Crispr-CAS9, La guerre entre génophobes et génophiles

Plus de 150 organisations non gouvernementales (ONG) ont appelé à un moratoire sur les techniques de « forçage génétique »*. Les nouvelles méthodes d’édition du génome – comme Crispr-CAS9 – rendent en effet possible des manipulations génétiques à grande échelle.

« Le forçage génétique est délibérément conçu pour se diffuser et persister, sans considération pour les frontières nationales, écrivent les organisations signataires de l’appel. « Il n’est pas possible de prédire les effets écologiques en cascade de la diffusion [d’une modification génétique] dans les écosystèmes sauvages », les gènes introduits « pourraient se diffuser de manière irréversible » et « franchir la barrière des espèces ». Les pétitionnaires demandent un moratoire sur les applications bien sûr, mais aussi sur la « recherche appliquée ». Des scientifiques s’insurgent contre toute censure de leurs gagne-pain ! On retrouve le même débat qui avait animé les politiques à propos des OGM, où mettre des limites dans la recherche scientifique ? Les commentateurs s’opposent sur lemonde.fr :

Becane Joël : Encore des docteurs Folamour en action …. Mais bon certains vont nous dire que le principe de précaution empêche de faire des affaires …

greenpower : Interdire la recherche c’est inacceptable. On dirait l’église catholique il y a 500 ans. Vraiment ça prouve que de plus en plus l’écologie se pose en gardien de la vérité et se comporte comme une religion. Qu’on empêche les applications ou qu’on y mette un cadre d’accord mais qu’on empêche la recherche fondamentale, c’est proche du totalitarisme.

Hop : Si les boîtes qui commercialisent ces cochonneries se plantent, elles vendront des médocs pour soigner ce qu’elles auront causé. Business is business. Sauf si un jour elles n’arrivent pas à trouver de médoc. On ne peut pas penser à tout.

Toutou : On rejoue la guéguerre contre les OGM qui a fait perdre toute son avance à la recherche française…pas grave le reste du monde avance.

Doumé : Oui c’est vrai que les agriculteurs français auraient été tellement plus heureux de s’endetter auprès de Monsanto et autres pour acheter des OGM qui fonctionnent à moitié et les empoisonnent. D’ailleurs l’introduction des OGM en Inde est une réussite majeure… http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2012/04/26/les-promesses-non-tenues-du-coton-ogm-en-inde_1691714_3244.html

Max Lombard : Si les ONG avaient existé il y a un million d’années, nous mangerions froid, le feu étant jugé trop dangereux.

Hop : Si les OGM avaient existé il y a un million d’année, nous mangerions les pissenlits par la racine. Mais c’est vrai, c’est tellement plus grisant : au diable la prudence. C’est un peu comme faire du 180 sur l’autoroute avec un bandeau sur les yeux. Y’a que les hommes, les vrais, pour oser. Pour oser nous envoyer dans le mur.

* LE MONDE du 6 décembre 2016, Bioingénierie : un appel contre le « forçage génétique »

6 réflexions sur “Crispr-CAS9, La guerre entre génophobes et génophiles”

  1. Monsieur Barthès
    Quant à votre dernière interrogation. Le biologiste Henri Laborit disait et expliquait comment tous les rapports humains reposaient sur la notion de domination et donc de hiérarchie. Cette notion a une histoire, elle n’est pas inscrite dans nos gènes. Il disait que l’agressivité n’était pas innée et que l’homme ne se sauvera qu’avec une nouvelle «grille» de lecture du monde (La nouvelle grille – 1974). Bref, il faudrait recâbler tous nos cerveaux… Cela rejoint l’expression de l’économiste Serge Latouche quand il parle de « décoloniser les imaginaires ».

    Aujourd’hui le pouvoir n’est plus une affaire de gros muscles ni de grosse massue, il est notamment lié à l’argent. Et nous savons à quoi correspond l’argent et d’où il vient etc.
    Ce qui corrompt c’est en effet le pouvoir, plus exactement il s’agit de ce « besoin » de domination. Ce « besoin » ne vise pas que les autres , mais aussi la nature.

