager, souffrent. Le non-alimentaire est considéré comme non indispensable. Il y a une déconsommation importante des achats plaisir, même le rayon jouets est touché. Quant aux traditionnelles ventes de la rentrée des classes, elles ont été catastrophiques. On a bien vendu les cahiers, mais les gens ont taillé leurs crayons plutôt que d’en acheter d’autres. Et quant aux cartables…

Le point de vue des écologistes économes

Lapin67 : Excellente nouvelle pour l’environnement ! Il faudra s’habituer, la sobriété c’est aussi de devoir tailler ses crayons plutôt que les remplacer.

Mathilde54 : Quant à la folie de changer de cartable tous les ans, pas de commentaire… Il est temps d’apprendre à protéger notre planète en recyclant et en utilisant les affaires plus longtemps.

Lecteur Masqué : Vu ce que les gens achetaient comme malbouffe ce n’est pas plus mal qu’ils lèvent le pied. Quand à l’excuse « pas le temps pour cuisiner » à d’autres : il y a toujours du temps pour regarder des inepties sur son écran !

le cinquième Beatles : Quand je vois le contenu de certains caddies, et le gabarit des personnes qui les ont remplis, je me dis qu’à quelque chose malheur pourrait être bon…

Lili35 : Je crois que l’on est à un tournant. Réapprendre à aller au marché, cuisiner et manger des légumes de saison. Refaire ses confitures et son pain, des gâteaux. Acheter au fur et à mesure et ne plus manger des plats industriels. La différence elle est là ! La grande surface n’est pas l’amie du client.

Alternactif : Ce qui va se passer, c’est qu’on va tous cultiver notre potager et élever des poules.

Arnaud Lestremau : Et pourtant, la gauche anticapitaliste appelle à la manifestation pour le pouvoir d’achat. Entre la démagogie permettant de gratter quelques voix et la cohérence des idées pour la sauvegarde de la planète, le choix a été fait très rapidement.

Le point de vue de ce blog biosphere

Nous sommes sur ce blog adeptes des Dé, Démondialisation, Démilitarisation, Dépollution, Dépopulation, Désurbanisation, Dévoiturage, Décroissance, Débond. Il n’était que temps d’adopter aussi l’expression « Déconsommation » puisque LE MONDE nous avait pris de vitesse dans son numéro du 17-18 septembre 2017, « Déconsommation, j’écris ton nom » 

L’ère est à la société de déconsommation (2017)

extraits : Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, ce n’est pas en remplissant mais en vidant ses placards que l’on fait sensation… Ces Français qui empruntent la voie de la déconsommation, on les trouve essentiellement dans les grands centres urbains où, équipés de leurs sacs en papier kraft, ils vont avec parcimonie se réapprovisionner en baies de goji et en lentilles corail… S’il y a autant de facteurs explicatifs que de déconsommateurs, les crises sanitaires à répétition semblent avoir lourdement pesé sur les comportements… Chez de nombreux déconsommateurs s’impose l’idée qu’il faut réévaluer le coût réel de nos achats, en y intégrant aussi bien les maladies de civilisation et les dégâts environnementaux que la souffrance causée à autrui, fût-il en train de coudre un smiley sur un tee-shirt à l’autre bout du monde.

Les temps changent. Après la crise des subprimes de 2007-2008, on n’avait pas assisté à un phénomène massif de « déconsommation ». Bien que cette récession soit l’une des plus graves depuis la guerre, bien que le chômage frise les 10 % de la population active, le tourisme en Corse avait explosé l’été… parce que le tourisme à l’étranger avait reculé. Aujourd’hui en 2023 on parle de déconsommation à cause de la baisse de pouvoir d’achat provoqué par l’inflation. Demain tous et toutes nous parleront « sobriété partagée » car la pénurie de ressources naturelles fera sentir ses effets. La décroissance est inéluctable, elle sera maîtrisée ou bien on se foutra sur la gueule !

En savoir plus, Le dossier des « Dé… » en résumé

Macron, « l’écologie à la française » !!!!

Pour atteindre en 2030 une réduction de 55 % de nos GES par rapport à 1990, la France doit faire davantage en sept ans que ce qui a été réalisé en trente-trois. La marche est très haute. Qu’il s’agisse de la façon de se déplacer, de se loger, de produire, de consommer, sans parler de la nécessité de protéger et de restaurer les écosystèmes naturels, les efforts s’annoncent inédits. Au moment même où l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suède sont obligés d’assouplir leur agenda climatique en revenant sur des mesures mal acceptées par la population, Emmanuel Macron croit pouvoir avancer sans heurter les Gilets jaunes. Les ajustements annoncés ne débouchent donc pas sur le nécessaire changement d’organisation économique. Mais à ne pas vouloir angoisser les Français aujourd’hui, le danger est de les exposer demain à un réveil d’autant plus difficile.

Matthieu Goar : « Le 25 septembre, Emmanuel Macron a présenté sa vision d’une « écologie à la française » censée répondre à un triple défi, « celui du dérèglement climatique et de ses conséquences, celui d’un effondrement de notre biodiversité et celui de la rareté de nos ressources » Mais toute idée de contraintes ou de changements sociétaux est repoussée. « Nous avons décidé d’encourager nos compatriotes à changer plus vite, sans interdiction, en les incitant », a-t-il ainsi assumé au sujet des chaudières à gaz. Des sujets comme la limitation de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute – proposée par la convention citoyenne pour le climat en 2019 –, la consommation de viande ou l’usage de l’avion n’ont même pas été abordés.

Le chef de l’Etat s’est contenté de parler de façon très vague d’« une politique de transformation de tous les comportements », mais il a aussi annoncé que le leasing permettant l’accès à une voiture électrique pour 100 euros par mois vingt-quatre heures après avoir annoncé une nouvelle aide au carburant de 100 euros pour les gros rouleurs les plus modestes. Il s’est engagé à reprendre dès octobre le « contrôle du prix de notre électricité » pour qu’elle soit « soutenable à la fois pour nos entreprises et pour nos ménages ». Sans entrer dans le débat immense sur les restructurations, M. Macron a aligné les objectifs : 1 million de véhicules électriques et 1 million de pompes à chaleur devront être produits en France d’ici à 2027… »

Le point de vue des écologistes de rupture

Avec ce mélange macronien d’un refus des interdictions et d’une ambition assumée pour une « croissance verte », teintée d’un techno-solutionnisme sur l’hydrogène ou le captage du carbone, Emmanuel Macron dessine sa propre vision d’une écologie « positive ». Une façon de se tenir en équilibre instable entre « l’écologie du déni » de l’extrême droite et « l’écologie de la cure » incarnée par une infime partie des écologistes institutionnels. « Notre écologie est aussi une stratégie de préservation de notre richesse de biodiversité et au fond, de nos paysages qui constituent l’identité profonde de la France », avait conclu le président de la république, comme si la transition n’était qu’une douce évolution pour mieux protéger les modes de vie !

Voici de notre côté les modalités d’une rupture avec la société croissanciste

1 Analyse simplificatrice de la réalité

# Approche systémique des interdépendances avec la biosphère

2 Crise conjoncturelle, politique de court terme

# effondrement de la civilisation thermo-industrielle

3 Priorité à la croissance et risque de récession/dépression

# Maîtrise de la décroissance

4 Acceptation des inégalités de revenus

# Revenu maximum autorisé

5 Appropriation privée privilégiée

# Gestion collective des biens communs

6 Ecologie non punitive, soutien des intérêts à court terme

# Ecologie de l’état d’urgence, garante du long terme

7 Dualisme homme / nature

# Biocentrisme et écocentrisme

8 Ecologie superficielle, réparatrice

# Ecologie profonde, éliminant les causes des dysfonctionnements

9 Priorité à l’économie, censé résoudre tous les maux

# ressources naturelles, base de l’économie et des avancées sociales

10 Mythification du PIB, option quantitative

# Priorité au qualitatif, IBED (indicateur de bien-être véritable).

11 Ignorance des limites biophysiques

# Sens des limites matérielles et éthiques

12 Civilisation minière, extractiviste

# Utilisation uniquement de ressources renouvelables

13 Alignement à gauche ou à droite

# Ecologie au delà des divisions politiques traditionnelles

14 Loi du marché et individualisme

# Lois de la nature et apprentissage du collectif

15 Règne de la concurrence et de la compétition

# Apprentissage de la coopération et du partage

16 Marchandisation des rapports sociaux, culte de l’avoir

# Valorisation des relations, des liens, de l’être

17 Mondialisation des échanges et libre-échange

# Démondialisation, relocalisation, monnaies locales

18 Politique macroéconomique de relance

# Politique de sobriété énergétique et de partage

19 Politique de l’emploi global

# Politique de l’emploi utile

20 Salarisation et emplois publics

# Augmentation de la part des profession indépendantes

21 Soutien aux grandes entreprises

# Valorisation des artisans, paysans et PME

22 Soutien à l’agro-industrie, la monoculture

# Agriculture biologique, polyculture/élevage

23 Priorité à la technoscience

# Mise en œuvres de techniques douces, appropriées

24 Politique d’infrastructures, de grands projets

# Rapprochement des lieux de vie, de travail et de loisirs

25 Option tout voiture

# Dévoiturage

26 Politique d’allongement des études

# Apprentissage court du savoir être et du savoir faire

27 Priorité à la spécialisation dans une société complexe

# Formation à la polyvalence dans un système productif simplifié

28 Accentuation de la division du travail

# Raccourcissement du détour de production

29 Allongement des circuits de distribution

# Priorité aux circuits courts, alimentaires, biens et services

30 Prime à l’intérêt national dans négociations internationales

# Vers l’union des peuples, nous n’avons qu’une planète

31 Politique militariste

# Apprentissage de l’action non violente

32 Maintien de la force de frappe

# Désarmement nucléaire unilatéral

33 Politique militaire interventionniste sur les théâtres extérieurs

# Neutralité militaire de la France vis-à-vis de l’étranger

34 Journée d’appel et de défense

# Initiation à l’objection de conscience

35 Assistance du berceau à la tombe

# Recherche des solidarités de proximité

36 Politique familiale nataliste (allocations familiales, quotient…)

# Neutralité de l’Etat, éducation à la capacité de charge

37 Etatisation, centralisation

# Soutien à la formation de communautés de résilience

38 Politique de l’offre d’énergie (nucléaire et renouvelable)

# Incitation à la réduction des besoins en énergie exosomatiques

39 Marché carbone

# Taxe carbone avec prévision carte carbone (rationnement)

40 Soutien de la consommation par la publicité

# Suppression de la publicité, indicateurs qualité/prix

41 Effet de mode, obsolescence programmée

# Produits de base, réparables, recyclables…

42 Politique du spectacle (foot, société de l’écran…)

# Loisirs de proximité avec contact physique direct avec autrui

En savoir plus avec notre blog biosphere

post-covid, pour une écologie de rupture (avril 2020)

extraits : On ne peut que constater : les militants de la décroissance l’ont rêvé, le coronavirus l’a fait. L’activité productive est à l’arrêt, le krach boursier est arrivé, les perspectives de croissance sont en berne, les déplacements sont réduits au strict minimum, les voyages par avion sont supprimés, les enfants restent en famille chez eux, le foot-spectacle se joue à huis clos et la plupart des gouvernances sont remises en question. Les politiques commencent alors à réfléchir aux fondamentaux…

pour une écologie de rupture avec le système (2016)

extraits : Depuis le rapport Meadows en 1972, nous savons qu’une croissance infinie dans un monde fini est impossible. Il n’y aura pas d’énergie de substitution aux énergies fossiles. Il faut donc penser l’avenir en termes de sobriété et de résilience. Face à l’ampleur de la transformation nécessaire, l’imaginaire écolo ne peut pas se résumer à « l’immédiateté » imposée par le système productiviste. L’écologie est aussi un art de vivre, une philosophie de la sobriété. Nous devons être porteurs et acteurs de ce message…

Une écologie de rupture contre la société croissanciste (2015)

extraits : L’idée-clé de l’écologie politique, c’est la conscience aiguë que nous avons déjà dépassé les limites de la biosphère. Il faudra donc faire des efforts dans tous les domaines. Il ne s’agit pas d’écologie punitive, mais de soutenir une écologie de rupture. A ceux qui lui demandaient comment sortir de la crise, l’écologiste Teddy Goldsmith répondait en souriant : « Faire l’exact contraire de ce que nous faisons aujourd’hui, et ce en tous les domaines. »

Macron aime la bagnole, pas l’écologie !

Dimanche 24 septembre 2023, décidé moins de vingt-quatre heures plus tôt, le chef de l’Etat s’est exprimé sur les grands sujets – immigration, écologie, inflation, géopolitique –. Face aux prix de l’essence qui s’envolent, Emmanuel Macron ose : « On aime la bagnole. Et moi, je l’adore ». Ouah ! On en change rien, victoire, tu régneras, oh joie tu nous sauveras, roulez petits bolides !

Emmanuel Macron : « Il y a un chemin d’écologie à la française qui est une écologie de progrès, qui n’est ni le déni ni la purge… Par rapport au débat sur le pouvoir d’achat, l’écologie est la réponse, notamment grâce aux véhicules électriques. Parce qu’en France on aime la bagnole. Et moi, je l’adore… On n’interdira pas les chaudières au gaz… A ceux qui réclament une grande mesure, je promets de sortir du charbon d’ici à 2027… Je prolonge l’aide ciblée de l’État, jusqu’à 100 euros par an, pour les ménages les plus modestes. La transition écologique n’est pas l’annonce d’une tragédie, mais peut apporter au pays des emplois et de la prospérité, et donc lutter contre l’inflation. »

Le point de vue des écologistes pas dupes

baobab dégingandé : Donc il va faire ce qu’il avait déjà dit qu’il allait faire, mais sans obliger personne, et en même temps il sera toujours possible de faire l’inverse. Il avait déjà promis la sortie du charbon… pour 2022 !

PIER A. : « En France, on aime la bagnole ». Le populisme ça peut aussi être libéral catho de centre droit.

Benoittttt : Il a même ajouté, « on aime la bagnole. Et moi, je l’adore » ?? Il y a 50 ans sous Pompidou, je comprendrais, mais en 2023, au vu de la place de ce moyen de transport dans les émissions de GES c’est désolant. Un vrai gamin attardé !

Raphaurel : Le plus grand défi du siècle est la lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne pouvons pas accepter que la réponse à ce défi soit de passer au tout électrique ! Je ne peux pas croire que Macron pense ce qu’il dit. Il est jeune, il ne pourra pas être réélu, il DOIT prendre des décisions difficiles. C est notre surconsommation de tout qui doit changer et non remplacer une voiture polluante contre une autre voiture certes non émettrices de CO2 mais tout aussi polluante pour sa fabrication et la production d’énergie.

Autre Citoyen : Plutôt que d’être fan de la bagnole, il ferait bien d’être fan des transports en commun… Quant à la vente à perte des carburants, mais quel amateur !

Jacques Py : Parler de sortir du charbon quand nous n’avons presque plus de centrales à charbon, comment nommer cela ? Prendre les Français pour des jambons !

Liberté Egalite Fraternite et Republique : Un Président pris en étau entre l’idéologie politique néolibérale transnationale qu’il porte, exigeant de la croissance pour augmenter les bénéfices non redistribués par le pillage des ressources limitées naturelles intergénérationnelles de la planète ET la protection des humains de travailleurs, consommateurs nécessaires à l’augmentation du PIB.

Savonarole : Un président d’immense stature dont on se souviendra longtemps ! Au moins 5 min.

Notre adoration pour Macron est sans limites, lire nos écrits antérieurs

E. Macron invente la « sobriété raisonnable » !!

extraits : Emmanuel Macron, ce vieux jeune qui vit encore aux temps de l’abondance à crédit, ânonne l’idée de sobriété sans vouloir nous avertir que le futur proche ne sera pas une allée bordée de roses, mais de larmes….En visite au Salon du Bourget, lundi 19 juin 2023, le chef de l’État affirme qu’il faut distinguer une sobriété « bien organisée, non punitive », d’une sobriété « punitive » : « La première serait comprise par tous et raisonnable, tout le monde fait des efforts qui permettent de faire des économies d’énergies. L’autre en viendrait à dire « il faut tout arrêter, et il faut renoncer à la croissance. Je ne la crois pas raisonnable…

Macron, un technolâtre de l’aviation

extraits : Le président de la République a annoncé une salve d’investissements pour créer une filière française de biocarburants baptisée « BioTJet ». Macron enfile les oxymores comme des perles : «  avion ultrasobre, appareil zéro émission, des carburants aériens durables, moteur à biocarburant, kérosène durable… » La voiture propre et la croissance verte passent dans la stratosphère, le greenwashing fait toujours ses ravages…

Macron subventionne les émissions de GES

extraits : La première ministre, Elisabeth Borne vient d’annoncer (décembre 2022) le versement en 2023 d’une « indemnité carburant » de 100 euros. Ce gouvernement soi-disant libéral (en faveur de la loi du marché) s’ingénie à masquer l’indicateur prix, la seule boussole pour nos comportements marchands dans nos sociétés trop complexes. Dans un contexte de réchauffement climatique, l’État doit non seulement laisser les automobiliste gérer par eux-mêmes leur budget « effet de serre », mais il aurait du, dès le premier rapport du GIEC sur le climat, augmenter chaque année la taxation du pétrole pour inciter la population à se passer de véhicule individuel pour privilégier par ses choix de vie les modes de déplacement doux pour la planète…

Emmanuel Macron cause, la planète trinque

extraits : La lutte contre le réchauffement climatique, l’épuisement des ressources et la crise de la biodiversité suppose de revoir en un temps record tout notre modèle de développement, le président de la République ne le sait pas encore. Il  aura fallu attendre quelque quarante-cinq minutes pour que la journaliste de France 2, Caroline Roux, aborde en octobre 2022 la question de l’urgence climatique, interrogeant Emmanuel Macron sur les véhicules électriques…

L’effondrement en marche avec Macron

extraits : L’exhortation à la sobriété énergétique lancée par Emmanuel Macron le 14 juillet 2022 est certes salutaire, mais il est regrettable qu’elle soit plus le produit des tensions sur les approvisionnements en énergies fossiles de la France du fait de l’invasion russe de l’Ukraine que celui d’un volontarisme climatique assumé. La réponse du gouvernement français reste « insuffisante » pour « garantir un avenir vivable », avait averti en juin le Haut Conseil pour le climat (HCC), dans son quatrième rapport annuel. Les propositions de la convention citoyenne pour le climat qui allaient dans le sens de la sobriété n’ont pas été retenues par Macron…

Les écolos, choyés par Emmanuel Macron ?

extraits : « La politique que je mènerai dans les cinq ans à venir sera écologique ou ne sera pas », a lancé le président sortant lors de son meeting à Marseille en avril 2022. Emmanuel Macron s’engage à nommer un premier ministre « directement chargé de la planification écologique ». Il propose aussi d’organiser « une fête de la nature » chaque année, à l’image de la Fête de la musique…

Église verte et écopsychologie

Notre blog biosphere reçoit un grand nombre d’informations dont deux récentes abordent d’une certaine façon la définition du Soi et les pratiques du travail qui relie. Sociétés premières et religions du livre commencent à se rejoindre dans une vision non anthropocentrée de notre planète.

    • Église verte est née dans le sillage de la mobilisation chrétienne pour la COP21 en 2015 à Paris et des retombées de l’encyclique du pape François “Laudato Si’“, sur le soin de la maison commune, sortie en 2015 également. Le label Église verte fête le 16 septembre ses 6 ans. Il est porté par le Conseil d’Églises Chrétiennes en France, la Conférence des Évêques de France, la Fédération Protestante de France et l’Assemblée des Évêques Orthodoxes de France. Cet outil pratique est conçu pour aider les communautés chrétiennes à progresser sur le chemin de la conversion écologique.
    • Les éditions wildproject nous offrent un extrait du livre : l’article de la thérapeute Jeannette Armstrong “Les gardien·nes de la Terre” (PDF)fondateur de l’écopsychologie. Selon la conviction d’Armstrong, notre responsabilité la plus essentielle est d’apprendre à relier l’intégralité de notre moi individuel et de notre moi communautaire à la terre : « Nous les Okanagan (Amérindiens), considérons que la personne dans son entièreté possède quatre principales facultés qui fonctionnent ensemble : le moi physique, le moi émotionnel, le moi pensant, intellectuel et le moi spirituel. Ces facultés peuvent être librement décrites comme ce qui nous relie au reste de la création de manière saine… »

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere

Pour reverdir l’être, le SOI ouvert au monde

Toile de la vie et Travail qui relie

Pour comprendre l’écopsychologie en quelques mots

L’écopsychologie qui soigne l’esprit et sauve la Terre

Les penseurs de l’écologie en quelques mots

Jean-Jacques Rousseau : il n’y a pas un être dans l’univers qu’on ne puisse, à quelque égard, regarder comme le centre commun de tous les autres, autour duquel ils sont tous ordonnées, en sorte qu’ils sont tous réciproquement fin et moyens relativement aux autres… Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire « Ceci est à moi » est à l’origine de bien des crimes, des guerres, des misères et des horreurs.

John Muir : Il utilisa sa notoriété d’écrivain dans on combat préservationniste, il milita pour la crétion du Yosemite Park, fonda le Sierra Club et partit en 1903 camper trois nuits avec le président Theodore Roosevelt… qui signa ensuite le décret élargissant à son périmètre actuel le Yosemite Park.

Rachel Carson : son livre, Printemps silencieux (1962) est à l’origine d’une campagne pour l’interdiction du DDT qui aboutit aux États-Unis en 1970. Une autre conséquence fut la création, la même année, de l’Agence de protection de l’environnement, à qui la régulation des pesticides fut confiée alors qu’elle relevait jusque-là du département de l’agriculture des États-Unis.

