Aliénation et habitudes cérébrales, notre boulet
Une étude parue dans la revue « Nature » montre comment la dopamine, loin d’intervenir seulement dans l’apprentissage fondé sur la récompense, opère aussi dans la mise en place des habitudes. Les auteurs se sont focalisés sur les neurones qui se projettent vers la queue du striatum. Ils ont d’abord appris à des souris une tâche de discrimination auditive (…) Mais des expériences sur les souris ne disent rien des manipulations mentales qui affectent les humains.
Florence Rosier : Sur le plan comportemental nos habitudes, ces actions un rien rigides, sont décorrélées de la valeur de la récompense attendue : elles se basent exclusivement sur la fréquence de nos actions passées. Les modalités d’apprentissage sont fondées sur un messager chimique du cerveau : la dopamine. Sécrétée par des neurones dits « dopaminergiques », la dopamine joue un rôle essentiel dans le mouvement, la motivation, le plaisir et la récompense. On opte soit pour l’alternative la plus valable, soit pour celle qu’ils ont la plus fréquemment choisie. Les neurones impliqués dans le codage de la récompense (le système EPR) formate un conditionnement. Mais si vous remplacez une action de manière suffisamment constante, comme mâcher un chewing-gum à la nicotine au lieu de fumer, le système de l’EPA (exécuter l’action en fonction de sa fréquence passée) peut prendre le relais et former une nouvelle habitude.
Le point de vue des écologistes psycho-pédagogues
Nos société secrètent des habitudes par la répétition publicitaire, par la répétition des mots d’ordre de l’extrême droite ou des réseaux sociaux, par la répétition des mythes contemporains (croissance, progrès, technologie). Difficile d’aller contre ce bourrage de crâne, sauf à savoir prendre de la distance par rapport à ce qu’on veut nous imposer. Tout dépend alors de la socialisation primaire par le réseau familial qui formate un esprit actif ou passif. Tout dépend de l’engagement d’un individu qui cherche (ou non) à aller au-delà de ses habitudes de penser. Sinon il ne m’est pas possible d’être autrement que ce que les autres ont déterminé pour et en moi. L’aliénation est un aspect structurel de notre comportement.
Voici quelques éléments de réflexion tirés de notre dictionnaire personnel
Plus nous sommes ignorant, plus nous nous croyons libre parce que nous ne percevons pas les causes de notre aliénation. La liberté de l’individu n’acquiert un sens que dans le respect des contraintes du jeu social. Notre seule liberté, c’est de faire évoluer les règles si elles sont perfectibles, et de les refuser si elles sont inacceptables.
Juridiquement, aliéner un bien, c’est le donner ou le vendre. En psychiatrie, ce terme est employé quand les troubles mentaux entraînent la dépersonnalisation de l’individu, l’être humain devient étranger à lui-même. Quand on applique ce terme à la réalité humaine ordinaire, il s’agit d’être dépossédé de soi-même, de correspondre à l’image que l’autre voudrait que nous projetions. L’aliénation indique donc la soumission, volontaire ou non, à autrui. En fait, c’est ce que réalise n’importe quelle socialisation (qui est d’abord un conditionnement), l’humain est donc aliéné par essence. Vivant dans la nature il est soumis à celle-ci, à ses déterminismes ; cherchant dans l’au-delà des compensation à sa misère dans ce monde, il s’aliène dans la religion ; dans les conditions de travail du capitalisme, il est esclave de ses employeurs ; sur le plan de ses idées, il est inconsciemment soumis à l’idéologie de la classe dominante.
