épuisement des ressources

Planification impérative écolo, notre destin

Qui peut imaginer que le défi écologique pourra se relever à la marge ? Si nous n’opérons pas de manière planifiée, à quoi ferons-nous appel ? Au marché, dont on connaît le peu de cas qu’il fait de l’intérêt général ? A la vertu de l’humanité qui, comme chacun le sait, présente quelques fragilités ? Certes une planification centralisée est inopérante dans une société complexe, la variation des prix est un mode de régulation qui sert à échanger de façon décentralisée des informations sur les préférences de chacun : la loi de l’offre et de la demande détermine de façon presque automatique ce qu’il faut produire et consommer. Cependant la montée croissante des pénuries (eau, énergie, forêts, terres cultivables…) résulte de la guerre à la planète que l’économie libre et croissanciste a engendré. Alors il devient plus facile de déterminer les choix fondamentaux, le niveau des besoins à satisfaire absolument et les secteurs d’activité à abandonner. Après la simplicité volontaire d’une infime minorité, la sobriété partagée par tous, de gré ou de force !

Lire, Planification publique et carte carbone

Matthieu Goar : L’exécutif est au pied du mur. En quelques mois, le gouvernement va devoir réviser la stratégie nationale bas carbone (neutralité carbone en 2050) et projeter le tout dans une loi de programmation sur l’énergie et le climat. Jeudi 25 mai, Emmanuel Macron devait illustrer son engagement en consacrant un déplacement à l’environnement dans le Var. Et puis l’actualité de court terme a, comme trop souvent, bousculé le combat du siècle : le chef de l’État a choisi de se rendre, ce jour-là, à un hommage national consacré aux trois policiers tués dans un accident de voiture ! D’un côté, on a Macron qui n’a jamais intellectualisé sa pensée sur le sujet écolo. De l’autre, on a Mme Borne qui délivre un récit à la fois froid, technocratique et superficiel. Y aura-t-il des zones interdites aux voitures ? Comment sera réparti l’hydrogène entre les cimentiers et les avionneurs ? De combien de térawattheures disposeront les data centers, de plus en plus gourmands ?

Au pied du mur, il faudra bien tenter d’impliquer le maximum de citoyens malgré des contraintes impopulaires.

Le point de vue des écologistes plus ou moins réalistes

Floréal : A part une rupture avec le système capitaliste, difficile d’y parvenir. Et cela ne fait pas partie des schémas mentaux de nos élites politiques, E. Macron en particulier.

Réaliste : Après make our planet great again, le locataire de l’Élysée a parlé des amishs et a refusé de reprendre sans filtre plusieurs propositions parmi les 147 de la convention citoyenne sur le climat. Il demande leurs avis aux lobbies de l’automobile, du nucléaire, des chasseurs, de la FNSEA… et il macrone.

MarcRaph : Ce n’est pas le gouvernement qui doit affronter des choix difficiles, ce sont la population et les entreprises qui doivent le faire !

Seb75 : C’est aux entreprises de faire la transition écolo, pas l’État. De la même manière cette idée de planification écologique c’est n’importe quoi ! Pourquoi pas un plan quinquennal soviétique tant qu’on y est ?? On n’est pas dans le Gosplan ! On doit impulser des politiques publiques incitatives en faveur de la sobriété écolo en donnant des avantages fiscaux et sociaux pour les comportements écolos vertueux.

Ludo : Quand est-ce que la sobriété sera placée au cœur du débat ? A-t-on vraiment besoin de changer d’habits/de voiture/de téléphone/etc…aussi souvent ? Si nous, collectivement consommons moins mécaniquement on polluera moins et on ne sera pas plus malheureux !

Michèle de Dordogne : Le gouvernement ne sait pas comment faire. Chaque projet d’éoliennes (qui défigurent notre si beau pays), chaque projet de parc de panneaux solaire (qui détruisent des hectares de forêts) entraîne la fronde et des actions en justice de riverains qui n’en veulent pas et bloquent tout. C’est même une taxe (écolo) sur le gaz oil qui a déclenché l’épisode des gilets jaunes. Facile de donner des leçons : les Yaka faucon ne sont décidément pas une espèce en voie de disparition.

Rochefort : L ensemble des politiques , journalistes , hommes de savoir débattent doctement de méthodes pour réaliser telle ou telle choses. Pour moi c est prendre LE PROBLÈME à L’ENVERS. Il faut au départ DÉFINIR ce qu’un MAXIMUM DE FRANÇAIS souhaite dans les domaines , logements , nourritures , culture , temps libre , santé etc
ET a partir de
leur CHOIX, entériner par referendum pour passer aux réalisations.

Zoe4444 : la neutralité carbone ne veut rien dire pour la plupart d’entre nous concrètement dans nos vies quotidiennes. Il faudrait le décliner sur nos vies. ça va probablement nécessiter des changements drastiques qu’on ne perçoit pas et un grand risque de se retrouver piégés : voiture thermique invendable pour financer une électrique; nécessité de déménager pour être plus proche de son lieu de travail mais impossibilité de vendre son logement qui ne vaudra plus rien, etc…

Amiral Bragueton : Pourquoi ne pas organiser une grande Convention Citoyenne sur le Climat, qui pourrait faire des propositions ?

Quoicoubé : Beaucoup d’entre nous sont prêts à des efforts à partager par tous les acteurs, efforts qui nécessitent une remise en question aussi du modèle économique qui a conduit à cette impasse. Pour l’instant je ne vois que l’effet de gaz lacrymogène en réponse à l’effet de serre et la matraque en réponse aux manifestants conscientisés qui remettent en question les projets de bassines, d’ autoroute inutiles et interpellent les entreprises les plus en pointe en pollution environnementale.

ExtinctionRebellion : Je mets mon billet qu’il ne se passera rien. Ni sous Macron, ni sous le (la) candidat(e) de droite dure qui lui succédera. Et ensuite, il sera trop tard pour organiser l’atterrissage. Ce sera donc un gros crash…

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere

octobre 2022

Planification, faire de la France une « nation verte »

extraits : Les seules proposition qui font sens seront dures à avaler : faudrait revenir en arrière. Un exemple, le logement. Que dire des « passoires thermiques », que faire pour diminuer la dépense énergétique liée au chauffage ? La première solution est assez évidente : chauffer moins, beaucoup moins. En 1945, on ne chauffait que la cuisine qui était aussi la pièce à vivre. On trouvait normal que les pièces moins occupées telles les chambres, ne soient pas chauffées. Aujourd’hui il serait normal de sacrifier son confort afin de limiter le nombre de radiateurs et donc notre consommation énergétique. La deuxième solution est d’ordre culturel : accepter de vivre ensemble dans de plus petites surfaces…

Économie de guerre, planification, règle verte

extraits : Nous avons fait la guerre à la planète, épuisé ses richesses et ses potentialités, il est urgent de faire la paix. Mais cela veut dire aller à l’essentiel, pratiquer le rationnement pour une sobriété partagée et ce sur une période très très longue. Cela veut dire aussi entrer dans une « économie de guerre ». Ce terme revêt plus fréquemment un usage métaphorique qui a été utilisée au cours de la pandémie de Covid-19 pour justifier les confinements. Il s’agit de justifier un rôle plus fort de l’État dans l’économie, d’aller à l’encontre du libéralisme économique. Derrière la question de la guerre, c’est finalement le rôle de l’État dans l’économie qui fait débat..

Mai 2022

Planification écologique, notre synthèse

Planification écologique en Suède

Planification écologique, un gadget ?

Planification écologique, Macron hésite

Planification écologique, précisions

Mansholt 1972…2023, cinquante ans de perdus

Sicco Mansholt, auteur d’une restructuration de la politique agricole commune (PAC) visant des gains de productivité par l’exode rural et l’agrandissement des exploitations, avait eu en 1972 une « révélation » à la lecture du rapport du Club de Rome :

« J’ai compris qu’il était impossible de s’en tirer par des adaptations : c’est l’ensemble de notre système qu’il faut revoir. » Puis il va au bout de sa pensée: « Est-il possible de maintenir notre taux de croissance sans modifier profondément notre société ? En étudiant lucidement le problème, on voit bien que la réponse est non. Alors, il ne s’agit même plus de croissance zéro mais d’une croissance en dessous de zéro. Disons-le carrément : il faut réduire notre croissance économique, notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance celle de la culture, du bonheur, du bien-être. »

Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances et des Affaires économiques, répond qu’il ne veut pas « devenir objecteur de croissance. » Nous sommes en 2023, que de temps perdu ! On a voulu la croissance jusqu’à heurter le plus violemment possible le mur des réalités biophysiques !

lire, Souvenirs, Mansholt et les limites de la croissance

Antoine Reverchon : Le 9 février 1972, Sicco Mansholt, vice-président de la Commission européenne chargé de l’agriculture (et à ce titre un des pères de la politique agricole commune), adressait une lettre au président de la Commission européenne. M. Mansholt avait suivi de près les travaux du Club de Rome, qui allait publier un mois plus tard le rapport Meadows, ou Les Limites à la croissance, en y annonçant l’épuisement final des ressources naturelles et énergétiques en cas de poursuite de la croissance mondiale au rythme atteint à l’époque : « Il est évident que la société de demain ne pourra pas être axée sur la croissance. »

Lire, les limites de la croissance ou rapport au club de ROME (1972)

Selon Mansholt, la boussole ne devrait plus être le produit national brut, mais l’« utilité nationale brute », c’est-à-dire une limitation de la production aux besoins de la société. Conscient que cela signifierait « un net recul du bien-être matériel par habitant et une limitation de la libre utilisation des biens », Mansholt préconise une planification stricte de la production par la puissance publique (la Commission et les Etats) afin de la répartir équitablement entre tous les citoyens et, pour ce qui est des matières premières, entre les entreprises.

Il souhaite aussi mettre en place la compensation de la réduction de la consommation de biens matériels par l’extension de l’offre de biens « incorporels » (santé, éducation, culture, loisirs), une aide massive aux pays du tiers-monde, qui, sinon, poursuivraient leur propre chemin de croissance au péril de l’environnement, une réorganisation de la production, y compris agricole, pour en limiter l’impact environnemental (recyclage, matériaux et énergie « propres », chasse au gaspillage, mesures antipollution), la taxation aux frontières des produits étrangers non conformes à ce mode de production, etc.A l’époque, la lettre avait suscité une avalanche de commentaires négatifs, à droite comme à gauche. Ce programme proposé il y a un peu plus de cinquante ans est peu ou prou celui que préconisent aujourd’hui les économistes écologistes.

