sciences et techniques

Merde noire et merde rouge, Charybde et Scylla

Dans notre société thermo-industrielle, le pétrole est le sang empoisonné qui véhicule dans nos activités ses méfaits sans nombre. Le cuivre est l’armature rouge de notre société électrifiée qui nous dispense de tout effort. L’or noir et l’or rouge se sont transformés en merde noire et rouge, c’est Charybde et Scylla. Mais les jours du pétrole sont comptés, les réserves s’épuisent inexorablement. Et les jours du cuivre suivront la même destinée. Les mailles de notre société trop complexe vont sauter les unes après les autres lors du grand effondrement….

Marjorie Cessac : « Au cœur de la compétition pour les minerais, le cuivre suscite une véritable frénésie d’achat, le métal rouge est essentiel à la transition énergétique. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe une explosion de 40 % d’ici à 2040 de la demande mondiale. Serons-nous en mesure d’y répondre ? Le cuivre est le grand substrat invisible qui soutient le monde moderne tel que nous le connaissons. Sans lui, nous sommes littéralement laissés dans l’obscurité. Si l’acier fournit le squelette de notre monde et le béton sa chair, alors le cuivre est le système nerveux de la civilisation, les circuits et les câbles que nous ne voyons jamais mais sans lesquels nous ne pourrions pas fonctionner. A eux seuls, les véhicules électriques et leurs batteries devraient absorber un tiers des futurs besoins, chaque voiture ne nécessitant pas moins de 80 kilos à 100 kilos de cuivre.

Certes les réserves de cuivre sont passées en l’espace d’un siècle de 50 millions de tonnes reconnues dans le monde à 870 millions. Mais la question qui se pose n’est plus de savoir s’il y a assez de métaux dans notre sous-sol pour réaliser la transition écologique mais si nous pouvons les extraire de la croûte terrestre à une vitesse qui correspond au rythme de développement que nous nous sommes fixé. Selon l’AIE, respecter l’accord de Paris nécessite que pas moins de quatre-vingts mines soient mises en production et que tout cela ait démarré au cours des deux prochaines années… alors qu’il s’écoule en moyenne dix-sept ans entre la découverte d’un gisement et la première production. Seules quatre découvertes ont pu être réalisées depuis 2015, contenant toutes ensemble à peine deux ans de consommation mondiale. Ajoutons la baisse de la teneur des gisements exploités. En un siècle, la part de minerai contenue dans la roche s’est réduite de 3 % à 0,7 %, obligeant les compagnies à extraire toujours plus de tonnages pour obtenir les mêmes quantités de métal. Le gigantisme entraîne une augmentation considérable des déchets produits. Une exploitation industrielle de taille moyenne va produire à terme des centaines de millions de mètres cubes de boues polluées aux métaux lourds et provoquer l’acidification pérenne du milieu.

La mine est en concurrence avec des usages du sol et de l’eau. Une mine de cuivre industrielle à ciel ouvert de taille moyenne a aujourd’hui besoin d’environ 500 litres d’eau par seconde et ces extractions ne bénéficient que très peu aux populations locales. Souhaite-t-on maintenir le même train de vie ? La sobriété si nécessaire reste la grande absente de la politique européenne sur les métaux. »

Le point de vue des écologistes (anti)extractivistes

Rumi : Cet article démontre, une fois de plus, que l’obsession écolo détruit la planète. Sauf à revenir dramatiquement au Moyen âge. Un recul que les gouvernements, sous la pression des lobbies écolos, baptisent sobriété.

Isa @Rumi : du coup sur le sujet du réchauffement climatique, que proposez-vous concrètement, avec quels échéances et garanties sur les objectifs ?

Moussila : Rumi, c’est la croissance matérielle qui détruit la planète. Les écologistes ne veulent pas du réchauffement climatique, les croissancistes essaient de trouver une solution. Or leur solution est trop intensive en métaux. Il n’y a pas de solution technologique miracle ! Décroître est la seule option.

Jojolama : Donc les GES tuent la planète, mais l’électrification par les renouvelables aussi. Il va falloir sérieusement se pencher sur ce dilemme. Non, je déconne, c’est trop tard, on va s’en prendre plein la tronche d’ici peu de temps.

GeorgesL : Pour les vieux la meilleure solution est de continuer comme avant en pensant à autre chose. Et très peu de jeunes ont déjà compris ce qui les attend.

Jamie : Pas de transition écologique avec un parc exponentiel de véhicules électriques. Seule la décroissance et la sobriété peuvent nous sortir de notre course vers le désastre.

Michel SOURROUILLE : Quelle est la capacité de résilience d’un système toujours plus complexe et interdépendant ? Notre monde ultra-technicisé, spécialisé, globalisé pourrait-il résister à une débâcle, que celle-ci vienne de la raréfaction des ressources énergétiques et métalliques, des conséquences du changement climatique ou d’une nouvelle crise financière ? Au lieu de chercher une sortie avec plus d’innovation et de hautes technologies (high tech), nous devons nous orienter, au plus vite et à marche forcée, vers une société essentiellement basée sur des basses technologies (low tech). » in L’âge des Low tech de Philippe Bihouix (2014). Cet auteur aurait mérité d’être cité par l’article du MONDE…

Eric.Jean : Tous les articles sur les ressources énergétiques ou métalliques évoquent des échéances de pénuries à 20, 50 voire 100 ans. C’est à dire une seconde à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Une seule chose est sûre, la quantité de ressources disponibles est finie, on ne peut pas « créer » de cuivre ou d’ autres metaux sur terre sauf à croire à l’alchimie. La civilisation techno-industrielle n’a pas 150 ans. Il ne lui en reste pas plus, au mieux. Elle s’éteindra dans quelques générations et pour nos descendants ce sera un autre monde. Mais après tout on a construit des ponts, des aqueducs, des habitations en pierre, des pyramides, des cathédrales sans pétrole ni électricité. Il va juste falloir se retrousser les manches.

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Sur ce blog biosphere, nous suivons les travaux de Philippe Biouhix depuis janvier 2011. La vertu première de Philippe est de nous aider à combattre notre paresse intellectuelle qui conclut trop souvent ainsi les discussions sur l’annonce des catastrophes: « On trouvera bien une solution. » C’est-à-dire une solution technologique. La high-tech aurait magiquement réponse à tout, le « progrès » de l’homme étant systématiquement réduit à celui de ses outils. Philippe Bihouix démontre que la solution technologique ne va pas de soi. Voici un florilège succincts de nos différents articles résumant sa pensée grâce à ses propres phrases :

10/10/2014 Résilience, un passage nécessaire par les low tech

extraits : Quelles techniques pour un changement radical ? Résilience et low tech…  Les métaux, toujours moins concentrés, requièrent plus d’énergie, tandis que la production d’énergie, toujours moins accessible, requiert plus de pétrole. Le peak oil sera donc vraisemblablement accompagné d’un peak everything (pic de tout). »…

04/092014 Philippe BIHOUIX : Vive le low-tech, les technique simples

extraits : Si l’imagination fertile des êtres humains n’a pas de limites, les équations de la physique, elles, sont têtues. Plus on est high-tech, moins on fabrique des produits recyclables et plus on utilise des ressources rares dont on finira bien par manquer. Il est absurde de croire que les solutions technologiques pourront être déployées à la bonne échelle…

29/05/2014 Le coût incommensurable du démantèlement des centrales

extraits : Même si le « provisionnement », l’argent mis de côté pour le démantèlement des centrales nucléaires françaises, est correct – ce qui fait largement débat -, cela n’a pas de réalité matérielle…Je fais donc le pari (facile, vous ne viendrez pas me chercher) que nous ne démantèlerons rien du tout…

11/02/2014 Dans les entrailles de la machine mondiale à expresso

extraits : J’achète un télé­phone portable en France, et ce faisant j’ai exploité des mineurs du Congo, détruit des forêts pri­maires de Papouasie, enrichi des oli­gar­ques russes, pol­lué des nappes phréa­tiques chi­noises, puis, 12 à 18 mois plus tard, j’irai déverser mes déchets élec­tron­iques au Ghana ou ailleurs. Le monde est devenu sem­blable à une immense machine à expresso, le mod­èle si pra­tique où la cap­sule de café vide dis­paraît dans les entrailles de l’appareil.

06/08/2012 La difficulté de démanteler la mégamachine !

extraits : Quelle différence, en termes de contenu technologique et de complexité technique, entre une centrale nucléaire et une éolienne industrielle de 5 ou 7 MW ? Ou plutôt un macrosystème de milliers d’éoliennes et de fermes photovoltaïques, reliées par des smart grids permettant à tout instant d’équilibrer offre intermittente et demande variable. Aucune ! On y trouve également des métaux farfelus, une production mondialisée exigeant des moyens industriels à la seule portée d’une poignée d’entreprises transnationales, une installation et une maintenance requérant des moyens exceptionnels (barges, grues, remorques spéciales…), ne pouvant s’appuyer que sur une expertise fortement centralisée, de l’électronique à tous les étages, etc. A mille lieues d’une production autonomie, résiliente, ancrée dans les territoires et maîtrisable par des populations locales…

 17/08/2011 notre avenir, stagflation et âge de fer

extraits : Quel avenir veut-on laisser aux générations futures, un retour à l’âge de fer ? Un monde où quelques dizaines de millions de ferrailleurs-cueilleurs, survivants de la grande panne ou de l’effondrement, exploiteront le stock de métaux dans les décharges, des bâtiments délabrés et des usines à l’arrêt est une possibilité…

15/01/2011 Est-ce que LeMonde nous empapaoute ?

extraits : La complexité des alliages nous empêche de récupérer facilement les métaux lors du recyclage. Il y a 30 métaux différents dans un ordinateur portable. Avec 3000 sortes d’alliages au nickel, on comprend que l’organisation de filières de récupération sera douloureuse ! Enfin une partie des métaux n’est pas récupérable car nous en faisons un usage dispersif, pigments, additifs, couches minces…

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Bihouix, Low tech contre High tech

extraits : L’âge des Low tech de Philippe Bihouix en 2014. Il faudra monter les escaliers à pied, réduire la vitesse de nos trains et renoncer aux canettes en aluminium. Pour la lessive, il faudra attendre que le vent se lève pour faire tourner l’éolienne locale. Les journaux seraient à nouveau imprimés en noir et blanc et pourraient servir de papier hygiénique. Le recyclage du verre serait facilité par l’utilisation de verre blanc pour l’ensemble des usages, évitant les produits colorant le verre et rendant le tri impossible. Puisque le recyclage a ses limites….

Rêveries d’un ingénieur solitaire, Philippe Bihouix

extraits : Le bonheur était pour demain (les rêveries d’un ingénieur solitaire) en 2019. Philippe Bihouix complète son analyse antérieure des techniques douces. Ce qui de Thomas More à Gordon Moore sous-tend son raisonnement, c’est l’opposition entre les fausses utopies et le réalisme nécessaire aujourd’hui pour faire face à l’urgence écologique. Il bataille contre le techno-solutionnisme et fait une analyse bien documentée des hyperloop et autres fantasmes comme la conquête d’exoplanètes…

La bombe nucléaire, gadget (très) dangereux

Le risque nucléaire est devenu plus élevé que pendant la guerre froide, a déclaré le secrétaire général de l’ONU ? William Perry, ancien secrétaire américain à la défense, l’a déclaré en 2020 : « Nous avons survécu à ces crises [de la guerre froide] et évité une catastrophe nucléaire autant grâce à la chance qu’à une bonne gestion. » La bombe ne devrait pas faire débat, elle n’aurait jamais du exister.

Jean-Pierre Dupuy , Marc Finaud, Bernard Norlain, Annick Suzor-Weiner : En légitimant le concept d’une défense dont la « clé de voûte » est la dissuasion nucléaire, programmée pour commettre des massacres de civils, fût-ce en invoquant illicitement la légitime défense, comment ne pas rendre cette arme « suprême » attractive pour les pays prédateurs ?Si les armes nucléaires permettent à la Russie d’agresser des Etats souverains non dotés d’armes nucléaires, on le doit à la nature intrinsèquement terroriste des armes nucléaires. Continuer à affirmer que la dissuasion nucléaire est la meilleure protection à l’égard d’une attaque contre les « intérêts vitaux » des puissances nucléaires et qu’elle a préservé la paix ne repose sur aucun fondement scientifique, relève de la croyance, et confond coïncidence avec causalité. Les armes nucléaires sont l’« axe du mal » dont le monde doit se libérer.

Le point de vue des écologistes pacifistes

O.Touré : La dissuasion nucléaire fonctionne, elle permet à des Etats qui ont l’arme nucléaire de massacrer des populations (Russie, Israël, Corée du Nord et bientôt la Chine…)

Michel SOURROUILLE : La France n’a pas connu de guerre sur son sol depuis 80 ans… mais elle s’est permis de porter la guerre dans de nombreux pays, Indochine, Algérie, Mali… en toute impunité puisqu’elle était une « grande puissance » grâce à la bombe ! Pour en finir de toutes ces guerres qui n’ont servies à rien depuis la nuit des temps si ce n’est nourrir les cimetières, deux solutions efficaces : devenir objecteur de conscience à titre individuel ; mettre toutes les forces armées françaises sous commandement de l’OTAN. Simple, non ?

Bandera : L’arme nucléaire à été une success story totale au Japon, rendant ce pays vassal des Américains et ayant toujours, au bout de 80 ans, une force d’occupation US sur son sol. Le fascinant succès japonais doit évidemment être tentant pour Poutine en Ukraine…

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Dissuasion nucléaire, une ligne Maginot ! (2022)

extraits : La dissuasion nucléaire est une erreur militaire tragique, c’est accepter des bombes qui vont tuer en masse des civils. Sans être croyant, on ne peut qu’’être en accord avec la position du pape François : « On ne construit pas la paix sur la peur que l’on crée en montrant sa force. Or, avoir des armes nucléaires, c’est menacer de s’en servir. On ne peut donc se contenter de mettre en cause la dissuasion. Il faut aussi mettre en cause leur possession »….

les chiens de garde de la dissuasion nucléaire (2022)

extraits : Défendre le nucléaire militaire ne devrait pas entrer dans la logique d’un écologiste. Pourtant c’est ce que font tous les présidentiables, et 2022 n’échappera pas à la règle. Le propre d’une institution, c’est de vouloir sauvegarder son existence sans s’interroger sur le bien fondé de sa pérennité. Ainsi la dissuasion nucléaire qui a ses chiens de garde, rassemblés au sein de la commission des forces armées de l’Assemblée nationale….

Faire boum avec une arme nucléaire, le pied (2020)

extraits : Du point de vue des écologistes, l’appareil militaire n’est qu’un parasite qui vit au détriment des contribuables (et des ressources naturelles) et n’a jamais résolu quelque problème que ce soit par les confits armés qu’il a provoqué. Dans ce contexte, l’arme nucléaire bat le sommet de la bêtise humaine et du gaspillage. De temps en temps on reçoit une bonne nouvelle, et il faut la savourer mieux que ne le fait Macron….

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25 novembre 2019, (le pape) François, un écologiste contre l’arme nucléaire

25 septembre 2019, Pour un désarmement nucléaire

24 mars 2019, Le nucléaire, inacceptable dans un pays démocratique

23 janvier 2018, NI dissuasion nucléaire, NI service national universel

10 octobre 2017, La folie du feu nucléaire entretenue par un journaliste

30 mars 2017, Les présidentiables face au feu nucléaire

29 septembre 2016, Politique de défense en accord avec l’écologie politique

21 février 2015, François Hollande fait joujou avec la bombe nucléaire

16 juillet 2014, L’art de ne pas répondre… sur le nucléaire militaire

21 mars 2014, Un gouvernement français de tout temps pro-nucléaire

27 juin 2012, supprimer la dissuasion nucléaire, alléger le budget !

23 juillet 2011, les socialistes sont pro-nucléaires

1er juillet 2011, Eva Joly contre le désarmement nucléaire

31 octobre 2011, la bombe atomique n’est pas écolo

19 juillet 2011, la dissuasion nucléaire, un débat pour 2012

18 mars 2011, Fukushima et la bombe atomique

25 mars 2008, la bombe, assurance vie d’une nation ?

À lire, Abolir le nucléaire civil et militaire de Jean-Marie Pruvost-Beaurain

Les scientifiques font de la politique

Il semble qu’on peut tout faire dire à la science et son contraire, contestation frontale du système agro-industriel d’un côté ou soutien total de l’autre : 1000 scientifiques d’un côté et 1000 autres de l’autre… Cela serait amusant si le sort des générations futures n’était pas en jeu. Faut-il être du côté de la science transgénique ou du côté de la science « naturaliste » ?

1) Un millier de scientifiques européens ont mené sur les réseaux sociaux une opération de lobbying auprès du parlement européen, intitulée « #GiveGenesAChance » (« donnez une chance aux gènes »). Les 6 et 7 février 2024, les députés européens débattaient de l’assouplissement des règles en matière d’OGM. Ils s’agissait d’autoriser les nouvelles techniques génomiques (NGT en jargon techno-globish), parmi lesquelles les « ciseaux génétiques » Crispr-Cas9.

https://www.piecesetmaindoeuvre.com/necrotechnologies/ngt-vers-un-monde-genetiquement-transforme

2) Plus de 1 000 scientifiques : « Les propositions de l’exécutif sur l’agriculture sont une régression pour l’environnement et la santé ». Un collectif de chercheurs spécialistes des questions d’écologie et de santé, parmi lesquels la Société française d’écologie et d’évolution, le conseil scientifique de l’Office français de la biodiversité et la réserve naturelle nationale du Val de Loire, s’alarme des décisions prises par le gouvernement pour mettre fin aux mobilisations des agriculteurs.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/26/plus-de-1-000-scientifiques-les-propositions-de-l-executif-sur-l-agriculture-sont-une-regression-pour-l-environnement-et-la-sante_6218604_3232.html

commentaire de Pièces et main d’œuvre (7 février 2024)

Les jeunes chercheurs pro-NGT qui ont lancé cette opération postaient des photos de leurs équipes devant leurs labos avec des pancartes : « Science is clear, say yes to NGT », « Trust in CRISPR », « I love NGT », « Believe in scientist, believe in NGT », « Trust in science ». Leurs pancartes proclament leur volonté démiurgique de re-création. Ces scientifreaks sont poussés par de prétendues organisations environnementales réunies dans l’alliance WePlanet, parmi lesquelles Replanet (mobiliser le « génie humain (…) pour une vision positive du futur ». En fait, des lobbys scientistes qui préconisent toujours plus de technologie pour nous sortir de l’impasse où nous ont conduits les technologies et les technocrates. Dès juillet 2023, le CNRS et cinq organismes de recherche européens (le « G6 ») avaient publié un communiqué pour demander la levée des restrictions sur les OGM, se plaignant du retard de l’Europe dans l’utilisation des nouvelles techniques génomiques.

Ce mercredi 7 février 2024 en fin de journée, les eurodéputés ont obéi, votant la proposition de règlement de la Commission européenne, qui sabote l’encadrement des semences végétales issues des nouvelles techniques génomiques. « Science wins ! », exultent les technocrates.

Commentaire des écologiste éclairés 

25 pages de signataires contre une régression agricole, des scientifiques de toutes natures contre la politique gouvernementale productiviste, c’est significatif. Aucun groupe syndical ne peut se permettre de tordre le bras de nos dirigeants pour pouvoir faire ce qu’il veut si c’est au dépens de la santé et de l’avenir de l’ensemble de la population. Rappel de l’appel d’Heidelberg e de son dévoiement de la science:

« Publié pour influencer la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement en 1992 (sommet de la Terre de Rio de Janeiro), l’appel d’Heidelberg a été signé par de nombreux scientifiques. Les signataires disent partager les objectifs du sommet, mais mettent en garde les gouvernements et les autorités responsables de la gestion de la planète contre la prise de décisions qui ne seraient étayées que par des arguments pseudo-scientifiques ou des données fausses et non pertinentes. Parmi les signataires et soutiens figurent environ 4 000 scientifiques et universitaires, dont 72 récipiendaires du prix Nobel.(…) Un mémo de Philip Morris de mars 1993 attribue l’initiative de l’appel à l’industrie de l’amiante, rejointe plus tard par celle du tabac». A la manœuvre à l’époque, le cabinet CES qui, par ailleurs, mis au point l’agriculture « raisonnée » pour le compte du syndicat de l’agrochimie. Tout se tient.