    Voilà ce qu’Henri Laborit disait exactement dans le film Mon oncle d’Amérique (1980) d’ Alain Resnais : « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chance qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »

  2. Je reste un fervent admirateur de la science en tant que source de connaissance, j’en suis de plus en plus un détracteur en tant que source d’amélioration de nos conditions de vie (même si ponctuellement des individus, moi compris, peuvent pour leur propre sort bénéficier des avancées de la médecine).

    Par le pouvoir qu’elle nous donne sur la nature, la science nous a permis de toujours plus transformer notre biosphère et il y a globalement une corrélation tout a fait incroyable entre ce pouvoir et la dégradation de la nature.

    Je fais le pari pessimiste que le sens de cette corrélation ne peut être inversé, que fondamentalement plus de pouvoir revient à plus de destruction. En ce sens, et selon moi, sont condamnées beaucoup des idées et des initiatives d’écologistes, par ailleurs sincères, qui voient dans telle ou telle technologie une voie de sortie. Ce qu’il nous faut au contraire c’est moins de pouvoir (ce « moins de pouvoir » devrait être d’ailleurs le socle de la décroissance, la décroissance matérielle n’en étant que l’expression concrète).

    On dit parfois au sens politique que le pouvoir corrompt (et qu’il corrompt d’autant plus absolument qu’il est lui même absolu). Je me demande si nous ne pourrions pas généraliser cette maxime à l’espèce entière et à ses activités.

  3. Bonsoir
    Les 7 commentaires que reprend l’article résument tout ce qu’on entend généralement sur ce genre de sujet. Des lieux communs qui sont intéressants à décortiquer.
    Ici, comme sur d’autres sujets scientifiques, il semble qu’il n’y ait pas de place pour le « ni-ni », pour le vote blanc. Ici on est pour ou on est contre, on y croit ou on n’y croit pas ! Pas de place pour les agnostiques ! Et comme souvent, deux visions du monde s’affrontent (question d’angle de vue.) Ici il s’agit de deux visions de l’homme.

    1) Pour diverses raisons on peut faire partie de ces … disons, optimistes… qui croient au Progrès comme on croit en Dieu. Et ceux-là ne voient en face d’eux qu’une bande de mécréants rétrogrades, et poltrons de surcroît, qui si on les avait écouté nous auraient laissé à l’âge des cavernes.
    Pour diverses raisons, on peut donc être viscéralement attaché à cette croyance que l’homme ne peut que progresser techniquement, et de là attaché à ce besoin de toujours mieux, « mieux » étant alors associé à « plus ».
    Souvent comme ultime argument, ils vous diront « on n’arrête pas le progrès ! » Comme le dit Monsieur Barthès, sur quelle table de la loi ceci-est il gravé ?

    2) Pour diverses raisons on peut voir différemment cet homme qui agit sur le monde. On peut déjà être prudent, peut-être par nature… et surtout méfiant au regard de ce que ce « progrès » nous apporte, au delà du Bonheur qu’il est censé représenter (chat échaudé craint l’eau froide). On peut donc être, comme moi, viscéralement attaché au principe de précaution, et à une certaine sagesse.

    Didier Barthès pose de bonnes questions. Déjà, quel est l’objectif des OGM ? Les optimistes nous disent que ça permettra d’obtenir de meilleurs rendements. Là dessus nous pouvons leur faire confiance. Que par exemple nous pourrons obtenir de meilleurs rendements avec des plantes demandant moins d’eau, un progrès donc en cette période où les sécheresses risquent de devenir fréquentes.
    Oui d’accord… mais pourquoi vouloir augmenter ces rendements ? Et c’est là qu’on nous dit que les OGM permettront de nourrir les 11 milliards à venir. En effet, nous avons beau le déplorer mais la population va continuer à croître. Nous en avons déjà parlé… Là je dirais déjà, commençons par nous occuper du gaspillage alimentaire, arrêtons d’épuiser les sols (les rendements n’étaient pas si catastrophiques autrefois), occupons-nous de la misère et des inégalités, etc, etc.