Le point de vue des écologistes décroissancistes

Mansholt proposait une économie planifiée, ce que faisait à l’époque l’URSS, modèle à suivre selon le PCF. Mais le communiste Georges Marchais, dans une conférence de presse du 4 avril 1972, partage paradoxalement la position du Conseil national du patronat français (CNPF) et lance : « Au nom de la recherche d’une meilleure qualité de la vie, faut-il proposer une société de pénurie et de rationnement, ainsi que la nette diminution du niveau de vie actuel ? Cela n’est pas notre politique. Une forte croissance économique est indispensable pour couvrir les immenses besoins non encore satisfaits et améliorer le niveau de vie des plus défavorisés. » Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir… les communistes française en 2023 restent malheureusement fidèles à la position de Marchais de 1972 malgré le choc climatique et la descente énergétique qui s’annonce !

Et encore, s’il n’y avait que le PCF de Fabien Roussel, mais tous les ténors aujourd’hui aussi bien politiciens qu’économistes, médias ou médiatisés, tous en cœur continuent d’entonner le chant religieux de la croissance sans fin dans un monde fin. Le temps perdu ne se retrouve pas…

 

La science économique sommée de se réinventer

Non seulement les économistes ne sont plus capables de comprendre la « poly-crise » économique, sociale et surtout environnementale qui frappe l’humanité, et a fortiori d’y remédier, mais ils en sont en grande partie responsables !

Antoine Reverchon : La doxa, c’était la théorie économique néoclassique, née dans les années 1870 qui s’est installée depuis le début des années 1980 aux manettes des facultés. Or, l’expérience historique de la succession des krachs, des crises et des guerres, la persistance, voire l’aggravation, des inégalités tant entre pays qu’en leur sein, la destruction irréparable des ressources et des équilibres naturels, la simple observation psychosociologique des comportements humains irrationnels et imprévisibles ont montré l’inanité de la foi en l’existence d’un équilibre général vers lequel tendrait spontanément l’économie. Les économistes tendent à négliger un problème que les historiens connaissent bien : les données exploitées dans une expérience, naturelle ou pas, ne sont pas déjà données, elles sont construites, c’est-à-dire choisies et énoncées en fonction d’hypothèses de recherche elles-mêmes inscrites dans des modes de pensée, des cadres institutionnels et des outils techniques spécifiques à la recherche menée.

Deuxième problème, la science économique, comme toutes les sciences sociales, est par essence et par tradition anthropocentrée : elle s’intéresse aux comportements et aux interactions des humains, et n’inclut l’environnement dans sa démarche que comme… un environnement, ce qui est autour de l’homme dans la seule dimension de son interaction avec lui, laissant aux biologistes, aux climatologues, aux écologues, etc. le soin de découvrir ce qui se passe de l’autre côté. Les inégalités, la destruction de la nature, les crises économiques sont des « externalités » – c’est-à-dire des retombées négatives des échanges de marché sur ceux qui n’y participent pas : les pauvres, les pays du Sud, la biodiversité. Le défi des économistes – mais aussi des politistes, sociologues, psychologues, ethnologues – est d’intégrer dans leurs modèles ce que, faute de terme encore bien stabilisé, on appelle les écosystèmes. Faire dialoguer l’économiste et le vivant représente une rupture paradigmatique d’ampleur. Le nouveau défi de l’humanité est de retrouver les moyens d’habiter la Terre sans la détruire, de respecter ses besoins plutôt qu’elle ne serve aux nôtres. Faut-il par exemple rompre avec la notion de croissance indéfinie et préconiser la décroissance, étant donné le risque de dépassement de seuils irréversible dans le prélèvement de ressources non renouvelables ?

Il faudrait donc « réencastrer » l’économie non seulement dans toutes les autres dimensions de l’activité humaine – sociale, politique, sensible –, mais aussi dans toutes les dimensions du vivant. Il s’agit de penser une « économie écologique »qui permettrait de « transformer une “économie de la prédation” en une “économie de la coévolution” ».

Le point de vue des économistes écologistes

Neutrino : Merci pour cette synthèse, mais il me semble qu’il manque une contribution que je juge majeure, celle de Jean Marc Jancovici qui expliquer) les phénomènes économiques par les flux de matières et d’énergie sous-jacent

Michel SOURROUILLE : J’ai été professeur de SES toute ma carrière depuis les années 1970, époque où j’avais lu le rapport sur les limites de la croissance (1972) qui me paraissait incontournable. Pourtant le contenu de mes programmes a été maintes fois manipulé par les pontes de l’université, adeptes du croissancisme à tout va. Le côté transversal a été systématiquement rogné pour correspondre à l’économie orthodoxe (business as usual). Je rappelle un sujet de bac réellement posé en 1975 : « La poursuite de la croissance, telle que l’ont connue depuis la deuxième guerre mondiale les économies capitalistes développées, semble poser de plus en plus de problèmes. Vous présenterez la crise actuelle et ses mécanismes et vous tenterez de déterminer dans quelle mesure et pour quelles raisons un changement d’orientation parait devoir s’imposer. »(aux lendemains du 1er choc pétrolier). Depuis nous avons complètement régressé et nos jeunes ne sont pas préparés à la nécessaire rupture écologique. Inquiétant !

Jacques Py : Un philosophe qui se fit économiste, ce fut bien Marx. Et comme il comprit l’inanité à penser dans le vide de la théorie, pour changer le monde, il se fit analyste de sa réalité ; celle d’un système capitaliste et du caractère implacable de sa logique. Il resta toutefois philosophe en considérant l’économie comme la science du vivant, vivre, travailler, se créer, se battre pour. la question du climat est aussi la science du vivant et de ses urgences. Et si elle nous est existentielle, c’est ainsi qu’elle doit se penser, nous y jouons notre survie, et il n’est plus temps de finasser. La logique économique devient une logique politique, elle porte ce nom de l’extrême où le politique domine: c’est donc de politique et de politique économique qu’il faut parler, et qui peut se résumer par une économie de survie ou de guerre. Quelle évolution de cette crise climatique, ses dégâts, nos capacités à s’y adapter ? Que la théorie est loin, jouer sa vie exige une rupture.

IdéPa : Pour être complet il faudrait tout de même rappeler que depuis au moins 50 ans les économistes sérieux recommandent la taxe carbone redistributive comme outil pour intégrer les émissions dans la régulation par les prix, et que cette recommandation est largement ignorée par les politiciens et la société dans son ensemble – trop contente de se goinfrer d’énergie fossile à faible prix.

La crise écologique absente de l’enseignement

Les sciences économiques et sociales (SES) sont l’enseignement où, par excellence, les savoirs pluriels des sciences sociales peuvent permettre de comprendre le caractère systémique des crises écologiques, leur articulation avec nos modes de production et de consommation comme avec nos structures sociales et politiques. Un collectif de spécialistes déplore que les questions d’écologie n’occupent qu’une place minime dans les classes au regard des enjeux.

Collectif : Depuis longtemps, les disciplines constitutives des SES ont reconnu l’existence des frontières de la biosphère, prenant acte de l’encastrement des rapports économiques et sociaux dans les limites finies de notre planète. Les concepteurs des programmes de SES, qui ne consacrent qu’un chapitre aux enjeux écologiques à partir de la classe de terminale, s’obstinent pourtant à considérer les questions environnementales comme un défi technologique qu’il s’agirait de relever, sans questionner le paradigme dominant dont l’échec est sous nos yeux, avec des instruments dépassés : privatisation des ressources, incitations monétaires et interventions correctrices des pouvoirs publics pour préserver le marché et ses propriétés autorégulatrices, techno-solutionnisme, « croissance verte », etc. En France, les lycéennes et lycéens continuent d’être formés à des modèles économiques qui ne tiennent pas compte des limites écologiques de la croissance ou prétendent pouvoir les ignorer en recourant à l’innovation technologique. Cette approche place nos élèves en situation de dissonance cognitive : le hiatus entre les programmes actuels, qui portent la marque d’une vision dépassée du système économique, et le besoin de révolutionner nos connaissances, nos paradigmes, nos modes de vie et nos modes d’action collective, devient criant et pour tout dire intenable.

L’approche résolument interdisciplinaire, principe fondateur des SES, que les nouveaux programmes ont peu à peu dénaturée, est une ressource essentielle pour apaiser l’angoisse écologique légitime de notre jeunesse confrontée à des crises complexes.

Le point de vue de Michel SOURROUILLE : J’ai été professeur de SES toute ma carrière depuis les années 1970, époque où j’avais lu le rapport sur les limites de la croissance (1972) qui me paraissait incontournable. Pourtant le contenu de mes programmes a été maintes fois manipulé par les pontes de l’université, adeptes du croissancisme à tout va. Le côté transversal a été systématiquement rogné pour correspondre à l’économie orthodoxe (business as usual).

Je rappelle un sujet de bac réellement posé en 1975 : « La poursuite de la croissance, telle que l’ont connue depuis la deuxième guerre mondiale les économies capitalistes développées, semble poser de plus en plus de problèmes. Vous présenterez la crise actuelle et ses mécanismes et vous tenterez de déterminer dans quelle mesure et pour quelles raisons un changement d’orientation parait devoir s’imposer. »(aux lendemains du 1er choc pétrolier).

Depuis nous avons complètement régressé et nos jeunes ne sont pas préparés à la nécessaire rupture écologique. Inquiétant !

Lire, échec flagrant du bac Sciences économiques

Le débat qui ne devrait pas avoir lieu

verst : La prochaine fois, les enseignants cathos vont exiger l’enseignement détaillé du nouveau testament à tous les élèves, notamment les musulmans… Le militantisme a t-il sa place à l’école publique? La réponse est que ce serait la négation même du caractère de cette école.

Volcelest : Verst, vous mélangez tout. Vous ne semblez d’ailleurs pas vraiment avoir compris ce qu’est le réchauffement climatique et la déplétion des ressources. Comparer ces faits à du militantisme alors que le défi à venir touche à la vie sur Terre en est la preuve. Désespérant de lire des commentaires comme le vôtre.

Pour en savoir plus grâce à notre blog biosphere

le bac SES a 41 ans (en 2008)

le sujet de bac ES, 21 juin 2011

Bac SES 2014, thuriféraire de la croissance libérale !

Sujets de bac SES pour 2018, quelques remarques

Bac SES le 20 juin 2019, quelles questions ?

Camille Etienne pour un soulèvement écologique

La très militante Camille Etienne publie son premier livre le 19 mai 2023, « Pour un soulèvement écologique. Dépasser notre impuissance collective ». C’est actuellement la chouchou des médias, mais des gens très méchants lui cherchent des poux chaque fois qu’elle ouvre la bouche.