Ruth Harrison : son livre, Animal Machines (1964) est à la cause animale ce que Printemps silencieux est à la cause environnementale. Il relate le remplacement des fermes traditionnelles dans les années 1950 par les fermes-usines, avec leur obsession de grande taille et du rendement, de confinement hors sol des animaux. Il a suscité le comité Brambell sur le bien-être des animaux d’élevage.

Arne Naess : L’écologie superficielle pense les problèmes en termes de responsabilité interhumaine, le courant de l’écologie profonde les formule en termes de respect des entités du monde naturel dont on reconnaît la valeur intrinsèque. La valeur des formes de vie non humaines est indépendante de l’utilité qu’elles peuvent avoir pour des fins humaines limitées.

Jacques Ellul : l’homme des temps modernes croit se servir de la technique alors que le plus souvent, c’est lui qui la sert. Combinée avec des États omnipotents, la technique moderne devient vite « totalitaire ».

Ivan Illich : Les institutions modernes, dotées de moyens techniques et bureaucratiques considérables, ne peuvent s’empêcher de croître au point que, franchissant un certain seuil, elles finissent par produire le contraire de l’effet recherché. Ce qu’il baptise du nom de « contre-productivité ». Une société conviviale est une société où l’outil est au service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de spécialistes. L’éducation à la survie dans ce monde artificiel commence avec les premiers manuels scolaires et finit par le mourant qui s’agrippe aux résultats de ses examens médicaux. Est-e cela vivre, dis-moi ?

René Dumont, candidat écolo à la présidentielle de 1974 : « Nous allons bientôt manquer d’eau et c’est pourquoi je bois devant vous un verre d’eau précieuse puisque, avant la fin du siècle, si nous continuons un tel débordement, elle manquera… » Il écrivait déjà en 1973, « Un âne marche mieux qu’un tracteur sans essence » et « le chien américain dépense plus que l’Indien ». L’étude de la production alimentaire à l’échelle de la planète comparée à l’évolution démographique a forgé chez lui des vues malthusiennes.

Peter Singer : inscrit la libération animale dans un sillage historique, celui de l’émancipation des Noirs et des femmes. Il s’agit d’élargir le cercle de la considération morale, comme on l’a élargi auparavant par-delà les races et le sexe. Il popularise le mot antispécisme, c’est à-dire le combat contre le spécisme (néologisme forgé en 1970 par Richard Ryder), une hiérarchisation arbitraire établie entre les espèces.

Françoise d’Eaubonne : parlez-lui d’écoterrorisme, elle répondra « contre-violence ». Rien de plus qu’un retournement de l’arme de l’ennemi contre liu-même. Le 2 mai 1975, elle pose avec d’autres deux bombes artisanales qui explosent dans la centrale nucléaire en construction de Fessenheim. Le circuit hydraulique est endommagé et le chantier retardé de quelques mois. Elle dénonce aussi le lapinisme phallocratique qui conduit à la surpopulation.

Jean-Marc Jancovici : Nous sommes tous devenus des « Iron Man ». Grâce à la puissance des énergies fossiles, un Français moyen a à sa disposition l’équivalent de 427 esclaves énergétiques. Or nous vivons sous une double contrainte : nous arrivons au bout des énergies fossiles et nous sommes meurtris par le réchauffement climatique. En clair nous allons avoir de plus en plus de problèmes et de moins en moins de moyens pour les résoudre. L’idée d’une croissance vert est absurde, et plutôt que de subir la décroissance mieux vaut l’organiser.

Greta Thunberg : A l’heure du souper, l’alarme incendie retentit. Vous constatez que le toit de votre maison est la proie des flammes, mais comme si de rien n’était, vous entrez terminer votre dîner. Après tout, vous aviez prévu de regarder un film avant d’aller vous coucher. « Je suis désolée, mais cela n’a aucun sens », dit Greta en mars 2020 aux eurodéputés à qui elle vient de décrire cette scène.

(extraits du livre « Les penseurs de l’écologie » (Les Liens qui Libèrent, 2023))

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La bibliothèque idéale de l’écologie

les penseurs traités par ce post : Françoise d’Eaubonne, Élisée Reclus, James Lovelock, André Gorz, David Abram, Aldo Leopold, Hans Jonas, Günther Anders, Jürgen Habermas, Ulrich Beck.

L’histoire de la pensée écologique en quelques citations

les penseurs traités par ce post : Georges Canguilhem en 1973, Arne Naess en 1976, Daniel Cohn-Bendit en 1997, Pascal Durand en 2012, José Bové en 2013, Benoît Lechat en 2014, Michael Jacobs en 2015, Nicolas Hulot en 2016.

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Utopie, ce qui n’est pas encore réalisé !

Face à la la crise démographique

Dès la fin du XXe siècle, la capacité de charge de la planète est déjà dépassée, il y a surpopulation manifeste. En effet un niveau donné de population est indissociable de l’état des ressources alimentaires et de l’échelle des besoins. L’empreinte écologique des pays riches est telle qu’elle n’est pas généralisable et des émeutes de la faim se sont multipliées durant la première moitié du XXIe siècle. Le diagnostic de Robert Malthus a refait surface, une population ne peut s’accroître plus vite que ce que le milieu naturel peut lui offrir durablement. Les problèmes de fécondité de la terre issus de la surexploitation des sols sont devenus apparents, ce qui accroît d’ailleurs le sentiment général de surpopulation. La destruction de l’humus, la déforestation, la stérilisation des terres, la désertification, l’épuisement des ressources halieutiques ont continué leurs ravages pendant tout le début du XXIe siècle.

En 2050, la planète compte près de 10 milliards d’habitants d’humains. Nous sommes confrontés à deux problèmes interdépendants, le niveau de la population et l’état des ressources. La maîtrise de la fécondité est devenue incontournable, tous les moyens sont utilisés : liberté de contraception et d’avortement, suppression des allocations familiales car l’Etat se veut neutre financièrement par rapport aux naissances voulues par les couples. L’approche fiscale de la fécondité est remplacée par la formation des jeunes et des adultes en matière de poids démographique et de responsabilité dans l’éducation des enfants. A cette approche malthusienne se superpose l’apport d’Arne Naess : « si l’épanouissement de la vie et des cultures humaines est compatible avec une diminution substantielle de la population humaine, l’épanouissement de la vie non-humaine requiert une telle diminution. » Le maintien de la biodiversité est facilitée par la maîtrise de la fécondité humaine.

En 2050, la relocalisation de la production agricole et la généralisation de l’agriculture biologique ne peut suppléer complètement à l’apport interrompu du pétrole (engrais, énergie, pesticides, etc.) propre à une agriculture productiviste. Il faut donc changer de régime alimentaire. De gré ou de force, nous sommes tous devenus quasi-végétariens, le complexe agroalimentaire a fait faillite. La sécurité alimentaire exigée par les pays du Nord a été remplacée par l’idée de souveraineté alimentaire de chaque territoire. Les jardins collectifs ont été fortement encouragés par mise à disposition gratuite de terrains aménagés avec une double vocation alimentaire et de création de lien social.

Technologique, limitation de l’innovation

Les sociétés « d’avant le développement » obéissaient principalement à des logiques de « reproduction » et non de « production ». Elles visaient avant tout à reproduire du lien social, ce qui supposait de garder le sens des limites (Frédéric Durand). Leur but premier était de permettre la reproduction d’une communauté, à la fois démographiquement et culturellement. On n’adoptait une innovation que si elle ne mettait pas en péril l’équilibre général. Cette conception montre la voie de l’après-développement (François Partant). Pendant la révolution industrielle, les avancées de la science sont spectaculaires, mais nécessitent plus que jamais à l’échelle de la planète un encadrement éthique. L’innovation se recentre sur les besoins fondamentaux de l’humanité (alimentation, santé, lien social).

En 2050, la notion de progrès technique ainsi que l’emprise de la technique sur la société est remis en question. Il est dorénavant admis par tous que les techniques thermo-industrielles sont conditionnées par les mécanismes de l’entropie. Nicholas Georgescu-Roegen, qui avait proposé dès 1979 un programme bioéconomique, est devenu un auteur de référence. La qualité d’une civilisation ne se juge plus par son degré de technologie et d’accumulation matérielle. Les enseignements de Jacques Ellul, Ivan Illich et quelques autres formatent la pensée de chacun. La division du travail, complément obligé de la complexification technologique, est simplifiée. Le détour de production n’est plus allongé comme précédemment, mais au contraire raccourci. Le transhumanisme n’est plus défini comme une symbiose entre l’homme et la machine, mais comme l’ouverture de l’humanisme aux générations futures et aux non-humains.

En 2050, il s’agit dorénavant de limiter la dégradation des écosystèmes en abandonnant nos moyens techniques disproportionnés (pesticides, OGM , nanotechnologies, géo-ingénierie…) et d’échapper à l’idéologie de la technoscience. Le progrès culturel est prépondérant et conditionne l’acceptation sociale des innovations technologique. La compréhension des mécanismes de la biosphère et la compassion envers autrui forment le socle des techniques éducatives. Dès le plus jeune âge, on a appris les méfaits de la mégamachine et les avantages des techniques douces. Le système techno-médical ne recherche plus à repousser la mort à n’importe quel prix (euthanasie accepté).

La nature des communications : valorisation des rapports de proximité

Au début du XXIe siècle, nous avons pris progressivement conscience de l’enfermement planétaire (André Lebeau). De plus le choc pétrolier de 2027 a fait ressentir à tous la fin de l’énergie fossile à bas prix : le coût des déplacements explose. Il y a eu une limitation générale, volontaire ou forcé, des déplacements physiques. Les villes compactes se sont multipliées, accompagnant le processus de désurbanisation. La voiture individuelle est en voie de disparition, comme le transport par avion et les trains à grande vitesse. Ce qui domine, c’est le concept d’écomobilité, qui a rejeté de fausses solutions techniques comme la voiture électrique. Le slogan du XXe siècle, « plus vite, plus loin, plus souvent et moins cher » est devenu « moins vite, moins loin, moins souvent et beaucoup plus cher ».

En 2050, la mobilité géographique comme la mobilité professionnelle est réduite, le travail s’enracine de plus en plus sur un territoire déterminé. Le tourisme international a presque complètement disparu et il est mal accepté par les autochtones. Même s’il y a encore quelques voyageurs, les migrations de masse apparaissent dorénavant comme des impossibilités majeures. Notons que plus on attendra pour lutter contre le réchauffement climatique en réduisant drastiquement la combustion de ressources fossiles, plus il y aura de réfugiés climatiques et plus les replis identitaires seront importants (cf. Harald Welzer, Les guerres du climat). 

En 2050, la révolution numérique commence à apparaître comme une impasse. La génération de l’écran aura disparu faute d’écrans individuels à cause des grandes pannes récurrentes d’approvisionnement électrique. Les moyens de communication au loin (téléphone, télévision), facilités par l’usage de l’électronique, sont utilisés de façon collective et parcimonieuse. Ils permettent de conserver un lien avec la communauté mondiale, la planète est aussi notre village. Les activités de loisirs se recentrent sur la communauté proche. La société du spectacle est progressivement remplacée par des activités ludiques de proximité (sport, musique, etc.) dont les personnes sont elles-mêmes les acteurs.

Les acteurs du changement : de la toute puissance étatique à l’autonomie individuelle

Alors que le système socialisant privilégiait pendant les Trente Glorieuses l’intervention de l’Etat (pratique keynésienne, Etat-Providence), au cours des années 1980 le tournant libéral privilégie les entreprises et la responsabilité individuelle. Mais au-delà de cette dichotomie apparente, chaque nation était en fait représentée par un Etat de type « national-socialiste », c’est-à-dire un système qui considère les intérêts de ses ressortissants et non l’intérêt général. Au moment des premiers choc écologiques de la première moitié du XXIe siècle, la tendance mondiale a été au renforcement du pouvoir d’Etat dans chaque nation pour faire face à la crise ultime. En effet il a fallu prendre des décisions autoritaires et provoquer une mobilisation sans précédent des citoyens : à crise systémique, réponse systémique. Le sentiment d’urgence était généralisé, les directives acceptées ; la crise économique était telle que le consensus allait de soi (écocitoyenneté). Mais les pays renforçaient aussi leurs liens réciproques. Le RES (Rapport Europe Soutenable) appliqué dans l’Union européenne a été un facteur prépondérant de l’évolution mondiale.

Pourtant un système démocratique durable est d’autant mieux préservé quand l’Etat central a programmé la mise en place d’une autonomie territoriale. Dès le début du 21e siècle, des communautés de résilience se préparaient au pic pétrolier, au changement climatique et à la crise économique afin de mieux y résister (ne pas confondre avec les survivalistes). Ce processus rend obsolète en 2050 l’existence d’un Etat central fort. La pratique de l’Etat « national-socialiste » est abandonnée. Les relations de production et de consommation se recentrent sur le territoire (relocalisation, désurbanisation, ruralisation). L’agriculture et l’artisanat ont retrouvé une place stratégique. Les études sont courtes, centrées sur l’apprentissage des techniques douces et l’expérience de la convivialité. Les individus savent maintenant que leur responsabilité personnelle passe par la prise en compte de leur responsabilité collective, ils raisonnent glocal, à la fois global et local.

En 2050, nous passons de la toute puissance étatique à l’autonomie individuelle. La philosophie des Lumières se concrétise par la maîtrise individuelle de ses gestes quotidiens. Les militants des syndicats et des partis politiques savent dorénavant qu’on doit personnellement vivre en harmonie avec les principes démocratiques ET écologiques. Ainsi le pôle écologique du parti socialiste français avait adopté en 2010 le principe suivant : « Le Pôle écologique du PS invite ses membres et l’ensemble des citoyens à faire preuve le plus possible dans leur vie de sobriété énergétique et d’autolimitation pour construire ensemble une société plus conviviale et plus égalitaire. » La recherche des limites est un passage obligé pour permettre un équilibre durable entre les possibilités de la planète et l’harmonie sociale, mais la simplicité volontaire ne se décrète pas.

La question ontologique : les valeurs comme processus de hiérarchisation des choix

Au début du XXIe siècle, les hommes n’ont pas su réagir à l’urgence environnementale. Comme Hans Jonas l’avait pressenti, il était naïf d’espérer pouvoir résoudre le problème simplement au moyen de techniques « vertes ». C’était aussi un leurre d’espérer résoudre la crise écologique au travers de simples mesures économico-politiques. A cause de cet échec, la thèse selon laquelle le XXIe siècle sera le siècle de l’écologie peut être accréditée. C’est en effet d’une modification de notre rapport à la nature, mais aussi d’une révision de nos valeurs dont nous avons besoin. Le vœu majeur de notre temps me semble adéquatement formulé dans l’aspiration à une philosophie de la nature qui cherche à concilier l’autonomie de la raison avec une valorisation intrinsèque de la nature (Vittorio Hösle).

En 2050, une nouvelle ontologie commence à remplacer tant les croyances religieuses que la croyance en la croissance capitaliste. Nous sommes en passe d’acquérir un nouvel horizon éthique, du type écologie profonde (Arne Naess), basé sur le plus grand respect des humains (généralisation de la non-violence) comme des non-humains. Pour arriver à cet état d’esprit, il a fallu l’échec de l’écologie superficielle ou réparatrice ; la crise écologique a en effet permis de mettre en question l’analyse des spécialistes pour adopter une approche systémique.

En 2050, nous avons compris que l’humanité sans la nature ne serait plus humaine. Opposer l’amour des hommes et l’amour de la nature serait une erreur, l’espèce humaine n’étant qu’un élément de la nature. Il y a un approfondissement de l’humanisme qui abandonne alors les illusions de l’anthropocentrisme.

Le processus de décision : vers une démocratie élargie

Autrefois le système démocratique était ethnocentré, délibère un groupe particulier à un moment donné. La nation était, au moins depuis le XIXe siècle, le nouveau paradigme. Il est cependant clair que la nation est une catégorie nécessairement anti-universaliste. Ce système, véritable exercice d’un rapport de force entre intérêts divergents, avait fait la preuve de son inefficacité, par exemple dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais l’urgence écologique est reconnue au début du XXIe siècle comme fondamentale pour l’ensemble de l’humanité, on ne peut mener qu’une lutte supranationale au-delà des nations. Le choc des crises écologiques remet même en question le paradigme de la démocratie représentative habituelle.

En 2050, nous avons ressenti le besoin d’un équivalent dans le droit public de la figure du tuteur présente dans le droit civil. Les parlementaires ne défendent pas, dans un Etat de droit moderne, les intérêts de leurs électeurs ; ils défendent l’ensemble du peuple. Les décideurs ont dorénavant pris conscience que « l’ensemble du peuple » ne se réduit pas aux générations actuelles. Chaque membre d’une instance délibérative sait se situer à la fois dans le long terme et dans l’espace élargi. Chacun se fait l’avocat des acteurs-absents (ou tiers-absents), à savoir les habitants des autres territoires, les générations futures, mais aussi les non-humains (la biodiversité).

En 2050, l’éclatement du pouvoir politique entre différentes communautés en charge de son propre écosystème permet de renforcer la démocratie directe. On applique le principe de subsidiarité dans un monde complexe où se côtoie encore des pays isolés, des nations autonomes, des conglomérats d’états (L’Union européenne ?) et des instances qu’on n’ose plus qualifier de transnationales. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est ni l’action individuelle ou l’action collective, ni les institutions ou les Etats, ni la politique ou la morale qui fabriquent notre avenir, c’est l’interaction spéculaire : « Tu fais, parce que je fais, parce que nous ferons tous de même ».

Je ne sais pas si cette utopie 2050 aura un grand avenir. Elle est sur mon blog depuis 2009, aucun syndicat ou parti politique ne m’a encore contacté pour la faire sienne ! Mais je ne désespère pas… car mes perpspectives 2050, si tout se passe au mieux, devraient s’étaler sur au moins un siècle, donc bien au-delà de mon existence personnelle puisque je suis né en 1947.

Je pense en particulier que nous sommes en passe d’acquérir une nouvelle ontologie, un nouvel horizon éthique, du type écologie profonde, basé sur le plus grand respect des humains (généralisation de la non-violence) comme des non-humains. L’écologie profonde est une philosophie, une recherche de la sagesse. C’est pour moi les fondements d’une pensée qui est seule à même de nous donner des repères stables dans le monde conflictuel qui s’annonce. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Une UTOPIE pour 2050

Quelques idées générales : Nous avons besoin d’une utopie mobilisatrice pour répondre à la question qui se posera bientôt dans notre futur proche : comment vivre mieux avec moins ? J’ai rassemblé tout ce qui me motive dans la synthèse suivante et j’ai considéré comme hypothèse probable que les années 2030 seront marquées par la réalité physique d’un krach écologique multiple, et donc par une prise de conscience généralisée. Les années suivantes, l’humanité sera donc obligée de changer fondamentalement de paradigme, d’imaginaire collectif. Ce que nous prévoyons déjà pour 2050 est largement avéré au niveau des statistiques ; les objectifs face à une crise systémique causée par le système capitaliste et les moyens de réagir ont fait l’objet de propositions de nombreux analystes. Il n’est pas besoin de beaucoup imaginer, encore moins d’auditionner toujours plus spécialistes : il suffit de lire les écrits déjà parus.

D’ici à 2050, la synergie des crises alimentaires, énergétiques, climatiques et démographiques va entraîner une dégradation rapide et brutale du niveau de vie à l’occidentale. Face à la catastrophe annoncée, les humains vont réagir à leur manière, selon deux modalités contradictoires. Pour une part, les violences seront exacerbées, qu’elles s’exercent entre les humains ou pour piller les dernières ressources accessibles. Nous ferons aussi appel à la raison, à la coopération, au sentiment d’interdépendance. Nous ne pouvons pas déterminer à l’avance ce qui l’emportera entre la face sombre de l’individu ou l’intelligence des situations. Des analyses comme le rapport secret du Pentagone (octobre 2003) sur le changement climatique envisagent le pire, c’est-à-dire la priorité à la raison d’État et la survie des sociétés les plus combatives. Il y a aussi les pessimistes qui pensent que plus rien n’est possible, donc pourquoi agir. D’autres analystes misent sur la pédagogie de la catastrophe. En effet, le temps que nous avons pour une rupture écologique est très court, mais le sentiment de la catastrophe en marche pourrait servir de pédagogie.

Un Mouvement social-écologiste, qui voudrait préparer un avenir durable, se doit d’envisager des scénarios pour accélérer l’évolution vers des comportements écologiquement vertueux. Nous sommes obligés de nous confronter aux limites de notre planète, notre volonté doit aller en ce sens : la volonté politique liée à la nécessité écologique. C’est l’objectif de l’écologie politique, c’était par exemple la vocation des Verts en 1984 ou la création mort-née du pôle écologique du Parti socialiste. Un parti ne peut pas faire l’impasse sur l’avenir de tous les êtres vivants, sauf à admettre qu’il ne s’occupe que du bien-être actuel de la société française. Un parti digne de ce nom doit se montrer capable d’un véritable projet alternatif pour un avenir durable. Il s’agit de concilier le volontarisme politique et le sens de l’utopie dans un contexte actuel qui nous fait déjà penser que 2050 sera profondément différent de ce qu’a construit la société thermo-industrielle en deux siècles.