    Aussi bien chez les premiers (les optimistes, qui ne savent pas mieux que moi ce que sont les OGM et Crispr-CAS9) que chez ceux qui gagnent un max d’argent avec les techniques d’obtention et le commerce de ces OGM, la principale préoccupation n’est rien d’autre que le toujours plus (croissance économique).
    Le leader mondial sur le domaine des OGM est le célèbre Monsanto. Leur charte éthique (bien sûr ils en ont une, c’est à la mode) vaut le détour. Quant on sait que Monsanto fabrique des plantes GM rendues résistantes à leur célèbre Roundup (glyphosate + ????), qui selon eux ne présente aucun danger… je suis en droit de douter de la philanthropie de ce monde là.

    Selon moi il y a déjà un moment que nous avons ouvert la boite de Pandore, et maintenant on bricole le vivant. Vraiment il n’y a plus de limites ! L’homme se prend vraiment pour Dieu.

    Je ne suis pas opposé à la science, bien au contraire, nos connaissances reposent sur les sciences. Nous devons faire progresser nos connaissances, et dans tous les domaines. Je reste donc attaché à la recherche fondamentale. Bien entendu il s’agira de définir des priorités, par exemple est-il plus urgent de cartographier la Voie Lactée ou bien de mieux connaître le génome de tel ou tel organisme ? N’oublions pas non plus que beaucoup de grandes découvertes se font par hasard.
    Bien entendu la recherche présente des risques, surtout certains types de travaux, mais de ce côté là je fais confiance aux scientifiques pour les estimer et les gérer, tant que tout ça reste dans les laboratoires.
    Je suis beaucoup plus critique vis à vis des recherches appliquées et surtout des techniques. Les techniques sont censées être au service de l’homme, hélas elles sont au service du Capital.

  4. Bonsoir
    Les 7 commentaires que reprend l’article résument tout ce qu’on entend généralement sur ce genre de sujet. Des lieux communs qui sont intéressants à décortiquer.
    Ici, comme sur d’autres sujets scientifiques, il semble qu’il n’y ait pas de place pour le « ni-ni », pour le vote blanc. Ici on est pour ou on est contre, on y croit ou on n’y croit pas ! Pas de place pour les agnostiques ! Et comme souvent, deux visions du monde s’affrontent (question d’angle de vue.) Ici il s’agit de deux visions de l’homme.

    1) Pour diverses raisons on peut faire partie de ces … disons, optimistes… qui croient au Progrès comme on croit en Dieu. Et ceux-là ne voient en face d’eux qu’une bande de mécréants rétrogrades, et poltrons de surcroît, qui si on les avait écouté nous auraient laissé à l’âge des cavernes.
    Pour diverses raisons, on peut donc être viscéralement attaché à cette croyance que l’homme ne peut que progresser techniquement, et de là attaché à ce besoin de toujours mieux, « mieux » étant alors associé à « plus ».
    Souvent comme ultime argument, ils vous diront « on n’arrête pas le progrès ! » Comme le dit Monsieur Barthès, sur quelle table de la loi ceci-est il gravé ?

    2) Pour diverses raisons on peut voir différemment cet homme qui agit sur le monde. On peut déjà être prudent, peut-être par nature… et surtout méfiant au regard de ce que ce « progrès » nous apporte, au delà du Bonheur qu’il est censé représenter (chat échaudé craint l’eau froide). On peut donc être, comme moi, viscéralement attaché au principe de précaution, et à une certaine sagesse.

    Didier Barthès pose de bonnes questions. Déjà, quel est l’objectif des OGM ? Les optimistes nous disent que ça permettra d’obtenir de meilleurs rendements. Là dessus nous pouvons leur faire confiance. Que par exemple nous pourrons obtenir de meilleurs rendements avec des plantes demandant moins d’eau, un progrès donc en cette période où les sécheresses risquent de devenir fréquentes.
    Oui d’accord… mais pourquoi vouloir augmenter ces rendements ? Et c’est là qu’on nous dit que les OGM permettront de nourrir les 11 milliards à venir. En effet, nous avons beau le déplorer mais la population va continuer à croître. Nous en avons déjà parlé… Là je dirais déjà, commençons par nous occuper du gaspillage alimentaire, arrêtons d’épuiser les sols (les rendements n’étaient pas si catastrophiques autrefois), occupons-nous de la misère et des inégalités, etc, etc.