Camille Etienne : « J’ai grandi en Savoie face à Bellecôte, une montagne sublime, une face nord où les neiges sont éternelles. Et puis, à l’âge de 10 ans, j’ai compris que même les neiges ne seraient pas éternelles, j’ai compris que je ferais partie de la première génération à voir cette disparition, c’est vertigineux. Plus j’avance et mieux je comprends les intrications de ces capitalistes qui se contentent de dire « on ne fait que répondre à la demande » et « les pays du tiers-monde ont eux aussi le droit au confort des énergies fossiles ». Or, ce n’est pas ça qu’il se passe, ils s’assurent de la dépendance de nos sociétés au pétrole par tous les moyens possibles : les conflits d’intérêts, l’emprise des financements sur les lieux de pouvoir, le sport, la culture… Le débat sur l’art est vite enterré, quand il s’agit de regarder la part d’argent fossile qui circule dans ce milieu ou quand en Allemagne on rase une église du XVIIIe siècle pour une mine de charbon…

On vit un naufrage, pour tous ceux qui hésitent encore, il faut cesser de coopérer. »

Le point de vue des gentils écologistes

face aux méchants Shadoks

Peps72 : Camille Etienne ou le vide absolu. Cette jeune personne est la coqueluche des médias depuis qu’elle a interpellé des patrons et des dirigeants d’entreprise lors d’un colloque organisé à HEC (quel courage). C’est fatigant de devoir subir le discours hors-sol de ces jeunes diplômés qui passent directement de la bulle Science-Po à la bulle médiatico-militante,

Guillaume : C’est bien triste, la vieillesse. On croit qu’on a raison de se résigner. Et puis on meurt en le regrettant.

Crocus : La voici, la nouvelle figure du fascisme vert, directement extraits d’une lecture marxiste, empreinte d’ardeur brutale.

Vivian Darkbloom : J’aime beaucoup « ardeur brutale » ! Mais qu’y a t’il de « fasciste » dans les propos de Camille ?

Cazbapt : D’urgence qu’elle soigne son ego avant de nous demander de nous serrer la ceinture voire de faire hara-kiri. Le changement climatique viendra de la Chine, l’Afrique, l’Inde et les USA. Qui n’ont pas grand chose à faire de nos états d’âme

Paco : Il m’a suffi de lire les commentaires condescendants ou méprisants pour trouver que cette personne doit être intéressante : déclencher tant de boue venant de tant de sachants savants doit signifier qu’elle parle juste.

-Alazon- : Cette personne appelle ouvertement sur France Inter à imposer à la majorité les idées des écolos, en dépit de leurs résultats ultra-minoritaires aux élections.

Amiliajc : La seule question qui vaille est « veut-on sauver l’avenir de nos enfants ou poursuivre ce suicide collectif ? » Non on préfère profiter de la vie tant qu’on peut et après moi le déluge… Un individualisme et un égoïsme doublé de déni a son paroxysme. Si on continue sur la voie du parasitisme, la nature va nous sortir du jeu.

André C. : La Greta française. Tout aussi douée pour l’auto-promotion. Dommage pour la cause écologique qui mérite mieux que ces lieux communs anticapitalistes.

Jacr : Désolé mais le capitalisme par définition était jusqu’ici le cœur même de la voracité destructrice de cette planète ! (Et nous tous comme complices)

Gros Miko : Le problème des écologistes (et des autres) c’est qu’il n’y a pas de solution réaliste. Vouloir rapidement arrêter les émissions de GES revient pratiquement à arrêter pouvoir d’achat et niveau de vie. Les émissions sont en première approximation proportionnelle au niveau de vie. Pour respecter l’accord de Paris sans nouvelles technologies il faut une récession de 6% par an (Jancovici). Et il ne faudra pas trop compter sur les batteries et autres renouvelables qui vu d’aujourd’hui n’auront jamais la facilité, le coût, et la puissance des énergies fossiles. C’est presque existentiel.

2Joe : Donc on fait quoi ? On continue sans rien changer sauf à installer des clims partout?

Ludovic Noémie : Une jeune femme très belle et une brillante personne. Elle a sans doute raison sur plein d’idées relatives à l’écologie. Par contre, elle a un ego visiblement énorme et qui continue d’enfler, doublé par un narcissisme évident. Sur un détail, les spécialistes me corrigeront, mais il me semble qu’elle n’a pas compris le concept d’habitus

HLE : Au vu des commentaires, courage Camille, vous devez avoir entendu que « Toute personne qui fait quelque chose, a contre elle ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire et surtout la grande armée des gens d’autant plus sévères qu’ils ne font rien du tout »…

Max : Encore un discours extrémiste et radical, sans nuance. Cette dame n’a qu’a aller vivre dans un pays autoritaire pour devenir objective.

Wagwag : Ce que Camille propose n’est pas grand chose en comparaison de ce qui serait nécessaire. Pouvez-vous citer une seule chose extrémiste dans son discours ? L’extrémisme est de ne rien changer alors que nous sommes dans une situation de suicide collectif.

Est-ce le début de la fin de l’âge fossile ?

Global Electricity Review : Selon un rapport du think tank Ember, pour 78 pays représentant 93 % de la demande électrique mondiale en 2022, les énergies éoliennes et solaires ont atteint 12 % de l’électricité mondiale ; c’était 5 % en 2015. Mais le charbon est resté la plus grande source d’électricité au monde, produisant 36 % de l’électricité mondiale en 2022 ». Le recours au charbon a augmenté de 1,1 %, la demande d’électricité continuant de croître. La persistance du recours au gaz et au charbon pour répondre à cette demande d’électricité a eu pour corollaire de faire grimper les émissions [de gaz à effet de serre] à un nouveau record, de 12 milliards de tonnes d’équivalent CO2 en 2022 (+ 1,3 %).

Lire, Pour un sevrage d’énergies fossiles, comment ?

et Sortir des énergies fossiles, impossible ?

Le point de vue des écologistes pessimistes

Pierpol : « Les sources non fossiles ont atteint 39 % de l’électricité mondiale en 2022 »… Titre terrible limite infox, l’information clé étant bien évidemment, je cite, que  » le recours au charbon, (qui) a (…) augmenté de 1,1 % ». Rappel, pour les distraits, un objectif à 2°C de réchauffement, on oublie le 1.5 de la cop21, imposerait une réduction annuel sans tarder de 4%. Rien de nouveau donc, sous le soleil et le vent, on est bien sur du « business as usual ».

ChP : Cette étude ne fait que rendre les problèmes de l’énergie encore plus incompréhensibles. On mélange allégrement les énergies primaires, les énergies finales ( celles consommées), l’énergie électrique en kWh, les primaires en Tep, etc, etc. Ce qui compte est l’énergie finale consommée en kWh. Dans celle-ci l’électricité ne représente que 20% du total. Les 80 % restants étant fossiles. Dans les 20 % d’énergie électrique, 39 % ne viennent pas du fossile(ce qui était déjà le cas en 2021!) et donc que 61% viennent du fossile . L’énergie consommée dans le monde est donc à 92 % d’origine fossile. Le verre est donc quasiment vide. A la bonne votre !

Marcus manlius : Ça s’est toujours déroulé de cette manière, les sources d’énergie ne se remplacent pas, les unes après les autres, elles se cumulent. Certes le renouvelable et le décarboné croissent, mais les fossiles tout autant. Nous sommes drogués aux machines.

Zahnstocher : Bien sûr, mais là, on va arriver au bout des stocks de drogue fossile et cela ne va donc pas se passer de bonne manière.

Denis Monod-Broca : Nous aurions bien tort d’être optimistes. Les annonces rassurantes ne sont que poudre aux yeux. Les émissions de CO2 continuent à augmenter. Se satisfaire du constat qu’elles pourraient augmenter encore plus, c’est s’aveugler. Sans remise en cause profonde de nos modes de vie, nous n’arriverons à rien. Sans prise de conscience de l’extrême difficulté devant laquelle nous sommes, nous désintoxiquer de la surconsommation, rien ne changera vraiment.

Chronos : Quand on sera à 100% d’EnR, on aura changé de civilisation ! Mais ce n’est pas pour demain, hélas pour nos descendants…

DRoman : La réalité, c’est que c’est trop peu, trop tard. Compter sur la diminution de l’accroissement de l’augmentation, qui pourrait s’accélérer, est une manière de nous mettre la tête dans le sable. Le Titanic a beau infléchir sa trajectoire, se gargariser des quelques mètres gagnés n’ont pas d’intérêt si cela ne nous permet d’éviter l’iceberg.

Nicolas Hulot : Les sociétés riches dépendent tellement de l’énergie qu’un sevrage abrupt se solderait en quelques semaines par des millions de morts, ne serait-ce que parce que les usines qui rendent notre eau potable ne fonctionneraient plus, sans oublier la chaîne du froid et le transport nécessaire pour apporter la nourriture dans les villes

Joseph Tainter  : Les deux tiers de la population sur Terre sont aujourd’hui en vie grâce au pétrole. C’est-à-dire qu’ils sont en vie grâce à la production industrielle de nourriture, aux installations sanitaires et à la médecine moderne, tout ceci reposant sur du pétrole. Sans pétrole, nous ne pourrions plus maintenir notre niveau de population ou notre niveau de vie. Si le système de transports tombe en panne, à cause d’un manque d’énergie ou de finances, les villes n’auront plus de nourriture. Nous perdrions le plus gros de notre système médecine industrialisée. La population mondiale chuterait finalement à 2 milliards, contre 7 milliards aujourd’hui. L’espérance de vie tomberait à environ 40 ans. ( Extraits de l’interview de Joseph Tainter par le mensuel La Décroissance – octobre 2013)

Nos articles les plus anciens sur ce blog biosphere

Mai 2016, Le crépuscule fossile selon Geneviève Férone-Creuzet

avril 2015, Laisser les énergies fossiles sous terre, une obligation

octobre 2014, Transition énergétique, l’oubli des combustibles fossiles

octobre 2013, sans énergie fossile, seulement 2 milliards d’humains

mai 2011, l’acharnement thérapeutique, conséquence de l’énergie fossile

help, bientôt le grand krach de l’endettement

En 2013, la dette publique des USA était déjà de seize mille milliards (16 000 000 000 000) de dollars. Début 2022, on pensait que le montant de la dette devrait bientôt atteindre 29 000 milliards de dollars. En mai 2023, on la trouve à 31 381 milliards de dollars ! Si le krach boursier du type 1929 n’a pas lieu dans le jours qui viennent, de toute façon il aura lieu bientôt, entraînant son lot de faillites en chaîne et de chômage de masse dans un contexte géopolitique et écologique qui multiplie déjà les risques de déflagrations. L’économie libérale nous mène d’autant plus à la ruine que la planète a été tellement pillée par nos politiques croissancistes antérieures qu’il n’y a plus assez de ressources naturelles pour envisager un rebond économique quel qu’il soit. Nos articles antérieurs sur ce blog biosphere :

USA, seize mille milliards de dollars de dette publique (octobre 2013)

Shutdown aux USA, s’endetter sans limites (décembre 2021)

Krach boursier aux USA, avant-goût du mondial (janvier 2022)

Arnaud Leparmentier : Les États-Unis vont atteindre dans quelques semaines le plafond d’endettement fixé par le Congrès à 31 381 milliards de dollars (environ 29 000 milliards d’euros), le défaut de paiement (la faillite) approche. Donald Trump sur CNN : « Je dis aux républicains, il nous faut des coupes budgétaires massives. » Joe Biden refuse toute conditionnalité et répète qu’il ne cédera pas au chantage : « Eviter le défaut de paiement est un devoir fondamental du Congrès des États-Unis. » Le plafond de la dette est une particularité américaine, esquissé en 1917, lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis, pour permettre au Trésor d’emprunter sans demander à chaque fois l’autorisation du Congrès qui a autrement tous les pouvoirs budgétaires. Depuis 1960, ce plafond a été relevé à 78 reprises par le Congrès.L’administration Biden affiche un déficit de 5,2 % du PIB, la dette atteignait 107 % du PIB en 2019, elle est montée à 128 % en 2020 et devrait augmenter de près de 20 points d’ici à 2033. Les républicains veulent s’attaquer à l’Inflation Reduction Act (IRA), le plan massif de subventions énergétiques adopté à l’été 2022… constitué de crédits d’impôts illimités !