Un scénario écolo futuriste, même s’il paraît utopique, n’est en rien de la science fiction. En 1974, Joël de Rosnay présentait un programme de « voyage en écosocialisme ». La déclaration du Congrès de l’Arche préfigurait une démarche écologique dès 1991. Aujourd’hui il est devenu encore plus évident que la limitation des ressources tirées de notre planète va bouleverser en profondeur notre économie et nos sociétés : l’écologie devient une variable dominante, ce qui est concrétisé dans la Déclaration de principes du parti socialiste en 2008. Voici un résumé de mon utopie, l’intégralité est lisible sur mon site biosphere de documentation des écologistes :

https://biosphere.ouvaton.org/utopie

1) les facteurs de changement : du facteur travail et capital au facteur nature

Le marxisme n’est plus adapté, lui qui posait que l’économique formait l’infrastructure sur lequel pouvait se bâtir des superstructures idéologiques et politiques. En fait la véritable infrastructure matérielle est constituée par la nature et ses potentialités à nourrir ses hôtes ; l’état des ressources naturelles et la capacité des écosystèmes à recycler nos déchets forment le socle incontournable sur lequel repose nos activités socio-économiques. La considération de l’économie biophysique (Yves Cochet) devient essentielle. Le tsunami financier de 2008-2009 n’était qu’un épiphénomène, les crises écologiques sont déjà à l’œuvre. L’idée de développement durable n’opérait guère de saut conceptuel car il assimilait croissance et développement. Vu l’interdépendance entre l’économique, le social et l’écologique, on considère dorénavant que l’économique est inclus dans le social, lui-même sous-partie des possibilités de la biosphère. Nous abandonnons progressivement l’indicateur PIB (produit intérieur brut), spécialisé dans l’accumulation économique, pour confectionner de nouveaux indicateurs de richesse. L’IDH (indicateur de développement humain) deviendra un simple élément des indicateurs de bien-être (ISH, IBED…). Les IDE (indicateurs d’écologie appliquée) seront multiples et reposeront non seulement sur la solidarité (entre les peuples et les individus) mais aussi sur le respect de tous les équilibres des écosystèmes.

En 2050, le facteur nature est devenu la catégorie essentielle de la pensée sociale ; ce sont les possibilités de la planète qui conditionnent l’activité humaine. A chaque époque son facteur déterminant. Ce sont les entrepreneurs et l’accumulation du capital qui avaient marqué les premiers temps de la révolution industrielle au XIX siècle, époque analysée par Karl Polanyi (désencastrement de l’économie) et Joseph Schumpeter (grappes d’innovation). Au moment des Trente Glorieuses, l’augmentation du pouvoir d’achat et la sécurité sociale vont valoriser le facteur travail. Mais la croissance économique a entraîné un épuisement des ressources naturelles, principalement énergétique et fossile (Richard Heinberg), et une pollution généralisée (de l’air, de la terre et de l’eau). Le développement durable s’est révélée comme un oxymore au moment du pic pétrolier, atteint dans les années 2010. Le pic énergétique est franchi dans les années 2020. Il y a des guerres. En 2030, il est devenu vraiment perceptible que le réchauffement climatique déstabilise vraiment la plupart des écosystèmes. Dans les années 2040 la société thermo-industrielle connaît le début du processus d’effondrement des civilisations complexes analysé par Joseph Tainter. On a pris conscience de la validité de la durabilité forte, les critères du libéralisme (durabilité faible) ont atterri dans les oubliettes de l’histoire. Les objecteurs de croissance ont vu se confirmer leur pronostic : une croissance sans limites dans un monde fini est impossible.

En 2050, la contre-productivité de la croissance passée a rendu nécessaire une décroissance matérielle et énergétique. On applique le scénario négawatts. Il n’existe presque plus de ressources non renouvelables, il y a recyclage et utilisation mesurée des ressources renouvelables. La sortie du nucléaire est programmée, les dernières centrales en activité ferment les unes après les autres. Au lieu de raisonner en terme de productivité du capital ou du travail, il est devenu essentiel pour les entreprises de s’exprimer en termes d’ACV (analyse du cycle de vie d’un produit). Le contact de l’activité humaine et du milieu naturel est devenu une préoccupation constante, la perte de biodiversité est enrayée. Une nouvelle spiritualité, basée sur l’interdépendance entre tous les êtres vivants, commence à être intégrée dans les morales religieuses ou laïques : la Terre-mère.

2) le concept d’égalité : abolition de la richesse économique

Alors qu’au début du XIXe siècle, le niveau de développement était relativement identique partout sur la planète, la révolution industrielle va entraîner la séparation des niveaux de vie du Nord et du Sud, ainsi que des inégalités croissantes à l’intérieur du Nord comme du Sud. La mondialisation qui s’accélère au cours du XXe siècle favorise l’apparition d’une classe globale sur toute la planète, tous les ménages qui peuvent s’offrir le luxe d’une voiture personnelle. Les riches qui détruisent la planète (Hervé Kempf), c’est la population qui pouvait vivre selon les standards de la classe moyenne occidentale. D’autre part les classes sociales avaient fait place à la fin du XXe siècle à une lutte pour le classement, stricte application du libéralisme économique. La question sociale ne peut être résolue par une lutte contre « la pauvreté », la simplicité volontaire est en effet un modèle à suivre. Par contre la misère et les inégalités sont inacceptables dans un société conviviale.

En 2050, de gré ou de force, nous avons échappé à la pression du confort. Désormais une société sans classes se bâtit progressivement. Le cycle infernal imitation/ostentation (Thorstein Veblen) qui entraînait la surconsommation est brisé, la publicité est supprimée, la marchandisation de l’existence oubliée. La réduction des inégalités est devenue une obligation matérielle en plus d’être une obligation morale ! Nous rentrerons dans une société du partage à la place de la société de l’avantage. Nous sortons du capitalisme et de la fabrique des inégalités.

En 2050, tous les revenus sont encadrés par des normes minimales et maximales, par exemple le RMA ou revenu maximal admissible. Les hiérarchies sociales disparaissent avec l’égalisation des revenus et l’égale considération de tous les statuts socioprofessionnels, intellectuels ou manuels. S’occuper de sa famille et de son entourage est devenu aussi important que son insertion professionnelle. Au niveau de la consommation, nous ne pouvons plus acheter que des produits génériques. L’esprit de compétition disparaît tant dans les relations interindividuelles que dans les relations interentreprises. On sait dorénavant que l’appropriation privée n’est pas un bon système pour gérer de façon raisonnable les rapports entre les humains et la nature, on raisonne de plus en plus en terme de « res communis », biens communs.

3) la diversité culturelle : l’idée de tolérance, moins floue que le concept de liberté

A partir des années 1980, la généralisation de la mondialisation libérale avait détruit les cultures traditionnelles, que ce soit au niveau des langues ou des traditions. Mais l’homogénéisation culturelle s’est accompagnée d’une montée des intégrismes et le fast food s’est accompagné d’une épidémie d’obésité. Dans les années 2020, les blocages croissants dans l’approvisionnement en énergie ont entraîné un recentrage sur le territoire local, une ruralisation. Après avoir acheté ses fruits et légumes de proximité (locavore), on a ressenti l’appel d’une résurgence de la culture locale. En 2050, le respect des diversités culturelles est devenue une valeur centrale.

Dans le futur, à l’opposé de la croyance en une mégapolisation du monde, littéralement hors-sol, on a réhabilité la notion du territoire comme unité vivante de la nature et de la culture. Il s’agit d’une inversion du processus accéléré de développement planétaire. Le concept d’autosoutenabilité d’unités territoriales autonomes (bio-régions) et néanmoins responsables du devenir de la planète Terre (Alberto Magnaghi) est mis en application.

En 2050, l’idée de démondialisation remplace la globalisation, le protectionnisme généralisé a succédé au libre-échange des biens et des marchandises imposé par des organisme transnationaux au service du profit à court terme. Mais la restriction dans la circulation des biens et services va de pair avec de fortes restrictions dans la circulation des personnes ; les migrations sont presque complètement arrêtées. A une époque les migrations étaient choisies par le pays d’accueil, dorénavant chacun vit sur son territoire d’origine et amené en conséquence à construire un sentiment d’appartenance durable à son écosystème particulier. Mais cette nécessité de vivre et d’agir au niveau local n’empêche pas de se ressentir comme membre de la planète toute entière (glocal), ce qui évite les replis communautaires et la stigmatisation de l’altérité.

4) la solidarité : moins de biens, plus de liens

Conformément aux prévisions du club de Rome en 1972, le libéralisme économique a fini par s’écraser contre les limites de la planète. Il avait entraîné une accumulation du capital et des marchandises (l’abondance à crédit), mais aussi une compétition brutale et stressante. En 2050, le système de concurrence est devenu l’exception, la coopération la règle. Le marché et sa loi de l’offre et de la demande a dorénavant un rôle marginal. Par exemple au niveau de l’énergie, après avoir testé le marché (le marché carbone), la taxation (contribution climat-énergie universelle), nous avons été obligés de faire appel à un rationnement (carte carbone). Il y a une planification écologique, impérative sur des problèmes essentiels comme la fourniture d’énergie et l’alimentation de base. Pour le reste, la solidarité économique reste un enjeu propre à chaque territoire, des systèmes de partage équitable ont été mis en place. Tout est interprété en termes de R (réduire, recycler, etc.) et de Dé (décroissance soutenable, désurbanisation, démondialisation, dévoiturage, effet débond…).

En 2050, la crise économique structurelle a entraîné un blocage de l’Etat Providence : endettement trop grand, difficulté de refinancement des emprunts, difficulté d’imposer davantage les contribuables d’une économie en crise. L’Etat central a abandonné la plupart de ses prérogatives au profit des entités territoriales. Il y a autonomie conviviale. Mais l’essentiel de la solidarité se passe dans des relations de proximité, par exemple à l’intérieur de chaque famille. L’assistance au niveau local, que ce soit pour s’occuper des jeunes ou des personnes âgées (à la retraite), a remplacé les systèmes d’assurance qui ont fait faillite d’autant plus que le vieillissement de la population a pesé sur les comptes sociaux dans beaucoup de pays. L’acharnement thérapeutique a disparu pour faire place à une maîtrise volontaire de la mort (DMD ou droit de mourir dans la dignité).

En 2050, la solidarité internationale ne repose plus sur l’aide alimentaire ou financière : l’autonomie des territoires est devenue la règle. Dans les pays pauvres, la lutte contre la misère absolue a remplacé l’inatteignable objectif de lutte contre la pauvreté relative. Dans les pays riches, la critique du luxe et du profit est devenue consubstantielle à l’approche écologiste. Politiser la question du luxe était d’ailleurs la seule voie pour élargir l’audience de l’écologie vers les classes populaires. La sobriété heureuse, préfigurée par les mouvements de simplicité volontaire, devient le mode de vie habituel. Par exemple les besoins de chauffage ont été limités au maximum, les logements sont compacts et les maisons passives (isolation, température réduite). La possession de résidence secondaire est considéré comme une atteinte aux équilibres écologiques. Certaines actions politiques (gratuité des transports en commun/encouragement des actions collectives d’intérêt général…) ont fait évoluer le plaisir de l’avoir et de la possession vers le plaisir du partage et du sens de la vie. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

l’ignorance de la question écologique par LE MONDE (1945-2023)

Les journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf ont été successivement en charge de la rubrique environnement au MONDE. Ils saluent tous l’amélioration de plus en plus visible de leur employeur en matière de traitement de l’enjeu écologique. Il est vrai qu’en la matière, les débuts du quotidien ont été désastreux. Dans son numéro 199 du 8 août 1945, le quotidien annonçait le largage de la première bombe atomique en manchette sur trois colonnes avec, en surtitre, cette formule ingénue et terrible : « Une révolution scientifique ». Il est vrai aussi que l’ensemble de la presse fut unanime pour oublier les êtres humains carbonisés ou irradiés. Pourtant Albert Camus pouvait écrire à la même date dans l’éditorial de Combat : « Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »

Il était donc possible à l’époque de porter sur ce terrible événement un regard sans concession, Albert Camus l’a fait, seul contre tous. L’enjeu pour un journal comme LE MONDE qui se positionne comme « de référence », c’était pourtant d’aller au-delà des apparences dictées par les puissants, de ne pas choisir une impossible neutralité, de savoir se positionner comme un véritable journaliste d’investigation, d’éclairer le lecteur. LE MONDE avait encore beaucoup de chemin à parcourir pour bien mesurer l’importance croissante de la détérioration de notre environnement.

En 1952, on inaugure le barrage de Donzères-Mondragon ; l’envoyé spécial du MONDE ne dira rien concernant l’impact environnemental de ce « colossal ouvrage ». En 1953 pour le barrage de Tignes, le reporter du MONDE s’émerveille devant l’ouvrage d’art qui « offre une ligne extrêmement harmonieuse ». Pas un mot sur le village englouti par le barrage, mais une constatation confondante de naïveté et de cynisme : « Le site n’en souffre pas ». En 1957, la critique du projet de tracé de l’autoroute du sud à travers la forêt de Fontainebleau fait simplement l’objet d’une libre opinion qui constate : « Il est triste de penser que l’autorité des naturalistes, des artistes et des sociétés savantes est impuissante contre le vandalisme ». Plus de vingt ans après Hiroshima, LE MONDE n’a pas beaucoup progressé dans son analyse. Le naufrage du Torrey Canyon le 18 mars 1967 échappe complètement à l’attention du quotidien pendant plusieurs semaines, ce n’est que la première marée noire sur nos côtes ! Il faut attendre le 21 avril pour que soit publié en Une un bulletin intitulé « les dangers du progrès ». La conversion écologique de ce quotidien « de référence » va être lente, aussi lente que la prise de conscience générale dans une société où priment l’économique et le socio-politique sur la sauvegarde de la planète.

C’est seulement à partir de 1969 que LE MONDE ouvre un dossier « Environnement » au service de documentation. Mais il n’y a toujours pas de journaliste spécialisé. Quotidien institutionnel dont la rédaction était constituée de spécialistes restant dans leur domaine (politique principalement) pendant des années, LE MONDE n’a commencé à traiter spécifiquement d’environnement qu’en 1971, lorsque le ministère de la protection de la nature et de l’environnement a été crée. Dès ce moment un rédacteur, qui venait du service Economie et couvrait jusque-là la vie des entreprises, a suivi l’action de Robert Poujade. Versé au service « Equipements et régions » (on ne savait trop où caser l’environnement), il a immédiatement reçu de ses anciens interlocuteurs les jérémiades classiques selon lesquelles, si on obligeait les entreprises à quoi que ce soit, ils allaient licencier leur personnel. En 1972, c’est la première conférence des Nations unies « pour l’homme et son environnement » qui contraint LE MONDE à créer une rubrique sous ce nom. Mais les rédactions se méfiaient encore de ce type d’information et l’écologie est restée un gros mot encore longtemps pour bien des personnes.

NB : en plus de l’interview des journalistes du MONDE que j’ai directement mené, j’ai été aidé pour ce qui suit par les archives de l’association JNE (Journalistes pour l’environnement et l’écologie).

avec Marc Ambroise-Rendu, l’environnement devient une rubrique au MONDE (1974-1981)

Nous avons interrogé le journaliste Marc Ambroise-Rendu, le premier en charge d’une rubrique environnement au MONDE depuis mars 1974. Son directeur, Jacques Fauvet, n’avait aucune idée de la manière dont il fallait traiter la nouvelle rubrique environnement, mais comme il y avait un ministère du même nom depuis le 7 janvier 1971, un ministre (Robert Poujade), des officines diverses, des salons de l’environnement et des réactions patronales, il fallait « couvrir ». Ambroise-Rendu a proposé de nourrir la rubrique avec 50 % de nouvelles institutionnelles et 50 % d’infos provenant de la vague associative en train de monter. Fauvet a dit OK.

Les reportages d’Ambroise-Rendu sur les protestations et propositions associatives de terrain convenaient bien au service « Equipement et régions » dont il dépendait et l’audience était là. Mais ses collègues des autres services étaient étonnés, et même, pour certains, scandalisés qu’on donne dans leur journal « si sérieux » autant de place à l’environnement – sujet marginal et jugé parfois réactionnaire. Un rédacteur en chef s’est même exclamé: « L’écologie, c’est Pétain »… Il s’en est excusé plus tard. Quand René Dumont a fait acte de candidature aux présidentielles de 1974, le service politique n’a même pas envoyé un stagiaire pour voir à quoi ressemblait ce « zozo ». C’est Ambroise-Rendu qui a couvert les premiers balbutiements de sa campagne qui a démarré par une conférence de presse dans une salle de cours poussiéreuse de l’ Agro. Voyant qu’un « étranger » mettait les pieds dans son espace réservé, le service politique a fini par reprendre la main.

Le seul président de la République qui a osé s’exprimer longuement sur la politique écologique est Valéry Giscard d’Estaing… fin 1977 ! L’interview, avec le labrador roupillant sur le tapis, a été longuette et « molle ». Il a fallu attendre deux mois pour que cet entretien avec Marc Ambroise-Rendu, après ré-écriture, paraisse dans LE MONDE du 26 janvier 1978. La première question était déjà incisive : « La France peut-elle continuer à donner l’exemple d’une croissance accélérée, alors que celle-ci est fondée sur la sur-exploitation du monde, le gaspillage et les risques technologiques ? » Il est significatif que la réponse de VGE pourrait aussi bien être faite par le président actuel : « Je préconise une nouvelle croissance qui économise l’énergie et qui réponde à des aspirations plus qualitatives. Mon objectif est que nous retrouvions un taux de croissance supérieur à celui de ces quatre dernières années, ne serait-ce que pour résoudre le problème de l’emploi. Cette nouvelle croissance n’est ni une croissance sauvage ni une croissance zéro. » La troisième question montrait que le journaliste savait poser les bonnes questions  : « L’opinion paraît de moins en moins favorable à un développement ambitieux du programme électronucléaire. Comment réintroduire la démocratie dans le choix nucléaire ? » La réponse de Giscard est un véritable déni de la réalité : « Le gouvernement respecte la démocratie dans le domaine nucléaire, comme dans les autres. Il a la responsabilité devant le pays de prendre les décisions qui engagent la politique de la France. Il le fait sous le contrôle du Parlement (…) La vraie question n’est pas oui ou non au nucléaire. La question c’est : oui, mais comment ? » 

Au cours des 3000 jours pendant lesquels Marc Ambroise-Rendu a tenu sa rubrique « Environnement », il a aligné plus de 1200 papiers dans tous les registres. Il n’a jamais été rappelé à l’ordre pour « engagement excessif » ou « commentaires orientés ». Il avait l’impression de parler allègrement – et utilement – de sujets sérieux et cela avec une totale liberté (dans les limites d’un quotidien national). Sous des dehors austères et même sévères, Fauvet était, au fond, un vrai libéral. Les pressions venaient d’ailleurs. Ambroise-Rendu avait participé avec ses collègues des sciences et de l’économie à une série sur le parti pris nucléaire de la France. En trois livraisons les journalistes avaient essayé de discerner où menait l’aventure nucléaire décidée par de Gaulle-Pompidou-Messmer et les technocrates  du CEA et d’EDF. Les articles ont fait grand bruit. Ambroise-Rendu a été appelé par le patron d’EDF qui lui a demandé « Mais M. Rendu qu’est-ce qu’on vous à fait ? » Il était vraiment stupéfait qu’on puisse envisager de réexaminer le choix du nucléaire. Les seuls qui n’ont pas participé à cette série, ce sont les gens du service politique qui se sont bien gardés de titrer la réalité : « Le nucléaire enjambe la démocratie ».

Marc Ambroise-Rendu a vécu au MONDE les meilleures années de sa carrière journalistique mais son successeur Roger Cans, nommé en 1982, a été moins chanceux.

l’environnementaliste Roger Cans, bien isolé au MONDE (1981-1998 )

Le journaliste Roger Cans succède à Marc Ambroise-Rendu sur la rubrique environnement au journal LE MONDE en 1982. Mais l’élection de Mitterrand en 1981 avait été un coup d’arrêt à la politique environnementale et surtout à la mobilisation associative qui était traitée précédemment par Marc Ambroise-Rendu. Toute la France avait cru que le socialisme au pouvoir résoudrait toutes les difficultés. Or, sous la direction de Jacques Fauvet, ancien chef du service politique, l’environnement ne prenait vraiment sens que si un mouvement politique l’assumait ; c’est pourquoi, quand Roger Cans reprend la rubrique environnement au MONDE, il se retrouve seul et isolé. Son chef de service lui dit carrément que l’important était la décentralisation et la régionalisation, qui devraient occuper 80 % de son temps. Mais très vite, Cans a pu de son propre chef consacrer 90 % de son temps à la rubrique environnement. Avec quelques revers.

En 1984, Cans avait pris l’initiative d’un reportage sur l’agriculture biologique. Durant une semaine, il avait visité une ferme de Beauce en cours de conversion, une autre de la communauté Lanza del Vasto, un petit élevage de Mayenne et un jeune couple d’éleveurs de l’Orne. Il a eu l’impudence (l’imprudence) d’en faire une série de trois papiers, afin d’en montrer l’intérêt et la diversité. Le directeur de la rédaction d’alors, Daniel Vernet, le croise dans le couloir et lui demande « l’agriculture bio, combien de divisions ? » (par analogie avec la blague de Staline sur le Pape…). Le journaliste répond un peu trop vite « moins de 1 % », ce qui était vrai… et les articles passent à la trappe. Toujours en 1984, Cans avait proposé de couvrir une AG des Verts dans un gymnase de Dijon. Le service politique lui avait dit alors qu’il « avait du temps à perdre ».