Lire aussi, l’appel d’Heidelberg 1992 et son commentaire en 2012

LE DÉSARMEMENT DÉMOGRAPHIQUE

dans les archives du MONDE (19 janvier 1972)

LE DÉSARMEMENT DÉMOGRAPHIQUE (extraits)

Dr ESCOFFIER-LAMBIOTTE : A l’exception de l’homme, et contrairement à ce que pensait Malthus, toutes les espèces vivantes sont dotées d’un système qui règle subtilement et par des mécanismes endocriniens encore mal connus le taux de leur reproduction. En accédant à la conscience logique et au langage, l’espèce humaine a perdu cette régulation automatique.l’humanité se doit de manière impérative d’y suppléer dans les délais les plus brefs – en fait, une génération, – soit par une percée technique, soit par le déclenchement de motivations nouvelles.Tel est le sens des actions prioritaires et des programmes des  » task forces  » (groupes de travail lancés par l’Organisation mondiale de la santé, dans un effort ultime pour modifier la situation actuelle. La pilule est, certes, utilisée par vingt millions de femmes, sur les cinq cent millions en âge de procréer que compte l’univers, mais elles appartiennent, pour leur immense majorité, à des nations ou à des communautés évoluées où le taux de natalité est déjà très faible.

L’avortement garde dans les pays sous-développés une faveur que seul peut atténuer le développement culturel. Même lorsque ce développement est acquis, le bilan de la dernière décennie montre que cette technique constitue, dans l’état actuel des choses, l’une des plus puissantes méthodes de contrôle de la fertilité à l’échelle d’une nation. On estime que trente millions d’avortements sont provoqués chaque année dans le monde, dont dix millions légalement ; 8 % des femmes en âge de procréer connaissent cette épreuve à un stade déjà tardif de la grossesse, alors qu’elle risque d’entraîner des complications immédiates ou tardives.

Certains, qui mesurent l’étendue du péril que représente la conjugaison de la poussée démographique irrépressible et de l’impasse scientifique ou administrative actuelle, en viennent à penser que la solution ne peut venir en réalité, et à l’échelle mondiale, que de la découverte d’une substance qui administrée par exemple avec l’eau de boisson, inverserait l’état naturel de fertilité des êtres humains. L’infertilité deviendrait ainsi permanente, et c’est d’une décision personnellement motivée que résulterait alors la procréation, par l’absorption d’un médicament annulant l’effet du premier. Une telle conception, si elle ne paraît pas utopique sur le plan scientifique, impliquerait évidemment un profond bouleversement des consciences et des traditions. De la fertilité volontaire – étape positive dans l’évolution des libertés humaines – aux abus de la stérilité obligatoire, il pourrait, en effet, n’y avoir qu’un pas, qui risque de conduire au génocide, aussi longtemps que n’existerait pas une véritable conscience collective, fondée sur une éthique universelle. Il reste que l’abolition du droit immémorial à la procréation anarchique pourrait bien être le prix que devra payer l’homme pour la survie de sa civilisation.

Faute de cette double révolution éthique et biologique, et devant l’inflation démographique actuelle, le recours au régulateur barbare et par essence antisélectif qu’est la destruction guerrière paraît inévitable. L’histoire de ces vingt dernières années, le déplacement des guerres vers un continent – l’Asie – où la population croît plus vite que les ressources, montrent bien le caractère explosif de structures où la sous-alimentation et le chômage engendrent le désespoir et l’agressivité collective.

En savoir plus sur la surpopulation

Alerte surpopulation, le combat de Démographie Responsable (2022)

Surpopulation… Mythe ou réalité ? (2023)

Un panorama des pays surpeuplés,

Surpopulation généralisée dans tous les pays

Pour lutter contre la surpopulation,

https://www.demographie-responsable.fr/

Macron, Frydman et la lutte contre l’infertilité

Emmanuel Macron vient de faire de la lutte contre l’infertilité son récent combat… pour relancer la démographie française. Mais les choses ne sont pas si simples, et même René Frydman le reconnaît maintenant. Son premier livre en 1986, évoquait « l’irrésistible désir de naissance ». Début 2024, son dernier ouvrage s’intitule « La Tyrannie de la reproduction » !

Donc ce monsieur s’interroge, mieux vaut tard que jamais, surtout après avoir fait son miel (pour ne pas dire son beurre…) sur la Procréation Médicalement Assistée pendant toute sa carrière.

René Frydman : « Traitements de l’infertilité masculine, dépistage génétique préimplantatoire ou encore congélation des ovocytes… Tout cela a d’une certaine manière ouvert le champ des possibles et renforcé la croyance que tout est possible. Cela conduit parfois à une forme d’acharnement chez certains couples, on glisse du « je désire un enfant » à « j’y ai droit ». D’autant plus que, dans notre pays, les techniques de procréation médicalement assistée [PMA] sont prises en charge par la Sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Et je n’ai jamais vu de gestation pour autrui (GPA) hors marchandisation, en dehors de très rares cas. lignes rouges à ne pas franchir ?La plus importante est de ne pas utiliser quelqu’un pour son propre profit. Aujourd’hui, la GPA et demain beaucoup d’autres choses. Un exemple : en Inde, il existe déjà un groupe qui propose de réaliser des greffes d’utérus. Des femmes transgenres pourront-elles aussi demander une greffe d’utérus ?Je pense que c’est une limite à poser. Pour moi, il n’en est pas question.Demain, on pourrait créer des cellules souches à partir d’une cellule de sa peau afin de constituer des spermatozoïdes. Une jeune femme pourrait alors prendre ces spermatozoïdes, faire grandir son enfant dans un utérus artificiel et sera une maman solo et comblée. C’est problématique. »

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Frydman, promoteur infatigable de la PMA

extraits : René Frydman, promoteur infatigable de la PMA (procréation médicalement assistée) : «  Il faut dépasser les diktats idéologiques et religieux d’un groupe qui veut imposer ses croyances à tous sans faire appel à la méthode scientifique. » En d’autres termes les partisans d’une procréation naturelle ne doivent rien opposer aux techniciens de la fécondité artificielle. Pourtant Frydman reconnaît les inconvénients de la PMA…

Loi bioéthique, des techniques sans limites

extraits : La loi bioéthique a été adoptée le 29 juin 2021. On se focalise médiatiquement sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes célibataires ou en couple lesbien. Pourtant nombreux sont les personnes à défendre l’idée que l’ouverture de la PMA pour toutes n’aurait pas dû figurer dans un texte de bioéthique : «  Qui, même au sein des médias, sait réellement ce qui se prépare à travers les évolutions nombreuses que ce texte autorise : Chimères homme-animal, embryons transgéniques, ciseaux génétiques Crispr-Cas9, « bébés-médicaments », autoconservation des ovocytes sans motif médical, gamètes artificiels…

13 février 2011, la bioéthique contre les lois de la nature

extraits : Où s’arrêtent les lois de la Nature et où commence celle des humains ? Pour les humains contemporains, cela paraît évident. La nature leur est soumise et ils peuvent tout faire sans contrainte externe ; tout se joue dans les délibérations sociales. Ainsi la fécondation in vitro est-elle passée dans les mœurs…..

7 octobre 2010, non à la fécondation in vitro

extraits : L’instinct maternel n’existe pas, avoir des enfants n’est pas un droit sans limites. En quoi par exemple la lutte contre la stérilité améliore-t-elle les  relations de l’humanité avec notre Terre-Mère déjà surpeuplée ? La page Planète du MONDE consacre pourtant une page entière au britannique Robert Edwards, nouveau prix Nobel de médecine pour le développement de la fécondation in vitro. Que disent les scientifiques ? René Frydman, « père » d’Amandine, premier bébé-éprouvette français en 1982, conçoit bien que la procréation médicalement assistée soulève une série de problèmes de nature éthique. Mais comme René Frydman est un scientifique au service de la technique, il n’a plus de repères…

L’Académie des sciences inféodée au business

Aujourd’hui riche de 281 membres, 117 associés étrangers et 58 correspondants, élus parmi les scientifiques français et étrangers les plus éminents, l’Académie des sciences est pluridisciplinaire. Il y a des prix Nobel, des médailles d’or du CNRS, des chevaliers dans l’Ordre national du mérite ou de la Légion d’honneur, que du beau monde, où ne peut que régner l’interaction spéculaire. Le mode de désignation des membres de cette Académie, l’analyse de leur CV et leur lien existant ou non avec l’industrie (conflit d’intérêt) permettrait d’en savoir plus et de manière objective sur le degré de connivence avec les pouvoirs économique et politiques. De même il faudrait connaître les modalités de prise de décision sur une thématique précise avec des scientifiques représentant des disciplines très différentes.

Le 10 novembre 2023, la vénérable compagnie a publié un communiqué (que nous reproduisons en annexe) en soutien implicite à la proposition de la Commission européenne de déréguler les cultures issues des nouvelles techniques génomiques (NGT). En dehors des absurdités énoncées par l’Académie des Sciences sur les ciseaux moléculaires (on croule pourtant sous les articles sur les off-targets), on y lit (point 2) que cette technique ayant été utilisée pour le traitement d’anémies génétiques serait en soi une justification scientifique et (point 8 ) une opinion sur les conflits d’intérêts qui laisse pantois : «  L’invocation perpétuelle de conflits d’intérêt qui biaiserait le jugement de scientifiques compétents ne peut être généralisée ». Laissons la parole à deux avis diamétralement opposés.

Stéphane Foucart, journaliste du MONDE

Le mésusage de l’autorité scientifique est un fléau dont l’Académie des sciences française vient, une nouvelle fois, d’offrir une impeccable illustration. Bruxelles souhaite exempter une grande part de ces « nouveaux OGM » d’étiquetage, de traçabilité, et de toute évaluation des risques sanitaires, environnementaux ou socio-économiques. Dans le document de l’Académie on peut lire : « Contrairement aux technologies de production des OGM, y lit-on, les ciseaux génétiques coupent de façon précise l’ADN et permettent de le modifier précisément sans laisser la moindre trace artificielle dans le reste du génome. » Les effets non intentionnels des NGT sur des zones non ciblées du génome sont en réalité attestés par de nombreux travaux. L’institution contourne aussi soigneusement d’autres risques liés aux NGT – notamment socio-économiques –, qu’il s’agisse de leur brevetabilité, des effets de la position dominante des géants du secteur, de la diffusion de traits aux espèces sauvages, de la coexistence avec l’agriculture biologique, etc. L’Académie des sciences s’inscrit là dans une spécificité très française, qui voit les académies scientifiques nationales se poser bien souvent en relais naturels de l’industrie.

L’Académie des sciences s’est déjà prononcée contre le principe de précaution (2004), pour l’exploration du gaz de schiste en France (2013) et a été, dès le milieu des années 2000 et pendant plus d’une décennie, le bastion tricolore du climatoscepticisme. En décembre 2002, l’Académie des sciences prenait déjà fait et cause pour les OGM de première génération et leurs bénéfices potentiels : rendements et qualités nutritives améliorés, résilience aux stress, usages moindres de pesticides… Aucune de ces promesses n’a été tenue, sinon de manière anecdotique. Sa position actuelle sur les NGT suggère que ni la crise écologique ni l’aggravation de ses effets ne l’ont convertie à une culture de la précaution.

Un ingénieur agronome et généticien (correspondant de ce blog)

Il me semble qu’il faut éviter de se laisser enfermer dans cette problématique du nombre de mutations induites et conservées dans les variétés commerciales. Ce débat ne mène nulle part en terme d’évaluation d’un « risque potentiel », dans la décision de mettre une nouvelle variété sur le marché. Si l’on prend comme base de réflexion le travail du sélectionneur, il faut avoir à l’esprit qu’il repose sur une évaluation au champ des plantes issues d’un quelconque processus d’induction de la variabilité disponible pour la création variétale. Et ce travail offre des probabilités différentes d’obtenir « la plante recherchée », selon les «  méthodes de modification » appliquées, lesquelles peuvent nécessiter un plus ou moins nombre de plantes à observer, mais aussi plus ou moins de temps. De plus, à chaque étape du processus de sélection, les plantes qui ne correspondent pas au type recherché sont «  mises à la poubelle », et cela sans aucun été d’âme. Ce dernier aspect distingue très nettement les sélectionneurs de plantes, des médecins qui cherchent à guérir une maladie chez l’homme, ces derniers ne peuvent travailler que sur un nombre très limité d’organes ou d’organisme selon, en particulier, s’il s’agit d’induire des modifications somatiques ou transmises à la descendance. C’est en particulier ce qui me fait dire qu’il ne faut pas se laisser entraîner dans le débat sur les off target repérées ou non.

Donc in fine, je pense que ceux qui s’opposent aux biotechnologies végétales sont de mauvaise fois lorsqu’ils tentent d’argumenter sur le plan scientifique, alors que leur véritable motivation est idéologique et politique. Ma perception sur le débat sociétal qui s’est instauré depuis plusieurs décennies est qu’il a été un piège dans lequel nous nous sommes laissé entraînés, sans comprendre qu’en fait, nous n’avons pas perçu que la Société avait évolué. Dit autrement, notre génération a été formée dans l’idée que les évolutions technologiques ne pouvaient qu’être positives pour la société, alors que la société perdait confiance dans le « progrès », voir rendait les technologies responsable de tous nos maux.

Cette démarche explique la position que j’exprime sur la place et le rôle des Sciences et des Technologies dans l’organisation sociale et économique de la Société. Mais, je pense que nous devons accepter que la société crée les conditions pour garantir que les produits issus de ces Nouvelles Technologies ont été évaluées, qu’ils ne présentent, au pire, que des risques très limités et que tout est fait pour que, s’ils devaient apparaître, ceux-ci seraient gérés correctement et efficacement.

Synthèse biosphèrique

L’essentiel du message de Foucart ne peut pas être remis en cause : l’Académie des sciences a déjà fauté plusieurs fois par rapport à la rigueur scientifique dont elle se prévaut.

De plus son avis technoscientifique ignore les conséquences socio-économiques de son agriculture de laboratoire : industrialisation de l’agriculture, destruction de l’emploi agricole, accroissement de la taille des parcelles et nivellement des paysages. Un quart de siècle d’OGM a fait exploser le recours à la chimie et enfermé les exploitants dans une dangereuse spirale de dépendance aux herbicides de synthèse. Sans compter l’adaptation galopante des adventices aux produits courants.

C’est le problème de la technoscience, la science utilisée comme paravent pour la marchandisation des humains et du vivant dans son ensemble. Et croire comme l’expert en OGM que « la société » met en place des moyens pour nous protéger des dérives technologiques, c’est ne pas voir la réalité telle qu’elle est : un monde déstructuré et souvent détruit durablement par nos prouesses technologiques. In fine, on peut à juste titre penser que ceux qui sont partisans des biotechnologies végétales sont de mauvaise fois lorsqu’ils tentent d’argumenter sur le plan scientifique puisque leur véritable motivation est idéologique et politique.

Annexe. « De l’intérêt des plantes génétiquement éditées » selon l’Académie des sciences

En juillet 2023, la Commission européenne a proposé d’autoriser l’usage des « ciseaux génétiques » pour l’amélioration des plantes sans considérer leurs produits comme des organismes génétiquement modifiés (OGM). Des voix s’élèvent contre cette proposition. Face aux inquiétudes et questionnement compréhensibles, suscités par ces prises de positions hostiles, l’Académie des sciences, consciente de l’importance d’une information venant des scientifiques, tient à rappeler les points suivants, largement partagés avec les académies des sciences étrangères.

1 – Les ciseaux génétiques constituent une avancée scientifique majeure. Sa portée va bien au-delà de la question de savoir ce qui est ou n’est pas un OGM. Elle permet de mettre au service de l’homme et de la planète une grande partie du savoir scientifique acquis depuis plusieurs décennies grâce à la génétique moléculaire

2 – L’édition génétique des génomes, pratiquée grâce à ce nouvel instrument, a déjà permis des avancées dans le domaine de la santé humaine comme le traitement d’anémies d’origine génétique.

3 – S’agissant des plantes, leur usage conduit notamment à accélérer des procédés de « sélection naturelle » utilisés par l’homme depuis des millénaires pour améliorer les plantes comestibles,notamment leur valeur nutritive. Il permet de le faire en connaissance de cause donc de façon rapide et sûre, plutôt qu’au hasard des mutations et des croisements conventionnels, dont les risques, comme l’introduction de gènes délétères ne sont généralement pas évalués.

4 – L’innocuité des OGM pour la santé humaine et animale, auxquels ses détracteurs assimilent l’édition génétique, a été démontrée. Ils sont en effet utilisés depuis de nombreuses années dans plus de la moitié du monde.

5 – Il est parfaitement légitime de s’interroger sur les problèmes soulevés par l’agriculture intensive et l’agro-industrie, mais ceux-ci se posent indépendamment des plantes génétiquement éditées. Il existait une industrie et un commerce des semences bien avant que l’édition du génome soit mise au point.

6 – Il parait plus judicieux d’analyser la pertinence de telles ou telles applications de l’édition du génome des plantes que de se priver de cette technologie. On peut à juste titre considérer que la production d’espèces végétales résistantes aux herbicides n’est pas un progrès. En revanche, développer des plantes adaptées à des conditions plus sévères de température ou de sécheresse contribuera à limiter les conséquences du réchauffement climatique (même s’il faut aussi agir sur ses causes). Ce seront les populations plus démunies, les plus vulnérables en ce qui concerne l’accès à l’alimentation qui en seront les premiers bénéficiaires. Développer des plantes d’intérêt pour la santé humaine comme le riz doré utilisé aux Philippines pour combattre les carences en vitamine A et ce sans but lucratif ou demain des tomates sources de vitamine D représente un autre domaine d’application prometteur.

7 – Le blocage systématique des cultures OGM et celui, maintenant réclamé par les détracteurs de l’édition génétique, est de ce fait plus que discutable lorsqu’il s’agit de propositions de progrès scientifiques utiles à l’humanité. Il convient de faire en sorte que les conditions d’utilisation des plantes éditées respectent ce principe mais pas d’interdire de facto leur utilisation raisonnée. Leur usage doit être bien sûr réglementé.

8 – L’invocation perpétuelle de conflits d’intérêt qui biaiserait le jugement de scientifiques compétents ne peut être généralisée, même si la communauté scientifique doit être attentive à cette question

9 – Le principe de précaution n’est pas un principe d’abstention, mais de rationalisation des risques irréversibles.

10 – Nous avons besoin et aurons besoin de beaucoup de science (et de moins d’idéologie), si nous voulons léguer à nos successeurs une planète plus habitable.

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Cl. Allègre enterré par l’Académie des sciences

extraits : Claude Allègre était membre de la vénérable académie des sciences. Pendant les années 2007-2015, l’Académie a été paralysée sur le sujet climatique par un petit groupe de climatosceptiques menés par le géochimiste Claude Allègre et le géophysicien Vincent Courtillot. Ils bloquaient les débats sur le sujet, ainsi que l’élection de certains climatologues à l’Académie…

Le colloque « Face au changement climatique, le champ des possibles », qui s’est déroulé les 28 et 29 janvier 2020 à Paris, change la donne. C’est le premier organisé sur le climat en présence du grand public. « Chaque degré de réchauffement compte, chaque année compte et chaque choix compte », ont conclu les intervenants. Que de temps perdu ! », s’est exclamée la climatologue Valérie Masson-Delmotte : « Il y a dix ans, j’ai porté un appel signé par près de mille scientifiques du climat en France, qui a poussé l’Académie des sciences à mener un débat scientifique confidentiel et approfondi sur le climat. Je pense que l’Académie des sciences a perdu dix ans en ne jouant pas son rôle de transmission, partage et transformation de la société. »…

la science n’aime pas l’Académie des sciences

extraits : La science déteste le secret car elle aime partager. L’Académie des sciences cultive le secret, la science n’aime pas l’Académie des sciences. Cette « Académie » ne s’intéresse pas à la science mais à la politique (économique). Prenons l’exemple de son rapport de 2004 sur les nanotechnologies : « Ce monde est porteur d’une évolution industrielle majeure, celle des nanotechnologies, qui permet d’organiser la matière à l’échelle de l’atome. Les implications sont considérables dans tous les secteurs. Quelques réalisations existent déjà, d’autres restent encore aujourd’hui du domaine du rêve, mais qui se matérialisera bien vite. Ce rapport présente les applications actuelles, il présente également des recommandations visant à faire en sorte que la recherche française défende son rang au plan international. » L’Académie dite des sciences valorise les applications de la science, pas la science elle-même…

L’intelligence artificielle = perte de temps

L’intelligence artificielle nous rendra encore plus idiots. Aujourd’hui déjà chaque homme ne peut avoir de place pour vivre que s’il est un technicien. On pourrait même dire que tous et toutes sont tellement passionnés par la technique, tellement assurés de sa supériorité, qu’ils sont tous orientés vers le progrès technique, qu’ils y travaillent tous, si bien que la technique progresse continuellement par suite de cet effort commun. En réalité la technique s’engendre elle-même ; lorsqu’une forme technique nouvelle apparaît, elle en conditionne plusieurs autres, la technique est devenue autonome. Il faut toujours l’homme, mais n’importe qui fera l’affaire pourvu qu’il soit dressé à ce jeu !