Le point de vue des écologistes économes

Samuc : Donc un plafond relevé 78 fois ne pourrait pas être hissé une 79ème fois ?

A. Gauthier : Ce n’est pas un souci pour les États-Unis depuis que la majorité des monnaies se définissent par rapport au dollar et non plus l’or dont les réserves sont insuffisantes. Du coup ils sont le seul pays à pouvoir frapper de la monnaie à valeur constante. D’où la phrase de Nixon : « le dollar est notre monnaie, mais c’est votre problème »

Un Suisse : Les USA utilisent la planche à billets sans limite et je suis prêt à parier qu’ils finiront par annuler tout ou partie de leur dettes d’un trait de plume législatif en envoyant se faire paître les détenteurs étrangers de bons du trésor US.

Kiamb : On a la même info régulièrement ,«ils vont être obligés de licencier 100 000 fonctionnaire fédéraux »… et puis tout s’arrange chaque année au dernier moment.

le sceptique : Il y a un siècle, la crise de 1929 a été le déclencheur mondial de l’étatisme au sens où l’État devenait le garant en dernier ressort de tout, quitte à dépenser beaucoup. Après quelques hésitations, les capitalistes ont trouvé cela cool, ils pouvaient ajouter de la dette d’État à leur portefeuille avec la quasi-certitude que l’État matraquerait et exproprierait sa population pour que la dette soit payée. C’est ce que pensent aujourd’hui certains qui disent « il y a davantage d’épargne que de dette » (sous-entendu : on peut toujours vider le bas de laine des gens pour la plus grande gloire de l’étatisme et de ses dépenses). Ne serait-il pas logique que la prochaine grande crise soit celle de la dette publique ?

Michel SOURROUILLE : L’histoire humaine aux temps de l’économie souveraine est une impasse tragique qui ne fait que repasser les mêmes plats pour aboutir à un krach financier et/ou des affrontements militaires sans fins. Et n’oublions pas que tous ces riches qui vivent à crédit, c’est aussi NOUS en France. Notre dette est de 3000 milliards d’euros. Tous les citoyens des pays croissancistes vivent au détriment du capital naturel, ils le dilapident, mais quand il n’y aura plus de pétrole mais le réchauffement climatique, on s’apercevra alors, mais un peu tard, que l’argent ne se mange pas.

CH TokTik : Le bateau est ivre et les marins aussi… mais les plus riches auront des canots de sauvetage et les 2nde classe se retrouveront à la mer….comme d’hab.

Réduisons la production et la consommation !

Décroissance, sobriété, renoncements, réduction… de plus en plus de personnes prennent publiquement position pour une rupture radicale avec notre société consumériste vouée à l’échec. Ainsi cette tribune :

 Une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation est nécessaire

Alors que les dirigeants politiques se réunissent pour une deuxième conférence au Parlement Européen sur la manière de “dépasser la croissance économique », nous, universitaires et organisations de la société civile soussignés, voyons l’actuelle crise géopolitique comme une opportunité de se désengager d’une compétition socialement et écologiquement néfaste pour la remplacer par une coopération au service du bien-être.

Il n’existe aucune base empirique indiquant qu’il est possible de découpler globalement et suffisamment la croissance économique des pressions environnementales. La poursuite d’une croissance économique sans fin par les pays à revenu élevé est un problème car elle réduit ou annule les résultats des politiques environnementales. Le chaos climatique actuel et l’effritement de la toile de vie dont dépend notre société constituent une menace existentielle pour la paix, la sécurité hydrique et alimentaire, ainsi que la démocratie.

Passer à une économie post-croissance, ce n’est pas seulement survivre, c’est aussi prospérer. Cela appelle une réduction démocratiquement planifiée et équitable de la production et de la consommation, parfois appelée « décroissance », dans les pays qui outrepassent leurs ressources écologiques. C’est le projet de paix mondial de l’Europe pour répondre aux conflits mondiaux induits par sa croissance économique actuelle.

Dans le contexte des pays à revenu élevé, une empreinte réduite ne signifie pas une dégradation des conditions de vie. Les politiques de suffisance axées sur la sobriété, la réduction des ressources et la réduction du temps de travail peuvent augmenter considérablement le bien-être et réduire les pressions environnementales, ouvrant la voie vers une prospérité durable sans croissance.

Afin d’assurer la meilleure qualité de vie avec l’empreinte la plus faible, nous devons complètement changer les objectifs et les règles du jeu économique. Dans une économie post-croissance, l’accent mis actuellement sur la croissance quantitative serait remplacé par l’objectif de prospérer dans une économie régénératrice et distributive, une économie qui offre un bien-être qualitatif en répondant aux besoins de tous dans la limite des ressources d’une planète vivante – telle qu’élaborée dans le cadre de Doughnut Economics.

Les marchés se sont révélés mal équipés pour prendre les décisions les plus cruciales pour notre société. Afin que l’économie soit au service des citoyennes et citoyens, et non l’inverse, il faut leur redonner le contrôle de l’économie. Pour changer les règles du jeu, nous devons apprendre des initiatives déjà existantes. Par exemple, développer dans toute l’Union Européenne le modèle des coopératives à but non lucratif.

À la lumière de ces défis pressants et de ces opportunités stimulantes, nous appelons l’UE, ses institutions et États membres à mettre en œuvre :

  1. Des institutions européennes post-croissance : avec des structures permanentes à la Commission, au Conseil, au Parlement et au sein des États membres pour évaluer les stratégies et les trajectoires post-croissance.
  2. Un Green Deal européen de post-croissance : concevoir un nouveau programme phare articulé autour d’une approche de changement systémique qui aspire à créer un avenir florissant dans les limites planétaires, avec la décroissance comme phase de transition nécessaire vers une destination post-croissance.
  3. Des politiques de post-croissance fondées sur les quatre principes de :
    • Biocapacité : suppression progressive des combustibles fossiles, limitation de l’extraction des matières premières et mesures de protection et de restauration de la nature pour des sols, des forêts et autres écosystèmes marins et terrestres sains et résilients. Par exemple, un traité de non-prolifération des combustibles fossiles, une loi pour un rapport juste et résilient aux ressources comprenant un objectif contraignant de réduction de l’empreinte matérielle et une restauration réelle de la nature basée sur des zones.
    • Équité : instruments fiscaux pour favoriser une société plus égalitaire en éliminant les extrêmes de revenu et de richesse, ainsi que les super-profits. Par exemple, un ISF climatique, et des revenus minimum et maximum.
    • Bien-être pour tous : accès sécurisé aux infrastructures essentielles via un État-providence amélioré et éco-sensible. Par exemple, l’accès à des services de base universels gratuits (y compris les droits humains à la santé, au transport, aux soins, au logement, à l’éducation, à l’égalité des sexes, à la protection sociale etc.), des garanties d’emploi, le contrôle des prix des biens et services essentiels.
    • Démocratie active : assemblées citoyennes mandatées pour formuler des stratégies de suffisance socialement acceptables et renforcer les politiques basées sur les limites écologiques, l’équité et le bien-être pour tous et un rôle plus important pour les syndicats. Par exemple, forum sur les besoins locaux, conventions sur le climat, budgétisation participative.

Cinq ans se sont écoulés depuis la première conférence « post-croissance ». Au sein de la société civile et du milieu universitaire, les idées critiquant la croissance sont de plus en plus fortes. Les détails de ces idées sont en cours de discussion au Parlement Européen et avec la Commission Européenne en ce moment. Des connaissances scientifiques et des idées politiques sont disponibles pour concrétiser les idées de décroissance et de post-croissance. Les crises auxquelles nous sommes confrontés sont également des opportunités pour créer un nouveau système qui peut assurer le bien-être de toutes et tous tout en permettant une vie démocratique florissante et un mode de vie plus lent mais plus doux.

Retrouver la liste complète des signataires ici.

Source : Un Projet de Décroissance
www.Projet-Decroissance.net

La Décroissance dans les colonnes du MONDE

« La marée qui monte soulève tous les bateaux. » Pendant des décennies, cette phrase de John Fitzgerald Kennedy a exprimé le consensus autour de la croissance économique. C’est ne pas connaître le fonctionnement de notre planète que d’ignorer qu’après la marée haute, il y a la marée basse… c’est ignorer la réalité économique que croit que la croissance peut perdurer alors qu’elle aboutit nécessairement à une récession et parfois même à une dépression ou à une crise profonde comme celle de 1929. Saluons tout article qui parle de la décroissance comme d’une réalité incontournable…

Jean Pisani-Ferry : Concrètement, le PIB ne fournit pas une bonne mesure du bien-être, et on ne peut pas le prendre pour guide dans le pilotage de la transition, puisqu’il ignore la notion même de soutenabilité. C’est dans les années 1970, avec le rapport du Club de Rome (1972), titré « Les limites de la croissance », que le culte du PIB a commencé d’être mis en cause et qu’est apparu le thème de la décroissance. Mais il a fallu attendre la première décennie de ce siècle pour que la critique s’affirme. En 2009 paraissent coup sur coup le livre de Tim Jackson Prospérité sans croissance et le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi sur de nouveaux indicateurs. Mais ces efforts n’ont pas débouché sur un substitut satisfaisant au produit intérieur brut (PIB). Les tableaux de bord fondés sur une multiplicité d’indicateurs ne suscitent guère que l’indifférence. L’indicateur de développement humain (IDH) publié par les Nations unies a l’avantage d’illustrer de manière saisissante que prospérité partagée et croissance ne se confondent pas, mais il n’est pas médiatisé. L’Insee envisage aujourd’hui la publication de comptes nationaux « augmentés », qui comprennent notamment une mesure du PIB ajusté des dommages induits par les émissions de gaz à effet de serre.

Lire Prospérité sans croissance (la transition vers une économie durable) de Tim Jackson (2010)

Le point de vue des écologistes qui savent compter

Lorsque l’économie croît, elle devient plus grande. Et donc, cher économiste, à quel point ce quelque chose pourrait-il être grand à l’avenir ? Cette question n’est pas du tout posée. Il y a certes le flux de biens et de services (le PIB), mais il y a également le flux métabolique des matières et d’énergie qui part de sources environnementales, traverse le sous-système économique de la production et de la consommation et qui revient dans l’environnement sous forme de déchets. Les économistes se sont focalisés sur le ¨PIB, ils ont négligé ce « throughput ». Le sous-système économique a donc acquis une taille réellement grande quand on le réfère à l’écosystème sur lequel il s’appuie.