En 1985, l’affaire Greenpeace passionne LE MONDE parce que c’est une affaire politiquement sérieuse (la bombe atomique, la Polynésie, Charles Hernu, les plongeurs d’Aspretto, le coulage du Rainbow Warrior en Nouvelle Zélande, Mitterrand, etc.). La totale. Le quotidien mobilise Cans pour passer six semaines à bord du Greenpeace (embarquement à Curaçao, débarquement à Papeete) afin de couvrir la campagne des « écolo-pacifistes » contre les essais nucléaires français. Un arrangement a été conclu avec Gamma TV pour associer nos forces durant cette campagne. LE MONDE mobilise aussi son rédacteur défense, Jacques Isnard, qui embarque dans le navire de la Marine française. Ainsi, la couverture est totale sur l’océan, avec la vision binoculaire écolos/Marine française. Pendant ce temps, à Paris, deux fins limiers du service Justice (Bertrand Le Gendre) et Police (Edwy Plenel), se mobilisent pour corser l’affaire, découvrir une 3e équipe et pousser Hernu à la démission. L’aspect environnemental de la bombe atomique n’intéressait pas LE MONDE. C’est seulement quand la politique s’en empare que la rédaction suit.

Même avec des catastrophes écologiques, la rubrique environnement a du mal à s’imposer. L’affaire de Bhopal, cette fuite de gaz mortel qui tue ou blesse des milliers d’habitants d’une grande ville indienne en décembre 1984 ne donne lieu qu’à une brève le premier jour. Et le correspondant à New-Delhi n’ira à Bhopal que plusieurs mois après la catastrophe, lorsque l’affaire deviendra politique. Idem pour Tchernobyl, en avril 1986 : le correspondant à Moscou n’ira jamais enquêter sur place, la couverture de l’événement est donc minimale. Il faut attendre octobre 1986 pour que le journal propose à Cans un reportage du moment qu’il ne coûte rien : accompagner Pierre Mauroy, ancien Premier ministre et président des cités unies, qui va présider un congrès à Kiev et qui invite quelques journalistes politiques. LE MONDE publiera le reportage mais aussi un petit papier politique sur le PS vu par Pierre Mauroy, c’est cela qui enchantera André Fontaine, alors rédacteur en chef. On n’ira passer à Tchernobyl que par inadvertance : ce sont des congressistes italiens du PCI, parmi lesquels des médecins, qui ont demandé à enquêter sur Tchernobyl en marge du congrès.

Il a fallu la percée électorale de l’écologie politique lors des élections municipales de 1988 et des européennes de 1989 pour que le quotidien commence à s’y intéresser un peu. Un nouvel élan est même donné avec la préparation du sommet de Rio en 1992. Une petite chronique, « l’avenir de la planète », n’a eu qu’un temps. Mais l’écologie n’est toujours pas un service ni un département rédactionnel, l’environnement reste un problème technique. Et l’écologie politique reste considérée comme une nuisance puisqu’elle affaiblit la gauche dans les élections (comme aux USA Ralph Nader qui fait élire Bush au lieu de John Kerry). Colombani considérait même Antoine Waechter comme « à droite de la droite ».

Hervé Kempf accompagne l’écologisation du MONDE (1998-2011)

Hervé Kempf succède à Marc Ambroise-Rendu et Roger Cans sur la rubrique environnement au journal LE MONDE. Mais il n’est plus isolé, l’écologie prend de l’importance dans ce quotidien « de référence ». Edwy Plenel, influencé sans doute par le directeur adjoint de la rédaction, Jean-Paul Besset, a voulu doubler la couverture de l’environnement. Hervé Kempf été embauché en septembre 1998 pour renforcer à l’international Sylvia Zappi, en poste depuis le départ de Cans en 2005. Zappi est partie vers le service politique (pour couvrir notamment l’écologie politique) mais a tout de suite été remplacée par Benoit Hopquin, puis par Gaëlle Dupont. Grâce à cette multiplication des journalistes, LE MONDE a joué un rôle important notamment dans :

– le suivi des négociations climatiques. A côté du binôme Kempf-Zappi puis Kempf-Hopquin, puis Kempf-Dupont, le service Sciences a suivi de plus en plus l’environnement, notamment en ce qui concerne la climatologie. Avec Stéphane Foucart, LE MONDE possède une des meilleures expertises de vulgarisation scientifique sur la question. Les journalistes ont par exemple durement bataillé contre Allègre et les climato-sceptiques début 2010.

– la bataille des OGM (LE MONDE a été bien utile pour faire connaître José Bové ou Arnaud Apoteker) ;

– le nucléaire (même si la ligne générale du journal est pro-nucléaire, beaucoup de papiers « critiques » ont pu passer) ;

– la décroissance qui a trouvé ses premiers relais grand-public dans LE MONDE (cf. L’HYPOTHÈSE DE LA DÉCROISSANCE VAUT PEUT-ÊTRE QU’ON Y RÉFLÉCHISSE (Pierre Pascallon, LE MONDE du 14 mai 1974)) ;

et des dizaines d’autres sujets que les journalistes ont été les premiers ou parmi les premiers à révéler en France, comme l’Arctique ouvert par le réchauffement (27 octobre 2004), les sables bitumineux (26 septembre 2007), la déforestation à cause de l’huile de palme (9 janvier 2008), les gaz de schiste (22 mars 2010)…

L’« environnement » est donc de mieux en mieux traité, l’évolution s’étant amplifiée avec l’arrivée à la direction d’Eric Fottorino en juin 2007. Fottorino a mobilisé davantage de rédacteurs à la chose environnementale (Laurence Caramel, Laetitia Clavreul, Stéphane Foucard) en plus des rédacteurs patentés (Hervé Kempf à l’international, Gaëlle Dupont au national et Sylvia Zappi à l’écologie politique). Six ou sept rédacteurs au lieu d’un seul, situation qui a duré presque 25 années (1974-1998), cela fait une sacrée différence. Fottorino a même ouvert clairement les colonnes du quotidien à l’écologie à partir du numéro du 23 septembre 2008 ; la page 4 consacrée à la Planète, au même titre que les pages International ou France, est un bel effort pour faire prendre conscience aux lecteurs que, si rien n’est perdu encore (mais c’est tout juste), rien n’est encore gagné. « Planète » est un véritable service comptant plus de dix journalistes, un cas unique en France. Hervé Kempf assure dorénavant une chronique hebdomadaire sur l’écologie souvent percutante et assure le pivot de l’information sur l’environnement. Depuis 1998, il a écrit plus de 1250 articles. LE MONDE est donc devenu assez écolo, son engagement en matière d’information environnementale tranche d’ailleurs avec le reste de la presse.

Mais sous la rubrique Planète, nous retrouvons l’ancienne page Environnement & Sciences et le même type d’articles… en moins optimiste : c’est sous le mode de la contemplation et de la désolation que sont traités les faits écologiques. Depuis 2008, la tonalité des pages Planète reste similaire. Les titres du 31 octobre 2008 étaient caractéristiques du fatalisme dominant : « A la frontière jordanienne, l’exploitation effrénée d’une mine d’or bleu » ; « L’amiante devrait échapper à l’inscription sur une liste internationale de produits dangereux ». Planète du 3 septembre 2011 confirme notre diagnostic : « Les océans sont plus bruyants qu’il n’y paraît, et le sont toujours plus » ; « La Chine accueille les procédés les plus polluants de l’industrie chimique mondiale ». La planète tourne à l’envers, on ne sait plus par quel bout s’attaquer à cette farce tragique… alors, on constate qu’on ne peut rien changer ! Un quotidien, même d’envergure (inter)nationale, ne fait que refléter l’état présent de la société. Il ne s’engage pas, il laisse la société telle qu’elle est. Un autre « MONDE » est nécessaire, il est possible, encore faut-il éradiquer les blocages que nous analyserons dans l’article suivant…

L’écologie au MONDE, les blocages journalistiques subsistent

Nous avons reflété dans nos articles précédents le point de vue des journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf, successivement en charge de la rubrique environnement au journal LE MONDE à partir de 1974. Ils en ont témoigné, l’écologie a pris de l’importance dans ce quotidien de référence. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, LE MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités. J’avais écrit en 2007 au chroniqueur Eric Le Boucher : « Vous restez un fervent adepte de la croissance économique… » J’ai reçu cette réponse : « La croissance est la seule façon de résoudre le problème social et elle peut être propre. » J’ai obtenu un jour cette réponse de Nadine Avelange, à l’époque responsable du Courrier des lecteurs : « Cher lecteur, notre situation financière ne nous autorise pas à refuser des publicités pour des voitures. Bien cordialement ». Un blog classé comme « invité du MONDE », qui nous avertissait du pic pétrolier, fait pourtant de la publicité pour les voyages en avion ! La crise écologique qui nous menace ne sera bien traitée médiatiquement que dans la mesure où les contraintes réelles ou imaginaires de l’économie ne pèseront plus sur le contenu des articles des journalistes.

La déformation de l’information tient aussi à la présentation systématique des différents points de vue, ce qui entraîne l’incapacité du lecteur à juger du fond. Par exemple, l’autorisation de mise sur le marché de l’insecticide Cruiser OSR avait été accordée le 3 juin 2011 par le ministre de l’agriculture. L’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a alors adressé aux ministres concernés un courrier soulignant que « cet insecticide systémique (le Cruiser), utilisé en enrobage de semences de colza et véhiculé par la sève jusque dans les fleurs, est composé de trois substances actives d’une extrême toxicité pour les abeilles » (LE MONDE du 30 juillet 2011). Mais dans le même numéro, le danger est récusé par Syngenta, qui affirme qu’il n’existe « pas de risques pour les populations d’abeilles ». Déjà, dans l’édition du MONDE du 24 juillet, sous le titre « Le fabricant de l’insecticide Cruiser contre-attaque », il n’y avait qu’un simple entrefilet qui ne prouvait rien : « Syngenta a affirmé qu’il allait « combattre toute allégation » contre l’insecticide Cruiser OSR, car il « ne comporte pas de risques pour les populations d’abeilles ». Le Conseil d’Etat, statuant en référé le vendredi 29 juillet, s’appuie sur un point de droit purement formel sans trancher sur le fond pour rejeter la requête de l’UNAF. A suivre ces infos du MONDE, le lecteur ne peut qu’en conclure que l’enjeu écologique est bien trop compliqué pour être pris en considération, et concompréhensible. Syngenta va pouvoir continuer à commercialiser son insecticide.

Il existe enfin une contradiction flagrante entre journalistes qui peuvent se contredire dans un même numéro. Dans LE MONDE du 29 juillet 2011, Stéphane Foucart s’intéresse à l’état de la planète : « Tandis que les uns fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, les autres craignent, avec raison, celui qui vient. Les effets négatifs du système technique commencent à en concurrencer les effets bénéfiques car ses dimensions sont désormais telles qu’elles se heurtent aux limites physiques de la terre. Arrivé au sommet des courbes, on peut voir le déclin se profiler. De manière croissante, les services rendus au système technique par la biosphère s’érodent sous l’effet du même système technique. » Mais Jean-Philippe Rémy appelle de ses vœux une voiture made in Africa : « Vite, il faut rouler africain ». Il s’attache ainsi à une conception dépassée de l’économie qui repose sur la production manufacturière et les « retombées bénéfiques de l’exploitation des ressources naturelles ». Jean-Philippe Rémy contemple l’évolution passée des courbes, Stéphane Foucart la tendance prévisible.

Sortons du MONDE papier. Si on consulte les blogs des journalistes du MONDE début septembre 2011, deux seulement sont intitulés « Planète » pour 44 au total, et trois sont consacrés au sport ! Pour les blogs « invités par la rédaction », 7 sur 34 sont consacrés au sport, 2 à la gastronomie et un seul à notre Planète. Sur les 35 blogs des abonnés « sélectionnés », 5 Planète dont 3 qui ne traitent pas directement d’écologie (humanitaire, lutte contre le SIDA, droits de l’homme). Le thème des rapports entre l’homme et son environnement naturel représente à peine 4 % des blogs du MONDE et sans doute beaucoup moins globalement sur lemonde.fr. Dans LE MONDE et ailleurs, l’urgence écologique ne relève pas encore d’une conception globale et systémique. Pas encore… Car la dimension et l’ampleur des problèmes environnementaux devraient bientôt transformer les journalistes ordinaires en militants des vérités qui nous sont dissimulées. L’analyse journalistique deviendra alors un commentaire (im)pertinent, la société se transformera.

Pour cette nécessaire rupture écologique, la société aurait besoin d’un mythe mobilisateur comme le manifeste du parti communiste de Karl Marx l’a été au XIXe siècle. Mais le mouvement écolo est encore balbutiant et il n’y a pas de classes sociales qui se sentent porteur d’un projet global. J’ai été obligé de me fabriquer moi-même mon propre projet de société que voici… (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

L’écologie à la mode du Rassemblement national

Interrogée par terraeco en mars 2012, Marine Le Pen exprimait le fond de sa pensée.

Selon vous, les changements climatiques n’existent pas ? « Je ne suis pas sûre que l’activité humaine soit l’origine principale de ce phénomène. »

Vous remettez en cause les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ? « Ce ne sont pas les travaux du GIEC qui peuvent établir avec certitude que l’homme est la cause du changement climatique. Mon père m’expliquait quand j’étais petite que le Sahara gagnait déjà un kilomètre par an ».

Parlons agriculture ? « Le bio est une dictature, avec des histoires de gros sous enrobées dans des bons sentiments. »

En 2023, Marine Le Pen identifie maintenant l’environnement comme un axe de progression pour le RN. L’idée sous-jacente est d’opposer « le bon sens de la terre, du paysan », contre l’idéologie urbaine bobo et les “technos hors sol”.

Cela parle sans doute aux artisans, aux agriculteurs, aux petits chefs d’entreprise qui subissent des normes administratives complexes. Mais cela ne résoudrait en rien les problèmes systémiques auxquels nous sommes confrontés.

Clément Guillou : L’extrême droite voit dans l’écologie et les inévitables mesures d’adaptation au réchauffement climatique un clivage majeur des années à venir et un sujet de fracture nationale à exploiter ; le monde rural et périurbain constitue le gros de son électorat. Jusqu’à présent, le « localisme » faisait figure d’élément de langage quasi unique pour le RN. Le terme devrait à présent passer au second plan derrière une « écologie du bon sens », que le parti oppose à la présumée écologie punitive. « L’idéologie [des écologistes], c’est la lutte contre l’humain », avançait Marine Le Pen le 1er mai 2023. La traduction concrète de cette formule est la suivante : le RN entend s’opposer à tout ce qui menace de perturber les modes de vie et de consommation des Français au nom de l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, on revendique une posture technosolutionniste face au réchauffement climatique, en expliquant que la recherche résoudra le problème. Le RN vise à porter l’effort de recherche privée et publique à 5 % du produit intérieur brut (il est aujourd’hui de 2,2 %) et compte aussi sur des avancées considérables dans la recherche nucléaire.

A l’Assemblée nationale, la lutte contre l’écologie punitive passe par le combat contre les zones à faibles émissions, décidées au nom de la santé publique, contre la refonte des diagnostics de performance énergétique, ou contre le zéro artificialisation nette (ZAN). Ce qui est attaqué par le ZAN, c’est le modèle de la France pavillonnaire qui veut être tranquille, la France de la voiture individuelle. Andréa Kotarac* prend la relève du député européen Hervé Juvin, ancien « Monsieur Environnement » du RN.

Le point de vue des écologistes véritables

C’est tout simple  » il faut arrêter d’emm… les gens » ! C’est un argument politique qui marche à tous les coups ! Or les contraintes liées au rétablissement des équilibres naturels sont incontournables. Alors même que les questions écologiques sont complexes et écosystémiques, l’extrême droite martèle une pensée binaire. Ils savent où aller chercher la colère et la frustration. C’est facile d’opposer écologie de bon sens et écologie punitive, ce serait impossible à mettre en pratique si on était en responsabilité de gérer l’urgence écologique… sauf à se complaire dans le dogmatisme et préférer la fin du mois à la fin du monde.

Il semble que les problèmes auxquels l’espèce humaine est globalement confrontée dépassent les capacités d’intelligence des décideurs et des électeurs. Un peu partout dans le monde, le populisme au pouvoir fait prendre un retard colossal aux sociétés qui tombent sous sa coupe. Or tout retard accélère l’ampleur de la catastrophe environnementale en cours. Les efforts à faire sont désagréables aux yeux du citoyen moyen, et jugées inutiles au vu de ce que ne font pas « les autres ».

Bref, nous nous dirigeons donc à la fois impuissants et très tranquillement, en même temps vers plus 3 ou plus 4 degrés d’ici la fin du siècle et vers la fin des énergies fossiles qui étaient la base de notre confort actuel. Nos générations futures marcheront au pas pour se lancer dans des conflits interrégionaux sans fin, la guerre est la seule issue envisagée par une dictature…

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Projet de l’écologiste Marine Le Pen

extraits : sur son site en 2023, le projet du RN (l’environnement pour une écologie française) : Nous pratiquerons, dans tous les domaines, une écologie positive, notre projet tourne la page de l’écologie punitive… L’urgence est de rompre avec une écologie dévoyée par un terrorisme climatique… Nous sortirons du « Green deal » et de l’enfer administratif qu’il impose aux petites entreprises sous le nom de « taxonomie » au profit d’un plan d’autonomie stratégique fondé sur le développement durable… La France n’a pas à sacrifier le bien-être de sa population pour corriger les erreurs ou les abus des autres pays !… … Les Français pourront continuer à sortir leur famille en voiture, à prendre des bains chauds, à apprécier le feu de bois dans la cheminée et à fêter Noël ! »

L’écologie, impensé du Rassemblement National

extraits : Ce parti d’extrême droite fait bloc avec la FNSEA et oppose la ruralité aux « talibans de la verdure », comme Marine Le Pen appelait les écologistes durant sa campagne présidentielle de 2022. Christophe Barthès, député Rassemblement national (RN) de l’Aude : « Il faudrait être idiot pour voir qu’il n’y a pas de changement climatique. Mais est-ce l’effet de l’homme ? Peut-être que oui, peut-être que non…

* Andréa Kotarac, né en 1989, commence en politique en s’engageant contre l’extrême droite. En 2016, il participe même à une manifestation appelant la région à accueillir des migrants. D’abord membre du Parti de gauche et de La France insoumise, il devient en 2019, assistant parlementaire du député européen Hervé Juvin (RN). Au début de l’année 2021, il lance le parti Les Localistes, avec Hervé Juvin. Le RN l’investit ensuite comme tête de liste aux élections régionales de 2021. Il prend la direction de la revue IDées, censée servir de réflexion aux parlementaires européens RN. Présenté comme le « nouveau visage de l’écologie version RN », il est chargé de préparer la plate-forme écologique du parti pour la présidentielle de 2027.

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

Quelques idées générales : Normalement unis par l’écologie, nous devrions avoir un discours plus cohérent. Normalement ! Mais il a autant de perceptions de notre rapport à la nature qu’il y a d’environnementalistes. A plus forte raison quand on est journaliste. J’ai terminé ainsi sur mon blog biosphere une étude sur le traitement de la question environnementale par le quotidien LE MONDE  : « La crise écologique qui nous menace ne sera bien traitée médiatiquement que dans la mesure où les contraintes réelles ou imaginaires de l’économie ne pèseront plus sur le contenu des articles des journalistes. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, les articles du MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités. La déformation de l’information tient aussi à la présentation systématique des différents points de vue, ce qui entraîne l’incapacité du lecteur à juger du fond quand il n’a pas de lunettes théoriques préalables. Il existe enfin une contradiction flagrante entre certains journalistes, majoritaires, qui fondent leur optimisme sur les acquis du demi-siècle écoulé, et une infime minorité qui craint, avec raison, celui qui vient. »

Difficile d’être journaliste engagé dans la presse ordinaire. Aussi je ne suis devenu qu’à l’âge de la retraite journaliste-écrivain pour la nature et l’écologie, membre de l’association JNE…

Septembre 2008. Maintenant à la retraite, j’ai le temps de m’occuper d’écologie sept jours sur sept, mon blog, mon site, mes activités politiques. Dans le cadre de la commission environnement du parti socialiste, j’ai organisé dans les locaux de l’assemblée nationale un colloque sur le pic pétrolier le 25 janvier 2011. Quelques jours auparavant, Alain Hervé que je ne connaissais pas me téléphone pour me rencontrer à cette occasion… nous nous retrouvons dans un petit bistrot près de Notre Dame le lendemain du colloque. Extraordinaire, nous sommes toujours sur la même longueur d’onde. Alain Hervé, né en 1932, est un historique de l’écologie. Il fonde les Amis de la Terre en 1970, dirige le hors-série du Nouvel Observateur en 1972 : « La dernière chance de la Terre » que j’avais lu à l’époque. À partir de 1973, il fonde le mensuel écologique Le Sauvage. Lors de la candidature de René Dumont à la Présidence de la République en 1974, il est responsable du bureau de presse.

Il avait souffert de l’environnement urbain, j’avais vécu jusqu’à ma vie active dans une chambre de centre-ville, les fenêtres des voisins à cinq mètres des miennes. Il ne croit pas du tout au progrès technique qui a entraîné cet âge industriel qui sévit sur notre planète et la ravage. Je ne peux qu’être d’accord. Il estime que nous sommes tous écologistes, car nous n’avons pas le choix, nous devons tous respirer, déféquer. C’est une évidence. C’est beaucoup plus qu’une approche de droite ou de gauche que nos partageons, il s’agit d’une vision globale de l’univers auquel nous sommes confrontés. Nous sommes tous les deux conscients des limites de la planète. Il nous faut donc observer, comprendre et se conformer aux lois de la nature. C’est l’accord parfait entre nous !