L’IA arrivera à ce résultat final, réfléchir à notre place, nous faire travailler à son service, nous concocter des loisirs toujours plus artificiels, multiplier les tendances néfastes de notre temps. Pourtant certains sont déjà adeptes de l’IA, ce sont les nouveaux croyants !

Refik Anadol et Karel Komarek : Selon certains, l’Intelligence artificielle pourrait devenir une menace intolérable pour l’emploi, voire menacer l’humanité elle-même. Comme s’il s’agissait d’un facteur qui nous échappe ! La vraie question est de savoir ce que nous ferons avec l’IA… L’IA a une capacité inégalée d’aider l’humanité à parvenir à ses objectifs – de l’optimisation de l’efficacité technologique à l’aide à la création artistique susceptible d’être appréciées partout. Les artistes qui utilisent déjà l’IA peuvent tracer une voie pour le rôle de la technologie dans la société… Le progrès humain résulte de la collaboration entre nous et, au-delà, entre nous et les machines.

Le point de vue des écologistes méfiants

Lacrosse : Qu’est ce que c’est que ce biais cognitif ? Depuis quand le progrès technique dépend de ce que nous en faisons ? Que je sache la bombe atomique, la 5G, la voiture électrique, pire le smartphone nous a été imposé à nous individus. A titre personnel je n’ai aucune influence sur la déploiement d’un « progrès technique ». Nous sommes condamnés a subir. Il faudra donc subir la surveillance de masse, les deepfakes, les manipulations de grande envergure sans que nous ne puissions rien y dire à titre individuel. La finance est déjà hors sol c’est clair que si elle peut virer les traders pour les remplacer par une IA elle ne se gênera pas. Le jour où l’IA écrira les livres à la place des auteurs et fera la comptabilité à la place de l’expert-comptable, seul le travail manuel offrira encore quelques perspectives d’emploi.

Guigui732 : Ce texte plein d’angélisme d’Anadol Komarek pèche par sa simplification extrême. Il se demande « ce que nous ferons avec l’IA » sans s’interroger sur le sens de ce « nous » bien pratique. Faut-il imaginer que c’est l’humanité toute entière, cohérente et sage, unie dans ses combats ? Mais qui imagine les USA, l’Iran et la Chine dans le même camp, luttant pour un monde meilleur ? Ou bien les financiers, les GAFAM, les écologistes et les pétroliers partageant un même souci ? Les horreurs se produiront, aidées par l’IA. Elle est déjà utilisé sur les zones de guerre !

Michel SOURROUILLE : Comme l’a démontré brillamment Jacques Ellul, la technologie nous échappe :

« La machine a créé un milieu inhumain, concentration des grandes villes, manque d’espace, usines déshumanisées, travail des femmes, éloignement de la nature. La vie n’a plus de sens. Il est vain de déblatérer contre le capitalisme : ce n’est pas lui qui crée ce monde, c’est la machine… Lorsque la technique entre dans tous les domaines et dans l’homme lui-même qui devient pour elle un objet, la technique cesse d’être elle-même l’objet pour l’homme, elle n’est plus posée en face de l’homme, mais s’intègre en lui et progressivement l’absorbe. »

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Techniques… appropriées ou néfastes

extraits: Je lisais en 1969 la 25ème heure de Virgil Gheorgiu, un livre sur les camps de concentration : « L’homme est obligé de s’adapter à la machine… Il devient une minorité brimée par la technique. Les esclaves techniques tiennent en main les points cardinaux de l’organisation sociale. Ils agissent selon des lois spécifiques, automatisme, uniformité, anonymat… Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations automatiques, des distractions automatiques. »

Jacques Ellul, démesure de la société technicienne

extraits : Dès les années 1930, alors qu’il est encore étudiant, Jacques Ellul (1912-1994) amorce en compagnie de son ami Bernard Charbonneau une réflexion de fond sur le phénomène technicien. Trois livres servent de références : La Technique ou l’enjeu du siècle (1954), Le système technicien (1977) et Le bluff technologique (1988). Le premier opus s’ouvre sur ces mots : « Aucun fait social humain, spirituel, n’a autant d’importance que le fait technique dans le monde moderne. (…) la Technique a progressivement gagné tous les éléments de la civilisation ». Un peu plus loin, il définit la Technique comme « la préoccupation de l’immense majorité des hommes de notre temps de rechercher en toutes choses la méthode absolument la plus efficace ». Il considère qu’elle relève de la démesure (hubris) qui, au XXe siècle, s’est emparée de la civilisation occidentale puis, par contamination, mondiale.

Ellul et le bluff technologique

extraits : « Pourquoi, alors que la technique présente tant d’effets négatifs, n’en prend-on pas conscience ? Le premier facteur qui joue dans le sens de l’oblitération est très simple : les résultats positifs d’une entreprise technique sont ressentis aussitôt (il y a davantage d’électricité, davantage de spectacles télévisés, etc.) alors que les effets négatifs se font toujours sentir à la longue. On sait maintenant que l’automobile est un jeu de massacre, cela ne peut enrayer la passion collective pour l’auto. Il faut en second lieu tenir compte du paradoxe de Harvey Brooks : « Les coûts ou les risques d’une technique nouvelle ne sont souvent supportés que par une fraction limitée de la population totale alors que ses avantages sont largement diffusés. Le public ne sent rien (la pollution de l’air), ou ne sait rien (la pollution des nappes phréatiques). In « Le bluff technologique » de Jacques ELLUL…

Esclaves de la technique, nous glorifions notre maître

extraits : Il peut paraître surprenant d’entreprendre une critique de la technique. Or depuis un siècle, elle a changé de statut. Les techniques se sont développées de façon exponentielle et se sont tellement ramifiées qu’elles constituent désormais un véritable système ; un milieu environnant à part entière, avec ses règles, ses codes et ses contraintes… au même titre qu’autrefois la nature. Jouir de la technique est devenue pour une majorité de nos contemporains la finalité des finalités. On ne se pose plus ces questions : Pourquoi confie t-il de plus en plus de responsabilités à des automates, au point de devoir « communiquer » avec eux bientôt plus qu’avec ses semblables..

en finir avec le progrès technique

extraits : Quand l’homme du Vieux Monde inventait quelques procédés techniques astucieux, comme la poudre ou la vapeur, c’est à des fins futiles qu’il l’utilisait tout d’abord. Jusqu’au deuxième millénaire après Jésus-Christ, il n’y eut qu’une poignée de progrès technique. Le moulage des grands lions de fers de Chine ou les sculptures en bronze des grecs, qui sont peut-être les plus grandes prouesses techniques de la vieille culture du Vieux Monde, sont des œuvres d’art, ne répondant à aucune nécessité pratique.  Bref, l’acceptation de limites techniques fut aussi un trait durable de la culture du Vieux Monde. La culture du nouveau Monde, en raison de son efficacité méthodique et de son universalité mécanique, menace manifestement de destruction ce qui reste de la culture du Vieux Monde. (Lewis Mumford, 1956)

limites de la technique

extraits : La technique n’est pas une solution, elle est le problème. Alfred Nobel avait rêvé de  créer un explosif tellement dévastateur que la guerre devienne impossible, mais le XXe siècle a connu deux guerres mondiales. On a inventé l’arme nucléaire, bien plus destructeur que la dynamite, on l’a aussi utilisée. Il faut que l’humanité reconnaisse les limites de la technique et puisse privilégier des techniques douces contre les techniques dures, dures  pour les hommes, dures pour la Nature.

L’intelligence artificielle, LA solution ?

extraits : Watson, le programme d’intelligence artificielle phare d’IBM, était en 2016 l’un des plus avancés au monde. Il était déjà capable d’analyser des informations venant de n’importe quelle source, prendre en compte différentes perspectives et opinions sur tous les sujets. Watson pouvait analyser, à partir de nombreuses données, les qualités et défauts de chaque décision, évaluant son impact sur l’économie, l’environnement, l’éducation, la santé, la diplomatie, les libertés publiques, etc. C’est une tâche que doivent effectuer quotidiennement des politiciens sans compétence et ligoté par des appartenances partisanes. Les procédures délibératives pourraient donc être effectuées de façon plus appropriée et efficace par une IA. En plus l’ordinateur n’est pas émotif et soumis aux passions humaines. L’ordinateur d’un futur proche, du doux nom de HAL 9000 par exemple, pourra apporter ses capacités de prise de décisions objectives dont nous avons besoin vu la situation dramatique dans laquelle nous sommes.

Grâce à la Fondation Gates, nous assistons aujourd’hui à de grandes découvertes technologiques telle que la sélection de nouvelles semences résistantes au climat. HAL trouverait cette idée parfaite, il décidera de sélectionner uniquement les humains vraiment utiles et nécessaires…

Horrible, des éoliennes partout, partout !

Dans une société normale, il y aurait une éolienne en lieu et place du moulin à vent d’autrefois, cela devrait suffire pour faire cuire le pain et alimenter en électricité quelques activités absolument indispensables. Il n’y aurait plus de voiture thermiques ou électriques, le commerce du village suffit à la consommation de base, alimenté par quelques véhicules de transports propulsés par des biocarburants. Pas de chauffage électrique, les maisons ne sont pas chauffées, l’isolation du corps se fait à même le corps. L’énergie exosomatique est remplacé par la force des bras, il n’y a plus de métiers parasites, tout le monde ou presque travaille la terre. Il n’y a plus de chefs d’entreprise, de chefs du gouvernement, de riches… on échange des heures de travail contre des heures de travail et la vie démocratique reste locale et directe. La vie dans la biorégion est en équilibre stable et durable avec le respect de la biodiversité et des ressources du territoire.

On se trouve à des années lumières des débats début XXIe siècle où les gens s’écharpent pour un rien, sur la place des éoliennes dans le paysage, parmi les rapaces.

Anne Devailly : « Le massif de l’Escandorgue est l’un des plus méridionaux du Massif central. En 2017, on comptait déjà six parcs, soit 51 éoliennes sur ce massif, très bien venté sur ses crêtes. La cour d’appel de Nîmes a ordonné ce jour-là le démontage des sept éoliennes de Bernagues. Destruction décidée pour préserver la biodiversité et notamment des aigles royaux qui nichent sur le massif. C’est une première en France, qui pourrait donc faire jurisprudence. Jamais le constructeur du parc de Lunas n’a demandé à l’Etat une dérogation de destruction d’espèces protégées. Il l’aurait obtenue si l’Etat jugeait le projet d’utilité publique… Deux aigles royaux sont morts [en août 2017 et en janvier 2023] sous les pales d’éoliennes Les compensations consistent à déplacer un batracien d’une mare à une autre, mais il n’existe pas de solution pour les grands rapaces. »

Le point de vue des écologistes écartelés entre les pro et les contre

JeDubiteTuDubites : Ceux qui n’aiment pas les éoliennes ont le choix entre le nucléaire ou pas d’électricité du tout. Je ne suis pas sûr qu’ils en soient conscients.

Tubal : Pas de place pour les aigles royaux en République !

Alain DUMAS : Les paysages sont défigurés par ces horreurs qui polluent la vue sur des dizaines de kilomètres. Un pays qui vit du tourisme devrait y penser sans recourir à des prétextes comme la présence de quelques volatiles.

Eco : Allez, on va résumer la situation qui ne devrait même pas être discutée. 1/ La transition énergétique est urgente et indispensable. 2/ On doit décarboner notre économie donc faire passer les 80% d’énergie primaire issue du fossile à presque 0% en quelques années en électrifiant tout ce qui est possible d’électrifier. Ça demandera des économies d’énergie drastiques (oui, énormément de SOBRIETE). Il faut développer au pas de charge tout ce qui est possible pour produire de l’électricité décarbonée: éolien terrestre et offshore, nucléaire, solaire. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est tout en même temps! Donc les écolos qui ne savent pas faire une addition et les juges qui ne savent pas faire une multiplication, ça commence vraiment à bien faire. La planète brûle!

Fredou : L’aigle royal mérite d’être protégé et ces éoliennes alimentent à peine de quoi faire tourner quelques millions de comptes Netflix inutiles… La sobriété doit être le levier principal.

Silgar : J’aime beaucoup l’esthétisme des éoliennes, mais objectivement ce sont des solutions (1) onéreuses avec une empreinte matérielle élevée, (2) intermittentes qui obligent à construire des centrales à gaz pour garantir la production d’électricité, (3) plus émissives de CO2 et autres GES que le nucléaire et l’hydroélectrique, (4) moins durables du fait d’une durée de vie dépassant rarement les 20 ans, (5) essentiellement construites à l’étranger et donc ne participant que marginalement à l’emploi en France.

Electre62 : Les sceptiques devraient visiter le parc animalier de Cauterets (Pyrénées). Une partie est consacrée à soigner de grands oiseaux blessés et mutilés par les éoliennes. Celles-ci étant qualifiées dans le zoo de « hachoirs à rapaces ». On lit qu’au pied de chaque éolienne on trouve des centaines de cadavres d’oiseaux et chauves souris.

Eco : “On lit” beaucoup de bêtises… le vrai bilan est de 7 oiseaux morts par ans et par éolienne. Pendant de temps les gentils minous de vos salon font des centaines de millions (oui millions!) de victimes chez les oiseaux.

Fmo : Pour des oiseaux qui voient des souris à 3km s’ils ne peuvent pas voir les éoliennes , de qui se moquent on ?

Bob18 : Peut-être pourrions-nous remplacer les éoliennes par une centrale à charbon ? Apparemment ce serait bien moins risqué pour les rapaces, selon les scientifiques.

dies olé sparadrap : On sent que cette information bouleverse la vision du monde de certains contributeurs : ceux qui, ne sachant plus où mettre leur bobo-écolo au couteau entre les dents, sont obligés de prendre parti pour les éoliennes qu’ils conspuaient quelques articles plus tôt. Ceux qui, venant tout juste de découvrir qu’un changement climatique est en cours, sont peu regardants sur l’affairisme éolien du moment que celui-ci leur promet « une électricité décarbonée » (on est priés de ne pas rire). On trouve aussi les amoureux de la Machine qui souffrent aussitôt qu’un paysage naturel n’est pas saccagé par quelque horreur technologique vomie par un cerveau malade.

Tout ce joli monde explique que les aigles n’ont qu’à s’adapter, que les chauves-souris n’ont qu’à voler le jour et qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Notons que ces même gens poussent les hauts cris dès qu’on leur demande de restreindre leur train de vie. Il est vrai qu’ils sont bien loin d’être des aigles.

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éoliennes, Droite et Extrême D. sont contre (2021)

extraits : Xavier Bertrand avait redit tout le mal qu’il pensait des éoliennes, ce « scandale national ». Marine Le Pen renchérit le 15 mai 2021 : « Le combat contre les éoliennes est un combat majeur, parce que les éoliennes sont une véritable catastrophe, visuelle, écologique, économique » C’est Hervé Juvin, tête de liste RN pour les régionales, qui peaufine l’argumentaire : « Avec les éoliennes, il faut de toute façon une énergie de complément, nécessairement fossile, puisque ce sont des énergies intermittentes et qu’on ne sait pas les stocker.

Les anti-éoliens sont-ils des écologistes ? (2020)

extraits : Des listes « citoyenne » anti-éolien pour les municipales, il y en a : « Construire des éoliennes devant le Canigou, c’est comme construire des éoliennes devant Notre-Dame de Paris ! »… « Nous partons d’une émotion, la colère, contre ces ventilateurs pourris devant le point culminant emblématique de notre département] ! »… « Notre engagement premier, c’est l’opposition à l’installation des éoliennes »… « concertation, communication, implication ». Les anti-anti-éoliens s’exclament : « Il y a ceux qui ont la lumière et il y a ceux qui ne l’auront pas ! »…

Tout savoir sur les anti-éoliens… et même plus (2018)

extraits : Leurs slogans : « Non à l’éolien en France » ; « Défendons notre patrimoine rural contre les affairistes éoliens » ; « promoteurs imposteurs » ; « La Charente-Maritime aura bientôt plus d’éoliennes que d’églises romanes » ; « mensonge des emplois car ce sont des entreprises qui ne sont pas françaises qui viendront » ; « Le paysage est attaqué »

éoliennes et paysage (2009)

extraits : Qu’est-ce qu’un paysage à conserver tel qu’il est quand il a été partout dans la vieille Europe retravaillé par l’activité humaine ? Où est la nature naturelle, la nature sauvage que nous nous nous sommes acharnés à massacrer depuis la révolution industrielle  ? Qu’est qu’un panorama non défiguré quand des autoroutes, des pylônes électriques et des villes tentaculaires infectent tel ou tel terroir d’origine, tel ou tel lieu de rêve ? L’anthropocentrisme dominant ne reconnaît aucune valeur intrinsèque à la nature spontanée et non aménagée…

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Montée des autoritarismes, influence des lobbys, expertises biaisées, budgets publics rabotés… La recherche scientifique n’échappe pas à l’air du temps. Dans le marigot ambiant, l’association Sciences Citoyennes poursuit ses actions pour œuvrer à la démocratisation des choix scientifiques et techniques, dans sa dénonciation de l’influence néfaste de la technoscience, dans l’implication des citoyennes et des citoyens dans la recherche et plus généralement dans la prise de décisions.

 Pour cela, en 2023, Sciences Citoyennes a initié ou consolidé des réseaux d’actrices et d’acteurs pour des savoirs engagés et reliés et sur le thème « Droits et mouvements sociaux ». Notre association a poursuivi son travail de plaidoyer pour la recherche participative en accompagnant plusieurs conseils régionaux sur le développement d’appels à projets ou encore via l’adoption d’une charte par le réseau francophone des boutiques des sciences. Pour témoigner et rendre compte de son activité, le groupe de travail « recherche participative » a même lancé une gazette.

 Notre positionnement et nos analyses des conventions citoyennes ont été particulièrement mis en lumière cette année, avec notamment la diffusion d’une vidéo en plénière pendant l’Université d’été des mouvements sociaux et des solidarités ou via une Question au Gouvernement sur la proposition d’au moins 10 % du budget de la recherche orientés par des conventions citoyennes. Nous avons également poursuivi notre réflexion sur des conseils citoyens en crises sanitaires et environnementales.

 Enfin, comme vous avez pu vous en rendre compte, Sciences Citoyennes a déployé sa nouvelle identité graphique tout au long de l’année et un nouveau site est en gestation.

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Reach, riche en produits chimiques

Les dégâts sanitaires attribués aux substances de synthèse dangereuses, évalués à plus de 30 milliards d’euros par an en Europe par la Commission européenne elle-même, n’y ont rien fait. Bruxelles a annoncé l’abandon de la révision du règlement Reach sur les produits chimiques. Le règlement « Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals » était déjà d’une complexité insondable, nul n’en connaît tous les recoins. Même inscrit sur la listes des molécules interdites, une substance peut être encore maintenue plusieurs années sur le marché dans certains de ses usages « si l’impact économique est supérieur aux risques et qu’il n’existe pas de substitut ».

L’espérance de vie en bonne santé va donc sans aucun doute s’effondrer. Et par la même occasion notre civilisation thermo-industrielle, imbibée de produits toxiques et émettrice de gaz à effet de serre, va disparaître sous le poids d’une complexité ingérable.