Il y a fort à parier que certains pays sont désormais entrés dans une ère de croissance non économique qui accumule plus rapidement ses impacts négatifs qu’elle n’accumule de la richesse. C’est la raison pour laquelle on ne peut faire appel à la croissance pour combattre la pauvreté. Bien au contraire, elle rend plus difficile la lutte contre la pauvreté ! Rappelons que le PIB n’est pas une mesure adéquate de la production car il comptabilise en bienfaits tous les maux de la croissance et, bien plus, ignore ce qu’il faut appeler « déséconomies externes » (l’extinction de la biodiversité par exemple) et, encore plus grave, se fout complètement du sort des générations futures.

Tim Jackson en 2009 remet l’économie dans son contexte global : « L’équation de Paul Ehrlich nous dit très simplement que l’impact I des activités humaines est le produit de trois facteurs : la taille de la population P (+ 1,4 % par an depuis 1990) ; son niveau d’abondance A (+ 1,4 %) exprimé sous la forme du revenu par personne, et un facteur technologique T qui mesure l’impact associé à chaque dollar que nous dépensons (baisse moyenne de l’intensité en carbone de 0,7 %). Donc I = 1,3 + 1,4 – 0,7, ce qui implique une augmentation des émissions de carbone de 2 % par an, soit une augmentation depuis 1990 de 40 %. D’ici 2050, il faudrait pourtant que le contenu moyen en carbone de la production économique soit inférieur à 40 g de CO2 par dollar, soit 21 fois moins que la moyenne mondiale actuelle. Pour être franc, il n’existe à ce jour aucun scénario de croissance permanente des revenus qui soit crédible, socialement juste, écologiquement soutenable dans un monde peuplé par neuf milliards d’habitants en 2050.

L’idée de courir toujours plus vite pour échapper aux dommages que nous causons déjà est, en soi, une stratégie qui sent la panique. Il faut noter qu’un tel monde resterait profondément inégalitaire…  N’existe-t-il pas un stade où « assez, c’est assez », un point à partir duquel nous devrions arrêter de produire et de consommer autant ? ».

Bien entendu son message est resté ignoré pendant plus de dix ans, on commence juste à parler un tout petit peu de sobriété !

Quant au rapport Stiglitz sur de nouveaux indicateurs, voici comment il a été mis en chantier en 2008 lors d’une conférence du président Nicolas Sarkozy : « C’est avec la volonté de mettre en œuvre une politique de civilisation que je souhaite engager une réflexion sur les moyens d’échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives. Car, si nous restons prisonniers de la vision restrictive du PNB (Produit national brut), nous ne pouvons pas espérer changer nos comportements et nos façons de penser. Si les critères, les indicateurs de la richesse restent les mêmes, comment allons nous changer notre façon de produire et de réfléchir ? (…) Si nous voulons favoriser un autre type de croissance, il faut changer notre instrument de mesure de la croissance. »

Mais c’était un leurre, jamais Sarkozy n’a montré la moindre contestation de la croissance économique, et ses successeurs au poste suprême, Hollande et Macron, n’ont pas fait mieux et même parfois beaucoup plus mal.

La Décroissance sur notre site biosphere de documentation des écologistes 

2015 Décroissance, vocabulaire pour une nouvelle ère (collectif)

2013 Politiques de la décroissance (pour penser et faire la transition) de Michel Lepesant

2013 Les précurseurs de la décroissance, Epicure, Charles Fourier (nouvelle collection au passager clandestin)

2013 Penser la décroissance (politiques de l’Anthropocène) par collectif

2011 La décroissance heureuse (la qualité de la vie ne dépend pas du PIB) de Maurizio Pallante

2011 Décroissance versus développement durable (ouvrage collectif)

2010 ENTROPIA n° 9, contre pouvoirs et décroissance

2010 L’avenir est notre poubelle (l’alternative de la décroissance) de Jean-Luc Coudray

2010 ENTROPIA n° 8, Territoires de la décroissance

2010 La décroissance (10 questions pour comprendre et en débattre) de Denis Bayon, Fabrice Flipo et François Schneider

2009 La décroissance économique (pour la soutenabilité écologique et l’équité sociale) par collectif

2008 La décroissance, Rejets ou projets ? (croissance et développement durable en questions) de Frédéric Durand

2008 Le choc de la décroissance de Vincent Cheynet

2007 Demain, la décroissance ! (penser l’écologie jusqu’au bout) d’Alain De Benoist

2007 petit traité de la décroissance sereine de Serge Latouche

2006 Le pari de la décroissance de Serge LATOUCHE

2003 objectif décroissance (vers une société harmonieuse) par collectif

2003 carnets de campagne de Clément Wittmann, candidat de la décroissance à la présidentielle 2002

1979 La décroissance (entropie, écologie, économie) de Nicholas GEORGESCU-ROEGEN

Décroissance, sobriété, donc renoncements !

Face à la crise environnementale, deux modèles s’opposent souvent : d’un côté, ceux qui croient que l’innovation va tout résoudre, dans une forme de solutionnisme qui fait abstraction des limites planétaires. Et de l’autre, ceux qui veulent en finir avec les technologies, en oubliant que nous sommes collectivement dépendants d’infrastructures et de chaînes logistiques sans lesquelles on ne peut plus survivre. Alexandre Monnin croit qu’un ligne médiane est possible, on peut toujours rêver !

Alexandre Monnin : « Les notions d’autonomie, de vivant ou de vernaculaire ne sont pas suffisantes pour penser la bascule d’un monde à 8 milliards d’individus. Il faut ajouter l’idée de renoncement n’est plus perçu comme un mot repoussoir. Mais nous manquons d’institutions et de dispositifs pour porter démocratiquement les nécessaires arbitrages. Je plaide pour une ligne de crête le renoncement ne doit pas être imposé à la population, mais démocratique ; il faut l’anticiper pour ne pas décider au pied du mur. Nous héritons de tout un tas d’infrastructures – sols pollués, usines désaffectées, centrales à charbon, déchets nucléaires, etc. – dont on ne peut pas maintenir l’activité mais dont il va falloir s’occuper très longtemps. Ce sont des « communs négatifs ».« 

Le point de vue des écologistes

« Arrière-plan malthusien ou réactionnaire », dixit Alexandre Monnin ! Encore un prof qui n’a pas lu Malthus et qui l’associe facilement aux réactionnaires alors qu’il reconnaît lui-même que nous avons franchi le cap de 8 milliards d’humains, multitude tellement difficile à faire vire que tous les maux annoncés par Malthus dès 1798 sont présents aujourd’hui : guerres, famines et épidémies.

Pour les « communs négatifs »,sans moyen de financer « démocratiquement » leur gestion à long terme, on les laissera en l’état, pollués et irrécupérables. Notre société thermo-industrielle n’est pas qu’une société de consommation, c’est surtout un machin à produire de déchets en tous genres qui seront donnés avec plaisir aux générations futures. Consommer, c’est surtout consumer.

Quant au mot renoncement, on avait déjà trouvé mieux avec « décroissance » et, plus récemment, « sobriété », mots qu’on peut décliner sur leur versant économique et démographique..

NB : Alexandre Monnin enseigne la « redirection écologique » et vient de publier « Politiser le renoncement » (Divergences, 160 pages, 15 euros).

Italie, une surpopulation en voie d’extinction

La troisième édition des « états généraux de la natalité » s’est tenue à Rome, jeudi et vendredi, en présence de la présidente du conseil, Giorgia Meloni, et du pape François. En voici un résumé fait par Olivier Bonnel :

Les chiffres donnent le vertige. En 2022, l’Italie a donné naissance à moins de 400 000 enfants selon l’Institut national de statistique (Istat), tandis que, sur la même période, le pays enregistrait plus de 700 000 décès.

L’Italie pourrait perdre 11 millions d’habitants ces prochaines années si rien n’est fait pour enrayer la chute des naissances. Un tableau apocalyptique

– C’est pour conjurer cet « hiver démographique », une expression passée dans le langage courant des Italiens, que les « états généraux de la natalité » ont été créés.

« Nous vivons à une époque où il est de plus en plus difficile de parler de la naissance, de la maternité et de la famille, a expliqué la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni. Parfois, cela ressemble presque à un acte révolutionnaire. »

Le ministre de l’agriculture Francesco Lollobrigida. : « Il existe une culture, une ethnie italienne, qu’il faut protéger lors de ce congrès 

Dans son allocution, le pape François a répondu indirectement au ministre de l’agriculture : « La natalité, tout comme l’accueil ne devraient jamais être opposés l’un à l’autre, car ils sont les deux faces d’une même pièce ».

Le point de vue des écologistes malthusiens

(Notez que ce sont des commentateurs du monde.fr qui s’expriment)

Andin du Pérou : En fait, c’est une très bonne nouvelle cette réduction drastique, c’est aussi un exemple à suivre par les ponts d’Euse afri kaines et mueslin!

Kicosdanlpost : Les autres espèces vivantes sont ravies.

Wigwe : Les dirigeants italiens vont s’agiter, faire croire qu’ils font quelques choses et je fais le pari que la natalité ne reprendra pas. La lame de fond qui sous-tend la baisse de la natalité est beaucoup plus puissante que ces quelques agitations politiciennes post fascistes.

Fluid Harmony : Où trouver l’enthousiasme à élever des enfants avec cette inflation , la guerre en Ukraine cad à notre porte et surtout avec une absence de politique puissante et visionnaire pour juguler le dérèglement climatique ?

Verschmouthe : Sérieusement, qui a envie de naître dans ce monde en bout de course ? Les ovules et les spermatozoïdes ne sont pas bêtes, ils restent au chaud.

Gazlozer : On est déjà trop nombreux pour les ressources de la planète mais c’est pas assez pour certains ! Il faudrait aller vers l’extinction plus vite, avoir plus de gens pauvres, plus de gens qui ne mangent pas à leur faim, plus de gens qui auront des vie courtes dans des conditions misérables… car il faut plus de croissance pour plus de profit. On va pas s’occuper des gens déjà là non non non on les balance à la mer et on fait des enfants dont on s’occupera pas et qui auront une vie pourris par la surpopulation le climat les crise de logement et du travail. L’espèce humaine est le cancer de la planète et de ce système solaire.

N.B. : Société occidentale schizophrénie… On sait qu’il vaudrait mieux moins de monde sur Terre pour des raisons écologiques évidentes mais on ne réfléchit pas à ce que pourrait être un atterrissage en douceur avec une population moindre. Comment gérer ce phénomène (qui est loin d’être nouveau en Italie) afin de permettre à la société de trouver un nouvel équilibre ? Voilà les questions politiques qu’il faudrait affronter

Philippe Stamenkovic : Arrêtez, Meloni, de vouloir sans cesse soutenir la natalité, le PIB, etc. C’est très bien que ces variables descendent « naturellement », sinon cela va se faire de manière autrement plus violente.