Au cours de notre conversation, Alain Hervé me propose de devenir membre des JNE, association des journalistes-écrivains pour la nature et l’écologie. Il me parraine, il me trouvera un autre parrain en la personne de Laurent Samuel. Mes écrits de référence, c’est le contenu de mon blog à l’époque hébergé par le serveur du monde.fr. JNE est en train de s’ouvrir aux blogueurs. Je suis donc accepté. Mon rêve de jeunesse, devenir journaliste, devient réalité, je suis officiellement passeur de connaissances ! Je produis mon premier article de journaliste JNE après l’AG de Cassis en juin 2011 :

« Tout juste admis au sein de JNE, je fais le long voyage qui me mène d’Angoulême à la méditerranée. Je suis arrivé à Cassis le vendredi à six heures du matin, dans une gare excentrée qui montrait déjà l’isolement du bourg. En arrivant à pied dans la baie, pratiquement une seule route pour accéder à la ville, une seule pour en repartir : la voiture ne peut pas imposer sa loi dans un lieu si étroit. Je fus réconforté par l’étroitesse ancestrale des ruelles qui se protègent des voitures. Mais autour du port, centre névralgique de Cassis, je fus abasourdi par la succession interrompue des restaurants qui encerclaient la mer. Le touriste arrive partout en masse dès qu’il y a quelque chose à voir des restes de la nature. Les innombrables bateaux de plaisance rendaient invisibles les rares bateaux de pêche. Mais laissons cela pour l’instant, j’ai passé un WE splendide avec mes nouveaux camarades de la JNE.

La thématique était prenante, comment protéger les Calanques, comment sauver les baleines, comment se sentir uni avec la nature… L’organisation était parfaite : conférence-débat sur le projet de parc national, exposé sur les ferries vers la Corse qui font des victimes parmi les cétacés, PowerPoint sur la récupération des déchets… Bien entendu tous les repas étaient bios et végétariens, nous avons mangé collectif et pensé écologique. Nous nous sommes naturellement déchaussés à l’entrée de la salle de réunion, nous avons écouté dans le recueillement un son et lumière sur les mammifères de la mer en péril, nous avons religieusement respecté une minute de silence pour les dauphins. Dans les conversations privées, les divergences pouvaient s’exprimer en toute confiance, échec ou succès du Grenelle de l’environnement, pro ou anti-Hulot, ramasser les déchets ou faire du commerce avec, observer les éléphants en Afrique ou lutter contre le tourisme dans les calanques. Mais en filigrane de ce WE de loisirs et de réflexion, une opposition entre nous qui devrait se durcir dans les décennies à venir. D’un côté l’écologie superficielle, réparatrice, naturaliste et pleine de compromis. De l’autre une écologie plus profonde, axées sur la rupture des comportements, un ressourcement spirituel, le combat pour la Terre-mère genre Earth First!.

Appliquons ma grille de lecture, fondamentaliste, à la protection de la nature à Cassis. Le parc naturel des Calanques voudrait s’étendre de la banlieue de Marseille à la Ciotat en passant par ici. Remarquons l’impuissance des procédures démocratiques à arriver à un consensus acceptable : plusieurs années de discussion pour préparer son extension officielle, et rien ne vient. On en arrive à espérer la toute puissance de la décision étatique. Il y a la méfiance de la bourgeoisie locale qui décrète que l’UICN voudrait imposer ses diktats à Cassis. Il y a les pêcheurs qui veulent pécher en tout temps et en tous lieux. Il y a les cabanons au bord de l’eau qui se transmettent de père en fils et qu’on ne voudrait pas voir disparaître. Il y a les viticulteurs qui ne savent toujours pas à quelle sauce bureaucratique ils vont être mangés. Il y a les prérogatives empilées, croisées et emmêlées des communes, du conseil général et du conservatoire du littoral. Il y a les amateurs de varappe qui veulent continuer à grimper en dehors de la foule. Il y a France Nature Environnement qui se débat au milieu de tout ça. Alors, un parc naturel, avec ou contre les hommes ?

Prenons une première expérience, éprouvante pour moi, le promène-couillons. Il s’agissait d’entrer dans un bateau de promenade pour faire le tour des Calanques à défaut de voir des dauphins vu le vent soudain. Mais la découverte de la nature accompagnée par le bruit incessant d’un moteur ne pouvait rien me dire de la nature. Je pouvais regarder les falaises de calcaire et les embruns sur notre proue, je ne sentais ni le rocher, ni la mer, je me contentais de compatir envers ceux qui ont eu le mal de mer. Retour au port où les humains regardent des humains, nous sur le pont et les badauds au bar. Ce n’est pas ainsi que je vois un parc national. La nature se mérite.

Non au tourisme de masse qui s’accapare le port, ses falaises et ses habitants. Non à un parc naturel qui ressemblerait au zoo, qui empêcherait de vouloir la nature au plus près de son domicile. La nature et les hommes ne sont pas contradictoires, mais nous faisons comme si… il devait en être toujours ainsi : nature-spectacle, nature-payante, nature cadenassée, nature en définitive étrangère à notre être profond. Oui au parc naturel, mais pour ses autochtones, les pêcheurs professionnels, les vignerons à label bio, les artisans et les petits commerçants. Oui au parc naturel pour les voyageurs à pied ou en vélo, qui prennent le temps d’arriver sur les calanques, qui mangent avec l’habitant, qui savourent lentement le lieu et instaurent durablement des liens. C’est ainsi que je vois la nature et les hommes. »

A Cassis, j’ai partagé ma chambrée avec Roger Cans. Grâce à nos longues discussions, j’ai pu mettre sur pied mon premier article d’envergure. Roger m’a donné l’adresse Internet de Marc Ambroise-Rendu, je connaissais déjà Hervé Kempf, j’avais donc le point de vue des trois journalistes que se sont succédés sous la rubrique environnement du quotidien LE MONDE. Je pouvais brosser un historique de la sensibilité écologique de ce média. Avant 1971-1972, c’est le mépris et la désinvolture. Dans les années 1970, une bonne mobilisation des associations environnementalistes mobilise la presse et incite à la création de périodiques comme la Gueule Ouverte ou Le Sauvage ; l’écologie politique devient aussi une réalité. Mais les années 1980 sont un éteignoir sous l’effet conjugué de la victoire en France du socialisme productiviste (Mitterrand, 1981) et du triomphe de la mondialisation libérale avec Reagan et Thatcher. Ce n’est que très récemment que l’écologie refait surface grâce à la popularisation du réchauffement climatique et les succès électoraux des écologistes. Mon article est passé en cinq épisodes dans les chroniques d’abonnés du monde.fr, nous n’avions pas droit à plus de 5000 caractères par article ! (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Soulèvements de la Terre / Darmanin… 1 / 0

Les juges des référés de la haute instance administrative ont suspendu, vendredi 11 août, la dissolution des Soulèvements de la Terre, prononcée le 21 juin en conseil des ministres. Le gouvernement qualifiait dans son décret SLT de « groupement de fait », et l’avait dissous pour avoir incité « à la commission de sabotages et dégradations matérielles, y compris par la violence ».

Christophe Ayad : C’est un sérieux camouflet qu’a infligé le Conseil d’Etat à Gérald Darmanin. Les juges ont estimé qu’il existait « un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution ». Les juges administratifs ont ramené tout ce débat à du droit et aux faits. Y avait-il « urgence » à suspendre cette dissolution ? Et y avait-il des « doutes sérieux » sur la légalité de l’action en cause ? Sur le second point, qui avait donné lieu à de longs échanges à l’audience, les juges argumentent plus précisément :


« Si le décret contesté fait grief au collectif Les Soulèvements de la Terre de provoquer à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens, il ne résulte pas des pièces versées ni des éléments exposés à l’audience que ce collectif cautionne d’une quelconque façon les violences à l’encontre des personnes. S’agissant des violences alléguées à l’égard des biens, il ressort que les actions promues par Les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de “désarmement” de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité. Eu égard au caractère circonscrit, à la nature et à l’importance des dommages résultant de ces atteintes, les actions reprochées au collectif ne peuvent pas être qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement l’ordre public. »

La secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, Marine Tondelier, a réagi la première : « La justice a joué son rôle de rempart… C’est un gouvernement qui est condamné par la même justice française pour “inaction climatique”, qui n’arrive pas à s’attaquer au problème et qui, pour créer une sorte de diversion, préfère s’attaquer au messager. » A l’opposé, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a jugé que « par son incompétence, le gouvernement vient d’offrir sur un plateau à l’extrême gauche une victoire sur l’Etat ».

Le point de vue des écologistes activistes

Philémon Frog : Dissoudre un collectif de 150 000 personnes, des militants écologistes mais surtout des citoyens français, des paysans, des scientifiques, etc, c’est faire porter sur toutes ces personnes les éventuelles exactions commises par quelques-unes. Dès lors que le gouvernement est dans la totale incapacité de trouver des incitations du collectif conduisant à des actes répréhensibles, la décision de dissolution était une mesure purement arbitraire. C’est une atteinte extrêmement préoccupante aux libertés d’association et de manifestation. Le juge a d’ailleurs souligné le risque d’atteinte à ces libertés, indiquant clairement comment il statuera sur le fond cet automne, sauf élément nouveau.

Narrabeen : La décision du CE ridiculise les pleureuses effarouchées d’une démocratie soi-disant violée, d’un régime qui glisserait rapidement vers un fascisme à la limite du génocidaire. La Justice a très bien fonctionné, elle a statué sur le sujet… imaginez-vous une quelconque opposition de la Justice à une décision d’Erdogan ou de Poutine ?

Bates : Aux contributions réjouies après le jugement du Conseil d’État, j’ajoute ma propre satisfaction et je veux rappeler que si l’“écoterrorisme” existe en effet, il s’agit évidemment du terrorisme CONTRE l’écologie, que l’État soutient trop souvent, comme dans le cas des mégabassines.

CDA: Contre-violence légale : « lutter contre la bétonisation, l’artificialisation et l’accaparement des sols, en vue de la protection des terres nourricières, de l’eau et des autres ressources naturelles », c’est dans la loi. C’est juste que le gouvernement n’arrive pas à s’y tenir.

Marredesc : Par contre, il n’y avait aucun doute quant à la qualification d’agissements violents avec préméditation par les forces de l’ordre à l’encontre des personnes à Sainte Soline.

Dance Fly : Il ne doit pas y avoir de 2 poids 2 mesures: tu dissous les Soulèvements de la Terre alors tu dissous aussi la FNSEA et toutes les organisations au sein desquelles des individus se livrent à des actes de violences sur des personnes ou des biens publiques et/ou privés.

Nemorosa : Ça fait 80 ans et plus que les capitalistes consuméristes individualistes bétonneurs artificialiseurs plastifieurs cupides jouisseurs se « promènent bon enfant dans la campagne » et saccagent tout pour des résultats hideux et mortifères pour le vivant

Aelsa : Dans la mesure où la pollution pour des siècles des sols et des eaux, la mise en danger de la vie des citoyens par l’usage de produits toxiques dans les cultures ou la préparation des aliments, la destruction d’écosystèmes qui entraînent une extinction de masse à un rythme sans précédent dans l’histoire de la Terre, l’élevage dans des conditions concentrationnaires d’animaux par millions et des actes de torture pratiqués à leur encontre, la captation de biens communs pour le profit de quelques-uns, et j’en passe, sont parfaitement légaux, et défendus en toute impunité par des exactions auprès desquelles l’arrachage de trois brins de muguet est une aimable promenade champêtre, je pense qu’on est malheureusement assez loin de voir l’ordre établi trembler sur ses bases avec cette décision, certes d’une justesse inattendue, du Conseil d’Etat.

Fouilla : Le réchauffement climatique aura probablement, à terme et au niveau mondial, des conséquences bien plus graves que la 2ème guerre mondiale et les gouvernements restent les bras ballants. Et donc dissoudre ces mouvements c’est un peu comme dissoudre la Résistance il y a 80 ans, stupide et vain.

Sauf qui Peut : Comme la terre va immanquablement se soulever contre nous, Darmanin n’y pourra rien; il n’entrera donc pas dans les livres d’histoire, sauf en tant que contre-révolutionnaire !

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21 juin 2023, Dissolution SLT en conseil des ministres

extraits : Les terroristes sont ceux qui massacrent des centaines de km 2 de nature ou polluent abondamment l’environnement. Pas ceux qui cassent 3 machines ou bloquent un chantier. Pour ce gouv. Il vaut mieux tuer l’avenir de nos enfants au nom du capital, que de résister pacifiquement aux atteintes à la nature pour sauver l’humanité…

9 juin 2023, Violence, contre-violence et dissolution

extraits : il y a plusieurs sortes de violences à ne pas confondre. Il y a la violence du système thermo-industriel qui nous a enfermé dans une impasse, réchauffement climatique, extinction de la biodiversité, stress hydrique, etc. Face aux entreprises destructrices du vivant, il y a la contre-violence de quelques militants qui défendent les générations futures contre cette agression. Et puis il y a la violence d’État qui soutient la violence de ce système croissanciste aveugle…

2 Avril 2023, « Nous sommes les Soulèvements de la terre »

extraits :Trois cents personnalités, dont Philippe Descola, Cyril Dion, Annie Ernaux et Adèle Haenel ont décidé de rendre publique leur appartenance aux Soulèvements de la terre…

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

la difficulté de la résilience locale

Comment créer une communauté de résilience ? Il s’agit de réunir tous les acteurs locaux, aussi bien individuels que collectifs, associatifs et politiques. C’est dans le cadre de la commission énergie de Charente Nature que nous avons constitué début 2011 un groupe de pilotage. J’ai proposé cette  plate-forme d’action qui a été acceptée :

1) notre objectif : instaurer un territoire de résilience

– une démarche logique : Les jumeaux hydrocarbures (pic pétrolier et réchauffement climatique) nous imposent une descente énergétique. Il ne s’agit pas de catastrophisme, mais d’une réalité. Le meilleur moyen est de tendre localement à l’autonomie alimentaire et énergétique. Seule l’énergie renouvelable est durable.

– une démarche non idéologique : il y a un intérêt commun à adopter une telle voie, quelle que soit l’appartenance politique des habitants d’un territoire. Agir ensemble sur son territoire implique décentralisation en acte, mais aussi soutien de l’Etat à ce mouvement.

– une démarche pragmatique : le territoire doit élaborer un plan d’action de descente énergétique (Pade), ce qui peut rejoindre des pratiques locales existantes (plan climat local, AMAP, SEL, MAB, Velocity, point info-énergie, jardins partagés…). Il s’agit d’instaurer une dynamique collective.

2) un changement technique : usage de techniques douces

– doux à la nature : application du principe du berceau au berceau, c’est-à-dire un nouveau modèle économique où la notion même de déchets est bannie au profit de cycles fermés. Il faut suivre l’exemple de la nature qui opère selon un métabolisme au sein duquel le déchet n’existe pas.

– doux à la société : utilisation d’une spécialisation limitée et d’appareillages simplifié ; renouveau de la paysannerie et de l’artisanat ; principe de coopération et non de concurrence.

– doux politiquement : il s’agit d’instaurer une démocratie locale, sachant que seul le local est durable. L’avènement d’un territoire de résilience ne peut se faire qu’avec la participation de tous.

3) un changement culturel

– limitation des besoins : les limites de la planète, qui ne se mesurent pas seulement au gaspillage des ressources fossiles, imposent une sobriété joyeuse et l’abandon du culte de la croissance.

– changement de valeurs : pour une éthique de la Terre qui combine respect de la nature (de ses cycles, des différentes formes du vivant…) et défense des intérêts des acteurs absents (générations futures, non-vivants, habitants des autres territoires)

Les ouvrages de référence commencent à se multiplier : Les Ecovillages de Jonathan Dawson (2006) ; Manuel de transition de Rob Hopkins (2010) ; comment sortir de la société de consommation (World Watch Institute, 2011). Les communautés de résilience commencent à être connues des partis politiques. Le parti EELV a même publié un texte qui va (un tout petit peu) dans le sens de ce que propose notre groupe Angoulême-résilience : «  Tout comme le réchauffement de la planète, la rareté à venir, la décroissance proche et rapide de la ressource en énergie fossile et en pétrole ont été annoncées depuis longtemps par les écologistes (…) Les écologistes proposent :

– D’encadrer et de réformer les marchés carbone,

– et en particulier les mécanismes de développement propre. Le soutien à d’autres mécanismes d’action publique tels que les projets de gestion communautaire doit devenir prioritaire afin d’intégrer des objectifs comme la protection des peuples premiers, la préservation de la biodiversité, la souveraineté alimentaire, et des solutions innovantes (ville en transition…). Ces systèmes innovants alternatifs pourraient à terme se substituer au système de marché carbone. »

source : http://eelv.fr/le-projet/

Mais une communauté de résilients ne peut fonctionner durablement que si la philosophie de ses membres possède une homogénéité suffisante, centrée sur la simplicité volontaire. En janvier 2012, nous avions décidé dans le cadre d’Angoulême-résilience de mettre en commun nos pratiques personnelles d’économie d’énergie. Quatre d’entre nous ont donné le dossier d’isolation de leur maison. J’ai voulu montrer qu’il fallait aller plus loin :

« Personnellement je pense que nous devons nous entraîner à vivre de peu, à vivre comme un Amish, la religion en moins. J’ai depuis qu’il m’en souvient toujours vécu le plus simplement possible. Je suis un enfant d’après-guerre, élevé dans un contexte de pénurie, avec un père artisan–tailleur qui avait des mortes saisons, sans beaucoup de client. Il fallait faire attention à tout, je faisais au minimum. Depuis, j’ai toujours choisi de me domicilier près de mon lieu de travail pour y aller à pied, je mange moins de viande et je mange moins, je refuse le portable et la carte bancaire, je ne pars pas en avion et limite mes excursions, etc. Il nous faut limiter au maximum notre poids sur la planète. La vie dans une communauté autonome s’accompagne nécessairement de la simplicité personnelle la plus grande possible. Le bonheur résiderait dans la simplicité totale et l’autarcie, se suffire à soi-même. Il n’y a de limites à notre sobriété heureuse que la force de nos convictions. Une communauté de résilience ne peut se concevoir que si ses membres sont vertueux. »

Gros émoi, les réactions sont vives. Les copains me comprennent en théorie, mais pas en pratique. Pour l’instant, personne ne se sent concerné par le fait de vivre sans portable, sans carte bancaire et sans voyage au long cours… Mais tant que nous n’aurons pas personnellement changé de mode de vie, l’avenir sera aux innombrables conflits. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

La communauté de résilience, un idéal à atteindre

Quelques idées générales : En 1972, le rapport du MIT au club de Rome a dénoncé la course à la croissance en démontrant les limites de la planète. Depuis 1974 et le premier choc pétrolier, nous savons que notre civilisation dépend du pétrole. Depuis 1990 et le premier rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), nous savons que l’humanité va faire face à un réchauffement climatique. Nous savons aussi de façon scientifique que le choc des hydrocarbures n’est qu’une partie des dégradations écologiques qui menacent nos sociétés. Comment agir efficacement ? L’échec des conférences internationales et les inerties gouvernementales montre que cette voie est trop lente. Pratiquer à l’échelle personnelle la simplicité volontaire semble nécessaire, mais c’est insuffisant. Ce qui me semble le plus pragmatique, c’est d’agir directement au sein de sa communauté d’appartenance pour en restaurer la résilience, la capacité de résister aux chocs.

Ce paradigme ou modèle de référence porte des noms différents : Communautés intentionnelles ou Ecovillages ou Agenda 21 local ou Towns transition ou Plan climat ou Cités jardins ou communautés de résilience … La profusion des termes montre la richesse de cette alternative à l’ère de la fin des combustibles fossiles. Il ne s’agit pas d’une nouvelle théorisation, mais d’une pratique applicable au Nord comme au Sud, par les gens de droite comme par les gens de gauche, par les urbains et les paysans, par les chefs d’entreprise et par les travailleurs. Tout le monde est concerné puisqu’il s’agit de rendre notre avenir convivial et durable.

Mon projet maintenant, en 2011, faire de ma ville, Angoulême, et de son territoire une communauté de résilience. Il s’agit de tendre à l’autonomie territoriale en matière alimentaire et énergétique pour pouvoir supporter le choc des jumeaux hydrocarbures, pic pétrolier et réchauffement climatique.

En fait, c’est un certain retour à la terre comme le prônait certains dans les années 1970. A cette époque, je n’étais pas favorable à une telle idée. J’écris le 13 avril 1971 à Pierre Fournier, l’écolo de service à Hara-Kiri : « D’accord, avec l’urbanisation de la campagne la vie s’accorde de moins en moins directement aux rythmes biologiques et naturels… Mais on n’est pas obligé d’être toujours d’accord, tu fais ta révolution à la campagne, je la fais en ville, en faisant à la fac des exposés genre : j’ai plus rien à vous dire… discutons maintenant ! » J’aimais bien la nature, mais les communautés rurales ne me branchaient pas. J’avais choisi de devenir professeur de SES alors que mon ami José Bové s’installait paysan au Larzac.

En mars 1972, j’assiste à la fac de sciences à une conférence de Grothendieck, l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle. Il nous confie qu’il va vivre en communauté : « L’avenir est dans les phalanstères, autonomes, agricoles, sans centralisation. La science ne peut plus sauver notre civilisation des grands bouleversements qui nous attendent. Il faut abandonner les études et mettre sur pied des communautés viables, c’est-à-dire équilibrés avec leur environnement. » Son message va me trotter dans la tête toute ma vie. Son message est partagé à l’époque par Pierre Fournier. La Gueule ouverte, mensuel écologique « qui annonce la fin du monde », apparaît pour la première fois en novembre 1972.