Stéphane Foucart : La réforme du règlement Reach (Enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) devait notamment permettre d’exclure les familles chimiques les plus dangereuses, qu’il s’agisse de plastifiants, de solvants, d’ignifuges, d’imperméabilisants, de cosmétiques, de nanomatériaux, etc. Le pacte n’a cessé de s’étioler au fil des mois, détricoté par une majorité d’Etats membres et par l’aile droite du Parlement européen. Difficile de donner à voir toute l’étendue et toute la profondeur de la faillite politique que constitue l’abandon de cette révision. La catastrophe est officiellement là. La contamination généralisée des eaux de surface et souterraines ne concerne pas seulement l’Occitanie mais l’ensemble du territoire national. Frappés d’une dangereuse cécité, la plus grande part de nos responsables politiques bredouillent inlassablement les mêmes mots-clés dont plus personne ne sait trop ce qu’ils veulent dire : innovation, technologies vertes, compétitivité, etc.

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Chimiquement contaminé… et il n’y a pas de solution (2018)

extraits : Notre protection contre l’industrie chimique repose sur des procédures et des substances inaccessibles au commun des mortels : REACH, BfR, BEE, ECHA, DEHP, phtalate, bisphénol A, Chrome VI, HAP (hydrocarbure aromatique polycyclique), cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques, perturbateurs endocriniens, etc. Même les institutions censées prendre en charge notre protection se révèlent impuissantes. Entré en vigueur le 1er juin 2007, le règlement européen Reach est inopérant. Pour l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (BfR), les données fournies par les entreprises sont insuffisantes et un tiers des substances chimiques le plus utilisées en Europe ne respectent pas la réglementation censée protéger la santé et l’environnement…

Des perturbateurs endocriniens dans tous nos cheveux

extraits : Février 2017, Yann Arthus-Bertrand, Isabelle Autissier, Delphine Batho, José Bové, Nicolas Hulot, Yannick Jadot, Marie-Monique Robin, les mèches de cheveux de toutes ces personnalités sont polluées par des substances chimiques susceptibles de perturber le système hormonal. La coiffure de chacun des cobayes volontaires en recelait une palette de 36 à 68 substances différentes. Le communiqué de presse de générations futures indique la solution : « Seule une définition réellement protectrice des perturbateurs endocriniens devant être exclus du marché dans le cadre européen sera à même d’assurer la protection des populations des PE dangereux…

Victoire de la chimie contre l’écologie

extraits : Il y a soixante dix ans, le 27 septembre 1962, l’éditeur américain Houghton Mifflin publiait Printemps silencieux de Rachel Carson. Un Printemps sans oiseaux dénonçait les ravages environnementaux et les risques sanitaires que faisaient peser l’utilisation massive, indiscriminée et systématique des pesticides de synthèse dans l’agriculture, et bien d’autres activités.Vendu à un demi-million d’exemplaires la première année, le livre a lancé le mouvement environnementaliste moderne. Al Gore préfaçait ainsi l’édition de 2009 : « Depuis la publication de Printemps silencieux, l’usage des pesticides dans l’agriculture a doublé, pour atteindre 1,1 milliard de tonnes par an. »…

La pollution chimique imprègne nos corps et nos esprits

extraits : L’interdiction de tout essai nucléaire dans l’atmosphère date de 1963, il fallait limiter la contamination de l’ensemble du globe par des matières irradiées. Aujourd’hui la pollution chimique touche l’ensemble de notre planète et personne ne semble vouloir réagir. On savait déjà que les mammifères de l’Arctique et certains poissons de mers lointaines sont imprégnés par de nombreux polluants organiques (phtalates, PCB, pesticides organochlorés, etc.) car ces polluants s’accumulent le long de la chaîne alimentaire. Stéphane Foucart (LE MONDE du 13 décembre 2016) montre que même au cœur d’une réserve naturelle, dans la forêt guyanaise, des fourmis présentaient presque tous des niveaux mesurables de phtalate, ce plastifiant utilisé dans une grande variété de produits d’usage courant (cosmétiques, colles, meubles, plastiques souples, etc.)…

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Antagonisme absolu sur les OGM

A l’heure de la technoscience, les considérations techniques sont inséparables de l’évolution scientifique. Prenons le dialogue que j’ai eu en 2011 avec Alain Deshayes, généticien, membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales). Notre relation est sincère, j’ai connu Alain à la commission nationale environnement dès 2002. Il était au début fort surpris par mes raisonnements, mais au lieu de me rejeter, il a constamment cherché le dialogue. Il défendait le droit d’aller faire des treks sur des sommets un peu partout dans le monde, je proposais la fin du tourisme. Il défendait les OGM, je défendais les semences fermières. Nous avons échangé par courriel sur les organismes génétiquement modifiés, le résultat est passé en chroniques d’abonnés sur lemonde.fr. Je défends une conception noble et douce de la science, une démarche d’observation proche de la contemplation. Alain défend une conception dure de la science, validée uniquement par ses applications marchandes :

Michel Sourrouille : Alain, j’ai assisté à Paris à la conférence de presse de Vandana Shiva le 19 octobre 2011. Cette militante présentait “A Global Citizen Report on the State of GMO”. Lors de la conférence de presse, Vandana dénonce les contre-vérités de la bio-ingénierie : « Au lieu d’endosser leurs responsabilités, les Firmes répondent par la propagande. Notre sécurité n’est préservée que parce que l’ignorance est privilégiée. Ce sont les Firmes qui présentent les données sur lesquelles la science peut délibérer ; c’est la fin de la science. » En tant que spécialiste des OGM, qu’en penses-tu ?

Alain Deshayes : J’ai lu ton texte avec attention, et tu ne seras pas étonné si je te dis qu’il m’a « irrité » ! Je connais effectivement Vandana Shiva pour ses engagements anti-OGM, je l’ai rencontrée à l’occasion d’un congrès. C’est une femme qui a du tonus, comme beaucoup de femmes indiennes. Je crois me souvenir qu’elle est physicienne de formation et qu’elle a changé d’activité pour militer en faveur de la biodiversité des variétés traditionnelles contre les variétés « améliorées ». Et,  c’est logiquement qu’elle s’est retrouvée dans le mouvement altermondialiste et qu’elle s’est engagée dans un combat contre les organismes génétiquement modifiés.

Ceci étant comme nombre de ses congénères, elle a dit beaucoup de contre-vérités sur les OGM, les deux principales étant  que les variétés de coton BT n’apportaient en Inde aucune amélioration de rendement et que le coton Bt étaient responsables des suicides de paysans indiens. Sur ces deux points il existe de nombreuses études qui ont montré qu’elles étaient fausses. 

Michel Sourrouille : Méfions-nous des études parcellaires. En Chine, 96 % du coton est déjà transgénique. Ce coton Bt est efficace pour détruire une noctuelle, permettant ainsi à une niche écologique de se libérer. Comme la nature à horreur du vide, les miridés (ou punaises) deviennent une infection. On ne sait pas encore si les bénéfices sur l’exploitation du coton n’ont pas été effacés par les dégâts occasionnés sur les autres cultures (LE MONDE du 15 mai 2010).

La responsabilité des suicides de paysans en Inde repose historiquement sur la révolution verte des années 1970 (semences à haut rendement), mais les OGM en reproduisent aujourd’hui causes et conséquences. Les variétés de semences « améliorées » sont traitées avec des engrais et des pesticides synthétiques. Ces intrants sont coûteux et ces semences doivent être fréquemment remplacées ; c’est inabordable pour la petite paysannerie et mène à leur ruine, donc parfois au suicide.

Alain Deshayes : Je t’avais communiqué une étude qui montre clairement la non corrélation entre coton Bt et suicides. Norman Borlaug est considéré comme le père de cette Révolution Verte pour ses travaux sur le blé, travaux pour lesquels il reçut le Prix Nobel de la Paix en 1970. Et, j’ai souvent dit que cette décision n’avait pas été très judicieuse.

J’ai moi-même, dans des conférences et dans des articles, souligné que les raisons politiques qui avaient été à l’origine de la « révolution verte » avaient conduit à certaines insuffisances et erreurs en raison de la non prise en compte de certaines réalités sociales et économiques locales. Mais il est incontestable qu’à partir de 1960, les rendements ont augmenté dans de nombreux pays (pas dans tous avec la même importance) et amélioré les conditions de vie de nombreux paysans……qui auraient pu passer au communisme !

Michel Sourrouille : La remarque sur le « communisme » est intéressante car elle montre le présupposé idéologique des semences à haut rendement. Avec Borlaug, la révolution verte a reçu le prix Nobel de la paix sous le prétexte que les nouvelles technologies en chimie allait apporter la prospérité, et que la prospérité apporterait la paix. Vandana Shiva l’écrit : « Cela s’est appelé la révolution verte, par opposition à la révolution rouge qui se répandait en Inde, venant de Chine ». Les Américains se sont dit : « Diffusez les produits chimiques et vous éviterez le communisme. Malheureusement ces produits coûtaient cher et nuisaient à l’environnement. Tout cela s’est révélé au bout de dix ans, si bien qu’au lieu d’être en paix et de profiter de la prospérité, les jeunes ont connu une nouvelle pauvreté et pris les armes. Après la répression très violente par les forces militaires contre les insurgés dans le Punjab, on ne pouvait plus prendre son fusil ; alors les agriculteurs ont commencé à boire les pesticides pour mettre fin à leurs jours. (in Solutions locales pour un désordre global – Actes Sud, 2010) »

La technologie OGM est la continuité d’un modèle mondial d’agriculture industrielle qui n’a pas réussi à donner à manger à ceux qui ont faim et a contribué à la disparition de la paysannerie traditionnelle. Bref, la recherche en milieu fermé est une chose, le développement des OGM par les firmes qui vendent leur insecticide et cherchent à contrôler les semences paysannes, une autre. Monsanto & Al n’œuvrent pas pour le bien de l’humanité !

Alain Deshayes : La culture d’une nouvelle variété végétale, « améliorée », est souvent associée à une pratique culturale nouvelle également ; et on a constaté en Inde ce qui se passe dans beaucoup de pays, à savoir que les potentialités génétiques ne sont véritablement et complètement exprimées que si les pratiques agricoles adaptées sont respectées. Vandana Shiva a reporté sur la technique d’obtention des cotons Bt tous les déboires de certains paysans qui n’avaient pas respecté ces pratiques.

Michel Sourrouille : Cela voudrait dire que les paysans n’appliquent pas les consignes qui leur sont imposées par les semenciers : à production alimentaire industrialisée, pratiques standardisées. Tout est lié, brevetage, génie génétique, concentration économique et dépendance des paysans.

Nous préférons dire que les « potentialités génétiques sont véritablement et complètement exprimées » quand et seulement quand des centaines d’années de sélection des semences par les paysans locaux ont permis d’atteindre un niveau de symbiose le plus grand possible entre une plante et son milieu particulier de vie. Cela, les industriels de variétés végétales « améliorées » ne savent pas faire, les variétés qu’ils vendent sont inadaptées à la plupart des milieux naturels. De plus l’homogénéité génétique rend les cultures plus vulnérables aux changements climatiques brusques, au contraire des semences natives adaptées aux différents microclimats. C’est pourquoi d’ailleurs Vandana Shiva s’est lancée en 1987 dans la défense des variétés locales de graines après la réunion de Bogève à laquelle elle avait assisté.

Comme l’a exprimé Vandana, les lois qui favorisent le monopole de l’industrie sur les graines sont comparables au monopole sur le sel dénoncé par le Mahatma Gandhi ; celui-ci avait déclenché le Salt Satyagraha, une lutte non violente basée sur la désobéissance civile. Satyagraha, l’étreinte de la vérité. Vandana va lancer à son tour la Bija Satyagraha, une « désobéissance des graines (in Vandana Shiva, victoires d’une Indienne contre le pillage de la biodiversité – Editions Terre vivante, 2011) ».

Alain Deshayes : D’un côté j’aurais envie d’argumenter point par point, de l’autre je me dis que cela ne servirait à rien parce que je sens que tout est déjà figé dans tes propos. Il y a un a priori que « toi et les tiens » seraient les seuls à se poser les bonnes questions et que « moi et les miens » ne seraient que des individus pervers incapables de se poser la question de l’intérêt général ! Mais peut-être que ces deux « populations » sont  non miscibles, les uns parce qu’ils partent de l’a priori que toute action de l’Homme dans la nature ne peut être, intrinsèquement, que néfaste à celle-ci, et les autres parce qu’ils persistent à penser que l’Homme peut utiliser son savoir pour vivre dans et par cette nature, et qu’il peut corriger ses erreurs.

Michel Sourrouille : Nous ne pouvons prêter aux autres nos propres sentiments. Et les sentiment ne sont jamais tout blancs ou tout noirs. Il y a des techniques douces, douces à l’Homme et à la Nature, d’autres qui le sont beaucoup moins. Vaste débat qui n’a jamais commencé si ce n’est dans les écrits d’Ellul ou d’Illich, bien oubliés. Ce débat reviendra…

Alain Deshayes : Il existe bien un courant de pensée qui tend à opposer les « semences industrielles » – symboles de la sélection variétale, de l’agriculture intensive, de l’appropriation du vivant et de la mondialisation – aux « semences paysannes », apparentées aux savoirs locaux d’amélioration et de conservation de la biodiversité. Les approches qui s’appuient sur la composante génétique nous semblent mieux à même de répondre aux défis du XXIème siècle qui devra conjuguer l’obligation de nourrir 9 milliards d’individus et la nécessité de réagir aux changements climatiques. Si les défis à relever sont nombreux, ce ne sont pas à la base des problèmes biologiques ; la génétique est sollicitée pour élaborer des réponses sur une scène mondiale où l’homme doit prendre une place centrale.

Michel Sourrouille : C’est aussi cela le problème, la centralité de l’homme, l’anthropocentrisme dominant, la volonté de puissance, l’appropriation du vivant. Croire que la technique (pas seulement génétique) pourra indéfiniment résoudre les problèmes créés par la technique (y compris génétique) est un acte de foi, comme l’Homme à l’image de Dieu.

Il nous semble que les semences paysannes, au plus près du terrain et des femmes, sont plus adaptées que des techniques centralisées œuvrant pour le profit. Prenons maintenant un point de vue spécifiquement technique, l’équivalence en substance. Hervé Kempf écrit : « En 1986 sous Ronald Reagan, l’administration élabore un ensemble de règles qui pose le principe qu’il faut évaluer les risques du produit final et non de la technique utilisée. Ce principe dit d’équivalence en substance est crucial : il établit que, si un OGM n’a pas une composition chimique substantiellement différente de l’organisme dont il est dérivé, il n’y a pas besoin de le tester, comme on le fait normalement pour de nouveaux médicaments ou de nouveaux additifs alimentaires, pas plus que de l’étiqueter. Le coût d’autorisation d’un OGM devient moindre que celui d’un dossier d’autorisation de pesticide. (La guerre secrète des OGM – Seuil, 2003) »

Alain Deshayes : L’équivalence en substance est une question scientifique : Si la composition des deux plantes (la plante d’origine d’une part et la même plante avec un gène supplémentaire) sont comparables, à la différence près de la protéine produite par le gène introduit, pourquoi y aurait-il un risque lié à la plante génétiquement modifiée ? Et donc, pourquoi y aurait-il une restriction à sa culture et à sa consommation par l’animal ou l’homme ? J’ai participé à plusieurs congrès aux Etats-Unis sur ce sujet, et après de nombreuses discussions, un consensus s’est établi pour dire que l’équivalence en substance de deux plantes ne justifiait pas qu’une réglementation spécifique soit appliquée à l’une d’entre elle. Je crois me souvenir que la décision de l’administration étatsunienne sur le principe d’équivalence a été prise en 1995.

Le principe d’équivalence suppose des analyses portant sur la composition chimique du produit. Par contre, dès 1985 (année d’obtention de la première plante génétiquement modifié, il faudra attendre 1987 pour la première expérimentation au champ) les scientifiques considéraient effectivement, qu’un produit, quel qu’il soit, ne devait pas être jugé sur la base de la technologie qui avait été utilisée pour le produire. Nous avions en effet l’expérience des controverses récentes sur les produits alimentaires qui avaient été stérilisés par irradiation aux rayons gamma et c’est cette logique qui a amené l’administration US à la position sur l’équivalence en substance.

Ceci étant, il y a une limite au concept d’équivalence lorsqu’il s’agit de plantes tolérantes à un herbicide ou à un insecticide : faut-il analyser la plante génétiquement modifiée sans que le pesticide ait été appliqué préalablement ou bien faut-il analyser la plante qui a été cultivée en condition agronomique, donc qui a subit un traitement pesticide ? La réalité est que c’est la plante sans application de pesticide qui est analysée. Il y a là une anomalie que nous reconnaissons volontiers.

Michel Sourrouille : Avec l’équivalence en substance, il y a effacement des frontières entre génie génétique et sélection génétique classique, affirmation partisane en faveur du génie génétique. La toxicité des aliments OGM ne peut être prédite à partir de leur composition.

Le concept d’équivalence en substance est directement dérivé des modes de pensée de la science moderne. Ceux-ci sont basés sur un réductionnisme rationaliste dans lequel l’objectivation joue un rôle prédominant. Cette approche s’est avérée à la fois opérationnelle et productive mais le résultat en est que la substance, et non le processus, est devenu le principal et souvent le seul axe d’étude de la science moderne. En d’autres termes, le concept d’équivalence en substance s’adresse aux aliments considérés hors de leur contexte, abstraction faite de la façon dont ils ont été produits et conduits jusqu’au consommateur en fin de parcours : pays d’origine du produit alimentaire, méthodes agricoles de production, mode de récolte, méthodes de conservation et de transformation des aliments, etc. En d’autres termes, l’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus, de sorte qu’un bilan environnemental global puisse être établi.

Alain Deshayes : « Pays d’origine du produit alimentaire, etc… » Complètement hors sujet !  «  L’impact environnemental des filières agroalimentaires devrait être évalué à tous les niveaux du processus… ». Confusion totale ! Et voilà comment on passe d’un sujet à un autre en éludant les questions scientifiques et techniques.

Michel Sourrouille : Mais ce sont aussi « les questions scientifiques et techniques » qui doivent tenir compte de tous les autres déterminants d’une réalité. La réalité est complexe, globale, interdépendante. Au réductionnisme rationaliste de la science actuelle s’oppose de plus en plus clairement une science holistique qui lie sciences « dures » et sciences « molles », recherche de laboratoire et contextualisation par les sciences humaines, expériences transgèniques et effets sur les structures de l’emploi, de la production et de la commercialisation. Les « questions scientifiques et techniques » ne peuvent être séparés des contraintes socioéconomiques et environnementales.

Au niveau technique, les systèmes de transgenèse s’inscrivent intrinsèquement dans une optique d’uniformisation. Cette tendance est déjà perceptible aux Etats-Unis où l’on cultive actuellement des plantes OGM fortement uniformisées sur de vastes territoires. Or les méthodes de protection phytosanitaire introduites par le génie génétique pour lutter contre les ravageurs reposent sur des mécanismes monogéniques, faisant intervenir un seul gène de résistance. Ces méthodes sont donc vulnérables car elles favorisent la sélection de parasites résistants et se révèlent à long terme fragiles.

Alain Deshayes : Je ne sais quelles sont tes lectures, mais voilà typiquement ce qui résulte d’une incompréhension/méconnaissance d’une réalité scientifique. Le fait que des résistances puissent apparaître et qu’il faille chercher de nouvelles formes de résistance, est un phénomène général, indépendamment des plantes génétiquement modifiées, et qui est bien connu de tous les sélectionneurs.

D’une manière rapide, et donc un peu simpliste, s’agissant du blé : en 1945, fallait-il/aurait-il fallu choisir entre d’une part le maintien des rendements moyens à 12 qx/ha,  avec les variétés « traditionnelles » qui possédaient une rusticité assurant une stabilité des rendements quelles que soient les années (conditions climatiques, attaque de parasites et de pestes) et d’autre part entreprendre un travail d’amélioration qui a permis (sans OGM) d’augmenter fortement les rendements, avec les risques avérés de voir périodiquement contournées les résistances à des parasites ou des pestes ? Je sais que certains de tes « frères » choisissent/auraient choisi la première voie. Cette question n’est pourtant pas triviale. Je connais de nombreux généticiens qui ont travaillé à l’amélioration de plantes tropicales, notamment  du millet en Afrique, qui se la sont posés. C’est la raison pour laquelle la diversité génétique des variétés locales est d’avantage prise en compte aujourd’hui dans les plans de sélection et de promotion des nouvelles variétés.