    Aussi bien chez les premiers (les optimistes, qui ne savent pas mieux que moi ce que sont les OGM et Crispr-CAS9) que chez ceux qui gagnent un max d’argent avec les techniques d’obtention et le commerce de ces OGM, la principale préoccupation n’est rien d’autre que le toujours plus (croissance économique).
    Le leader mondial sur le domaine des OGM est le célèbre Monsanto. Leur charte éthique (bien sûr ils en ont une, c’est à la mode) vaut le détour. Quant on sait que Monsanto fabrique des plantes GM rendues résistantes à leur célèbre Roundup (glyphosate + ????), qui selon eux ne présente aucun danger… je suis en droit de douter de la philanthropie de ce monde là.

    Selon moi il y a déjà un moment que nous avons ouvert la boite de Pandore, et maintenant on bricole le vivant. Vraiment il n’y a plus de limites ! L’homme se prend vraiment pour Dieu.

    Je ne suis pas opposé à la science, bien au contraire, nos connaissances reposent sur les sciences. Nous devons faire progresser nos connaissances, et dans tous les domaines. Je reste donc attaché à la recherche fondamentale. Bien entendu il s’agira de définir des priorités, par exemple est-il plus urgent de cartographier la Voie Lactée ou bien de mieux connaître le génome de tel ou tel organisme ? N’oublions pas non plus que beaucoup de grandes découvertes se font par hasard.
    Bien entendu la recherche présente des risques, surtout certains types de travaux, mais de ce côté là je fais confiance aux scientifiques pour les estimer et les gérer, tant que tout ça reste dans les laboratoires.
    Je suis beaucoup plus critique vis à vis des recherches appliquées et surtout des techniques. Les techniques sont censées être au service de l’homme, hélas elles sont au service du Capital.

  5. Pour moi c’est clairement contre les OGM et pour de nombreuses raisons
    – Prendre un risque n’a de sens que pour une chose partielle, prendre un risque sur la totalité de notre existence sur la planète est tout simplement inconcevable.
    – Le rappel de projets ou d’innovation qui n ‘ont pas conduit à l’extinction de l’humanité ne nous dit rien sur ce qui se passe actuellement en particulier face à quelque chose de tout à fait nouveau, l’implication dans les mécanismes du vivant et de la reproduction.
    – Les OGM servent parfois (sinon souvent) à permettre aux plantes de résister à des herbicides et des pesticides, c’est à dire que leur usage nous conduira à ingurgiter des aliments qui auront été toujours plus traités. Il y a là une très dangereuse menace de second ordre (celle de premier ordre étant que les aliments OGM soient eux-mêmes dangereux).
    – Et surtout, quel est l’objectif des OGM ? D’une manière ou d’une autre, obtenir de meilleurs rendements pour nourrir toujours plus de monde. Inutile de revenir ici sur tous les inconvénients qu’auraient par ailleurs un tel objectifs si par malheur il était atteint. Ou est-il écrit qu’on doit être plus nombreux ? Sur quelle table de la loi ceci-est il gravé ?

  6. Pour moi c’est clairement contre les OGM et pour de nombreuses raisons
    – Prendre un risque n’a de sens que pour une chose partielle, prendre un risque sur la totalité de notre existence sur la planète est tout simplement inconcevable.
    – Le rappel de projets ou d’innovation qui n ‘ont pas conduit à l’extinction de l’humanité ne nous dit rien sur ce qui se passe actuellement en particulier face à quelque chose de tout à fait nouveau, l’implication dans les mécanismes du vivant et de la reproduction.
    – Les OGM servent parfois (sinon souvent) à permettre aux plantes de résister à des herbicides et des pesticides, c’est à dire que leur usage nous conduira à ingurgiter des aliments qui auront été toujours plus traités. Il y a là une très dangereuse menace de second ordre (celle de premier ordre étant que les aliments OGM soient eux-mêmes dangereux).
    – Et surtout, quel est l’objectif des OGM ? D’une manière ou d’une autre, obtenir de meilleurs rendements pour nourrir toujours plus de monde. Inutile de revenir ici sur tous les inconvénients qu’auraient par ailleurs un tel objectifs si par malheur il était atteint. Ou est-il écrit qu’on doit être plus nombreux ? Sur quelle table de la loi ceci-est il gravé ?

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