Mais puisque nous vivons dans un monde sans dieux, alors tout ce que le monde contient relève de notre responsabilité : l’éthique, la spiritualité, la société, la culture, tout ce qui fait notre pensée et notre existence. Notre liberté, c’est uniquement de nous rendre compte de nos déterminismes pour pouvoir les dépasser, c’est instituer une sorte d’aliénation positive qui nous fait retrouver une vérité intérieure. Puisque nous sommes notre propre invention de soi, nous avons le choix. Mais cette liberté de tout un chacun doit être nécessairement limitée pour pouvoir s’exercer, à défaut de quoi l’arbitraire individuel permettrait à quiconque de mettre à profit sa supériorité physique, économique ou statutaire pour limiter la liberté d’autrui. Dès lors ce n’est que la contrainte sociale, réglementation, loi, norme, coutume… qui peut garantir l’existence et l’exercice de la liberté de chacun. Il y a nécessairement aliénation, et liberté seulement par la prise de conscience de cette aliénation que nous pouvons juger normale. Il faut que nous prenions conscience de nos déterminismes pour nous en libérer, pour devenir vraiment libre, pour modifier dans le bon sens l’ordre du monde.
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Dopamine/sérotonine, le plaisir est ennemi du bonheur
extraits : L’écologie s’intéresse aux rapports complexes entre nature et culture, donc aux liens entre dopamine et plaisir, sérotonine et bonheur, finalement au choix entre bonheur et plaisir. Le plaisir est de courte durée, le bonheur de longue durée ; le plaisir est viscéral, le bonheur est spirituel ; le plaisir s’obtient en prenant, le bonheur a plutôt à voir avec donner ; le plaisir peut s’obtenir seul, le bonheur est généralement atteint au sein d’un groupe social. Le plaisir extrême peut conduire à l’addiction, mais il n’y a rien qui ressemble à une addiction au bonheur. Enfin, la septième et dernière différence est que plaisir et bonheur dépendent de deux neurotransmetteurs distincts : dopamine pour le plaisir, sérotonine pour le bonheur….
Thierry Ripoll et Sébastien Bohler
extraits : Le phénomène de dévalorisation temporelle constitue une autre caractéristique. Plus un avantage est éloigné dans le temps, moins il a de valeur pour notre cerveau. On donne le choix à un enfant soit de manger un marshmallow tout de suite, soit d’en recevoir un second s’il résiste quelques minutes. La plupart des enfants se jettent sur la première option car ils ne peuvent résister à l’attrait de l’instantanéité. Le striatum guide cette décision parce qu’il donne immédiatement de la dopamine. Quant aux autres enfants, leur choix est surtout lié au fait que leurs parents les ont éduqués à résister à leur impulsion face aux envies. Plus vous êtes dans un monde où on vous propose tout, tout de suite, moins vous êtes capable de patienter et de refuser le plaisir immédiat en raison des enjeux futurs….
Notre cerveau nous pousse à détruire la planète
extraits : A qui la faute si la planète est en cours de destruction ? A notre cerveau, et plus particulièrement au striatum répond Sébastien Bohler. Le striatum est fait pour que nous recherchions activement et sans limite sexe, nourriture, pouvoir, rang social, information. Quand nous les trouvons, le circuit de la récompense asperge alors les neurones avec de la dopamine et procure un plaisir addictif plus puissant que les parties raisonnables de notre cerveau. En neuroanatomie, le striatum est une structure nerveuse subcorticale. Cette structure profonde de notre cerveau fonctionne à grand renfort de dopamine et ne possède pas de fonction stop ; il y a recherche incessante du plaisir. Ainsi, avec la consommation de masse du sexe, le problème n’est plus la quantité, le problème est de s’arrêter. L’addict au sexe virtuel ne découvre l’impasse que lorsqu’il commence à souffrir de troubles sexuels et de dysphorie ; les troubles de l’érection ont doublé au cours de la dernière décennie, de façon parallèle à l’essor de la pornographie sur Internet.
Notre striatum ne dit rien de nos besoins
extraits : Le cerveau des vertébrés et des mammifères possède des structures cérébrales profondes, dont le système de récompense est, en son centre, le striatum. Cette structure nerveuse incite les êtres vivants à accomplir des comportements sans limites fixées a priori, en leur donnant du plaisir sous forme d’une molécule, la dopamine. Aujourd’hui, nous continuons à produire de plus en plus de nourriture, de plus en plus riche, pour cette partie fondamentale de notre cerveau, qui n’est pas programmée pour s’autolimiter. La suralimentation, l’obésité, le surpoids et l’émission d’un quart des gaz à effet de serre sont dus à l’absence de limite dans la satisfaction de nos besoins alimentaires….
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