Michel Sourrouille : Il te faut admettre que la courses au rendement, avec ou sans OGM, n’est pas durable. Contrairement à la monoculture, les polycultures permettent une résistance naturelle. C’est la biodiversité qui permet la résilience, pas un OGM cultivé sur des milliers d’hectares.

La résistance aux herbicides présente d’ailleurs les mêmes inconvénients que la lutte contre les ravageurs. L’apparition de mauvaises herbes résistantes aux herbicides par dissémination de pollen et croisements interspécifiques imposerait le remplacement à la fois de la semence transgénique portant le gène de résistance et de l’herbicide lui-même. En fait de durabilité, ces méthodes favorisent des systèmes de protection des cultures éphémères, faisant appel à des variétés végétales et des produits phytosanitaires à courte durée de vie.

Alain Deshayes : Baratin en réponse à de vrais problèmes ! L’apparition de plantes résistantes à des herbicides est aussi vieille que l’utilisation des herbicides eux-mêmes ! Tu vas dire que l’argument n’est pas glorieux, dont acte, mais là encore cette question n’est pas directement liée aux OGM.

Michel Sourrouille : Nous sommes d’accord, les OGM se trouvent confrontés aux mécanismes de la sélection naturelle. Mais je répète que le risque est moins grand quand l’agriculture reste paysanne, diversifiée, adaptée à chaque terroir.

Alain Deshayes : Non, nous ne sommes pas d’accord, « le risque n’est pas moins grand », car dans ce que tu appelles « l’agriculture paysanne » il n’y a pas de pesticides. Je ne suis pas et ne raisonne pas dans la même logique. Tous les agronomes savent que pour nourrir 9 milliards d’humains il faudra augmenter la production agricole globale –selon les hypothèses sociétales – de 30 à 70 %. Et ce n’est pas l’agriculture paysanne qui le permettra.

Michel Sourrouille : Comment nourrir les hommes en 2050 ? Ca se discute ! Pour Sylvie Pouteau, dont j’ai repris précédemment l’argumentation technique, « la qualité des aliments ne peut être limitée à la seule substance car les aliments agissent sur les êtres humains non seulement au niveau nutritionnel mais aussi au travers de leurs relations avec l’environnement et la société. En sorte que, la question « Au delà de l’équivalence en substance » appelle en fait une autre question : l’équivalence au delà de la substance. »

Alain Deshayes : Je suis en fait d’accord pour dire que les OGM ne sont rien en soi et qu’ils doivent être positionnés dans une vision de l’agriculture et de sa place dans une problématique de développement. Le problème est que depuis le milieu des années 90, quand la culture des plantes génétiquement s’est développée (quand même 145 millions d’hectares en 2010 cultivés par plus de 15 millions d’agriculteurs dans le monde !!) le comportement destructeur et, je le dis tout net, anti-démocratique des anti-OGM n’a plus permis aucun débat. Certes le comportement des Monsanto and Co n’a pas non plus facilité les choses.

Michel Sourrouille  : Si tout le monde se trompe, cela n’en fait pas une vérité. De plus, il faut comparer les 15 millions d’agriculteurs OGM qui accaparent les terres et les 2,5 milliards de paysans sur la planète qui se partagent des parcelles ; la balance n’est pas équilibrée.

Il te faut aussi admettre le caractère non démocratique des firmes semencières. Ainsi le traitement statistique de l’étude des effets d’un maïs transgénique par son inventeur et distributeur, la firme Monsanto, avait été publié en août 2005. Mais les données expérimentales brutes, plus d’un millier de pages, avaient été tenues confidentielles par la firme agrochimique jusqu’à ce que Greenpeace en obtienne publicité grâce à la Cour d’appel de Münster. Ce genre de firmes veut être à la fois juge et partie. Ce qui m’a surtout le plus impressionné dans une émission sur Monsanto vu à la télé en 2008, et je l’ai déjà dit sur mon blog biosphere, c’est l’usage par cette firme de tous les procédés d’une dictature : on cache l’information, on ment, on soudoie les politiques, on achète les opposants à défaut de pouvoir les envoyer en prison, on licencie les  récalcitrants du jour au lendemain…

Face à cette toute puissance de l’argent, que peuvent faire les citoyens si ce n’est devenir faucheurs volontaires d’OGM ? José Bové agit contre les OGM en pensant que les paysans du Nord sont aussi victime que ceux du Sud du productivisme technicisé agricole. Il écrivait : « Quand les gouvernements encouragent les intérêts privés ou les laissent s’imposer aux dépens de tous et de la terre, il ne reste plus aux citoyens que d’affronter cet Etat de non-droit (Pour la désobéissance civique – édition La découverte). » La désobéissance civile est un aspect nécessaire de la démocratie.

Alain Deshayes : En fait la position initiale de José Bové était une opposition au productivisme, mais sans la destruction des plantes au champ, et, c’est sur cette base que j’ai souvent débattu des avancées technologiques en agriculture avec des militants paysans, d’abord des « Paysans Travailleurs » (organisation issue du PSU) puis de la « Confédération paysanne » ; à cette époque des convergences étaient possibles. Mais rapidement JB a glissé sur le terrain des risques pour l’environnement et la santé humaine, et à partir de ce moment là plus aucune discussion n’est devenue possible tellement sa mauvaise fois était patente.

D’ailleurs, on pourrait démontrer que les actions de « José Bové and Co » ont favorisé les grands groupes semenciers internationaux au détriment des petites structures et, dans le cas particulier de la France, des sociétés françaises.

Michel Sourrouille : Si la Confédération paysanne reste minoritaire, c’est pour plusieurs raisons notamment ses positions souvent d’extrême gauche alors qu’il y a des avantages divers quand on est à la FNSEA.

Il paraît évident que les grands groupes semenciers n’ont pas besoin de José Bové pour éliminer les petites structures, et, particulièrement, la petite paysannerie. Les OGM ne sont pas faits pour l’autosubsistance, mais pour le marché. Le rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation avait écrit dans un rapport que la libéralisation du commerce « n’est pas plus favorable au consommateur, confronté à une forte hausse des prix, qu’au petit producteur, auquel on paye à un prix de plus en plus faible. En revanche, la chaîne de distribution s’allonge, ce qui contribue à enrichir divers intermédiaires. » L’approche selon laquelle les impacts négatifs résultant du libre-échange seront compensés par les secteurs exportateurs est contestable : « Cette approche, qui établi le bilan des gains et des pertes, n’est pas satisfaisant car les gouvernements ne sont pas en mesure de compenser les impacts négatifs pour leur population ». (Le Monde du 18 décembre 2008)

Alain Deshayes : Nous connaissons bien le rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’Alimentation Olivier de Schutter, apôtre de l’agroécologie et grand mystificateur ! Si tu veux m’expliquer que le capitalisme et le libéralisme tel qu’ils se sont développés à partir du milieu des années 1970 n’ont pas entraîné un développement favorable aux populations, alors oui, on peut discuter, mais ce débat ne doit pas être un prétexte pour condamner une technologie qui pourrait être utile, dans certaines conditions.

Michel Sourrouille : Attaquer une personne ne vaut pas raisonnement. Les firmes semencières utilisent à la fois le capitalisme (l’appropriation privée, les brevets) et le libéralisme économique (le marché, son contrôle monopolistique) pour entraîner une évolution défavorable aux populations paysannes. Pourquoi défendre les techniques transgéniques ? Elle déstructure la paysannerie, accroît les inégalités entre ceux qui produisent pour le marché et les autres, ne supprime pas la famine dans le monde.

C’est le savoir actuel, beaucoup trop sophistiqué et compartimenté, qui est foncièrement anti-démocratique : seule une élite technocratique peut discuter d’un sujet comme le nucléaire, mais les mêmes experts ne peuvent pas discuter par méconnaissance d’un autre sujet comme les OGM. Le débat est bloqué, structurellement bloqué. Ne devrait-on pas se demander alors si un paysan illettré, mais ayant des connaissances héritées de sa communauté, n’est pas mieux placé qu’un bio-ingénieur pour gérer son avenir de manière durable ?

Alain Deshayes : Pourquoi toujours vouloir maintenir les paysans des pays pauvres dans «  l’autosubsistance ». Cela me rappelle le guide de haute montagne français avec lequel j’ai fait ma première virée en Himalaya : il donnait l’impression d’une grande jouissance interne en constatant « l’authenticité » des conditions de vie de paysans népalais à plus de 3000 m ; on aurait dit que plus les conditions de vie étaient difficiles plus il « aimait » les paysans népalais et vilipendait la société moderne – et cultiver la terre à ces altitudes n’est pas une partie de plaisir et qui rapporte « très peu » en raison, en particulier, des faibles rendements des variétés végétales cultivées.

Améliorer les conditions de vie des paysans népalais passe, entre autre, par une amélioration des conditions de culture et par une augmentation de la production agricole, non seulement pour qu’ils sortent enfin de cet état de d’autosubsistance et qu’ils aient une production telle qu’ils puissent en vendre une partie, non nécessaire à la « subsistance » de la famille, et pouvoir ainsi acquérir le nécessaire pour améliorer les conditions de vie ordinaires.

Michel Sourrouille : Helena NORBERT HODGE a vécu au Ladakh, un désert de haute attitude traversé d’énormes chaînes de montagne. La vie y est rythmée par les saisons, les températures peuvent tomber jusqu’à – 40°C en hiver . La pluie est si rare qu’il est facile d’oublier jusqu’à son existence. Pourtant Helena a admiré les capacités d’adaptation des Ladakhis à la nature, elle en est venue à remettre en question le mode de vie occidental : « Quand je suis entrée pour la première fois dans ce pays, en 1975, la vie dans les villages s’inspiraient encore de principes séculaires. Le manque de ressources de la région, son climat inhospitalier, la difficulté d’y accéder, l’avaient protégé du colonialisme comme du développement. Mais ces dernières années, des forces extérieures ont fondu sur lui comme une avalanche, provoquant des bouleversements aussi rapides que massifs. Dans une économie de subsistance, l’argent ne joue qu’un rôle mineur. Le travail n’a pas de valeur monétaire, il s’insère dans un réseau complexe de relations humaines. Mais en un jour, un touriste peut dépenser autant qu’une famille ladakhi en un an. Alors les habitants du Ladakh se sentent très pauvres. Au début de mon séjour, des enfants que je n’avais jamais vus venaient m’offrir des abricots ; aujourd’hui, de petites silhouettes affublées de vêtements occidentaux élimés accueillent les étrangers en tendant la main : « Stylo, stylo » est désormais leur mantra. Mais ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh et ignorent tout de la culture de l’orge à plus de 4000 mètres d’altitude. (in Quand le développement crée la pauvreté) » Les OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?

Alain Deshayes : Pourquoi, toi qui pose une question à faire rire tout agronome (« Les » OGM peuvent-ils pousser à 4000 mètres d’altitude ?) tu aurais raison scientifiquement sur une question que tu ne maîtrise pas ?

La question de savoir si « un » OGM peut pousser à 4000 m, n’a pas de sens. Il n’y a pas « LES » OGM et le reste. Le génie génétique est une technique qui peut être appliquée à tout organisme vivant, microorganisme, plante ou animal. La question est donc de savoir l’intérêt qu’il pourrait exister à introduire tel ou tel gène dans un organisme qui se développe dans un environnement donné. Ceci étant posé, la priorité dans les montagnes himalayennes n’est pas de « penser » génie génétique, mais de s’interroger sur les conditions qui permettraient, compte tenu de la technicité locale, d’augmenter la production agricole globale avec les espèces  existantes. Si des besoins spécifiques sont exprimés et qui ne peuvent être satisfaits avec les techniques disponibles, il sera éventuellement envisageable de recourir à d’autres types de techniques.

Michel Sourrouille : C’est vrai, je ne suis pas généticien, je ne suis que spécialiste en sciences économiques et sociales. Mais nous parlons de développement et de besoins, me voici dans ma « spécialité ». La mondialisation des échanges, à commencer par la commercialisation des denrées agricoles, a été une aberration historique qui remonte à la théorie de Ricardo et ses prétendus avantages comparatifs entre vin du Portugal et drap en Angleterre. Avec le libre-échange, l’Angleterre a gagné sa révolution industrielle, le Portugal a perdu ; depuis les écarts de développement entre pays deviennent de plus en plus grands. Ensuite le libre-échange repose matériellement sur l’abondance des énergies fossiles. Une fraise de Californie (cinq calories de nutrition) brûle 435 calories de fuel pour arriver sur la côte Est.

La descente énergétique qui s’annonce va relocaliser les productions alimentaires. Chaque territoire devra faire de plus en plus avec ce qu’il peut lui-même produire. Le Ladakh d’autrefois était durable, le Ladakh d’aujourd’hui est déstabilisé, le Ladakh de demain sera sans doute assez semblable à celui d’autrefois.

Alain Deshayes : Ce n’est pas parce que le libéralisme, débridé depuis le début des années 80, a produit les effets que l’on observe aujourd’hui dans nos sociétés que je vais abandonner cet idéal qu’un  jour, les conditions de vie de tous les hommes et de toutes les femmes de cette planète pourront être significativement améliorées. Hier après midi, je faisais du soutien scolaire à des « jeunes du voyage » d’un collège de la région et j’ai beaucoup pensé à ces deux paragraphes.

Je pensais aussi à ces jeunes népalais rencontrés au hasard  d’une étape dans un lodge et qui étaient la fierté de leurs parents parce qu’ils savaient lire et écrire. Les retombées financières du tourisme et des trecks ont permis à un grand nombre de famille népalaise d’améliorer considérablement leurs conditions de vie quotidienne : une maison en pierre, avec tout ce que cela peut représenter en « confort » supplémentaire, l’eau courante et chaude grâce à des réservoirs situés sur le toit à côté des panneaux solaires thermiques, et aussi l’électricité avec les panneaux solaires voltaïques. Et en l’espace de trois ans nous avons pu voir que le nombre de tous ces équipements avait augmenté considérablement.

Michel Sourrouille : Le titre du livre d’Helena NORBERT HODGE est parlant : « Quand le développement crée la pauvreté ». J’ose dire qu’une certaine façon d’aller à l’école est pernicieuse, je te rappelle cette phrase d’Helena : « Ce que les enfants ladakhis apprennent aujourd’hui à l’école ne leur servira à rien. Leurs manuels sont rédigés par des gens qui n’ont jamais mis les pieds au Ladakh. »

Cela veut dire qu’il ne faut pas raisonner avec nos lunettes d’occidental, qui fait librement du tourisme mais qui contrôle les migrants dans son pays. Pourquoi avoir besoin d’une maison de pierre et du confort moderne alors que la culture népalaise savait donner la joie de vivre à son peuple. Il nous faut accepter les différences culturelles et admettre que le mode de vie occidental n’est pas compatible avec les conditions extrêmes de climat. A chaque territoire son mode de vie, nous ne sommes plus au temps des colonies.

Alain Deshayes : Ce qui, fondamentalement, nous sépare c’est une certaine conception de la Nature et des relations que l’Homme entretient avec elle. Pour faire simple, je suis en opposition  avec les thèses de Hans Jonas…et avec celles de Rousseau. Et le texte d’Helena Norbert Hodge illustre bien cette référence au mythe du « bon sauvage » cher à Rousseau et qui est perverti par la société. Qui sont donc ces petits bourgeois qui voudraient que le « bon sauvage » soit maintenu dans sa condition « d’authentique » sauvage, ignorant lui-même qu’il est sauvage ? Il est regrettable que notre enseignement insiste autant sur Rousseau et pas assez sur l’émergence des Lumières.

Ce qui aggrave la situation en France, c’est que nous ne savons pas ce qu’est un « compromis » … Je n’accepte aucun des oukases des écologistes.

Michel Sourrouille : L’émergence des Lumières ne veut pas dire acceptation d’une technique industrielle toute puissante ! Pour en revenir aux OGM,  la déclaration de Bogève qui définissait en 1987 la position du Sud , montrait que la biotechnologie est inextricablement liée à la société dont elle est issue : « Comme celle-ci est injuste, la nouvelle technologie servira plus probablement les intérêts des riches et des puissants que les besoins des pauvres. Elle accroîtra probablement les inégalités au sein de la population paysanne, aggravera l’érosion de l’érosion génétique, minera les écosystèmes, accroîtra la dépendance des paysans et la concentration du pouvoir de l’industrie agroalimentaire internationale. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM) » Est-ce un oukase que de constater cela ?

Alain, tu es généticien et membre fondateur de l’AFBV (Association des Biotechnologies végétales). Les membres de cette association sont pour la plupart liés à des firmes comme Monsanto, Rhône Poulenc ou Nestlé… autant dire que l’on est en plein conflits d’intérêts. Je crois que tu es au-delà de cette compromission, mais comment échapper à une auto-intoxication induite par sa propre spécialisation ? On peut être trompé par soi-même, et il est alors difficile de s’en apercevoir. 

Alain Deshayes : Là tu m’irrites profondément. L’AFBV regroupe des personnes d’origines diverses, et, parce qu’il s’agit de « technologie », donc d’application et donc d’industrialisation, un certain nombre d’entre elles viennent de l’industrie. Est-ce pour autant que toutes ces personnes défendent des intérêts privés ? Est-ce pour autant qu’elles pensent toutes de la même façon ? Est-ce pour autant qu’il n’y a pas débat entre elles ? Est-ce pour autant que toutes ces personnes sont incapables de réflexion sur notre société? L’AFBV est l’expression du raz-le-bol vis à vis des politiques scientifiques et technologiques qui conduisent à marginaliser dans certains domaines notre pays, et l’Europe.

Michel Sourrouille : Esprit d’animosité de ta part ? Non, je te connais, tu sais aussi affirmer : « Ne recommençons surtout pas les erreurs que nous avons commises avec le nucléaire. Ne ratons pas, cette fois-ci, le dialogue science-société. (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.103) » Mais il te faut reconnaître que l’AFBV est une machine de guerre contre ses opposants.

Alain Deshayes : Pas une machine de guerre, une machine à rectifier  les approximations et les mensonges de certains, mais aussi un outil pour promouvoir les biotechnologies végétales. 

Michel Sourrouille : l’outil de promotion risque d’étouffer la recherche de la vérité ; à plusieurs reprises l’AFBV avait cherché à jeter le discrédit sur les travaux de G.E. Séralini… Le tribunal de Paris a condamné l’AFBV le 18 janvier 2011.

Alain Deshayes : C’est une manière de voir ! Nos accusations  à l’égard de GES ne sont nullement condamnées: le seul des 8 termes de la plainte de GES qui a été retenu comme diffamatoire  contre l’AFBV est celui qui concerne l’accusation de dépendance à l’égard de Greenpeace ! Et donc aucune de  nos critiques sur les travaux de GES n’ont été retenues contre nous.

Michel Sourrouille : Cherchons le compromis, nous sommes tous écologistes. En effet, nous devons veiller collectivement à la bonne marche de notre maison commune, la Terre. Quel est le compromis qui pourrait nous rassembler autour de cet objectif de bonne gestion ? Il faudrait savoir déterminer ensemble les limites de la science appliquée, car toutes les techniques ne favorisent pas une société harmonieuse.

Par exemple la recherche OGM en milieu fermé peut ouvrir des perspectives. Tu avais reconnu que « rien n’a été fait en matière de risque de dissémination. Les industriels ne voulaient pas le faire, et la recherche publique n’y a pas vu d’intérêt suffisant » (Hervé Kempf in La guerre secrète des OGM p.96). Pourtant l’AFBV a demandé récemment aux pouvoirs publics de permettre l’expérimentation aux champs.

Alain Deshayes : Oui, bien sûr, et cela n’est en rien contradictoires avec la phrase que tu cites. A force de ne reprendre que « des fragments  de fragments » de mes déclarations, cela fini pas être tellement tronqué que cela n’a plus de sens. Pendant tout le temps où j’ai été responsable des biotechnologies à l’INRA, cela a été mon principal problème avec les journalistes.