D2 : La violence va croître pour l’approvisionnement des humains au regard des ressources disponibles. Nous assistons aux prémisses d’affrontements un peu partout, non par idéologie, religion, mais instinct de survie. Les plus prudents préparent la guerre, et non leur propre disparition.

lire sur notre blog, Le pape veut faire des bébés à la chaîne

Extraits : en mai 2021, le Pape a appelé à faire « tout le possible pour vaincre cet hiver démographique en Italie qui va contre nos familles, contre notre patrie, et aussi contre notre futur ». Mais le pays compte 60 millions d’habitants et une densité de 200 hab./km2, soit un carré de 70 mètres sur 70 mètres pour chaque Italien, carré dans lequel pour être autonome il doit pouvoir à la fois faire son potager, nourrir son bétail, construire sa maison, trouver du pétrole, et même laisser un peu d’espace pour la nature sauvage…

Soit le pape n’est qu’un affreux nataliste, soit un parfait ignorant des réalités biophysiques, soit un croyant au miracle …. soit tout cela à la fois.

Tous les pays, riches ou pauvres, sont surpeuplés, lire :

Surpopulation au Cameroun, 56 hab./km

Surpopulation en Corée du nord (et du Sud)

Corne de l’Afrique minée par la surpopulation

Côte d’Ivoire, surpopulation et manque d’eau

L’Égypte et Al-Sissi face à la surpopulation

En Égypte, la surpopulation fait la loi

L’Éthiopie, victime de sa surpopulation

Surpopulation française, une réalité vraie

Surpopulation sur l’île de la Réunion

Inde : « government jobs » et surpopulation

L’Inde, une surpopulation par condensation urbaine

Italie, une surpopulation en voie d’extinction

Le Japon, surpopulation et/ou vieillissement ?

Madagascar, un état de surpopulation

Malawi, surpopulation et choléra

Le Nigeria, miné par la surpopulation

La surpopulation généralisée aux Pays-Bas

Surpopulation en Seine-Saint-Denis 

Surpopulation en Somalie, faut pas le dire

Surpopulation au Soudan, donc guerres civiles

Référendum en Suisse : halte à la surpopulation

Tanzanie, une surpopulation démente

Surpopulation en Turquie, 109 hab./km2

Surpopulation au Yemen, 377 000 morts

 

Le verdissement du développement durable

« Développement durable », une expression des années 1990 qui révèle un discours fait pour faire penser qu’on fait quelque chose face à l’urgence écologique : libre cours au business as usual tout en faisant croire qu’on maintient ouvertes toutes les possibilités pour les générations futures ! Cet oxymore, un rapprochement de mots contraires tient plus de la poésie que de la réalité, cf. l’obscure clarté des étoiles.

Comme parler aujourd’hui de croissance économique et démographique paraît impossible dans un monde fini et vidé de ses ressources faciles d’accès, l’oxymore « développement durable » pour nous entuber reçoit une couche de verdissement pour renforcer le leurre, l’illusion : « croissance verte », « moteur propre »…, en fait un greenwashing, de l’écoblanchiment. Le greenwashing ne consiste pas seulement à recouvrir et occulter certaines réalités désagréables, il désigne en même temps une forme de manipulation mentale visant à fabriquer l’adhésion et le consentement.

Julien Vincent : Longtemps le terme « verdissement » a été réservé aux traités de botanique. D’abord associé à ce qui est instable et changeant, ce n’est qu’à l’époque romantique que le vert devient la couleur de la nature. Il est chargé d’une connotation politique (avec la création des Verts en 1984). Alors les tenants de la société thermo-industrielle inventent le verdissement dans tous les domaines, financier bien entendu, mais aussi verdissement technologique : à travers l’objectif d’une « croissance verte », on mise sur des techniques très consommatrices en métaux non recyclables. L’économie circulaire n’est aussi que mirage.

Pour en savoir plus sur le verdissement

Des municipales à l’heure du verdissement (2020)

extraits : Les élus des années 1990 avaient transformé leur ville en entreprise pour devenir une zone « attractive ». C’était la mode de la politique du  développement local, zones industrielles par-ci, grands travaux inutiles par-là. Les politiques d’image visaient à améliorer le positionnement extérieur de la ville, festival de musique par-ci, festival de la bande dessinée par-là… Aujourd’hui c’est le verdissement général. Que dire de spécifique quand tous les candidats se veulent écolos ?

Fluide Glacial : Vers un monde vert et très rigolo (2014)

extrait : « Un sage a dit, si tu échoues sur une île déserte avec une bible électronique, tu as trois heures d’autonomie… »

mondial de l’auto (2008)

extraits : Le « greenwashing » ou verdissement des mauvaise pratiques environnementales par un effet d’annonce, a encore frappé. « Les marques de voiture font de l’écologie leur principal argument de vente », titre Le Monde du 16 octobre 2008. Renault prétend « laisser moins de traces sur la planète », Toyota « moins de CO2, mais aussi moins de NOx », BMW « moins d’émissions, plus de plaisir ».

POLLUTEC (2007)

extraits : Dans la France de 1986, Pollutec (Salon international des équipements, des technologies et des services à l’environnement) rassemblait 220 exposants sur 4 000 m2 de stands. En 2006, Pollutec réunissait à Lyon 2500 exposants sur 53 000 m2. En fait cette progression du « verdissement » du PIB n’est pas bon signe. Cela démontre que la richesse du pays, mesurée par le produit intérieur brut, a une composante négative dont l’expansion marque les inconvénients de la croissance économique : on note comme positif des activités qui ne font pour la plupart que compenser les inconvénients du progrès technique.

Pour en savoir plus sur les oxymores

Transition énergétique, un oxymore de plus (2022)

Nucléaire vert, énergie durable, oxymores (2022)

Croissance durable, un oxymore obtient le prix Nobel ! (2018)

Croissance verte, l’oxymore de la Banque mondiale (2012)

Pour en savoir plus sur l’économie circulaire

L’économie circulaire, une vraie entourloupe (2020)

Économie circulaire, on en parle, on le fera peut-être (2018)

économie circulaire, écologie industrielle, un leurre (2013)

Aide alimentaire, aide à l’agro-industrie !!!

Le mensuel « La Décroissance » offre une mine de renseignement sur les livres récemment paru. Ainsi cette interview de Bénédicte Bonzi (La France qui a faim. Le don à l’épreuve des violences alimentaires) dont nous résumons les propos tenus dans le journal de mai 2023.

Bénédicte Bonzi « L’aide alimentaire n’est pas une sympathique aide aux pauvres. Elle est un maillon dans la chaîne du contrôle des populations par les institutions étatiques et marchandes dominantes. Pour résumer, une agriculture hyper-industrielle a massivement détruit les milieux naturels et le travail des paysans, ce qui entraîne 4 millions de personnes qui se retrouvent devoir compter sur l’aide alimentaire. La loi Garot de 2016, issue du Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, a pris alors la forme d’une convention de don à l’avantage des supermarchés auxquels les dons assurent une défiscalisation. Grâce aux pauvres, les riches paient moins d’impôts ! Mais c’est aux bénévoles associatifs d’assurer le transport des produits, de garantir la chaîne du froid et de servir les pauvres. Le résultat, tout le monde mange à peu près à sa faim, il n’y a pas d’explosion de colère sociale. C’est fondamentalement à cela que sert l’aide alimentaire. Comme il y a appel d’offre, cela garantit la part du marché de l’aide à l’agriculture productiviste. Ce ne sont évidemment pas des produits paysans qui se retrouvent dans les paniers de l’aide alimentaire. Et les intermédiaires savent se rendre « invisibles »….

Une sécurité sociale de l’alimentation, par exemple 150 euros par personne et par mois, seraient fléchés : on ne pourrait acheter que des aliments issus d’une agriculture qui respecterait l’environnement naturel. De plus, si nous voulons le retour des paysans, il nous faut accroître la part de l’alimentation dans les budgets des familles. »

Le point de vue des écologistes des temps futurs

Prolongeons les enseignements de Bénédicte Bonzi. L’agriculture productiviste a oublié que sans énergie fossile, elle est vouée au néant. La période de l’agro-industrie, basée sur des ressources fossiles en déplétion, va se terminer faute de carburant. Alors il y a aura une inversion, la loi d’Engel qui décrit l’évolution du budget alimentaire ira dans l’autre sens. Cette  « loi » énonce qu’au fur et à mesure que le revenu augmente, la part des dépenses alimentaires diminue. Historiquement, notons d’abord que c’est l’augmentation de la productivité industrielle qui a permis de consacrer la plus grande part de son budget à des dépenses secondaires. De plus, paradoxalement, l’agriculture, le secteur primaire, fondement de notre survie physique, est subventionnée par l’Union européenne (la PAC) ; on ne paye pas le vrai prix de notre alimentation. Enfin la pression à la baisse des prix imposée aux agriculteurs par la grande distribution est une anomalie. Dans l’avenir, nous reviendrons à une situation plus normale, moins de gadgets achetés et beaucoup plus d’argent consacré à notre alimentation de base. Il y a aura aussi une autre inversion, l’exode rural deviendra le retour à la terre. Cela sera très dur, les produits agricoles seront plus cher, le travail à la ferme bien plus physique que l’emploi tertiaire. Il nous faudra oublier les grandes phrases hors sol du type « bon produit sain et au plus bas prix ».

Quant à l’aide alimentaire, un tonneau sans fond à l’heure actuelle qui ne profite qu’à l’agro-industrie, il faudra bien arriver à la réduire d’une manière ou d’une autre. Si on peut concevoir une aide alimentaire de court terme, on ne peut soutenir éternellement des pays en surpopulation, et la France est un de ces pays. Agir sur l’alimentation, c’est nécessairement agir aussi sur la population. Lire sur notre blog :

 Arrêtons l’aide alimentaire structurelle

extraits : Disons-le alors tout net, tout pays qui ne fait pas l’effort de maîtriser sa fécondité, et subit en conséquences des problèmes économiques et socio-politiques structurels, n’a pas droit à une aide alimentaire continue. Malthus était très clair sur ce point : « N’oublions pas que l’humanité et une vraie politique requièrent impérieusement que dans des circonstances de famine, les pauvres reçoivent tous les secours que la nature des choses permet de leur donner. Il est donc de notre devoir de leur donner dans les années de détresse quelques secours temporaires. »

Baisse de l’aide publique au développement

extraits : Dans un compte-rendu de colloque, « Malthus hier et aujourd’hui » (1984), le politicien sénégalais Landing Savané affirmait : « L’aide internationale est comparable à la Loi des pauvres puisqu’elle bloque la nécessité de développer la production locale et d’assurer l’autosuffisance alimentaire. On voit mal comment il serait soutenable de fournir en permanence des aides toujours croissantes à une population dont la croissance provoquerait la dégradation des sols sur lesquels elle vit, et donc une diminution de ses propres ressources. »  Depuis, on a laissé la situation démographique se détériorer jusqu’à ce que dans plusieurs pays comme l’Égypte ou le Nigeria on ait atteint le point de non retour.