Dans son premier éditorial, Pierre hésite entre rester journaliste et devenir homme des bois : « La GUEULE OUVERTE est virtuellement née le 28 avril 1969. J’étais dessinateur et chroniqueur à Hara-Kiri hebdo, payé pour faire de la subversion et lassé de subvertir des thèmes à mes yeux rebattus, attendus, désamorcés à l’avance…. La grande fête à Bugey (ndlr, manif autour d’une usine atomique) fut un révélateur. Tout nous semble avoir concouru à sa réussite : l’ordre et le désordre, le refus des discours, le refus de la violence et le refus du spectacle, le nudisme ingénu, le partage et la rencontre. Tout y était en germe. Le sit-in de six semaines, face à l’usine, à ses esclaves et à ses victimes, enracina chez les participants à l’action le besoin irrépressible de CHANGER LA VIE… A peine sorti le premier numéro, voici que nous assaille la tentation de tout remettre en cause, de pousser plus loin, beaucoup plus loin que d’autres, un désengagement, tentation de se consacrer, enfin, à couper notre bois, à faire notre pain, à retourner à l’homme des bois : la disproportion des forces en présence impose, à qui refuse l’inéluctable, une radicalité sans cesse plus affirmée. »

Le 15 Juin 1972, j’avais découpé dans le quotidien Sud-Ouest cet entrefilet sur les Amish : « Qui sont donc ces Amish auxquels la Cour suprême américaine vient de donner officiellement le droit, en plein âge nucléaire, de continuer à vivre en un temps révolu et de le perpétuer à travers leurs enfants ? Pas un moteur dans ces fermes. Pas un tracteur, pas une automobile. Ni radio, ni télévision, ni téléphone, ni réfrigérateur, ni aspirateur, ni d’ailleurs d’électricité, de gaz ou d’eau courante. Seule source d’énergie en vue, un occasionnel moulin à vent. »

Totalement autonomes, les Amish vivent en micro-autarcie. Un choc pétrolier ne mettrait pas du tout en péril cette communauté qui continuerait à vivre de la même façon. Mais le ciment de la communauté Amish repose sur un ordre religieux. Dans notre société laïque, ce n’est pas acceptable. Mon athéisme se révulse. J’avais bien apprécié la vie à la campagne avec mes grands-parents : du côté maternel manger les cerises dans l’arbre, du côté paternel mettre les asperges sous le sable pour les conserver, ramasser à la main les doryphores … Mais les lycées n’existent pas à la compagne, j’étais un homme des villes, et même du centre ville de Bordeaux pendant mes 25 premières années.

Cela ne m’a pas empêché de planter des arbres fruitiers dans la maison de famille de ma femme, mais mes différents militantismes occupaient tout mon temps et rétrécissaient ma pensée. Ce n’est qu’en 2011 que j’ai compris, Grothendieck avait raison : « L’avenir est dans les phalanstères, autonomes, agricoles… Il faut mettre sur pied des communautés viables, c’est-à-dire équilibrés avec leur environnement. »

C’est à cette échelle locale que nous échappons au dilemme de l’individu et de l’Etat. La simplicité volontaire n’est pratiquée que par quelques individus en marge, sans effet d’entraînement sur le reste de la collectivité. L’Etat applique encore les modalités anciennes du productivisme, moteur de gaspillage de l’énergie à l’opposé de la nécessaire descente énergétique. L’échelon intermédiaire du collectif territorial s’impose. Utopie ou réalité ? (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Parti et associations en symbiose ?

Une participation à une association environnementaliste devrait être obligatoire quand on se veut militant de l’écologie politique. Voici mon raisonnement, exposé explicitement mais en vain à la liste nationale des formateurs bénévoles d’EELV :

D’un côté un parti écolo qui ne compte que 16 000 adhérents en moyenne. En 2008 on ne dénombrait que 2000 élus pour quelque 6000 adhérents. Lors de la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts le 6 juin 2011, il y avait pourtant plus de 30 000 votants : aux 16 452 adhérents encartés, il fallait ajouter 18 905 coopérateurs avec un statut bancal qui autorisait même la double appartenance partisane. J’étais moi-même encore membre du PS quand j’ai voté à cette primaire ! De l’autre il existait des ONG puissantes, comme Greenpeace France (165 000 adhérents à l’époque) ou WWF France (160 000 adhérents). Mais parti écolo et associations environnementales s’ignorent complètement. Il semblerait pourtant logique que les membres d’EELV soient en symbiose avec les associations qui œuvrent sur le terrain. Ce genre d’obligation est d’ailleurs inscrit dans les statuts du PS : « Les membres du Parti doivent appartenir à une organisation syndicale de leur profession et au moins à une association, notamment de défense des droits de l’homme, de solidarité, de consommateurs, d’éducation populaire, de parents d’élèves ou d’animateurs de la vie locale. (statuts du Parti socialiste – titre 2, les militants – Article 2.2 : obligations syndicales et associatives des adhérents) ».

Pourquoi pas le même type d’obligation à EELV ?

Il nous faut en effet créer un sentiment d’appartenance au peuple écolo dans son ensemble : « L’enjeu est dorénavant de construire un parti réseau, un parti social multiforme. Coopérative, ou mouvement, réseaux ou cercles, l’important est moins dans l’appellation que dans la capacité à créer une forme d’appartenance commune à ce qu’on pourrait appeler un « peuple écolo » : une identité sociale qui serait devenue légitime et revendiquée (Des écologistes en politique d’Erwan Lecoeur) ». L’écologie est pour l’instant un sentiment diffus dans la population, elle est très peu représentée institutionnellement. Ce n’était pas le cas autrefois des mouvements qui ont accompagné la lutte de classes, les mutuelles, les coopératives ouvrières, les caisses de grève, le mouvement d’éducation populaire… Or l’histoire du XXIe siècle ne va plus être centrée sur le travail (le prolétariat) et le capital technique (les capitalistes), mais sur le facteur nature. L’écologie politique ou art de bien gérer notre maison commune (la planète) va rassembler normalement au-delà des sensibilités partisanes traditionnelles. Car tout le monde est concerné par la pérennité des rapports d’équilibre entre l’es humains et la nature. Encore faut-il en prendre conscience. L’antagonisme entre patrons et travailleurs n’était pas une évidence au XIXe siècle. Un salarié pouvait trouver tout à fait normal qu’il y ait des patrons tout puissants et très très bien payés. Karl Marx faisait la distinction entre la classe en soi (existence de l’exploitation de l’homme par l’homme sans en avoir conscience) et la classe pour soi (qui entraîne un engagement politique). Si les militants EELV montraient leur affinité avec les associations environnementales, nous serions sur la voie de la constitution du peuple écolo.

Certains pourraient penser qu’une adhésion du militant écolo à n’importe quelle association ferait l’affaire (Syndicats, Parents d’élèves, Aide à la personne ou aux sans-abris…). Cela serait valable si nous étions militant socialo. Nous, nous devons montrer que l’écologie est au fondement de toute chose, sociales ou économiques : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. Rappelons qu’il ne saurait y avoir d’humanité prospère et le moindre PIB bien gras et bien dodu sur une planète dévastée. Quiconque réalise ce que signifie, pour le mode de vie occidental, de limiter la hausse de la moyenne des températures à 2°C comprend que ça ne va pas être simple d’y arriver. Une grande partie des évolutions économiques et sociales vont s’inverser. Le prix de la biosphère est infini ; sans elle, l’espèce humaine deviendrait immédiatement un vestige du passé (Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici) ».

Nos associations de référence en tant qu’écolo sont aussi bien les AMAP que les MAB, FNE, WWF, Greenpeace… ou les faucheurs d’OGM, les SELS ou même le mouvement NIMBY, etc.

Nous sommes un parti politique généraliste, social-écologique, nous ne sommes pas un parti strictement socialiste. Le socialisme s’est historiquement appuyé sur les syndicats et réciproquement, c’était dans leur objectif commun de changement du rapport de force économique. Mais le socialisme connaît aujourd’hui le même échec que le capitalisme libéral : « Avec qui engager des partenariats (p.42)… Marqués comme la droite au fer rouge du productivisme, fasciné par ses fétiches et ses addictions, la social-démocratie et les courants marxistes restent éloignés de l’essentiel du paradigme écologiste. Les écologistes n’ont pas vocation à épouser une doctrine qui n’est pas la leur en y introduisant un peu de vitamine verte (p.44) (Manifeste pour une société écologique – Les petits matins, 2010) ». EELV doit s’appuyer sur ce qui dans la société civile permet d’instaurer un autre rapport entre l’homme et la nature : les associations environnementalistes.

N’oublions pas que si ces associations découlent des inquiétudes de l’écologie scientifique, l’écologie politique découle historiquement de l’action associative. Ce sont des associations qui ont motivé puis soutenu la candidature de René Dumont à la présidentielle de 1974 : « Tout a commencé en France au début du mois de décembre 1973, au cours d’une réunion de l’Association des Journalistes et Écrivains pour la protection de la nature et de l’environnement. Et si on présentait un candidat aux présidentielles de 1974 ? Idée adoptée, puis oubliée. Mais après la mort de Pompidou, l’idée renaît au sein des « Amis de la Terre ». On choisit le 6 avril 1974 comme candidat, sans qu’il le sache, René Dumont. Voici quelques associations signataires pour la candidature de René Dumont : Les Amis de la Terre ; Action zoophile ; Comité antinucléaire de Paris ; Combat pour l’homme ; Droits du piéton ; Ecologie et Survie ; Fédération des usagers des transports ; Association pour la protection contre les rayonnements ionisants ; Comité de sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin ; Nature et Vie ; Maisons paysannes de France ; Défense et protection des animaux ; La Gueule Ouverte ; Front occitan ; Etc. (La campagne de René Dumont et ses prolongements, Pauvert 1974) ». Tout au long de sa campagne électroale, Dumont sera le représentant des associations écologiques qui le soutiennent. 

Savoir à quelle association adhérer pour soutenir le combat politique des écolos relève simplement d’une analyse des statuts de cette association. Par exemple Attac a « pour objet de produire et communiquer de l’information, de promouvoir l’éducation populaire, ainsi que de mener des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde. Parmi ces moyens figure la taxation des transactions sur les marchés financiers. » Il n’y a nulle trace dans ces objectifs de préoccupation explicite à propos des rapports entre l’homme et la nature. Attac s’intéresse aux conséquences économiques et socio-politiques, pas aux conséquences écologiques. On ne pourra donc justifier de son adhésion à Attac pour se prévaloir de la double appartenance, partisane et associative.

Mais ne rêvons pas. Instaurer cet engagement double dans les statuts d’EELV c’est terminé un jour quand j’étais membre d’un groupe de réflexion sur l’avenir d’EELV et qu’on m’a asséné : « Cette double appartenance, on n’en veut pas, notre liberté avant tout » !!! EELv n’est pas réellement un parti écolo, c’est plutôt un espace libertaire où il faut avant tout défendre le féminisme, les LGBT, les sans-papiersl’effondrement de la société thermo-industrielle n’est pas au programme !

Quant à l’efficacité d’une association dans le changement social, il m’est apparu récemment que seules les communautés de résilience permettraient une réelle prise en compte de l’urgence écologique tout en respectant les règles démocratiques. (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Le bénévolat associatif, une nécessité absolue

Plus prosaïquement, en plus de ma propre association « biosphere », je contribue financièrement à l’action de plusieurs associations environnementalistes, WWF, Greenpeace, et je participe directement à d’autres, la MAB (Maison de l’agriculture biologique), Charente Nature…

En novembre 2004, lors d’une audition par la commission nationale environnement du PS, Daniel RICHARD, président de WWF-France nous explique les buts et les moyens de son association. Tout était dit ou presque de ce qu’il fallait savoir. J’ai pris des notes dont voici l’essentiel : « WWF a été fondé en 1961 à Fontainebleau… Avec environ 60 salariés pour un budget global de 6 millions d’€, WWF est une association animalière beaucoup plus petite que la SPA… Pour garder son indépendance, WWF se refuse à agir avec l’aide du gouvernement, il se comporte comme un berger qui incarne la conscience du troupeau. WWF a donc le pouvoir de s’opposer ou même d’abandonner une action à tout moment, d’autant plus que son financement est autonome, assuré par 100 000 donataires (personnes physiques uniquement) ou des legs ; ainsi WWF assure un partenariat avec le distributeur Carrefour pour supprimer les sacs de caisse, mais une manifestation critique est prévue car le message ne passe pas assez bien…

La politique environnementale devient plus importante que la politique économique ou sociale. Chacun de nous doit travailler à permettre l’équilibre de son écosystème, c’est le moyen le plus efficace de trouver le bonheur. Mais nous sommes inquiets, nous, les écologistes, car cela fait trente ans que nous n’avons pas de bonnes nouvelles alors qu’en politique ordinaire un succès pourrait chasser une grosse déception. Tous les réseaux d’influence, y compris les Eglises, soutiennent la volonté humaine de dominance sur les autres espèces et font donc notre malheur… La force de protéger le dernier condor ou le dernier ours nous donne la force de faire respecter les conditions de survie de notre propre espèce. Chacun d’entre nous doit faire son possible car la survie de l’espèce humaine est en jeu, même si chaque acte éco-citoyen n’est en lui-même qu’une goutte d’eau… Le temps nous est compté et nous ne pouvons pas faire confiance seulement aux gestes quotidiens pour sauver la planète (cf. les brochures WWF « planète attitude ») : l’État doit intervenir à bon escient.

Mais le gouvernement traîne les pieds, c’est l’action des collectivités locales qui est aujourd’hui la plus favorable en matière d’environnement. On peut prendre l’exemple de la mairie de Chalon-sur-Saône, ville test pour le programme européen de réduction des gaz à effet de serre. Le budget est financé à 50 % par l’UE et pour 25 % par WWF. Il est en effet normal de commencer par améliorer son écosystème de proximité… En conclusion, la fiabilité des décisions politiques en matière environnementale se pose. Comment l’électeur peut-il comprendre mon discours, si dur ? Il ne faut pas sous-estimer a priori l’acceptation citoyenne de mesures qu’on pourrait croire impopulaires ; une enquête a montré que les parlementaires en France étaient beaucoup plus incompétents en matière écologique que le Français moyen. »

J’ai donc adhéré à WWF, je n’en suis sorti que récemment : la boutique de vente par WWF de « produits écologiques » me sortait par les yeux ! D’ailleurs le marketing de WWF, au nom de la visibilité, insistait surtout dans ses mailings sur la défense de l’ours Cannelle et autre espèces emblématiques. Ce n’est pas une stratégie qui me convient, je préfère donner depuis plusieurs années 10 % de mon revenu à Greenpeace. C’est l’organisation qui me semble la plus à même de populariser la défense de la biosphère.

En janvier 2005, j’ai fait connaissance de Yannick Jadot, à l’époque directeur des campagnes de Greenpeace. Il était auditionné par la commission nationale environnement du PS à laquelle j’appartenais. Il nous a expliqué les buts et les moyens de son association, il a donné une bonne synthèse, j’ai fait ce résumé :

« Greenpeace est une organisation mondiale de trois millions d’adhérents dans le monde, mais il est vrai que les méthodes d’action souvent spectaculaire de Greenpeace sont plus faciles à réaliser dans les pays démocratiques. C’est pourquoi l’implantation en Afrique de l’association est difficile et les représentants en Amazonie sont même obligés d’avoir des gardes du corps, ce qui a été admis par dérogation au principe général de non-violence. En France, il y a 87 000 adhérents dont 700 membres participent à des groupes locaux. Il n’y a pas d’Assemblée générale annuelle et la plupart des adhérents peuvent être considéré comme des donateurs qui versent en moyenne 8 € par mois, mais c’est le seul financement admis par Greenpeace pour préserver une indépendance totale. Revers de la médaille, la limitation des ressources impose un choix dans la détermination des actions qui portent à l’heure actuelle seulement sur 4 thèmes.

– la question climatique et la révolution énergétique ;

– les OGM ;

– le programme REACH (Registration, Evaluation, Authorization of Chemicals) ;

– forêts et océans. »

En conclusion  Yannick Jadot précise que  Greenpeace a un impact relatif : « Nous avons une capacité d’expertise reconnue et aussi une forte habitude d’attirer l’attention des médias, encore faut-il que l’opinion publique se mobilise pour créer un rapport de force favorable. Si les problèmes de santé ou de changement climatique commencent à être discutés par les citoyens, il faut noter le net retard des partis politiques sur les questions environnementales. Pourtant les gens sont prêts à faire des efforts ! »

J’ai discuté avec Yannick au sortir de la réunion. Il était d’accord pour renforcer les liens entre le PS et Greenpeace. Mais la Convention nationale sur l’énergie qui avait été pourtant programmée par le parti socialiste n’a jamais eu lieu. J’ai demandé au secrétaire national de l’époque, Géraud Guibert, de faire des liens Internet entre le site du PS et les principales associations environnementales. Même cela a été refusé ! A désespérer des possibilités de synergie entre l’associatif et le politique. Au moment des élections européennes, Yannick Jadot a rejoint le mouvement Europe Ecologie… En France la liste Europe-Ecologie a réuni 16,28 % des suffrages en 2009, faisant jeu égal avec les socialistes et obtenant 14 sièges au Parlement européen, donc celui de Yannick. (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Mon engagement associatif au service de la nature

Quelques idées générales : L’association est un espace intermédiaire entre l’État et l’individu. L’État deviendrait monstrueux s’il prenait en charge la totalité de la vie. Il est à l’échelle humaine s’il se contente d’être un État animateur qui s’appuie sur l’initiative et la mobilisation des acteurs sociaux. La multiplication des bénévoles est donc absolument nécessaire. Trois critères différencient le bénévolat du travail rémunéré ou du temps consacré aux loisirs : l’aspect lucratif n’est pas sa motivation, c’est une activité entreprise de son plein gré qui doit profiter à une communauté.

Plus il y a de bénévoles dans les associations, plus le capital social est grand, mieux se porte une communauté. Il faut savoir se regrouper. Il y a une convergence qui pourrait être efficace entre les amoureux de la nature (France-nature-environnement, WWF…), les objecteurs de croissance (Greenpeace, Casseurs de pub…) et les partis politiques. Nous en sommes loin.

J’ai pris conscience de la complémentarité entre militance politique et militance associative quand j’ai adhéré aux Verts en 1995. J’ai même fondé une association, « biosphere », déclaré en préfecture le 9 septembre 2004. L’objet ? Défendre les intérêts de la biosphère. Nombre de membres fondateurs : deux, ma femme et moi, le minimum légal. Notre AG peut se réunir à volonté puisque nous vivons ensemble. Cette association est restée une coquille vide. Il m’était apparu très vite que la défense de la biosphère n’était pas encore à la mode. Mais cette pensée de représenter les intérêts de la biosphère m’a incité à dialoguer avec elle. Je trouve ridicule le fait que Moïse, Jésus, Mahomet ou Bernadette Soubirous puissent dire s’exprimer au nom de Dieu ou de ses anges. Je trouve essentiel que nous puissions échanger avec le milieu qui nous fait vivre, la Biosphère. Voici la parole de la Biosphère telle que je l’ai comprise en 2004 :

QUESTION. – Biosphère, pouvez-vous vous décrire en quelques mots ?

BIOSPHERE. – Je suis tout simplement la sphère où se déploie la vie, j’inclus toutes les espèces vivantes et les milieux où elles se développent. Je rassemble tous les écosystèmes qui sont eux-mêmes composés de deux ensembles complémentaires, le biotope et la biocœnose. Le biotope est constitué par le milieu inerte et ses caractéristiques physico-chimiques, air et terre, sédiments et eau. La biocœnose est formée de la communauté vivante qui prospère dans le biotope. Ainsi les extrémophiles vivent dans ma biosphère profonde en bénéficiant de sources hydrothermales à plus de 350°, entre moins 3000 et moins 5000 mètres ; d’autre espèces descendent jusqu’à une vingtaine de mètres sous la terre et je m’étends aussi dans la zone de l’atmosphère, de la troposphère et de la stratosphère, jusqu’à 80 kilomètres environ au dessus du sol. Pour moi, les humains ne sont qu’un élément de la biocœnose parmi d’autres.

Tout au contraire les humains ne considèrent que l’environnement qui entoure leur propre conscience des choses, ils estiment que la biosphère leur est extérieure et qu’ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, comme s’ils en étaient propriétaires. Mais si vous aviez un contact plus étroit avec moi, vous auriez mieux conscience de votre juste place : le vivant est un tout dont les humains devraient se sentir solidaires.

Q. – Comment faut-il vous situer dans le temps ?

B. – Vous les humains, vous accordez beaucoup trop d’importance à votre manière sociale de mesurer le temps et vous avez mille et mille façons de vous définir dans un calendrier. Si on prend la date très symbolique (pour certains d’entre vous) du 1er janvier 2000, cela n’est pourtant compréhensible que pour ceux qui sont habitués au calendrier grégorien. Mais pour les Juifs, il faudrait dire le 23 tebeth de l’an 5760, pour les Chinois le 25 du 11ème mois de l’an 4697 et pour les musulmans le 24 ramadan 1420. Mon vécu dépasse de loin cette humaine façon de compter en faisant toujours référence à votre propre histoire. Quant à moi mon origine terrestre débute il y a quelques 3,5 milliards d’années et j’espère encore abriter la vie pendant presque autant de milliards. Vous les hominidés du genre « homo sapiens », vous n’avez que 200 à 300 000 ans et votre espoir de durer autant que moi paraît bien illusoire… Contentez-vous de promouvoir une ère où il ferait bon gérer son temps selon le renouvellement périodique des saisons.