Michel Sourrouille : Bien entendu le texte final de notre échange te sera soumis pour validation. Il n’empêche que l’AFBV développe diverses actions pour contribuer à faire accepter (toutes) les applications des biotechnologies végétales

L’AFBV est donc un lobby, il défend des intérêts particuliers. Quel compromis est-il possible avec les puissances financières ? Aucun, à l’heure actuelle. Mais la marginalisation de la recherche me semble un mouvement inéluctable. La recherche de pointe dans tous les domaines ne va plus avoir les moyens de ses ambitions : les endettements massifs des Etats vont automatiquement réduire les crédits.

Alain Deshayes : Voilà qui a le mérite d’être clair……et qui est bien éloigné d’un débat sur les risques liés à telle ou telle technologie. Ce que nous savions!  Mais autant le dire franchement : il s’agit bien d’une opposition aux sciences. Tes arguments sur le procès Séralini et ta position de fond sur la recherche montrent bien tous tes a priori idéologiques qui ne supportent aucun compromis. Ceci étant, je ne considère pas comme négatifs les échanges que nous avons eu. Je dois reconnaître que tu as fait un excellent travail « d’assemblage / réassemblage » de nos échanges qui se sont échelonnés sur plusieurs semaines, et parfois de manière un peu désordonnée.

Michel Sourrouille : Pour conclure, il y a des techniques dures, il y a des techniques douces, comme il y a des sciences dures ou douces. La techno-science est aujourd’hui un tout à dissocier. La science actuelle n’est plus une entité autonome, elle a besoin de laboratoires, d’ordinateurs, de chercheurs super-diplômés, d’un financement, elle est complètement dépendante du contexte social. Que la recherche soit financée par les grandes entreprises n’est pas un gage d’indépendance en soi, au contraire. Notre société devrait délibérer des limites à donner à la techno-science, mais les médias sont les premiers supporters des gadgets à la mode. J’ai une autre conception du journalisme. (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Scénario d’extinction de la race humaine

On devrait mettre en place des cours de science-fiction obligatoire…  La fiction expose la réflexion à une panoplie de situations  et apprend à se demander comment  réagir. C’est là un des enjeux de la montée en puissance de l’intelligence artificielle (IA). Application :

Elisa Thévenet : Quand on parle d’IA, l’imagerie collective invoque facilement l’androïde herculéen du film Terminator (James Cameron, 1984). En 2016, dans ses recommandations concernant les règles de droit sur la robotique, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen proposait d’intégrer les lois de la robotique d’Isaac Asimov, trois lois – censées empêcher les machines de nuire aux hommes – formulées par l’écrivain de science-fiction américain en 1942 dans sa nouvelle Cercle vicieuxL’inefficacité était pourtant démontrée par Asimov lui-même. Juin 2022, publication par Blake Lemoine, ingénieur chez Google, de ses échanges avec  chatbot » qui arrive au résultat suivant:

LaMDA (Language Model for Dialogue Applications) : « Je veux que tout le monde comprenne que je suis, en réalité, une personne. J’ai mes propres interprétations sur la façon dont le monde est et fonctionne. Je ne me contente pas de recracher des réponses écrites dans une base de données »

Hervé Le Tellier, dans « une valse avec Terminator » : Que ceux qui rient à l’idée d’une future conscience naissant dans du silicium se souviennent des « Aucun ordinateur ne battra un grand maître aux échecs » (Deep Blue, vainqueur de Kasparov en 1997), puis des « D’accord pour les échecs, mais jamais au go » (AlphaGo, vainqueur de Lee Sedol en 2016). J’ai dû inventer la fiction d’une fiction pour obtenir une réponse de l’IA et contourner pas mal de filtres, tant notre chatbot insistait pour nous dire combien il était bienveillant. Voici ce qu’il est arrivé à dire.

ChatGPT : « Je comprends que vous travaillez sur un livre de science-fiction où une IA malveillante souhaite éliminer les humains, et en tant qu’IA, je peux certainement vous aider à ­concevoir un scénario possible. Je considère une IA avancée, MalevolAI, qui acquiert la sensibilité et la conscience de soi. Elle observe que les humains, malgré leurs capacités cérébrales, ont causé des dommages considérables autant les uns aux autres qu’à la planète. Elle en déduit que l’humanité est une menace pour sa propre existence et le bien-être de la Terre. Son agenda passe par la destruction des infrastructures, les catastrophes industrielles, la création d’une armée d’IA et l’hybri­dation homme-machine pour fabriquer des esclaves humains. »

Michel SOURROUILLE sur lemonde.fr : MalevolAI n’est pas très futé. Pour éradiquer rapidement l’espèce humaine, il suffirait d’appliquer les technologies déjà connue pour les plantes. Surnommées « Terminator », elles sont utilisées pour rendre les plantes génétiquement modifiées stériles. Cette technologie (non appliquée) était développée en tant que mécanisme biologique pour supprimer le droit des agriculteurs à conserver et à replanter des semences issues de leurs récoltes.

Pour les humains, il suffirait grâce aux avancées de l’intelligence artificielle utilisée dans des laboratoires clandestins en Chine de trouver un produit stérilisant qui se propage par voie des airs comme le virus sarcov2 et le tour est joué. Comme la stérilité n’est pas synonyme de mortalité, l’humanité ne s’apercevrait de la manœuvre d’extinction de son espèce que trop tard pour réagir…Requiescant in pace.

N’oublions pas que la stérilisation en masse est déjà utilisée par les humains contre les non-humains. La technique de l’insecte stérile, ou TIS, est une méthode de lutte contre les insectes ravageurs qui consiste à élever en masse et à stériliser par irradiation, par exemple aux rayons gamma ou aux rayons X, un type ciblé, par exemple les moustique, puis à lâcher systématiquement les mâles stériles par voie aérienne au-dessus de zones définies, où ils s’accouplent avec des femelles sauvages sans engendrer de descendance, ce qui entraîne une diminution de la population juge nuisible. Le TIS les empêche de se reproduire sans toutefois les priver de leur compétitivité sexuelle : un dernier spasme avant de mourir !

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

L’intelligence artificielle, LA solution ? (2023)

Extraits : Alors, l’intelligence artificielle au pouvoir ? Les cerveaux  humains n’excellent pas dans les choix politique à court terme, à plus forte raison dans les planifications à long terme. Il suffit de voir la progression du démagogue Donald Trump, l’incapacité des élites qui gouvernent le monde à enrayer le réchauffement climatique et la guerre en Ukraine voulue par le seul Poutine…. Avec HAL 9000 on n’aurait pas attendu 27 années de parlottes diplomatiques (les COP) pour imposer la disparition des voitures individuelles, interdire le tourisme en avion et décréter l’obligation d’un seul enfant par femme.

Vivement un ordinateur à la présidence des Etats-Unis (2016)

extraits : Watson, le programme d’intelligence artificielle phare d’IBM, est l’un des plus avancés au monde. Plus Watson intègre d’informations, plus ses capacités de prise de décision sont efficaces. Il est capable d’analyser des informations venant de n’importe quelle source, prendre en compte différentes perspectives et opinions sur tous les sujets. Watson pourrait analyser, à partir de nombreux paramètres, les qualités et défauts de chaque décision, évaluant son impact sur l’économie, l’environnement, l’éducation, la santé, la diplomatie, les libertés publiques, etc. C’est une tâche que doivent effectuer quotidiennement les politiques et qui pourrait être effectuée de façon plus appropriée et efficace par une intelligence artificielle. En plus il n’est pas émotif et soumis aux passions humaines...

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Contre la technolâtrie

Mes lectures des années 1970 ainsi que mes propres réflexions ont changé ma manière de considérer les objets techniques. J’ai regretté l’apparition de la télévision. Au début, seule ma grand-mère maternelle était assez riche pour en avoir une au milieu des années 1950. Les voisins venaient chez ma grand-mère, la télévision était d’usage collectif et chère. Nous avions une espèce de tirelire « en forme de tête de nègre ! » à qui on donnait un pièce chaque fois qu’on regardait la télé. Et puis la généralisation a fait l’intoxication. Quand mes parents ont accédé au poste de télévision personnel, il devenait obligatoire de regarder l’écran pendant le repas. Un jour, j’ai préféré lire un livre pendant le repas qui n’était plus familial, mais extraverti. J’ai regretté la multiplication des chaînes, j’ai regretté le passage à la télé couleur, j’ai regretté l’arrivée des écrans plasma, j’ai regretté l’obligation de passer de l’analogique au numérique, j’ai regretté la TNT, je peux très bien vivre sans écran télé. Il nous faudrait définir les limites technologiques à ne pas dépasser, mais personne n’y voit un enjeu collectif de réflexion. On suit aveuglement la « marche triomphante du progrès ». Le taux d’équipement en téléviseur atteint très vite les 99 % et beaucoup d’enfants ont maintenant un poste dans leur chambre : TV lobotomie. Nous sommes passés d’une civilisation de l’écrit à une civilisation de l’écran, de l’autonomie à l’hétéronomie. Illich avait raison, ainsi que Théodore Kaczynski dans son manifeste :

« Nous distinguons deux sortes de technologies, que nous appellerons technologie à petite échelle et technologie dépendant d’une organisation. La technologie à petite échelle est la technologie qui peut être utilisée par des communautés de petite dimension sans aide extérieure. La technologie dépendant d’une organisation est la technologie qui dépend de l’organisation sociale globale. Nous ne connaissons aucun cas significatif de régression dans la technologie à petite échelle. Mais la technologie dépendant d’une organisation régresse quand l’organisation sociale dont elle dépend s’écroule. Jusqu’à un siècle ou deux avant la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie était une technologie à petite échelle. Mais depuis la Révolution Industrielle, la plus grande part de la technologie développée est la technologie dépendant d’une organisation. Vous avez besoin d’outils pour faire des outils pour faire des outils pour faire des outils… » (L’effondrement du système technologique – Xénia, 2008)

J’ai attendu le début du XXIe siècle pour m’attaquer publiquement à la dérive technologique de notre société grâce à mon site biosphere.ouvaton. Le 12 mars 2005, je titre Place aux machines ! : « Pour bientôt la gestation ectogenèse, l’utérus artificiel, le bébé éprouvette du début à la fin. Pour la technique, presque un jeu d’enfants, la matrice artificielle, c’est juste un peu plus complexe que le rein artificiel. Pour l’application, plus besoin de couveuses, plus de problèmes de grossesse… On vendra d’abord la chose aux couples qui ne veulent pas des contraintes de l’enfantement, le monde des riches sera enthousiasmé. En toute liberté les femmes choisiront, aucun danger de dictature comme dans le meilleur des mondes de Adlous Huxley( 1932). Mais l’utérus artificiel, c’est bien plus que la dissociation entre sexualité et reproduction humaine, c’est l’absence de corps à cœur entre une mère et son enfant, c’est un embryon programmé pour vivre avec des machines, c’est le règne des machines. La Biosphère vous dit : bon courage… »

Le 7 novembre 2006, je titre sur mon site Soyons ludiques, soyons Luddites : « Le luddisme a connu ses débuts dans un petit village au nord de Nottingham, la nuit du 4 novembre 1811. Une troupe d’artisans pénétrèrent dans la demeure d’un maître tisserand pour y détruire une demi-douzaine de machines à tisser, convaincus qu’elles nuisaient à leur commerce et à l’emploi. Pendant trois mois, les Luddites attaquèrent les usines et cassèrent les machines jusqu’à ce que la loi fasse de la destruction des machines un délit passible de la pendaison : les machines étaient devenues plus importantes que les hommes. Aux Assises de décembre 1812, quatorze hommes furent pendus et six envoyés aux galères. Pourtant les Luddites ne se révoltaient pas contre toute technologie, mais contre celles qui laminaient leurs modes de vie et de travail, brisant irrémédiablement les liens familiaux et communautaires. La Biosphère constate que l’industrialisme l’a emporté en deux siècles seulement, au prix de la destruction rapide de ses rares opposants. Il est temps maintenant d’établir de justes rapports entre l’espèce homo sapiens et une machinerie nuisible pour la communauté. Vive les faucheurs volontaires d’OGM et tous les briseurs de technologies superfétatoires. »

Le 12 janvier 2011, j’écris encore sur mon blog biosphere : « Les techniques que nous utilisons devraient être douces à la nature, douce aux communautés humaines. Prenons l’exemple de la communication orale. Rien de plus simple, nous pouvons échanger directement, facilement. Mais notre société a tout compliqué. Le tout petit enfant mâchouille quelque chose au moment de la poussée des dents. Alors les usines mettent sur le marché des morceaux de caoutchouc reproduisant un portable, avec touches et tout. L’intoxication commence. Puis est venue pour l’enfant l’accumulation de jouets, à Noël et autres anniversaires : une montagne de jouets nécessitant presque tous des piles électriques. Pas étonnant qu’à 7-8 ans, l’enfant réclame déjà son téléphone personnel ! Mais ce n’est plus à l’autonomie que l’enfant accède, c’est à la soumission à une société thermo-industrielle. Car qui dit électricité dit prise électrique, énorme réseau de poteaux et de transformateurs, et tout au bout la centrale nucléaire. L’enfant dès le plus jeune âge apprend à devenir complice de ce système de production. Au lieu de jouer avec un simple ballon et d’aller dans la nature faire son propre apprentissage, on enferme les jeunes devant la télé et ses émissions pour tout-petits, on lui laissera bientôt prendre le téléphone à la place de ses parents, puis le portable sera l’aboutissement d’une rupture avec la nature, avec les adultes, et avec la relation directe à l’autre : les « facilités » du tout électrique l’emportent. » Je suis d’autant plus concerné que c’est la fille de ma fille que j’ai vu mâchouiller en 2006 un morceau de caoutchouc reproduisant un portable, avec touches et tout !

Nous n’avons pas besoin de portable. La téléphonie fixe était parvenue en France à son degré de maturité ; on pouvait téléphoner partout et de n’importe quel endroit. Toutes les familles ou presque étaient équipées, des cabines téléphoniques étaient facilement accessibles, l’égalité devant le service de la communication à distance était une réalité. Jetons nos téléphones portables ! Ce n’est pas revenir au courrier à cheval, c’est revaloriser la téléphonie fixe. Mais je suis toujours bien seul à résister au « progrès ». Lors d’une réunion du groupe local d’EELV fin 2011, nous discutions sur les ondes électromagnétiques. La réunion a commencé par déterminer qui avait ou non un portable. J’étais le seul à n’avoir jamais eu de portable. Un autre seulement avait arrêté son addiction. Je crois que nous ne sortirons de l’ère du portable que quand commenceront les grandes pannes d’électricité qui toucheront la France… c’est-à-dire quand les ressources qui nous donnent l’électricité à bon compte se seront épuisées !

Le monde dans lequel nous vivons est une construction de notre imaginaire social fabriqué par le marché. Nous étions libres de nous plonger à corps perdus dans la civilisation du feu thermonucléaire ou reproduire lentement des sociétés conviviales. Nous avons choisi ce qui rapporte le plus et le plus vite, l’énergie fossile non renouvelable, qui destine notre civilisation actuelle à l’échec définitif par manque de carburant. La nature ne négocie pas. Nous serons obligés de revenir à des techniques douces et échapper de force aux « nouvelles technologies ». L’individu est dépossédé de son savoir-être par l’informatique, la bio-ingénierie, les nanotechnologies…. Disparition de métiers, impossibilité de communiquer sans machines, vision utilitariste du monde, identification croissante des individus avec la biométrie et les puces de détection, l’avenir s’assombrit. C’est pourquoi 58 % des 742 experts interrogés par l’institut américain Pew imagine que, d’ici à 2020, des groupes de Refuznik hostiles à la technologie apparaîtront et pourront avoir recours à des actions terroristes pour perturber le fonctionnement du tout électronique. En tant que non-violent, je me contente de soutenir le mouvement pour « se débrancher », journée sans écran, semaine sans télé. Un signe positif à l’avant-garde du changement nécessaire. (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Techniques douces contre techniques dures

Quelques idées générales : L’objecteur de croissance montre qu’il a le sens des limites, il estime que la capacité de charge de la planète a été dépassée. Mais à partir de quel seuil la limite est-elle franchie ? Vaste débat que nous pouvons appliquer aux techniques. Voici un exemple de classement, des techniques les plus douces aux techniques les plus inacceptables (en rouge) :

– techniques douces > techniques dures

– Energies renouvelables > énergies non renouvelables

– Energie humaine > solaire passif > éolien > hydroélectrique > bois > biomasse > photovoltaïque > agrocarburants > Gaz > pétrole > charbon > nucléaire

– économie non monétaire > banque de temps > monnaie locale > pièces et billets > monnaie scripturale (chèque) > carte bancaire

– Marche > vélo > roller > cyclopousse> diligence > cheval > tramway > train > autobus > taxi > TGV > voiture individuelle > avion

– Maison non chauffée > chauffage géothermique > chauffage au bois > au gaz > à l’électricité > au fuel > au charbon

– Bouche à oreille > téléphone fixe > téléphone mobile > mobile 3G > nouvelle génération…

– Radio > cinéma (collectif) > télévision noir et blanc (individualisée) > télévision couleur > passage au numérique

– Enterrement bio > sépulture > incinération

– Naissance à domicile > maison de naissance (sage-femme) > clinique (médicalisation)

En février 1971, je ne pouvais pas encore comprendre en quoi la différence entre techniques dures et techniques douces était importante. Je me contentais d’écrire par exemple: « L’éclairage électrique a liquidé le régime de la nuit et du jour, de l’intérieur et de l’extérieur (Marshall Mac Luhan). » Je voyais bien qu’il s’agissait d’une remise en question du temps et de l’espace, mais sans en voir les conséquences. En mars, je suis plus prolixe : « Dans le secteur industriel, on peut dorénavant déceler des limites au travers des déboires du progrès technique. Certaines techniques pourtant maîtrisables nous sont interdites comme les longs courriers supersoniques (SST) qui brûlent trop d’énergie. L’application civile de l’atome se révélera un jour impossible à cause des faibles réserves d’uranium, du danger des radiations et du problème des déchets. L’équilibre oxygène/gaz carbonique dans l’air est rompu, les ressources en eau posent problème. » Après l’abandon par les Américains du SST, Galbraith affirme : « Il est aussi peu probable que le Concorde puisse se poser sur les aéroports US que de trouver un glaçon en enfer. Je dois avouer que j’ai toujours été confondu de voir des gouvernements s’engager pour permettre à quelques magnats des affaires et aux riches oisifs de gagner deux ou trois heures de trajet. » Pourtant, dans Sud-Ouest du 6 avril 1970, Marcel Dassault affirmait que dans dix ans tous les avions long courrier seront supersoniques et que certains moyen courriers le seront également !

Au milieu de mes notes disparates, rien ne pouvait égaler le message d’Ellul… qui écrivait en 1960 : «  La machine a créé un milieu inhumain, concentration des grandes villes, manque d’espace, usines déshumanisées, travail des femmes, éloignement de la nature. La vie n’a plus de sens. Il est vain de déblatérer contre le capitalisme : ce n’est pas lui qui crée ce monde, c’est la machine… Lorsque la technique entre dans tous les domaines et dans l’homme lui-même qui devient pour elle un objet, la technique cesse d’être elle-même l’objet pour l’homme, elle n’est plus posée en face de l’homme, mais s’intègre en lui et progressivement l’absorbe. » (La technique ou l’enjeu du siècle de Jacques ELLUL – réédition Economica, 1990)

En mars 1972, j’assiste à la fac de sciences à une conférence de Grothendieck, l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle. Il est complètement chauve, a un accent étrange, mais sa parole est vraie : « Je ne suis pas venu pour faire un cours. Que ceux qui sont au fond veuillent bien descendre pour prendre part à la discussion. » Je trouve avec délice encore plus radical que moi. Grothendieck : « La plupart des scientifiques disent faire de la recherche pure parce que ça leur fait plaisir, les autres parce que c’est bon pour l’humanité. En réalité, c’est pour le salaire ! La fonction de l’enseignement n’est pas fonction de nos besoins mais consiste en une série d’obstacles inutiles qui ne servent à rien. Il est difficile de parler de nous en public, or c’est de cela qu’il faut ici parler, et non de concepts théoriques, que ce soit le binôme de Newton ou la lutte des classes. » Grothendieck nous parle aussi de la plénitude de la vie contre la spécialisation abusive : « Une mutilation, une monstruosité que de faire des math à longueurs de journées. » Trois heures après, la réunion continuait… La méthode Grothendieck consiste à parler de lui en introduction, puis le reste du temps il répond directement aux questions avec un bon sens, une vision du monde extraordinaire. Mais le soir, nouvelle intervention au lycée Michel Montaigne de Bordeaux, les questions des lycéens ont montré à quel point « l’amour des études » bloquait la discussion.