L’aide humanitaire, facteur de surpopulation

extraits  : « Alors que nous ne sommes pas responsables de notre propre naissance, la société nous rend responsable de toutes les naissances… L’humanitaire est le substitut mercantile, infantile et hypocrite de l’humanisme… 170 ONG s’occupent des réfugiés du Moyen-orient et de l’Afrique de l’Ouest, la plupart reçoivent des subventions sans aucun contrôle. Certains l’appellent « l’industrie de l’aide »…La seule conséquence de toute aide est de favoriser la reproduction… La seule charité concevable, c’est celle qui permet d’aider une femme à avorter si elle le désire…Le sage n’a rien à faire de la charité ; s’il a fait le choix de ne pas devenir l’esclave des désirs et des passions, ce n’est pas pour aider les autres à y succomber…

Tout savoir sur l’aide au développement

extraits  : Lutter contre les causes structurelles de la faim par l’agriculture biologique est certes nécessaire. Mais il serait aussi urgent d’augmenter fortement la part de l’aide publique au développement à destination du planning familial. L’association Démographie Responsable demande que 25 % de l’APD y soit consacré. La maîtrise de la fécondité est un accompagnant obligé de la production de nourriture, sinon il y a une course sans fin entre croissance démographique et ressources vivrières comme l’avait montré Malthus. C’est d’autant plus urgent que ce sont les cultures d’exportation qui sont aidés de façon préférentielle, ce qui détériore la capacité d’autonomie alimentaire des pays concernés.

MALTHUS, aider les pauvres n’est pas aider !

extraits  : Aujourd’hui encore une partie de l’intelligentsia fait mine de croire qu’il s’agit d’être « anti-pauvres » alors que Malthus pensait au contraire défendre la cause des pauvres. Il croit en une approche qu’on pourrait appeler aujourd’hui social-libérale, reposant sur la responsabilité individuelle : « Le peuple doit s’envisager comme étant lui-même la cause principale de ses souffrances… Si nous négligeons de donner attention à nos premiers intérêts, c’est le comble de la folie et de la déraison d’attendre que le gouvernement en prendra soin… En Angleterre, les lois sur les pauvres ont été incontestablement établies dans des vues pleines de bienveillance. Mais il est évident qu’elles n’ont point atteint leur but… Les lois sur les pauvres tendent manifestement à accroître la population sans rien ajouter aux moyens de subsistance… Ainsi les lois y créent les pauvres qu’elles assistent… Ce que je propose, c’est l’abolition graduelle des lois sur les pauvres, assez graduelle pour n’affecter aucun individu qui soit actuellement vivant, ou qui doivent naître dans les deux années prochaines… »

Action (non-)violente pour la décroissance !?

Les points de vue d’après Sainte-Soline sur l’utilité ou non de la violence militante sont très différents dans le mensuel « La décroissance » de mai 2023. Mais la destruction de biens nuisibles à l’environnement prônée par Andreas Malm nous semblent un incontournable.

Alain Refalo : La condamnation de la violence policière d’État à Sainte-Soline, à laquelle je souscris, ne saurait passer sous silence la dérive violente de groupes qui n’ont d’autres objectifs que la violence à l’encontre des représentants de l’État… Alors que la violence première provient de méga-bassines qui portent atteinte aux écosystèmes, celle-ci est reléguée au second plan au profit de l’agressivité des manifestants, considérés alors comme la cause première des violences… Le recours à la violence est synonyme de défaite programmée.

Soazic Le Bot : Réaffirmons notre engagement pour la non-violence qui se définit par une ligne rouge : ne jamais s’en prendre aux personnes. Mais quand des biens servent à perpétrer l’injustice sont identifiés, chaque fois que cela est possible, déconstruire plutôt que détruire, démonter plutôt que saccager, défaire plutôt que casser. Multiplier les mises hors service aux effets paralysants peut être important. Des petites pannes mineures peuvent neutraliser des systèmes entiers.

Stephen Kerckhove : Face aux urgences écologiques, avons-nous d’autres choix que ceux d’une action déterminée reposant sur une radicalité pleinement assumée ? A l’heure où notre monde se délite, nous n’avons plus le droit d’être inefficaces. Nous avons une obligation de résultat, au risque d’être co-responsable du drame entraîné par un capitalisme destructeur. La question de la légitime défense écologique, y compris dans sa forme violente, ne peut plus être écartée d’un revers de la main. Gesticuler et cliquer n’ont pour effet qu’entretenir l’idée que nous pourrions stopper l’effondrement en consentement à opérer un petit geste militant… Notre force ne doit pas reposer sur la violence, mais sur le nombre… La fin est dans les moyens.

Laurent Samuel : Pour un « vétéran » qui a participé le 30 juillet 1977 au rassemblement de Creys-Malville contre le surgénérateur nucléaire Superphénix, les reportages en direct de Sainte-Soline avaient un air de déjà vu. A l’époque Vital Michalon est tué, les poumons éclatés par la déflagration d’une grenade offensive. Ce drame semble avoir « vacciné » le mouvement contre la tentation du recours au sabotage, prôné par François d’Eaubonne au nom de la « contre-violence » et qui avait participé en 1975 à un attentat contre la centrale nucléaire de Fessenheim. Près de cinquante ans plus tard, le choc de Sainte-Soline, relancera-t-il les actions citoyennes sur le terrain ? En tout cas le caractère pacifique du rassemblement contre l’autoroute A69 le 22 avril 2023 montre que la violence n’est pas inéluctable. Pour moi, le débat démocratique, l’information du public, la participation aux élections et la résistance civile non-violente restent les meilleurs moyens de convaincre nos concitoyennes de l’urgence d’agir pour sauver le climat et la biodiversité.

Pierre Thiesset (qui classe Andreas Malm comme écoartuffe) : Notre homme revendique haut et fort la violence : « Quand commencerons-nous à nous en prendre physiquement aux choses qui consument cette planète – la seule sur laquelle les humains et des millions d’autres espèces peuvent vivre – et à les détruire de nos propres mains ? » trépigne-t-il dans son fameux livre Comment saboter un pipeline. » Inutile de dire que ce boute-feu s’est délecté du spectacle de Sainte-Soline. La voie que préconise un Andreas Malm quand il assène que l’avenir est « au communisme de guerre écologique », c’est celle du totalitarisme. Avis à Andreas Malm : les mots ont des conséquences. Il est très facile de se faire exalté derrière son clavier, d’appeler du haut de sa chaire universitaire à passer à l’offensive devant l’urgence de la catastrophe écologique… mais quand des corps meurtris sont laissés sur le carreau, on ne peut pas se défausser de sa responsabilité.

Andreas Malm (dans le livre cité par Thiesset) : Deux membres des Catholic Workers, Jessica Reznicek et Ruby Montoya, tout au long du printemps 2017, ont perforé à plusieurs reprises un pipeline en construction. Elles justifient : « Après avoir épuisé toutes les formes d’action possibles, dont la participation à des réunions publiques, la collecte de signatures pour réclamer des études d’impact environnemental, la désobéissance civile, les grèves de la faim, les manifestions, boycotts et campements, nous avons constaté l’incapacité évidente de notre gouvernement (américain) à entendre les revendications populaires. »…  

Elles ont fini par sortir de la clandestinité en revendiquant publiquement leurs actions : « Nous prenons la parole pour encourager d’autres à entrer dans l’action, le cœur pur, pour démanteler l’infrastructure qui nie notre droit à l’eau, à la terre et à la liberté. »

Pour aller plus loin grâce à notre blog biosphere

CLIMAT, faut-il saboter les pipelines ?

CLIMAT : « Comment saboter un pipeline »

Nous sommes la Terre qui se soulève

« Nous sommes les Soulèvements de la terre »

Urgence écologique, le rôle de la violence

Andreas Malm, le Karl Marx de l’écologie

Noël Mamère prend partie pour la castagne

Pour résister à l’agression publicitaire

Le point judiciaire sur la désobéissance écolo

Portraits croisés de Décroissants

L’Observatoire de la post-croissance et de la décroissance (OPCD) a lancé sa revue Mondes en décroissance :

https://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/

Accessible gratuitement en ligne, voici les contributions (résumées) de trois contributeurs.

Serge Latouche : La décroissance a 20 ans. Le terme a d’abord été utilisé dans le titre d’un livre recueil de textes de Georgescu-Rogen par Jacques Grinevald et Ivo Rens en 1979. Le projet a pris forme en France entre la parution d’un numéro de la revue Silence en février 2002, le colloque de La Ligne d’horizon à l’UNESCO « Défaire le développement refaire le monde » fin février, début mars 2002 et celui de Casseurs de pub à Lyon en septembre sur la décroissance, suivi du lancement du journal éponyme. La pandémie et l’urgence climatique aidant, la décroissance a refait surface ces derniers temps et s’est invitée dans le débat politique français avec Delphine Batho en vue des élections présidentielles de 2022. Le président Macron lui-même déclarait à Marseille le 16 avril 2022 : « Je veux être clair avec vous, je ne crois pas en la décroissance, au contraire il nous faut produire et travailler davantage… Les avions sans émission “zéro carbone”, les trains hydrogène, la voiture électrique produite en France, les éoliennes en mer produites en France, les mini réacteurs [nucléaires] et tant et tant d’autres solutions. »La volte-face opportuniste récente du même Macron avec la farce de la sobriété a au moins le mérite d’avoir fait de la décroissance un objet médiatique incontournable.

Faire le bilan de vingt ans de décroissance, c’est aussi rendre compte du passif. La stratégie de délégitimation de la décroissance la plus efficace consiste sans doute à la taxer d’écologie punitive. Ceux qui par intérêt, comme les négationnistes du climat, ou par opportunisme comme les écologistes médiatiques dénoncent la décroissance comme écologie punitive manifestent en fait leur refus d’assumer le coût symbolique ou réel de la rupture. Les lobbies du productivisme et du consumérisme cherchent à empêcher par tous les moyens l’adoption de toute mesure écologique s’attaquant aux situations dommageables pour l’environnement mais profitables, en multipliant les études orientées, voire en falsifiant carrément les données. Mais alors, il faut admettre qu’il n’y a pas de transition écologique réelle possible et que toute politique environnementale se limite à l’écoblanchiment (greenwashing). C’est une telle stratégie d’instrumentalisation qui a été menée également avec l’économie circulaire, qui est devenue la base du green deal, la doctrine de la Commission européenne. Les dirigeants, tout en multipliant les déclarations pour réduire les émissions de gaz à effet de serre veulent maintenir, voire en accroître encore les causes : tourisme de masse, transports aériens, agriculture productiviste. On ne peut que reprendre la fameuse formule de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

Le décalage entre l’audace inattendue des propositions faites par les 150 citoyens tirés au sort de la convention citoyenne sur le climat et la frilosité du monde politique interpelle. Avant, la catastrophe possible, c’était une illusion et il convenait de ne rien faire. Maintenant, il n’y aurait plus rien à faire, sinon s’adapter (la résilience) ou attendre un miracle technologique (géo-ingénierie ou trans-humanisme). De l’impossibilité d’une croissance infinie dans un monde fini découlait, pour Nicholas Georgescu-Roegen, la nécessité de faire une bioéconomie, c’est-à-dire de penser l’économie au sein de la biosphère. Le programme a été dévoyé, la situation dans l’ensemble continue de se dégrader à tel point qu’on peut se demander si l’effondrement n’est pas déjà en marche.