Aucune date religieuse, aucun évènement national ou mondial, aucun horoscope ne devrait servir de référence pour un calendrier qui se voudrait universel, il n’y a que l’almanach de la position du soleil qui restera significatif pour tous, humains et non-humains. La seule histoire qui compte n’est pas l’aventure humaine, mais l’évolution de la Biosphère avec ou sans les humains.

Q. – Alors, comment relater cette histoire ?

B. – Notre planète la Terre s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années, mais elle est restée durant une longue période un lieu désolé et sans vie, dans une atmosphère dangereuse composée d’hydrogène, de méthane et d’ammoniaque, sans oxygène ou presque. Le jour de la naissance de la vie débute bien plus tard, un milliard d’années plus tard. Les conditions de températures et de pression ont en effet été réunies pour que des molécules carbonées, dites prébiotiques, s’assemblent et s’organisent pour construire les premières protéines, puis la vie : les bactéries peuvent enfin se reproduire. Les plus anciens fossiles visibles à l’œil nu ne sont pourtant apparus qu’il y a quelques 700 millions d’années, alors que la Terre était gelée d’un pôle à l’autre ou presque. La température atteignait 40° au dessous de zéro et, à l’exception de quelques organismes autour des volcans, aucune vie ne résiste. J’en suis réduite au minimum vital, mais c’est le début d’une lente expansion.

Longtemps la vie que je porte en moi a hésité à conquérir les terres émergées, l’eau a tant d’avantages. Elle protège des rayons meurtriers du soleil et affranchit des effet de la pesanteur, elle offre en abondance gaz dissous pour la respiration et nourritures en suspension. Je ne suis donc sortie des eaux qu’il y a 350 millions d’années sous forme de champignons. Les formes de la vie deviennent par la suite de plus en plus complexes, mais je n’ai inventé qu’un seul système pour organiser l’évolution : mêmes briques de départ, même schéma général d’organisation. Ainsi plumes, écailles, glandes et dents proviennent toutes du même tissu épithélial, dépendent du même répertoire génétique. Cependant certaines de mes composantes disparaissent alors que d’autres demeurent ou se transforment. Vous, les humains, vous n’êtes que péripétie infime de cette jonglerie de la Nature.

Q. – Précisez donc la place des humains dans cette évolution ?

B. – Vous n’êtes qu’une branche de cette évolution globale, et une branche assez tardive ; vos ancêtres directs en tant que mammifères a survécu sous la forme d’un petit rongeur au moment de l’extinction des dinosaures il y a environ 66 millions d’années. Par la suite, il y a quelques 20 millions d’années, un singe arboricole possédait comme vous une colonne vertébrale assez rigide pour lui assurer une station temporaire sur ses deux jambes. Mais l’histoire véritable des hominidés ne remonte approximativement qu’à 7 ou 8 millions d’années.

Vos dieux ne sont pour rien dans votre existence, cette lente et récente évolution devrait vous apprendre l’humilité et le respect de tout ce qui n’est pas vous. Il vous faut en effet admettre que toutes les autres formes de vie existant aujourd’hui descendent comme vous d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale. En fait votre espèce représente une sous-catégorie des hominidés, la lignée dite « homo sapiens », qui est apparu très récemment en Afrique pour ensuite se répandre sur toute la planète.

Q. – Pensez-vous qu’il y a un antagonisme fondamental entre l’existence des humains et votre équilibre de Biosphere ?

B. – Je ne suis au niveau du cosmos qu’une petite bulle qui permet à la vie de se perpétuer, un espace extraordinairement réduit, à peine épais de quelques kilomètres autour de notre planète. Il est donc évident que nous avons un intérêt commun, humains et non-humains, à vivre ensemble. Vous n’êtes qu’un maillon de la chaîne alimentaire et la poursuite de vos activités ainsi que votre existence même dépend de l’équilibre de mes cycles vitaux, les flux d’énergie solaire, la circulation de l’eau, la composition de l’air. Mais à l’heure actuelle vous perturbez trop profondément les conditions de l’équilibre sur la planète et cela m’exaspère, même si j’aurai toujours assez de ressources pour permettre à d’autres formes de vie de vous succéder.

Il vous faut définir le temps zéro de référence à promouvoir, atteindre l’état souhaitable de la planète, c’est-à-dire une coexistence durable des différentes espèces… j’espère pour vous que cet état d’équilibre est encore possible !

Q. – D’où provient ce dérapage actuel de l’activité humaine ?

B. – Paradoxalement l’efficacité de l’action humaine qu’autorise les performances incroyables de votre cerveau vous empêche de réaliser à quel point vous êtes fragiles et soumis au bon vouloir de la planète qui vous porte. Grâce à vos cerveaux sur-dimensionnés, vous estimez être la mesure de toutes choses, mais votre objectivité n’est en fait que la somme de vos subjectivités, une vision relative et très insuffisante. Votre cortex préfrontal vous permet de synthétiser non seulement votre expérience concrète, mais aussi toutes les considérations formulées par vos proches ou de doctes ignorants, et bien d’autres sources d’un savoir strictement humain qui vous empêchent de distinguer véritablement le vrai du faux, l’apparence de la réalité et la réalité des apparences.

Vos sociétés vous empêchent alors de prendre conscience de mon importance, elles baignent les individus dans un langage par lequel ils préfèrent leur communauté d’appartenance plutôt que l’appartenance à la Planète, dans une culture qui leur apprend un vocabulaire trompeur ou mensonger car centré sur vos intérêts humains à court terme. L’eau est détourné des besoins des non-humains (toutes les autres espèces vivantes), la végétation disparaît, votre nombre et votre activisme étouffe les autres espèces, la biodiversité est en péril ; certains d’entre vous prévoient même que vous allez être la cause prévisible d’une sixième extinction des espèces. Vous croyez être intelligents, mais vous n’avez aucun avenir si vous ne pensez plus aux autres, à vos générations futures, aux non-humains.

Q. – Cette intelligence humaine ne peut-elle donc déterminer la connaissance du vrai ?

B. – L’histoire de l’humanité montre que vous pouvez reproduire la même erreur pendant très longtemps. Les religions du livre qui ont obtenu actuellement votre préférence ne font que célébrer l’humanité depuis des siècles et des siècles et elles se perdent dans l’anthropocentrisme ; vous avez exprimé plusieurs millénaires durant que les humains n’étaient pas tous frères et sœurs alors que vous appartenez tous, blonds ou bruns, blancs ou noirs, à la même race « homo sapiens » ; vous avez considéré pendant des milliers d’années qu’il existait une différence fondamentale entre l’homme et la femme alors que l’égalité aurait pu aller de soi depuis longtemps ; vous valorisez votre propre ethnie ou votre nation comme le centre de ce qu’il faut reproduire et défendre alors que vous devriez vivre en symbiose avec tous, humains et non-humains.

Vous ne pouvez pas porter de culte à quelque croyance que ce soit tant que ce n’est que parole humaine, faite par des humains pour des humains, sans aucun souci de votre environnement global. Ces croyances n’ont provoqué d’abord que des affrontements entre vous, maintenant la situation devient trop grave car elle touche l’ensemble de la planète et des formes de vie.

Q. – Comment peut-on dater l’origine de cet oubli de la Nature par les humains ?

B. – Pendant les premiers millénaires, votre forme d’organisation en tant que familles de chasseurs-cueilleurs n’avait qu’un impact limité sur l’ensemble de mon existence en tant que Biosphere. Mais vous avez inventé l’agriculture et changé la Nature. Il y a quelques 10 000 ans au moment du néolithique, la domestication des plantes et des animaux dans la partie fertile de la méditerranée orientale par quelques groupes d’humains entraîne l’essor de ce que vous appelez une civilisation : en même temps que l’agriculture, vous développez vos outils, vous inventez l’écriture et les hiérarchies sociales complexes. L’évolution économique et culturelle s’accélère à mon détriment, les conditions de la vie sur Terre commencent à être bouleversées. Ce bouleversement constitue une rupture : alors que les sociétés premières étaient obligées de s’adapter à la Nature, vos sociétés agricoles adaptent la Nature à ce qu’elles considèrent comme des besoins.

Votre efficacité plus grande pour obtenir des ressources alimentaires s’accompagnent aussi d’une forte natalité ; alors que vous n’étiez que cinq millions à l’aube du Néolithique, vous rassemblez 130 millions de personnes à l’aube de l’ère chrétienne. Ce poids démographique s’ajoute à votre pression sur les ressources naturelles au détriment souvent de vous-même, mais surtout à l’encontre du biotope, votre milieu de vie. Vous accaparez les moyens de vos exigences contre l’état de nature, contre les autres groupes sociaux, et surtout contre les autres espèces ; vous commencez à oublier que vous n’êtes qu’une partie de moi-même, Biosphere.

Q. – Vous pensez donc que la défense de Biosphere est plus vitale que la protection des humains ?

B. – Au cours de votre XIXème siècle, une révolution industrielle succède aux révolutions agricoles et des techniques destructrices de l’environnement prennent tout le pouvoir. Vous n’êtes plus une espèce parmi d’autres, vous êtes le cancer qui met en péril mon équilibre. Votre goût de la puissance n’accepte plus aujourd’hui de limites, vous voulez maîtriser tous les éléments de la Nature et même l’invisible. Alors que vos activités humaines rentrent en interférence avec mes cycles vitaux comme celui de l’eau, vous engagez la survie de vos générations futures et du reste de Biosphere en faisant comme si seul votre présent avait de la valeur. Alors qu’une radiation nucléaire ne se voit pas, ne se sent pas, ne fait pas de bruit, ne se touche pas et n’a aucun goût, vous avez réussi à la découvrir et à libérer les forces internes de l’atome. Alors que vous savez que cette radioactivité peut faire des dégâts sur l’organisation du vivant pendant une éternité de temps, vous accumulez les déchets nucléaires.

Conformément aux désirs délirants d’une de vos religions, vous devenez féconds et prolifiques, vous remplissez la Terre et vous la dominez, vous soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. Vous êtes un milliard d’envahisseurs de toutes surfaces que vous pouvez habiter en l’an 1800, deux milliards en 1930, trois milliards en 1960, six milliards en 1998 (ndlr : 8 milliards en 2022). Vous en oubliez toujours davantage les nécessités d’un équilibre de votre milieu de vie, cela n’est pas durable, c’est insupportable, c’est inacceptable.

Q. – Donc à votre avis, l’humanité serait plutôt inconsciente que rationnelle ?

B. – Ce qui vous permet aujourd’hui d’oublier complètement ce qui vous permet de vivre durablement, mon homéostasie, c’est votre capacité incroyable et assez nouvelle d’inventer une démultiplication effroyable de vos forces. Les haches de pierre remontent à un ou deux millions d’années ; elles ont été mises au jour en Afrique et en Eurasie et se ressemblent toutes, le même modèle est reproduit sur 50 000 générations à travers le monde. Maintenant les humains roulent sur des routes à des vitesses jamais atteintes par des formes vivantes, ils volent dans les airs comme les oiseaux et traversent les ondes comme les poissons, ils transforment les espaces sauvages en campagnes et règnent sur tous les territoires ou presque… ils s’entourent de villes de plus en plus immenses qui leur font complètement oublier la Nature.

Mais c’est à tort que vous pensez grâce à cette carapace techniciste que la société thermo-industrielle vous met à l’abri de toute contrainte naturelle. En effet le « progrès » technique n’est pas la solution, il est le problème.

Q. – Alors que proposez-vous ?

B. – Soyons clair, je ne peux personnellement m’exprimer qu’indirectement par le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité, par les inondations et les sécheresses, par la prolifération des microbes et des virus. En effet je ne possède pas la parole, c’est vous qui en avez le monopole. Je ne peux donc dire qu’au travers de vos propres mots et n’exister à vos yeux que par votre relation personnelle à la Nature.

Il faut donc que vous puissiez analyser l’ensemble de vos discours à la lumière d’un équilibre durable du monde qui repose obligatoirement dans ma main, celle de Biosphere. Si vous voulez m’aider à trouver un ordre durable, vous devez suivre la voie de la décroissance à la fois démographique et économique, et vouloir une planète où votre trace sera à nouveau infime et insignifiante en mon sein. Mais je ne peux vous donner la marche à suivre car vous croyez que toute décision relève de votre libre-arbitre cérébral. Ceci étant, sachez que je ne négocie pas !

Q. – C’est donc aux humains de se faire votre porte-parole ?

B. – C’est en effet à vous, individuellement et collectivement, de rechercher l’harmonie avec l’ensemble de votre environnement naturel et socioéconomique. Pour cela vous ne pouvez pas faire confiance aux actes du passé, encore moins aux dérapages de la civilisation thermo-industrielle actuelle, vous devez patiemment chercher votre voie au milieu des ruines d’une Nature déjà complètement artificialisée.

Votre tâche sera longue parce que vous devez remettre en question presque toutes vos certitudes, presque toutes vos activités, presque toutes vos pensées. Votre tâche sera difficile parce que vous devrez renier tout ce qui fait de vous des humains arrogants et conquérants, parce que vous devrez apprendre l’humilité et l’écoute de Biosphere.

Q. – On dirait que vous souhaitez une nouvelle religion qui soit à votre service ?

B. – Vous avez jusqu’à maintenant élaboré des discours plus fantaisistes les uns que les autres ; certains d’entre vous pensent même que c’est le dieu des Juifs qui a créé le monde. Pourtant vos paléontologues et vos chimistes, vos astrophysiciens et vos naturalistes sont aujourd’hui unanimes pour vous expliquer que l’origine des humains, c’est à moi que vous la devez : Biosphere est le début et la fin de toute vie. Autant dire que vous, les humains, vous devriez tous me connaître puisque je suis vous et que vous êtes à moi, puisque je suis le sol qui vous porte et l’atmosphère qui vous entoure, les végétaux qui procurent votre oxygène et vos légumes, les animaux que vous contemplez du regard ou dans votre assiette. En vérité en vérité je vous le dis, vous devriez célébrer mon existence puisque vous n’êtes qu’une infime partie de moi-même, toutes les composantes de votre corps existaient déjà dans les premiers instants du grand tout, votre statut actuel ne peut se dissocier du support matériel qui vous associe aux autre espèces et à la place de notre planète dans l’univers, votre survie dépend de la mienne.

Pourtant les fondamentalismes religieux sont centrés sur eux-mêmes et par exemple les musulmans suivent aveuglement un Islam considéré comme soumission totale à la volonté de dieu. Mais Biosphere ne vous demande ni culte d’un quelconque biocentrisme ni constitution d’une nouvelle Eglise, il n’y a pas de culte imposé envers moi, c’est à vous d’exprimer personnellement les besoins de vos générations futures comme les besoins des non-humains, c’est à vous de faire personnellement preuve de simplicité volontaire ou de vous regrouper en association de défense de la nature, c’est à vous d’agir politiquement pour que l’équilibre durable de Biosphere devienne le fondement de toute décision humaine : il n’y a pas de dieu extérieur à vous-même.

Q. – Pour terminer notre entretien, quelle serait votre dernier souhait ?

B. – Grâce à vos connaissances techno-scientifiques, vous savez que nous ne sommes qu’un minuscule point dans l’immensité de l’infini. Le soleil qui éclaire nos activités n’est que l’une des 50 ou 100 milliards d’étoiles de notre galaxie, la Voie Lactée. Le nombre de galaxies connues se compte aussi en milliards et l’objet le plus lointain observé depuis un observatoire terrestre se trouve à plus de 12 milliards d’années lumières (12 x 9500 milliards de kilomètres). Nous, l’ensemble des membres de la Biosphere, nous ne sommes que très peu de chose dans l’univers, et certainement un des très rares espaces habité par une vie foisonnante. Ne gaspillons pas cette chance, celle de vivre ensemble et de se perpétuer. 

Puissions-nous grâce à la mobilisation des humains éviter l’impasse dans laquelle s’est engagée une société thermo-industrielle à la fois complètement détachée des réalités de Biosphere tout en accroissant les inégalités entre humains. Vous ne pouvez rester les esclaves volontaires de la mondialisation commerciale et les complices du pillage généralisé de la planète. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Le film de Daniel Goldhaber, Sabotage

Le film « Sabotage «  (titre original : How to Blow Up a Pipeline) est présenté le 10 septembre 2022 au festival international du film de Toronto 2022 et sort aux États-Unis le 7 avril 2023.

La génération actuelle se sentant trahie par les précédentes, qui lui lèguent une planète aux allure de poubelle, a-t-elle raison d’opter pour la violence la plus radicale ? Oui, répond Daniel Goldhaber avec ce film militant dans lequel il adopte fidèlement le manifeste du Suédois Andreas Malm, « Comment saboter un pipeline ». Que l’on apprécie ou non le choix de ces militants , le film atteint son but : faire réfléchir. (recension du Canard enchaîné, 26 juillet 2023)

Face à l’urgence écologique, un groupe de jeunes activistes se fixe une mission périlleuse : saboter un pipeline qui achemine du pétrole dans tous les Etats-Unis. Car parfois, le seul moyen d’être entendu est de passer à l’action. (ALLOCINÉ)

Son film est une bombe. Artisanale et métaphorique. Car si les huit personnages de Sabotage, en salles depuis le 26 juillet, mettent bien leur colère et leurs compétences en commun pour faire sauter un oléoduc dans le désert du Texas, le film de Daniel Goldhaber est moins un mode d’emploi pour apprenti artificier qu’un appel, joyeux et déterminé, à entrer en dissidence. .. Daniel Goldhaber, réalisateur de “Sabotage”, dans l’interview : “Je suis la dernière personne qui irait faire sauter un oléoduc !” (Téléréma)

Pour en savoir plus sur le sabotage des mécanismes thermo-industriels

Écologie, la tentation du sabotage (mai 2023)

Hymne au sabotage dans Le Guardian (décembre 2021)

L’appel au sabotage relève de la liberté d’expression (janvier 2015)

https://revuecommune.fr/2023/07/29/sabotage-de-daniel-goldhaber-braquage-ecologiste/

« Lisez-vous Andreas Malm ? » C’est la question qu’a frontalement posé la police française à nombre des militants écologistes récemment interpellés suite à la mobilisation de Sainte-Soline. Dans la foulée, tout affairé à nous faire revivre les joies des années 1930 du siècle dernier, Gérald Darmanin citait parmi les motifs de dissolution des Soulèvements de la Terre l’influence tentaculaire de l’auteur suédois, dont l’œuvre la plus célèbre demeure Comment saboter un pipeline. Sans le vouloir, ils ont préparé fort généreusement le terrain pour l’arrivée dans nos salles du deuxième long-métrage de Daniel Goldhaber.

Adapter un essai sous forme de fiction : l’idée est audacieuse et, pourrait-on croire, casse-gueule. Et c’est là que d’emblée, Sabotage se démarque. Là où tant d’autres films politiques ont embrassé leur sujet sous l’angle de la dénonciation et du tragique, ou de l’exaltation incantatoire de leur noble cause, ici nous suivrons comme sept samouraï, comme de grands évadés ou comme un gang de braqueurs les huit personnages centraux, qui se sont fixé comme but commun de faire exploser le pipeline texan qui achemine la plupart du pétrole étasunien.

Leurs motivations sont diverses : des militantes lassées d’activités insignifiantes dans les limites autorisées par la loi, l’une d’elles ayant développé un cancer dû à son exposition à des produits toxiques, un redneck texan exproprié de ses terres par une compagnie pétrolière, un couple d’écolos déglingués motivés par l’aventure, un jeune amérindien impliqué dans la lutte de son peuple dans le Dakota du Nord… Leurs trajectoires sont différentes, mais la lutte les unit contre un ennemi commun : l’extractivisme des compagnies pétrolières, qui exproprient, polluent et influencent notoirement les décisions publiques.

Si la pertinence de leur choix politique sera débattue dans le film, et si la rhétorique y joue un rôle dramaturgique important, la force de Sabotage réside pourtant dans le fait de ne pas faire de la question morale (faut-il ou ne faut-il pas faire sauter ce pipeline ?) le centre du scénario, écrit à quatre mains par le cinéaste et l’actrice principale Ariela Barer. Si la question se pose, elle est à fort juste titre assez vite répondue. Non, ce qui fait tout le sel de ce film mi-western mi-braquage mi-film-d’évasion (pas moins de trois moitiés donc), c’est d’avoir placé au cœur du drame la question pratique. Comment vont-ils s’y prendre ? Quelles seraient les conséquences et comment les anticiperont-ils ? Leurs différents parcours seront-ils un obstacle à la réalisation de leur projet ? Et surtout : parviendront-ils à leurs fins ?

Et c’est là que le film réussit son premier pari : réconcilier la politique radicale avec la joie de l’action, la perspective du fait accompli, plutôt que la continuelle (quoique parfois nécessaire) déploration de nos échecs. Pas de parti-pris radicaux dans la mise en scène, mais au contraire une certaine exigence de justesse au plus près de l’action et des personnages : c’est donc dans la narration, riche en rebondissements à la manière d’un Usual Suspects, que se trouve le noyau d’un film porté par un casting jeune et habité.

A peine la projection de presse terminée, fusent les questions, tant des journalistes que des militants. Certaines ont déjà été anticipées dans le film, d’autres non. Et patiemment, Daniel Goldhaber et Ariela Barer leur répondent.