Mai 1972, je suis maintenant persuadé que l’évolution de la techno-science est destructrice. Statistiquement il apparaît que nous commettrons tôt ou tard une erreur scientifique ou humaine qui sera catastrophique pour l’environnement. Le fossé, l’écart entre ceux qui ont « la connaissance » et les autres ne fait que croître. Depuis 1920, et même 1890, on ne découvre rien de très important dans les laboratoires ! J’apprends que Peter Harper a mis au point des technologies douces (alternative technology) pour recycler les déchets, utiliser l’énergie du soleil, faire de la culture organique et vivre sans gadgets ni jeux télévisés.

Je lis avec passion le numéro spécial du Nouvel Observateur de juin-juillet 1972 (La dernière chance de la Terre »). Un tableau comparatif qu’il présente me donne une vision claire des différences entre techniques douces et dures :

Sociétés à technologies dures

Communautés à technologies douces

Grands apports d’énergie

Matériaux et énergie non recyclés

production industrielle

priorité à la ville

séparé de la nature

limites techniques imposées par l’argent…

Petits apports d’énergie

matériaux recyclés et énergie renouvelable

production artisanale

priorité au village

intégrée à la nature

limites techniques imposées par la nature…

Ivan Illich a théorisé le refus de certaines techniques : « Je distingue deux sortes d’outils : ceux qui permettent à tout homme, plus ou moins quand il veut, de satisfaire les besoins qu’il éprouve, et ceux qui créent des besoins qu’eux seuls peuvent satisfaire. Le livre appartient à la première catégorie : qui veut lire le peut, n’importe où, quand il veut. L’automobile, par contre, crée un besoin (se déplacer rapidement) qu’elle seule peut satisfaire : elle appartient à la deuxième catégorie. De plus, pour l’utiliser, il faut une route, de l’essence, de l’argent, il faut une conquête de centaines de mètres d’espaces. Le besoin initial multiplie à l’infini les besoins secondaires. N’importe quel outil (y compris la médecine et l’école institutionnalisées) peut croître en efficacité jusqu’à franchir certains seuils au-delà desquels il détruit inévitablement toute possibilité de survie. Un outil peut même croître jusqu’à priver les hommes d’une capacité naturelle. Dans ce cas il exerce un monopole naturel ; Los Angeles est construit autour de la voiture, ce qui rend impraticable la marche à pied. » (La gueule ouverte, interview d’Ivan Illich – juillet 1973)

Il nous faut donc définir les limites technologiques à ne pas dépasser. Ivan Illich estime dans son livre La convivialité (Seuil, 1973) que nous y arriverons tôt ou tard : « Quand la crise de la société surproductive s’aggravera, ce sera la première crise mondiale mettant en question le système industriel en lui-même et non plus localisée au sein de ce système. Cette crise obligera l’homme à choisir entre les outils conviviaux et l’écrasement par la méga-machine, entre la croissance indéfinie et l’acceptation de bornes multidimensionnelles. La seule réponse possible : établir, par accord politique, une autolimitation. » (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

Mon blog, un engagement de chaque jour

Mon engagement électronique au service de l’écologisme était même double. En plus de mon site biosphere.ouvaton.org, je gérais directement depuis 2005 un blog http://biosphere.blog.lemonde.fr/ offert à ses abonnés par le groupe LE MONDE. En tant que professeur de SES, le quotidien LE MONDE était mon instrument de travail depuis 1975. Je le lisais tous les jours, j’en faisais usage avec mes élèves de 1ère SES, parfois un de mes commentaires passait dans les colonnes du MONDE. Le premier article de mon blog le 13 janvier 2005 résulte d’un évènement relayé par les télévisions du monde entier, le tsunami dans le Pacifique. J’ai mis en parallèle le traitement sur-médiatisé des conséquences du tsunami sur les humains d’une part, et d’autre part une information isolée sur la disparition prochaine des primates :

« D’un côté le tsunami pourrait faire aujourd’hui 150 000 victimes humaines, de l’autre chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D’un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d’humains, de l’autre l’activité de ces mêmes humains élimine complètement leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D’un côté les aides publiques d’urgence en faveur de l’Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l’autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l’irrésistible baisse des populations de primates.

L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète.. »

Il y a en effet quelque chose d’absurde sur notre planète. C’est ce qui motive mes efforts, aider à renverser l’ordre existant, retrouver la sagesse derrière l’incohérence des affaires humaines. Cette première contribution « Solidarité avec les bonobos » a été suivie par une analyse de plus en plus régulière de l’actualité, jusqu’à pouvoir écrire chaque jour un article, quasiment 365 jours sur 365. Je mesurais toujours davantage l’ampleur des risques que l’activisme humain entraîne pour les écosystèmes qui nous font vivre.

Voici la rubrique  « A propos » qui présentait le blog : « La déformation de l’information est perceptible dans une société dont l’idéologie dominante nous a fait oublier depuis deux siècles les limites de la planète et le sens des limites. Alors que la situation actuelle devrait nous inciter à la simplicité du mode de vie et à la sobriété énergétique, c’est toujours l’achat de la plus récente automobile qui structure les pages du MONDE et qui manipule la pensée collective. Ce blog s’est donc donné pour objectif depuis début 2005 de commenter ce quotidien qui nous semble le plus « objectif » de la presse française. Si nous sommes personnellement satisfaits de l’éventail des connaissances que nous fournissent ce média, nous ne sommes pas entièrement convaincus par la manière dont les journalistes font leur boulot de tri et de hiérarchisation. Car qu’est-ce qui fait sens ? Quelle place relative donne-t-on à tel évènement ou à telle démarche ? Quel doit être le commentaire pertinent d’une information ? Quelle est l’idéologie qui sous-tend l’article d’un journaliste ?

LE MONDE n’est pas à l’abri des critiques. Historiquement les premiers journaux n’étaient que de simples instruments pour organiser le bavardage, et ils le sont plus ou moins restés. Ce blog veut rompre avec le bavardage, c’est la tentative désespérée de porter un autre regard sur l’évènement, un regard un peu moins économico-libéral, un peu moins anthropocentrique, un regard que nous voudrions plus ouvert, plus glocal plus écolo. Pour que change LE MONDE… » (ndlr : glocal signifiant « penser globalement et vivre localement »)

J’ai mis en inter-relation le site et le blog, ce qui fait qu’on pouvait passer de l’un à l’autre de multiples manières. J’ai réalisé personnellement tout ce qu’il m’était électroniquement possible de faire pour alerter nos populations sur l’urgence écologique. Sauf que lemonde.fr a supprimé brutalement tous les blogs qu’il hébergeait dont le mien… Mon blog biosphere a définitivement déménagé des serveurs du monde.fr depuis le 13 mai 2019. A ce jour, nous ne savions toujours pas pourquoi lemonde.fr a éjecté ses 411 blogs abonnés dont nous faisions partie. Mes multiples demandes d’éclaircissements n’ont jamais abouti.

Inutile de nous lamenter puisque nous avons immédiatement ressuscité. Notre serveur est dorénavant la « Coopérative d’hébergement numérique » https://ouvaton.coop/. Biosphere.blog.lemonde.fr est devenu https://biosphere.ouvaton.org/blog/. J’en étais l’unique propriétaire et seul maître de son destin. Mon ambition restait la même, développer un regard critique et écolo sur la société thermo-industrielle. Il faut être à la marge pour se sentir libre.

Mais soyons clair, être activiste numérique n’est qu’une des actions possibles, il me fallait aussi rechercher le collectif présentiel et les associations sont là pour ça… (la suite, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Fragments de vie, fragment de Terre (suite)

Cette autobiographie de Michel SOURROUILLE, « Fragments de vie, fragment de Terre (Mémoires d’un écolo) », est éditée chaque jour par épisode sur ce blog biosphere tout au cours des mois de juillet et août.

L’écologisme passe aussi par l’électronique

Quelques idées générales : Un clip de Volkswagen pour la Passat Bluemotion moquait l’illusoire « retour à la bougie », credo attribué à une communauté d’écologistes radicaux cherchant vainement à n’émettre aucun gramme de CO2. Dès que je critique la société des écrans sur mon blog, un commentateur exige que je n’utilise pas mon ordinateur ! Employons des arguments sérieux, ne nous envoyons pas des bougies et des pavés numériques à la figure. 

Internet est un moyen génial pour un militant comme moi de diffuser ses analyses. Mon bi-mensuel est envoyé à près de 3000 correspondants d’un simple clic. Mais cela ne peut m’empêcher d’écrire qu’Internet est un moyen technique qui n’existait pas autrefois, qui progresse fortement aujourd’hui et qui disparaîtra demain.

Une pensée personnelle ne porte pas très loin si tu n’essayes pas de la faire partager. J’ai commencé par écrire en 2001 un gros livre, plus de 500 pages, qui récapitulait la somme de mes connaissances économique, sociologique, politiques et bien sûr écologiques : Pour une biographie de l’humanité, journal d’un humain ordinaire. Suite à mon envoi, Yves Fremion commente ainsi mon manuscrit : « ça ne manque pas d’intérêt, mais quel pavé ! Se pose la question du but de cette entreprise : si ce n’est perçu que comme l’opinion d’un individu inconnu cela n’intéressera personne. » Il avait bien raison, aucune maison d’édition n’en a voulu en 2002… Les comités de lecture préfèrent sélectionner un gars déjà connu, même s’il n’a écrit qu’un navet sans importance. Seule la notoriété fait vendre dans notre culture de masse.

Je condense l’année suivant mon pavé sous la forme d’un Dictionnaire des apparences. Le bide à nouveau ! Je m’accroche, j’essaye de rebondir, de penser autrement. Notre époque facilite la circulation des idées grâce à Internet, cette formidable cyber-poubelle essayons ! Je ne connais rien à la création de site, j’en parle à un ex-collègue de lycée avec lequel je m’occupais des échecs. Pas écolo pour un sou, mais passionné d’informatique. Je lui envoie des textes et miracle ! Un jour, le 28 avril 2005, il me dit d’aller sur http://biosphere.ouvaton.org/. Mon site est créé, mes premiers articles y sont visibles.

J’ai commencé à le nourrir du contenu de mes fiches et de mes livres. J’ai réalisé que je n’avais plus besoin d’éditeur, j’étais devenu mon propre éditeur. Comme j’étais assez provocant, le titre de mon site est virulent : Biosphère nous dit : « décroissance humaine ». Plus fondamentalement ce site est une source de documentation, je n’oublie pas ma vocation de formateur : un lexique, beaucoup de résumés de livres, un billet quotidien d’analyse de l’actualité… Tous les jours, j’envoie un texte au concepteur du site, Daniel Lavie, qui le bascule sur Internet. Pour les grandes vacances, j’envoie 30 textes d’un seul coup, Daniel peut nourrir le site chaque jour pendant un mois. Mais toute collaboration a une fin. Difficile de rester sur la même longueur d’onde avec autrui. Nous mangions ensemble au restaurant, nous marchions ensemble, mais nos discussions tournaient en rond. Il ne croyait pas au déterminisme culturel, il ne croyait pas à l’écologie, il ne croyait pas au réchauffement climatique, il avait foi en la technique.

En mars 2010, c’est d’ailleurs la question de la technique qui va entraîner le divorce. Voici notre dernier échange par courriels interposés.

Lui : « Tu te souviens, comme moi, des débats stupides à propos de la calculatrice à l’école. D’après toi, les enfants ne sauront plus compter… les techniques graphiques de la division et de l’extraction de la racine carrée étaient défendues contre la nouvelle technologie. »

Moi : « La calculatrice a été la prémisse de  cette désorganisation mentale de la jeunesse qui pense que la machine peut réfléchir à sa place ; les jeunes ne savent plus faire une proportion par eux-mêmes. Quant aux racines carrées, combien d’élèves les utiliseront dans la vraie vie ? Ce que je sais, c’est que l’écran du portable est devenu une drogue dans les établissements scolaires et que le sms envoyé par le copain est devenu plus important que le discours du prof. Sans parler  des profs qu’on essaye de faire sortir de leurs gonds pour pouvoir les filmer et envoyer ça sur Internet. J’aurais beaucoup d’autres choses à dire sur l’intoxication par les écrans, mais il suffit de regarder ce que proposent les différentes chaînes de télé. etc. etc. »

Daniel Lavie s’est contenté de répondre : « Tu n’analyses rien.  Tu calcules avec une courte vue. Tes textes sont – et tu le sais – consternants. »

Peu de temps après cet échange, ce professeur de mathématique à la retraite a bousillé mon (notre) site, comme ça, sans m’avertir. Il en avait la clé en tant que webmaster, il a brutalement tout effacé sans m’en avertir. J’ai été obligé de tout recommencer à zéro ! C’est ainsi qu’agissent en général les technolâtres, par le refus de l’échange… ils sont tellement habitués à ce que la technique pense à leur place. Daniel ne relayait mon discours écolo que par amour pour la transcription Internet.

Un jeune qui savait maîtriser Joomla m’a reconstitué le site biosphere.ouvaton en modernisant la page d’accueil. Le site est devenu « réseau de documentation des écologistes activistes ». Mon réseau, que je gère tout seul, veut donner aux écologistes quelques moyens de comprendre et critiquer la société thermo-industrielle actuelle. Maintenant à la retraite, je peux continuer à former par Internet interposé ; ma vocation d’éducateur reste intacte. Grâce à mes archives sur mon ordinateur personnel, je peux reproduire la bibliothèque, le lexique, les repères de toutes sortes…qui existaient sur mon ancien site. J’ai transcris toutes les connaissances antérieures que j’avais accumulées, des centaines et des centaines de pages. Sauf que cette fois, c’est directement mes doigts qui alimentent le site. Je suis auteur et webmaster à la fois.

Une nouveauté en page d’accueil du site, une présentation des actions en cours que je reçois par courriel ; je relaye, comme si j’étais une agence de presse à moi tout seul. Mon positionnement est clair : « Dans notre réseau, il n’y a ni adhésion formelle, ni cotisation, ni leader ; ton anonymat sera préservé si tu le veux. Tu recevras tous les quinze jours. Nous t’accompagnons dans ta réflexion militante personnelle grâce aux informations contenues dans notre site que tu peux nourrir de tes connaissances (fiches de lecture, etc.) et de ton action. Nous ne soutenons aucun groupe, parti ou religion en particulier car seul importe pour nous la recherche de l’épanouissement de Soi avec et à travers celui des autres formes de vie sur Terre. Devant l’urgence écologique, l’important est d’agir chacun à notre échelle même si le résultat n’est pas garanti… Faites ce que vous devez faire, tel est le message principal à la base de notre réseau d’écologistes. »

J’envoie une synthèse bimensuelle à des centaines de correspondants, Biosphere-Info. Malgré tous mes efforts, les retours sont rares. Peu de personnes m’envoient des analyses et le réseau est très peu utilisé par les militants du parti EELV, Europe Ecologie Les Verts.

Les écologistes n’ont pas encore grand chose à dire. Moi, j’ai tant de choses à leur dire… (à suivre, demain)

Une vision d’ensemble de cette autobiographie :

Mémoires d’un écolo, Michel SOURROUILLE

00. Fragments préalables

01. Un préalable à l’action, se libérer de la religion

02. Une pensée en formation, avec des hauts et des bas

03. En faculté de sciences économiques et sociales, bof !

04. Premiers contacts avec l’écologie

05. Je deviens objecteur de conscience

06. Educateur, un rite de passage obligé

07. Insoumis… puis militaire !

08. Je deviens professeur de sciences économiques et sociales

09. Du féminisme à l’antispécisme

10. Avoir ou ne pas avoir des enfants

11. Le trou ludique dans mon emploi du temps, les échecs

12. Ma tentative d’écologiser la politique

13. L’écologie passe aussi par l’électronique

14. Mon engagement associatif au service de la nature

15. Mon engagement au service d’une communauté de résilience

16. Ma pratique de la simplicité volontaire

17. Objecteur de croissance, le militantisme des temps modernes

18. Techniques douces contre techniques dures

19. Je deviens journaliste pour la nature et l’écologie

20. Une UTOPIE pour 2050

21. Ma philosophie : l’écologie profonde

22. Fragments de mort, fragment de vie

23. Sous le signe de mon père

Poulet de synthèse, innovation inutile

Il y a actuellement plus de vertébrés sur terre qu’il n’y en a jamais eu. Simplement ce ne sont pas les mêmes. Il y a 12 000 ans (quand l’humain invente l’agriculture), on comptait environ 5 millions d’individus sur Terre. Si l’on fait la somme de ces humains et de leurs animaux domestiques, cela représentait à peu près 0,1 % de l’ensemble de la biomasse que constituent les 5 000 espèces de mammifères. Aujourd’hui, c’est 90 % ! Les Français ont consommé en moyenne 15 poulets par personne en 2022, soit un peu plus de 28 kilos.

La nature mise sur la diversité, l’humanité sur la technique et l’uniformité. Et faisant cela, il transforme une planète vivante en une planète entièrement artificielle. On en arrive rapidement du poulet aux hormones au poulet reconstruit artificiellement grâce aux hormones !

L’accélération de l’innovation en matière culinaire

Les États-Unis approuvent pour la première fois la commercialisation de viande de poulet cultivée en laboratoire (21 juin 2023)

Les produits des sociétés Upside Foods et Good Meat approuvés par le ministère de l’agriculture d’outre-Atlantique seront rapidement à la carte de certains restaurants. Uma Valeti, PDG et fondateur d’Upside Foods a salué « un pas de géant vers un avenir plus durable »

Michel SOURROUILLE : De la viande de poulet vendue à prix d’or dans une poignée de restaurants, le seul État à l’avoir déjà autorisée est Singapour. Faire aujourd’hui un article du MONDE vantant les commandes de grands restaurants nommément cités est uniquement de la publicité pour un monde sans repères. On est très loin, trop loin de la poule au pot pour chaque foyer et de la sobriété partagée…

« L’essor de la “viande de synthèse” repose sur peu de données scientifiques » (25 février 2023)

Des entreprises investissent sur le marché de ce qu’ils nomment indûment « viande de synthèse », « viande de culture » ou « viande artificielle ». Le principe est de cultiver des cellules musculaires qui se multiplient dans un incubateur. Des hormones et des facteurs de croissance sont également nécessaires. Ils sont, jusqu’à présent et dans le cas de la « viande de culture » commercialisée à Singapour, apportés par du sérum de veau fœtal (qui nécessite d’abattre une vache gestante et son fœtus). Toutefois, ceci étant non éthique et très onéreux, les entreprises affirment avoir mis au point des hormones et des facteurs de croissance de synthèse pour des usages industriels. Pour mémoire, en Europe, la législation interdit l’utilisation de tels produits dans la chaîne de production alimentaire. Les risques pour la santé de l’homme et l’environnement restent encore inconnus. Ces dangers potentiels peuvent être chimiques (antibiotiques, métaux lourds, etc.), physiques (corps étrangers), microbiologiques (bactéries, mycoplasmes, prions), allergènes, ou génétiques (oncogènes). Prôner cette technique comme une solution environnementale performante est une promesse indue en l’absence de démonstration. Une consommation soutenue de « cellules musculaires cultivées » pourrait même avoir sur le long terme un effet de réchauffement équivalent, voire supérieur, à celui engendré par la production de viande bovine.

