Perdre l’imaginaire de la nature nécessite de le retrouver

« Dans notre imaginaire, le monde naturel bat en retraite. Il s’amenuise et s’appauvrit. Dans l’univers merveilleux de Disney, les décors naturels sont moins présents : ils occupaient en moyenne 80 % du temps dans les films produits dans les années 1940, contre environ 50 % dans les années 2010. De plus, lorsque des environnements naturels sont représentés, il s’agit de plus en plus de paysages anthropisés (zones agricoles, jardins, etc.). Surtout, le nombre d’espèces animales apparaissant dans chaque film baisse continuellement avec les années. Les enfants jouent moins dans la nature et, lorsqu’ils deviennent scénaristes, tendent à moins la représenter dans les histoires qu’ils écrivent… contribuant à leur tour à forger chez les enfants un imaginaire toujours plus éloigné des beautés du vivant. Le monde sauvage et libre s’efface peu à peu. Comment préserver ce qui a déserté notre imaginaire ? »*

 Ce texte de Stéphane Foucart mérite réflexion, d’autant plus que c’est minimiser le drame, notre éloignement croissant d’avec la nature. Il prend comme exemple Walt Disney qui avait pour fond de commerce la vie anthropisée des animaux. Mais que dire de tous ces films et ces séries télévisées qui ont la ville immense comme fond d’écran ou bien le face à face interhumain dans une pièce close. Voici quelques commentaires sur lemonde.fr, mais l’essentiel est d’adhérer à une association environnementaliste tant qu’il reste encore un peu de Nature.

 Nathan Novella : Concernant Disney, l’explication réside aussi dans le fait que les personnages principaux sont de moins en moins des animaux et de plus en plus souvent des humains. Fatalement, ils sont confrontés à moins d’animaux différents. Sinon, que dire à part que c’est logique ? Il ne faut pas forcément le voir comme une mauvaise chose, c’est juste une évolution. Nous vivons dans des villes, donc nous écrivons des histoires sur les villes.

 Michel Sourrouille : Oui Nathan, nous sommes victimes d’un anthropocentrisme croissant, les humains d’abord. Mais comme les villes n’ont plus de lien direct avec les ressources, alimentaires entre autres, quand il y aura contraction économique à cause de la déplétion énergétique, les citadins vont souffrir énormément. J’espère qu’avant d’en arriver là, les citadins comprendront qu’il faut d’urgence écrire des histoires sur les campagnes et voudront retrouver la Nature…

 Jean Latu : Avec les pesticides, les files ininterrompues de camions sur l’autoroute, les laides éoliennes qui font du bruit, les avions qui larguent leur pollution, les abeilles qui meurent, la désertification médicale, tout le monde ne rêve que d’un chose, vivre dans les grandes villes et surtout à Paris-Boboland.

 Aline Maginot : Enfin une bonne nouvelle. L’imaginaire se modernise et se dénaturalise, il rattrape les conditions de vie effective : pas trop tôt. Qu’est-ce qu’on en a à faire, au fond, que les petits citadins s’intéressent au fait que le lait vient des vaches plutôt que de l’usine de briquettes ? Qu’ils le sachent, OK. Mais que cela nourrissent leur imaginaire, non. Au-delà de Disney, on peut penser la France va enfin pouvoir sortir de sa condition de nation paysanne collée à la Terre qui ne ment pas.

 Philippe Zunzarren : Il suffit simplement de parcourir une galerie d’art pour se rendre à l’évidence que la « nature » n’intéresse quasiment plus personne. Certes il existe encore une ultra minorité de gens sensibles aux thèmes de la nature mais cela ne peut pas faire vivre un artiste. La Nature n’a plus du tout les faveurs de notre imaginaire. Pauvre Caspar David Friedrich (ndlr : l’homme pour qui l’art se présentait comme médiateur entre la nature et l’homme et qui a découvert la « tragédie du paysage ») . L’Humanité me semble à terme condamnée.

* LE MONDE du 18-19 mai 2014, L’imaginaire de la nature en voie de disparition