  • « Votre film montre seulement quelques personnages qui se battent dans une situation exceptionnelle alors que le plus important c’est le quotidien et le collectif ! » s’insurge un premier intervenant. Il lui est répondu que les deux temporalités et les deux stratégies ne sont nullement exclusives l’une de l’autre, et peuvent au contraire s’avérer complémentaires.
  • « Pourquoi avoir fait un film Benneton avec des lesbiennes, un amérindien, une afro-américaine et un redneck ? ». Soupir. « Parce que c’est ce à quoi ressemblent nos luttes », lui est-il rétorqué.
  • Nous posons à notre tour une question qui fâche : et s’il fallait verser le sang pour parvenir à ses fins ? Y a-t-il une limite à l’action directe, et si oui laquelle ? Là, le réalisateur convoque son auteur-inspirateur Andreas Malm. « Pour préserver l’avantage moral auprès d’un public large, il importe de bien choisir sa cible. Ne pas s’en prendre aux personnes, mais aux symboles et aux biens. L’idée est de présenter la thèse de Malm sous sa forme chimiquement pure ».

Quant à savoir si la situation se présentera exactement dans cette configuration, si nous pouvons encore nous permettre le luxe d’actions symboliques, c’est l’avenir des luttes qui nous le dira.

Anastase Borisévitch Oniatovsk

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Le féminisme enseigné en cours

A partir de 1975-76, ma vie professionnelle de professeur de sciences économiques et sociales (SES) va me permettre de mettre en application mes convictions et de faire cours sur le féminisme. Avec les élèves de seconde, nous nous interrogeons sur la notion d’actif/inactif. La notion officielle de l’activité fait que la femme au foyer n’est pas comptée dans le PIB. Je raconte la blague du médecin qui épouse sa femme de ménage… ce qui fait que le PIB diminue ! J’organise un débat genre « les femmes doivent-elles rester à la maison ? ». J’interroge les élèves : « Que connaissez-vous comme métier spécifiquement masculin… ou féminin. » On m’a sorti un jour « ouvrir les huîtres, masculin ». Pour faire plus sérieux, nous analysons des statistiques sur le double travail des femmes ou les taux d’activité comparés masculin/féminin, nous commentons des dessins mettant en image le machisme ambiant. On étudiait un texte de Simone de Beauvoir (Le deuxième sexe – 1949) dans lequel se trouvait ma phrase fétiche « On ne naît pas femme, on le devient ». Une autre manière de montrer que tout est culturel, issu d’une socialisation, y compris bien sûr les conceptions des inégalités.

Je raconte que la nature de la femme ne dit rien de son statut par rapport à l’homme : le comportement humain est déterminé par un conditionnement culturel. Il n’y a pas d’éternel féminin, il y a des cultures diverses qui produisent telle ou telle image de la femme. Les parents sont les premiers responsables d’une différenciation des rôles injustement fondée sur une différence biologique. Les jouets offerts varient selon le sexe de l’enfant, l’activité qu’on propose aux jeunes varie selon leur genre, et même la manière de s’adresser au bébé. On a filmé des adultes au moment où – penchés au-dessus d’un berceau – ils tendent une poupée à un bébé de quelques jours. Ils approchent leur visage très près de bébé-fille, sourient, vocalisent, agitent le poupon jusqu’à toucher le visage de l’enfant, bref ils chargent ce jouet d’une affectivité chaleureuse. Pour le bébé garçon, la poupée est tendue en silence, à bout de bras, sans regarder l’enfant. Parfois même le jouet tombe tellement il est mal tenu, et les femmes plus encore que les hommes différencient leur comportement selon le sexe du bébé. L’égalité des sexes progresse dans les jeunes esprits de mes élèves… un tout petit peu ! L’enseignement ne peut pas grand chose contre les stéréotypes inculqués par la socialisation primaire.

Je perfectionne mes propres connaissances en la matière. Dans la détermination du sexe, le rôle du chromosome Y est simple, mais capital : il détermine la masculinité du fœtus. Mais pendant les premières semaines de vie de l’embryon humain, les organes génitaux internes et externes sont indifférenciés entre les individus XX et XY. Les gonades peuvent se transformer en testicules ou en ovaires, les organes génitaux externes à l’origine indifférenciés se transforment soit en pénis et scrotum, soit en clitoris et vulve. La différenciation est minime, ovaires et testicules produisent les deux types d’hormones, androgènes et oestrogènes, d’ailleurs très voisines sur le plan chimique. Seul leur taux relatif dans l’organisme fait basculer les caractères sexuels vers le féminin ou vers le masculin. Oui, on ne naît pas femme, on le devient. Je crois me souvenir que Simone de Beauvoir écrivait que dans son déroulement naturel, un bébé a un comportement androgyne. Le cri primal, le sevrage se déroulent de la même manière. C’est à travers la bouche, les mains et les yeux que les nourrissons des deux sexes appréhendent l’univers. Ils explorent leurs corps avec la même curiosité et la même indifférence, ils ont les mêmes intérêts et les mêmes plaisirs, ils ont la même jalousie s’il naît un nouvel enfant. Jusqu’à douze ans, la fillette est aussi robuste qu’un garçon du même âge, et les capacités intellectuelles sont similaires tout au cours de la vie. Ce n’est pas la nature qui, pendant des siècles, a empêché les femmes d’aller à l’université, mais des élites masculines qui ne veulent pas partager leurs propres pouvoirs, aidées par des femmes qui ont intériorisé une impuissance factice.

 Nous sommes tous androgynes. C’est l’intervention d’autrui dès les premiers moments du nourrisson qui va sexer notre sentiment d’appartenance. L’homme peut être très maternel et la femme très virile, réclamer l’égalité des salaires et les plus hautes fonctions politique tout autant que les rôles militaires les plus dangereux. Je suis féministe. J’ai donc épousé en 1977 une féministe, enfin, quelqu’une que je croyais féministe. Françoise me racontait que le port du pantalon lui était interdit à une époque, je n’en croyais pas mes oreilles. J’ai commencé par pratiquer le monde des échecs, faisant en tant que parent des animations dans l’école Freinet où allait son fils, Frédéric. Je savais que l’homme et la femme font preuve des même capacités cérébrales quand on ne les a pas étouffées. Mais la FFE (Fédération française des échecs) organisaient des compétitions de jeunes séparées selon les sexes, poussins d’un coté, poussines de l’autre, et ainsi de suite. L’égalité des sexes n’est que théorique. Dans la pratique, les gens s’acharnent à ne pas en vouloir. Mon domicile a été en 1979-1980 le siège d’un groupe femme que je laissais se réunir entre elles puisque la libération de la femme sans le poids des hommes leur semblait être une nécessité. Je ne croyais pas que le féminisme soit l’apanage des femmes, mais je voulais faciliter leur prise de parole. Lors de mon divorce, toutes les femmes du groupe femme ont pris partie contre moi ! Je reste toujours féministe. Préjugés et méchancetés n’ont pas de prise sur ma capacité de raisonner.

Plus tard dans les années 2000, j’accéderais à un niveau de compréhension supérieur, estimant qu’il y a en principe égalité entre tous les êtres vivants. Je quittais l’anthropocentrisme pour adopter le biocentrisme. L’espèce humaine n’est qu’un maillon de la chaîne du vivant, nous n’avons pas à dominer les femmes ou la nature, nous devons nous soucier de tout ce qui n’est pas « nous ». Tous les êtres vivants ont des droits égaux à l’existence dans le cadre des équilibres biologiques. Le respect des animaux par l’homme est inséparable du respect des hommes entre eux, du respect des femmes par les hommes, du respect des différentes minorités visibles. D’une manière ou d’une autre, une société biocide qui tue à outrance et combat à coup de pesticides les insectes, les champignons (fongicides) et les « mauvaises » herbes (herbicides), les escargots, les « nuisibles » et même les vers de terre, s’en prend à elle-même.

Nous devrions renoncer au spécisme. Ce mot vient de l’anglais speciesism, introduit en 1970 par Ryder par analogie avec racisme et sexisme : le spécisme est une discrimination selon l’espèce. Il n’y a pas là de dérapage antihumaniste, seulement la volonté d’élargir notre humanisme anthropocentré à l’ensemble de notre Biosphère. Nous aurions beaucoup à y gagner, à commencer par l’acquisition du sens des limites : notre goût de la domination ne devrait pas conduire à la mise en esclavage de tout ce qui n’est pas humain. (à suivre, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », sera éditée chaque jour par épisode tout au cours des mois de juillet et août sur ce blog biosphere.

Une discipline contestée, les SES

Plus j’approchais de l’heure de la retraite en 2008, plus je mesurais la distance qui séparait mon esprit critique de ce qu’était devenue la matière. L’enseignement de Sciences économiques et sociales a subi une terrible évolution. Quand j’ai terminé ma carrière, j’étais le seul parmi mes quatre collèges à conserver encore les tables en U qui favorisaient les échanges. Retour aux tables alignées en rangées face à la toute puissance du prof. Fini le militantisme pédagogique, les SES étaient devenues une « discipline » parmi d’autres.

L’inspection ne comprenait plus mes pratiques. Mme Lamarque en 1987 : « Il convient en classe de terminale de passer rapidement sur les problèmes de définition. Le professeur se réservera la possibilité de contrôler la maîtrise de ces définitions à l’occasion d’une interrogation écrite… On regrette que Mr Sourrouille ne se soit pas appuyé sur les questions qui accompagnent les documents du manuel… Nous tenons à rappeler à Mr Sourrouille l’obligation, à laquelle il ne peut se soustraire, de tenir le cahier de textes… » Primauté des interros, toute puissance du manuel, gestion administrative des cours, fini la liberté pédagogique. Rapport d’inspection de Marie-Lise Fosse en 2005: « On ne saurait trop conseiller à Monsieur SOURROUILLE de veiller à obtenir de ses élèves de seconde une attitude plus propice au travail. Des règles de vie en classe doivent être posées… Il vaut mieux éviter de répondre à la question d’un élève en s’adressant exclusivement à lui… On peut regrette un titre comme Une approche « idéologique » de l’activité ; il est certes légitime de monter aux élèves que les définitions relèvent de convention, mais il importe aussi de leur montrer qu’il s’agit bien d’une démarche scientifique… » Fini l’économie politique, il faudrait faire des « sciences » économiques ! Fini le relationnel avec les élèves, il faut être autoritaire. Comme il s’agissait d’une section de seconde foot, avec des garçons comme des filles dont le seul intérêt dans la vie était le foot, j’aurais bien aimé assister à un cours de Mme FOSSE devant ces élèves en permanence  super-agités !!

Autant les SES ont été à l’origine une matière qui permettait aux élèves de s’affronter au monde moderne et d’en discuter les bases, autant c’est devenu une discipline comme les autres, avec ses recettes et ses habitudes, nourrissant un corps de spécialistes imbus de leur spécialité. Mes collègues enseignent maintenant l’économie et la sociologie de manière séparée. Il n’y a plus de vision transdisciplinaire, il y a désormais ce que disent les programmes et les manuels. Nous sommes loin de mes débuts d’enseignements en 1974-1975 au moment du premier choc pétrolier et des doutes sur la durabilité de la croissance. Mes collègues ignorent superbement l’écologie et n’ont plus tellement d’approche critique à propos des limites absolues rencontrées par la civilisation thermo-industrielle. Nous apprenons aux élèves que l’économie s’est désencastrée du social au cours de la révolution industrielle, nous n’apprenons pas qu’il faut réencastrer l’économique dans le social, mais aussi le social dans l’écologique. Pourtant ce que je connais de fondamental et d’objectif, c’est que nous sommes à l’aube d’une confluence de crises structurelles, pic pétrolier, réchauffement climatique, perte de biodiversité, krachs financiers, etc. La crise ultime a déjà commencé… Mes collègues de SES ne le savent pas encore. Ils assimilent croissance économique soutenue et développement durable ! La matière que j’ai tant aimé est devenue une larve qui épouse l’air du temps sans prendre conscience de la montée des périls.

Quand j’ai commencé à enseigner en 1974, les sujets de bac parlaient du premier choc pétrolier. Aujourd’hui les sujets de bac oublient que nous avons franchi le pic pétrolier en 2008, juste au moment de mon départ en retraite. Prenons les sujets posés en France métropolitaine les dernières années de ma carrière. Ils sont centrés sur la croissance:

Juin 2008 : En quoi l’innovation est-elle un facteur de compétitivité ?

Juin 2007 : Après avoir présenté les différentes formes du progrès technique, vous montrerez les effets de celui-ci sur la croissance économique.

Juin 2004 : Vous expliquerez comment l’investissement est source de croissance économique.

Juin 2001 : La diminution de l’intervention de l’État est-elle source de croissance économique ?

J’ai honte d’un baccalauréat de SES qui se délecte à ce point de l’occidentalisation des esprits. Nous sommes très loin du sujet posé dans l’Académie de Lille en 1974, sujet qui incitait à réfléchir sérieusement sur les limites de la croissance :

« Faire progresser une Nation, c’est faire courir les citoyens. Depuis vingt ans, les citoyens français ne courent pas mal, merci. (…) La course est harassante. Si vous l’accélérez, vous consommerez plus, mais vous aurez moins de temps pour réfléchir, pour penser, pour vivre (…) Car la course à la consommation se conjugue nécessairement, même sur le plan de l’individu, avec la course à la production. Mais celle-ci déclenche à son tour de grandes perturbations dans la structure sociale. Transformer les techniques de production, renouveler matériels et méthodes, désorienter les gestes habitués, réorganiser sans cesse, détruire et reconstruire indéfiniment les programmes de travail, les réseaux hiérarchiques, les relations humaines ; modifier les circuits, les règlements ; concentrer les entreprises, en fonder de nouvelles, modifier leurs objectifs (…). La course est brutale, et plus elle est rapide, plus elle est brutale. Les forts affirment d’autant plus leur force que le train est rapide ; et dans la chaleur de l’action, le faible est souvent piétiné. (J.Fourastié, Economie et Société, p.13)

A la lumière de ce texte, vous vous attacherez à décrire et analyser les changements sociaux qui ont accompagné la croissance économique depuis 1945, que ces changements aient joué le rôle de moteur ou de frein à cette croissance, qu’ils vous semblent accomplis, engagés ou en germe. »

De même ce sujet posé à Rennes en 1975  « La poursuite de la croissance, telle que l’ont connue depuis la deuxième guerre mondiale les économies capitalistes développées, semble poser de plus en plus de problèmes. Vous présenterez la crise actuelle et ses mécanismes et vous tenterez de déterminer dans quelle mesure et pour quelles raisons un changement d’orientation parait devoir s’imposer. »

La matière SES avait tout pour me plaire puisque c’était le seul cursus scolaire au lycée à vraiment préparer les élèves au monde tel qu’il devrait être. La finalité de mon enseignement était limpide, les instructions ministérielles faisant foi : « Conduire à l’intelligence des économies et sociétés d’aujourd’hui et intégrer cette acquisition à la formation générale des élèves. Le bac ES peut déboucher aussi bien sur des études de sciences économiques, de sociologie, de droit, de science politique, d’administration économique et sociale, de gestion, d’histoire et géographie économiques, etc. L’esprit et les contenus de l’enseignement économique et social ne peuvent donc se définir par référence à une seule discipline. Ayant pour objet la réalité sociale, il s’efforce d’utiliser, pour amener les élèves à la comprendre, toutes les voies d’approche qui peuvent servir à atteindre ce résultat : économique, bien sûr, et proprement sociologique, mais aussi, selon le cas, juridique, démographique, anthropologique, sans oublier le nécessaire cadre historique et géographique dans lequel se situent les faits étudiés. »

Mais l’enseignement des SES été constamment en butte à un establishment hostile. Au fil de ma carrière, les critiques contre les SES ont été de plus en plus violentes, y compris de la part des universitaires. Il est vrai que la pression des milieux économiques a été constante. Notre enseignement pouvait être accusé de marxisme, de macroéconomisme ou de contempteur du marché. On a envisagé de supprimer la matière, de réduire ses horaires, de l’intégrer à l’histoire-géo, ou aux techniques de gestion, jusqu’à présent en vain.

La dernière offensive d’une frange conservatrice du patronat que j’ai vécu en fin de carrière a eu lieu en 2008. Un premier rapport sur l’enseignement des SES au lycée émanait de l’AEF (association d’économie financière), présidée par Yvon Gattaz (ancien président du CNPF). Un deuxième, de l’Académie des sciences morales et politiques (ASMP, dont Yvon Gattaz était également doyen – section « Économie politique, statistique et finances » ) concordait avec le premier comme de bien entendu. Aucun membre de la section « morale et sociologie » n’avait été associé à ce rapport sur les SES (sciences économiques ET sociales) au lycée. C’est donc la section économie qui dénonce une « vision de l’économie et de la société française affectée d’un biais vraiment pessimiste ». Les experts auditionnés, tous universitaires, préconisent de distinguer, dans les programmes et dans l’enseignement, la science économique des autres disciplines des sciences sociales. « La multidisciplinarité ne convient pas aux besoins de l’enseignement, particulièrement au niveau du lycée – pas plus qu’on ne saurait, par exemple, recommander la fusion des enseignements de chimie et de sciences de la vie au prétexte que les deux disciplines fournissent des visions complémentaires des phénomènes biochimiques » « L’idée de ‘regards croisés’, mêlant des approches diverses et souvent divergentes, paraît en revanche dangereuse, dans la mesure où elle gêne l’acquisition de compétences spécifiques, et conduit naturellement à un relativisme néfaste. »

Ils regrettent également que la microéconomie soit « complètement négligée » alors qu’elle est « beaucoup moins controversée que la macroéconomie ». Ils demandent également une hausse du niveau en mathématiques, ce qui permettrait d’introduire « plus de formalisation ». Ils prônent un enseignement de « savoirs » fondamentaux en économie. L’un des experts déclare : « Quelles que soient les opinions politiques ou idéologiques des uns et des autres, tout économiste sait que l’effet d’un choc restreignant l’offre sur un marché à demande inélastique conduit à une forte hausse des prix, avec en corollaire une hausse des profits des producteurs ».

Troisième et dernier élément, la commission Guesnerie, installée par le ministre de l’Éducation nationale en février 2008 afin de réaliser un audit sur les programmes et les manuels de SES. Elle a rendu son rapport au ministre le 3 juillet 2008. Les mêmes termes se retrouvent dans les trois rapports. Le cumulard Yvon Gattaz (membre à la fois de l’AEF et de l’ASMP) a été auditionné par la commission Guesnerie : « « Les programmes actuels présentent trois défauts : l’encyclopédisme, le relativisme et le pessimisme, qui est de loin de la plus grave… Que ce soient les programmes, les manuels ou certaines revues que je ne citerai pas, ils sont responsables d’une grave démobilisation et démoralisation des jeunes de notre société. » Le rapport reproche aux SES de se complaire dans une sociologie « compassionnelle » et de verser dans la « sinistrose » en traitant trop des défaillances de la société (le chômage, les inégalités…). Il préconise de ne pas aborder des thèmes considérés comme trop complexes pour des lycéens !

Sur mon blog biosphere (hébergé à l’époque par lemonde.fr), je poste ce billet le 6 juillet 2008 :

De l’objectivité dans les manuels de SES 

Alors que le rapport de Roger Guesnerie a été remis au ministre de l’éducation, Le Monde du 4 juillet 2008 se livre à une agression contre une matière que je connais bien puisque j’enseigne les SES depuis trente quatre ans. Je dis bien Le Monde car le compte-rendu par un quotidien d’un « audit des manuels et programmes de sciences économiques et sociales » est toujours un choix rédactionnel. Le Monde serait moins soumis à la parole officielle s’il signalait que Roger Guesnerie a un parcours de technocrate, école polytechnique en 1964, école des Ponts et chaussées en 1967 (un seul diplôme ne suffit jamais à ces gens-là), donc un parcours très éloigné de la compréhension du monde tel qu’il devient et tel qu’il est pratiqué par les jeunes lycéens. Ensuite, comme d’habitude dans les sphères universitaires, Guesnerie était entouré par des gens de la même coterie : dans sa commission, à part le président de l’APSES, aucun autre professeur de SES du secondaire !

Mais surtout Le Monde ne fait aucun analyse des contre-vérités énoncées par ce rapport. Personne ne peut assimiler de façon définitive les « fondamentaux » car en matières de sciences humaines, tout doit être relativisé, rien n’est fondamental. Il est d’ailleurs symptomatique que le sujet de baccalauréat SES se présente en général comme une dialectique, première partie oui ou non, deuxième partie l’inverse. Les arguments objectifs ne peuvent exister dans un monde où tout est discutable, il n’y a pas d’énumération possible de « vérités ». Quant aux préjugés des élèves, la présentation du programme de seconde (BO du 5.08.1999) enjoint déjà aux enseignants de présenter « les connaissances de base qui sont souvent en rupture avec les connaissances spontanées des élèves ». Et les manuels ne se font pas faute de fournir maints documents qui mettent à mal les certitudes du lycéen, depuis les structures familiales qui ne sont point fondées biologiquement jusqu’au port du portable comme marque d’aliénation.

En fait tout repose sur une conception particulière du monde. Celle de Guesnerie, fidèle à l’idéologie microéconomique, met en évidence les réussites ponctuelles de notre société et l’élévation du niveau de vie. Or on sait maintenant que la croissance économique est en train de dévaster la planète de façon « macroéconomique ». Guesnerie regrette que les manuels mettent l’accent sur « les conflits, les mauvaises conditions de travail et les bas salaires ». Alors, faudrait-il nier la réalité ? Guesnerie regrette que les manuels présentent des extraits de presse et documents de grands auteurs « sur le même plan ». Mais quel économiste pourrait-il se targuer d’avoir une légitimité historique, l’idéologie néoclassique, l’idéologie marxiste, monétariste ou keynésienne ? Qui est à même de donner à un texte une légitimité certaine, le professeur, l’étudiant, ses parents ou le ministre de l’éducation nationale ? (La suite, demain)

Si tu ne veux pas attendre demain, à toi de choisir ton chapitre :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père