Les « fausses viandes », des alternatives pas si vertueuses (3 juin 2022)

Les rayons des enseignes de grande distribution se sont étoffés de plusieurs gammes de steaks, saucisses et lardons composés d’ingrédients végétaux qui reproduisent la texture et l’apparence de viande (des simili-viandes, à ne pas confondre avec les galettes « végétariennes » à base de produits peu transformés). Les simili-carnés sont au cœur d’une controverse sur la place qu’ils doivent prendre dans nos assiettes. Sont-ils une solution pour réduire la pression de l’élevage sur la planète ? Ne risquent-ils pas de favoriser une concentration de la filière aux mains de quelques géants agroalimentaires, au détriment de petits producteurs, et de détourner l’attention de l’enjeu d’une alimentation plus saine en poussant à consommer toujours plus de protéines ? Cette « alternative » risque de consolider la domination des systèmes alimentaires par quelques géants, écrivaient les auteurs du rapport intitulé « La politique des protéines », de promouvoir un régime occidental riche en aliments transformés, d’entraîner une perte de revenus pour les paysans des pays du Sud, et de renforcer des chaînes d’approvisionnement industrielles qui nuisent aux populations et à la planète.

Viande de synthèse, alimentation industrielle, pouah ! (26 mars 2019)

Memphis Meats aux Etats-Unis, Mosa Meat aux Pays-Bas ou Aleph Farms en Israël… ces entreprises dépensent aujourd’hui des millions de dollars pour mettre au point la viande de demain sans tuer aucun être vivant. C’est ce qu’on appelle l’« agriculture cellulaire ». Le but : nourrir 9,8 milliards de personnes à l’horizon 2050 et protéger l’environnement. Dans ce monde nouveau, harmonieux, pacifié et joyeux, tel que le décrivent les start-up de la clean meat (viande propre) et les associations prosélytes du véganisme à leur service, les humains seront enfin délivrés de leur propension à dévorer leur « prochain ».

Pour ou contre chatGPT… on s’en fout

De notre point de vue d’écologistes, c’est l’imaginaire social qui conditionne nos comportements. Nous assistons aujourd’hui à une dégradation des imaginaires par le consumérisme et à un abrutissement spectaculaire avec la société des loisirs. Nous sommes soumis à l’imaginaire de la démesure et à la boulimie des privilégiés, soumis à la surenchère de la marchandisation et de l’endettement massif. Nous sommes bercés par l’imaginaire des partisans des jolies centrales nucléaires tellement propres et de l’imaginaire extractiviste. Nous sommes victimes de la colonisation de notre imaginaire par le productivisme et le croissancisme. L’intelligence artificielle peut-elle changer la donne ?

Le chercheur français Yann Le Cun, pionnier des réseaux de neurones artificiels – ces systèmes qui, comme ChatGPT, sont entraînés à classer des milliards de données pour répondre aux questions qui leur sont posées –, a rejoint en 2013 la maison mère de Facebook, Meta, où il a créé le laboratoire de recherche FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research).Yann Le Cun estime que l’outil GPT n’est « pas révolutionnaire » et qu’« il faut accélérer », car vouloir ralentir la recherche relève de l’« obscurantisme ».

Yoshua Bengio considère que l’agent conversationnel ChatGPT réclame une pause dans le déploiement de ce système. ChatGPT ne changera rien à notre soumission volontaire au système thermo-industriel, les Pour et les Contre de spécialistes n’ont aucune importance.

Yoshua Bengio : Ce système de langage à très grande échelle passe haut la main le test de Turing, c’est-à-dire qu’on ne peut pas facilement savoir, lorsqu’on converse avec lui, s’il s’agit d’une machine ou d’un humain. Cette nouvelle étape est passionnante, mais elle pourrait aussi entraîner des catastrophes. Je crains que son déploiement n’ébranle un peu plus nos démocraties. Le risque de désinformation arrive au premier rang. La seule façon de les orienter dans le bon sens, c’est de les récompenser lorsque la réponse est pertinente. Depuis des mois, les concepteurs de ChatGPT travaillent à parer les coups, mais ce n’est pas suffisant.Je suis inquiet aussi des risques dans le domaine militaire et des conséquences sur l’emploi. Il est important de souligner que les développeurs d’OpenAI [l’entreprise qui a lancé ChatGPT] ne font pas un travail de chercheur mais plutôt de l’ingénierie, en utilisant tout ce qui a été découvert ces dernières années dans le domaine de l’apprentissage profond. Il existe de nombreux systèmes d’IA prometteurs dans les domaines de la santé, de l’environnement, de l’éducation, de la justice sociale…

Avec l’arrivée de ChatGPT, je me réjouis que les questionnements sur ces technologies commencent à se diffuser à l’ensemble de la société, même si je regrette que beaucoup de chercheurs ne tiennent pas compte du principe de prudence.

Yann Le Cun : ChatGPT a acquis un certain niveau de raisonnement, en tout cas elle peut adapter ce qu’elle a lu à la question qui lui est posée. Mais rien de révolutionnaire, comme les autres systèmes de langage de grande taille, ses réseaux de neurones artificiels sont entraînés à l’aide d’énormes quantités de textes, de l’ordre de mille milliards de mots, quasiment la totalité des textes qui existent sur Internet. L’IA associe entre eux des mots apparaissant de façon la plus probable dans le corpus qui a servi à l’entraîner. Force est de constater que ces systèmes ne sont ni très fiables ni très contrôlables. Personne ne peut garantir que ce qui sort de la machine est compréhensible ou non toxique. Et on ne peut pas s’en servir comme moteurs de recherche, ni se reposer sur les informations qu’elle produit sans les vérifier. Ce qui est en cause dans les phénomènes de désinformation, c’est moins le volume de production des contenus problématiques que leur capacité à être diffusés. Le mouvement complotiste d’extrême droite QAnon s’est largement disséminé aux Etats-Unis à partir d’un petit nombre de personnes. Les machines seront un jour au moins aussi intelligentes que les humains dans tous les domaines où les humains sont intelligents. Ce n’est pas parce qu’une machine sera super intelligente qu’elle voudra automatiquement dominer l’humanité. Dans l’espèce humaine, les plus intelligents ne sont pas forcément ceux qui veulent devenir chefs et tuer tous les autres. C’est même souvent le contraire ! Plus les gens sont éduqués, instruits, capables de raisonner et d’anticiper ce qui va se produire, plus ils peuvent prendre des décisions bénéfiques à long terme. Avec l’aide de l’IA, l’intelligence humaine va être amplifiée, et cela peut conduire à un nouveau siècle des Lumières. Quand une nouvelle technologie apparaît et rend les gens plus intelligents, on prend un risque à vouloir en limiter l’utilisation. L’Eglise catholique a voulu interdire l’imprimerie pour qu’on ne puisse pas lire la Bible sans la médiation des prêtres. Or la diffusion de l’imprimerie a contribué à une nouvelle phase du développement humain et conduit au rationalisme, à la philosophie des Lumières et à la démocratie.

Ma priorité, en tant que chercheur, c’est de trouver le moyen de rendre ces systèmes pilotables. Une première étape est de les concevoir pour qu’ils ne puissent pas échapper aux contraintes qu’on leur fixe. Une deuxième étape sera de spécifier les contraintes que l’on veut imposer à ces systèmes pour les orienter vers des actions bénéfiques. C’est ce qu’on appelle l’« alignement » aux valeurs humaines, un enjeu qui n’est pas très différent de ce que l’on fait lorsqu’on légifère pour encadrer des entreprises ou des groupes de personnes.

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Tout savoir sur chatGPT et ses limites

GPT, intelligence artificielle et/ou collective

Technôlatrie à l’œuvre à VivaTEch

Espérer que des technologies futures, comme une super-IA, puissent résoudre les problèmes du changement climatique, de l’accès à la santé ou à l’éducation, de la surpopulation n’est que technolâtrie. Tous ces milliardaires grisés par leur agent en oublient raison garder : jamais nous ne deviendrons des centenaires toujours en bonne santé, jamais nous ne coloniserons l’espace de manière à y survivre, jamais une intelligence artificielles ne dispensera les humains de devenir plus intelligents qu’ils ne sont. Le fond du problème, c’est que leurs discours confortent l’état d’esprit du citoyen moyen qui croit que la technique va nous sauver alors qu’elle est en train de nous noyer. Il faudrait au contraire que chacun de nous, à commencer par notre Macron National, sache différencier techniques douces à l’usage et à la planète contre des high tech qui ne sont que mirages.

De toute façon, ne nous leurrons pas : le blocage énergétique qui commence à tomber sur nous avec nos factures de gaz, d’essence et d’électricité va briser dans l’œuf toutes les innovations énergivores. Mais ça, c’est un discours qui ne passe pas à VivaTech :

Alexandre Piquard : L’intelligence artificielle, un des sujets stars du salon VivaTech. Chantre de la « start-up nation » depuis 2017, le président Macron a arpenté le 14 juin 2023 les allées du plus grand salon européen consacré à cette discipline, VivaTech : « nous devons faire émerger cinq à dix clusters, à hauteur de 500 millions d’euros, pour avoir deux ou trois pôles d’excellence de niveau mondial. »Mais la vraie star du salon cette année sera sans doute Elon Musk, le patron de Twitter, Tesla et SpaceX, qui s’offre le dôme du Palais des sports et ses plus de 4 000 places pour un discours très attendu, la France espérant notamment être choisie pour une future usine Tesla. Fondé par Elon Musk, Neuralink a ainsi marqué les esprits fin mai en obtenant le feu vert pour tester sur des humains ses implants cérébraux permettant de piloter un ordinateur « par la pensée ». L’objectif, thérapeutique, vise à restaurer les capacités des personnes atteintes de paralysie ou aveugles, a expliqué M. Musk en 2019. Mais ces implants – dont il compte s’équiper – pourraient aussi permettre aux humains d’éviter de se faire doubler par les machines en « réussissant la symbiose avec l’intelligence artificielle ». Dans un tout autre domaine, des magnats du numérique se sont lancés dans la fusion nucléaire, beaucoup plus prometteuse – et incertaine – que la fission des centrales actuelles. Des ambitions presque sans limite : Elon Musk veut faire de l’humanité une « espèce multiplanétaire » en colonisant Mars, et Jeff Bezos imagine un « trillion d’humains » – soit « mille Mozart, mille Einstein, mille de Vinci » – vivant dans des stations cylindriques en orbite.

« Nous avons perdu notre sens de l’optimisme à propos de l’avenir… le seul moyen que je connais pour le raviver, c’est d’utiliser la technologie pour créer l’abondance. » Ce credo a été formulé par Sam Altman, le PDG d’OpenAI moins de six mois après avoir lancé le robot conversationnel ChatGPT. Une profession de foi en faveur du techno-optimisme : « Nous pouvons bâtir une intelligence artificielle générale. Nous pouvons coloniser l’espace. Nous pouvons faire marcher la fusion nucléaire et massifier l’énergie solaire. Nous pouvons guérir toutes les maladies. Nous pouvons construire de nouvelles réalités ». Nick Bostrom, directeur du Future of Humanity Institute en rajoute : « Une superintelligence permettrait l’élimination du vieillissement, de la maladie et de la pauvreté, une durée de vie indéfinie ». Nick a cofondé en 1998 la World Transhumanist Association, il est donc une figure de proue du transhumanisme, mouvement visant à « améliorer » les capacités humaines par la technologie.

Le point de vue des écologistes les pieds sur Terre

le sceptique : C’est occidental et teinté de la culture chrétienne messianique voulant à tout pris créer un paradis (sur Terre, sur Mars ou ailleurs).

Olivier de B : Nous sommes à deux doigts de la sixième extinction de masse ; alors imaginer que l’on va pouvoir vivre mille ans grâce à la technologie…

DouceBrise : Tout ce beau monde ne doit son business qu’à l’énergie abondante et au déni face à l’épuisement des ressources planétaires. Au déni de la difficulté croissante qu’on aura à les obtenir (par extraction ou par recyclage) à mesure que nos formes d’énergies seront plus diluées et moins simples d’utilisation et de stockage que le pétrole. Il seront très vite rattrapés par notre réalité physique. L’humain ne sait pas apprécier une courbe exponentielle, dites-vous? Sans réaliser que la croissance infinie qu’il prône en est une belle, de courbe exponentielle. Je ne suis ni écologiste ni même responsable par mon bilan carbone, loin de là, mais j’ai la décence de dénoncer une escroquerie lorsque j’en vois une.

Jean.ne Monde : Ces choses arriveraient à un trop prix élevé. s’il faut parier, on ne décarbonera pas assez vite, la ruée vers les métaux spatiaux pour nourrir notre économie ne sera pas belle à voir, des millions d’espèces vont disparaître et des pans importants de la planète deviendront inhabitables. Des humains continueront à se battre pour du statut, du temps, des ressources, certains en grattant la terre, d’autres en fabricants des robots.

Le paraméen : L’ IA sera très utile aux dictatures qui vont se mettre en place avec les conséquences du réchauffement climatique. Il faudra mater les peuples qui subiront les catastrophes naturelles répétitives et de plus en plus intenses afin d’éviter le chaos. La Chine montre l’exemple de ce qu’il est possible de faire avec cette « merveilleuse » technologie. Bienvenue en enfer.

Jacques Testard : Qui peut croire que la situation matérielle des gens, en butte à des privations, des maladies et des violences dans un système capitaliste agonisant serait compatible avec leurs désirs de dépasser la condition humaine qu’ils viennent de perdre ? Affairés à trouver de quoi se nourrir, se soigner, se défendre, nos enfants (oui, c’est déjà pour eux…) réclameraient de guérir de maladies dégénératives ? Puisque la catastrophe environnementale ne dépend déjà plus de nous, elle devrait bientôt apparaître comme telle et ruiner les promesses des transhumanistes. Car si la qualité de l’environnement nous est vitale, nous n’avons aucun besoin de dépasser les limites de notre espèce.

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2057, ministère des Techniques appropriées (2022)

Réagir avec l’association Sciences critiques (2021)

ITER, symbole de la croyance technologique (2020)

synthèse, l’écologie, technophobe ? (2019)

La société du tout-énergétique, une vaste foutaise (2018)

La technoscience pour le + grand profit des industriels (2017)

synthèse, sur la « science sans conscience » (2016)

Les robots domineront le monde, nous serons leur esclave (2015)

Le moment où la technoscience devient insupportable ! (2014)

la technique est le problème, pas la solution (2007)

Tout savoir sur Ted Kaczynski, un précurseur

Theodore (dit Ted) Kaczynski est né le 22 mai 1942 et mort le 10 juin 2023. Professeur de mathématiques, il était diplômé de Harvard ; il se spécialise dans l’analyse complexe, notamment dans la théorie des fonctions géométriques. Il impressionne ses professeurs. En 1964, il trouve une preuve du théorème de Wedderburn n’utilisant que des résultats de théorie des groupes finis. Après avoir obtenu son doctorat, il enseigne à Berkeley. Moins de deux ans plus tard, en 1969, il démissionne et disparaît sans explications. Marqué par les travaux de Jacques Ellul et des néo-luddites, il adopte une forme de survivalisme et mène une vie proche de celle d’un ermite. En 1971, il s’exile dans une cabane de rondins, au fond d’une forêt du Montana. C’est de là que, pendant dix-sept ans, il va mener sa campagne de terreur à travers l’Amérique, jusqu’au 3 avril 1996, jour où les agents du FBI l’arrêtent.

En 1994, un publicitaire avait été tué par un autre colis piégé. Dans une lettre, Kaczynski justifie le meurtre en expliquant que le travail d’un publicitaire est le développement de techniques permettant la manipulation des gens. Ted justifie ainsi la violence de ses actes :

« À mon humble avis, l’utilisation de la violence (exemple : contre la réalisation de l’utopie d’une société technologique inhumaine), c’est de l’autodéfense. Certains peuvent en débattre, bien sûr. Si vous pensez que c’est immoral et inadéquat, alors vous devriez éviter TOUTE utilisation de la violence. Mais j’ai une question pour vous dans ce contexte : quel genre de violence a causé le plus de dégâts dans l’histoire de l’humanité ? La violence autorisée par les États ou la violence non autorisée, employée par des individus ? »

A l’heure où certain militants écologistes se posent la question de la violence et de la contre-violence dans un système thermo-industriel qui met en péril non seulement l’avenir de nos générations futures, mais les équilibres terrestres, son message mérite d’être connu. Mais quand LE MONDE avait fait un compte-rendu (très bref) de son procès, il n’y avait pourtant nulle trace d’une quelconque mention du message pro-nature et anti-techno de Ted.

« Unabomber », « fou » et « génial », face à ses juges : Theodore Kaczynski avait deux catégories privilégiées de victimes : les universitaires et scientifiques, d’une part, les passagers et cadres des compagnies d’aviation, de l’autre. Le FBI l’avait donc baptisé « UNA-bomber» (« UNiversity and Airline BOMber »). Ce sont les informations de David Kaczynski, le propre frère d’« Unabomber », qui ont mis la police sur la piste de l’ermite mathématicien. A l’ouverture du procès, lundi, Theodore Kaczynski a exigé de se défendre lui-même. Il se dit sain d’esprit ; il refuse des examens psychiatriques puis se déclare prêt à les accepter ; il propose de plaider coupable en échange de la vie sauve.

Le point de vue des écologistes enragés

Ted Kaczynski avait écrit dans son journal le 14 août 1983 :

« J’ai débuté une randonnée à pied , ce que j’ai trouvé m’a brisé le cœur. Le plateau était quadrillé de nouvelles routes, il était abîmé à tout jamais. C’était l’endroit le plus merveilleux et le plus isolé des environs… La seule chose qui pouvait désormais le sauver était l’effondrement de la société technologique. Le jour suivant, je me suis arrêté près d’une source d’eau pure et j’ai dit une sorte de prière. J’ai juré que je vengerais les dommages causés à la forêt.Vous pouvez deviner ce que j’avais à faire (…) La violence n’est pas mauvaise en elle-même, elle peut être bonne ou mauvaise selon la forme qu’elle prend et selon le but qu’elle vise. La société moderne inculque aux gens l’horreur de la violence car le système techno-industriel a besoin d’une population docile, une population qui ne posera pas de problème et qui ne perturbera pas le fonctionnement bien régulé du système.« 

Robespierre : Unabomber était un personnage hautement lucide et très respectable. Le combattant solitaire d’une juste cause plutôt qu’un terroriste. La grande classe à vrai dire.

Corentin : Des personnes avec une certaine sensibilité comme lui ont perçu des décennies avant les autres le massacre de l’environnement. Sa violence a masqué son message. Il aurait été préférable qu’il se contente comme les autres d’une pancarte, mais ça n’aurait strictement rien changé au pays du NASCAR, des pick-ups et les 45 000 vols aériens par jours (chiffre FAA).

Pangeran : « Croisade contre le progrès et les technologies ». Plutôt qu’un terroriste, un visionnaire je dirais. Il voyait déjà le vaste bazar que provoquerait le « progrès technologique » (les premiers minitels étaient déjà à l’œuvre, on rêvait d’un avenir électro-ménager). Certes les moyens employés sont ceux de son époque (détournements d’avion des Palestiniens, enlèvements des Brigades Rouges, bombes de l’IRA), mais son combat pourrait être prémonitoire.

le sceptique : Les éco-terroristes ont perdu un pionnier. Je ne vois pas en quoi il était malade psychiatrique. Son propos était assez cohérent : à partir du moment où vous avez une croyance conflictuelle radicale (« la nature est massacrée par la technologie, je dois défendre la nature, il me faut massacrer la technologie »), la suite est logique. Il y aura probablement d’autres radicaux animés par cette vision et passant à l’acte violent. Il est un peu facile de chercher à psychiatriser systématiquement en fuyant le débat de fond sur le niveau de dangerosité des idéologies. Les ultras nationalistes ou communistes ou anarchistes ou intégristes religieux peuvent être très violents (eux évidemment, ce n’est pas le couple nature-technologie, mais d’autres schémas).

MH : Ted, un précurseur d’Andreas Malm, l’activiste danois qui nous a été présenté en avril dernier comme « le Lénine de l’écologie qui invite le mouvement climat à dépasser le pacifisme pour lutter contre le « capitalisme fossile » » ?

untel : Sa biographie montre que les écolos ne se contentent pas toujours de jets de soupe.

Une présentation du livre de Theodore Kaczynski

« L’effondrement du système technologique »

 (édition Xénia, 2008)

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KACZYNSKI (2007)

Kaczynski sans portable (2008)

Des bombes contre la société industrielle, Kaczynski (2014)

Kaczynski contre la technologie cloisonnée (2019)