Caroline GOLDBLUM : Le combat pour la survie de l’espèce et le combat des femmes pour leur libération, c’est la question démographique. C’est la base même d’une plate-forme écologie-féminisme. La mutation de société que nous propose Françoise d’Eaubonne a une proximité manifeste avec l’idéologie du mouvement actuel de la Décroissance. Depuis 1974, elle est à la tête d’un groupe de femmes organisé autour du Front féministe (devenu en 1978 le mouvement de réflexion « Écologie-féminisme »). Pour lutter contre la surpopulation, conséquence du « lapinisme phallocratique », ce groupe préconise la « grève des ventres » c’est-à-dire la décision par les femmes d’arrêter de procréer pour l’année 1979. Les femmes doivent prendre en main la gestion de la planète en se réappropriant leur fécondité et l’exploitation des sols. Pour cela, les méthodes de contraception doivent être universellement démocratisées et l’avortement libre et gratuit. En France, cette revendication est celle des Mouvements pour la défense de l’avortement et de la contraception (MLAC) qui se sont créés à partir de 1973 dans toutes les grandes villes ouvrant la voie au vote de la loi Veil un an plus tard. C’est aussi en 1974 que la pilule (loi Neuwirth, 1967) peut être remboursée et délivrée aux mineures. La seule solution à l’inflation démographique, c’est la libération totale des femmes, et partout à la fois, et non pas la manipulation anti-nataliste de celles qui appartiennent au camp défavorisé, et y sont défavorisées entre toutes.

« Quand on sait ce que coûte à des ressources déjà si compromises et si abîmées la naissance d’un seul enfant des pays les moins surpeuplés (ceux du bloc capitaliste – privé) par rapport à un enfant de l’autre camp, le sous-développé, et qu’un petit Américain ou Suisse va détruire davantage que dix Boliviens, on mesure avec précision l’urgence d’un contrôle démographique mondial par les femmes de tous les pays : ceux d’économie capitaliste privilégiée et ceux dits si pudiquement « en voie de développement » » (1978).

Vincent Liegey : Dès ses débuts, l’un des piliers majeurs de la décroissance est la démocratie. C’est d’ailleurs toute la distinction qui est faite entre une décroissance choisie, planifiée, démocratiquement décidée et organisée et la récession subie, conséquence d’une société de croissance sans croissance. L’expérience de la convention citoyenne pour le climat, avec le tirage au sort de 150 citoyennes et citoyens a démontré la justesse de cette intuition première.

Le second grand pilier de la décroissance est celui du partage. En effet la croissance a permis de repousser à toujours plus tard la question des inégalités, acceptées du fait de la promesse qu’il y aurait toujours plus de surplus demain. Avec la fin de la croissance, il est crucial de mieux partager.

Il s’agit enfin d’explorer les communs ou comment repenser la propriété. C’est le troisième pilier majeur de la décroissance : comment ré-enchâsser l’économie dans l’écologie, la remettre à sa place.

Le message actualisé du rapport Meadows

Quel était vraiment le message du rapport Les limites à la croissance (LC) de 1972 ? Et ce message a-t-il une quelconque pertinence aujourd’hui ‑ 50 ans plus tard ?

Jorgen RANDERS : LC avait observé que l’impact environnemental de la société humaine avait augmenté de 1900 à 1972 à cause de la croissance de la population mondiale, de l’utilisation des ressources et de l’impact environnemental par personne. Cette hausse s’est poursuivie depuis 1972, l’empreinte écologique humaine totale augmente encore, poussée par l’augmentation de la population mondiale et de la consommation matérielle.

Quand les limites approcheront, la société passera d’abord du temps à discuter de sa réalité mais pendant ce temps, la croissance continuera et mènera l’empreinte écologique en territoire insoutenable. Ceci est exactement ce qui s’est passé dans l’arène climatique mondiale (les COP). En résumé, LC avait déclaré que la croissance de l’empreinte écologique ne sera arrêtée qu’après le dépassement du niveau soutenable. Ce message de « dépassement causé par les retards de décision » n’a pas été retenu par le lectorat de LC. Mais en 2016, la demande humaine sur la biosphère avait déjà dépassé la biocapacité mondiale d’environ 50 %. Le monde d’aujourd’hui est en profond dépassement. L’humanité devra revenir en territoire durable. Soit par le biais d’un « déclin organisé » vers des niveaux d’activité durables, soit par un « effondrement » vers les mêmes niveaux, causé par le travail de la « nature » ou du « marché ». Un exemple de la première solution consisterait à limiter administrativement les pêches annuelles de poissons au niveau de la pêche durable, l’autre solution serait l’élimination des communautés de pêcheurs parce qu’il n’y a plus de poisson. L’exemple le plus célèbre d’« effondrement » est celui de la pêche à la morue au Canada après 1992, après deux décennies sans pêche, le stock de poissons ne s’est toujours pas reconstitué. 

Onze des douze scénarios du LC exploraient diverses solutions au défi du dépassement. Le dernier scénario – l’équilibre global – montrait comment le dépassement et l’effondrement pouvaient être évités, du moins en principe. Traduit en politiques concrètes, cela signifie qu’il faut légiférer pour limiter la taille de la population et la consommation de matières premières par habitant. Or nous savons aujourd’hui qu’aucune action réelle visant à prévenir le dépassement n’a été mise en place (dans le monde réel) en 1975. Aucun effort majeur n’était non plus en cours en 2000. Au cours des 20 dernières années, le nombre de mesures statistiques indiquant que l’humanité a dépassé les limites planétaires et continue de s’en éloigner n’a cessé d’augmenter. Le terrain se prépare à l’effondrement ou à la contraction, ou idéalement, à la contraction planifiée. Le changement climatique apparaît comme le principal défi.

Le message de LC est-il pertinent aujourd’hui ?

Gaël Giraud travaille actuellement sur un modèle qui s’inspire de celui de l’équipe Meadows : « Ce rapport ne disait rien en ce qu’il advient en termes de dette, de chômage, d’inflation, etc. Or ce sont des signaux économiques dont nous avons besoin pour pouvoir prendre des décisions. De plus LC n’incluait pas le réchauffement climatique, à l’époque les données n’étaient pas disponibles. Nous essayons donc de faire un travail complémentaire qui inclut l’aspect économique et climatique. Les conclusions que nous obtenons sont assez similaires à celles du rapport Meadows.

Si nous ne changeons pas radicalement de trajectoire, des régions entières de la planète vont devenir inhabitables pour l’humanité avant la fin de ce siècle. Par exemple une combinaison de pics de chaleur et d’humidité est létale pour le corps humain : si vous êtes exposés pendant plus de six heures à une température de 40°C et à plus de 25 % d’humidité, vous mourez. Nous démontrons que dans le cas d’un scénario « business as usual »,  la totalité de l’Amazonie, une grande partie de l’Amérique centrale, tout le littoral indien et la quasi-totalité de l’Asie du Sud-Est deviennent inhabitables. Ce qui signifie des migrations colossales.

Le rapport Meadows est pleinement d’actualité dans sa méthode et dans ses conclusions. La dernière vérification en date des scénarios Meadows par Gaya Herrington suggère que la fenêtre qui nos permettrait d’échapper aux catastrophes est en train de se refermer au cours de cette décennie 2020.

(extraits du livre « Dernières limites », édition rue de l’échiquier, 2023)

Les raisons du refus de voir la réalité biophysique

  • Nombreux sont ceux qui pensent que la croissance économique continue est la seule solution possible pour répondre aux trois besoins humains légitimes que sont a) un revenu décent, b) le plein emploi et c) la sécurité de la vieillesse pour tous.
  • Beaucoup croient que le progrès technologique résoudra tous les problèmes de ressources et de pollution (à l’avance).
  • Beaucoup ne comprennent pas que la croissance économique (croissance de la valeur ajoutée = croissance du PIB) puisse se produire sans croissance de l’empreinte écologique. 
  • Nombreux sont ceux qui considèrent toute interférence avec le moteur de la croissance économique comme une tentative, par les riches, de maintenir les plus pauvres à terre.

Il est vrai que ce qu’il faut faire n’est pas rentable du point de vue des investisseurs et nécessitera des changements structurels auxquels s’opposent ceux qui perdront leur emploi ou leur source de profit. Un État actif œuvrant pour le bien commun, cela ne sera pas facile dans un monde d’individualistes réfléchissants à court terme.

Tout savoir sur les limites de la croissance

Voici une présentation générale suivie d’un résumé du rapport au club de Rome sur « les limites de la croissance » de 1972.

Élodie VIEILLE-BLANCHARD : Cinq choses que vous ignoriez (peut-être) sur le rapport des Limites à la croissance

1) Le rapport des Limites est issu du projet d’Aurelio Peccei, l’industriel italien qui a fondé le Club de Rome

En 1968, âgé de soixante ans, Peccei fonde une organisation consacrée aux « grands problèmes du monde », le Club de Rome. À cette époque, l’enthousiaste manifesté jusque-là pour ce développement laisse la place à une interrogation sur ses effets sociaux et écologiques, et à une inquiétude concernant le risque d’éclatement d’un monde où ce développement procède à des rythmes extrêmement différents, selon les régions. Peccei semble également très marqué par les préoccupations de l’époque : « explosion démographique » (l’ouvrage de Paul et Anne Ehrlich, La Bombe P est publié en 1968), mais aussi épuisement des ressources, pollutions, et prolifération nucléaire.

2) Le rapport des Limites et le modèle mathématique World 3 ont été élaborés en très peu de temps, par une très jeune équipe de chercheurs

En 1970, Peccei rencontre Jay Forrester, ingénieur de formation et fondateur de la Dynamique des Systèmes, une méthodologie de modélisation destinée initialement à gérer les stocks et les flux dans les entreprises.Sur la demande de Peccei, il traduit la Problématique en un modèle mathématique du monde, structuré autour de cinq grandes variables globales : population, ressources, production industrielle, production agricole, pollution. Des équations décrivent comment ces variables interagissent les unes avec les autres. Le rapport The Limits to Growth  est publié en mars 1972.

3) Le rapport avait une vocation heuristique, plutôt que prédictive

Le rapport des Limites est structuré autour de plusieurs « scénarios » : tout d’abord le scénario « business as usual », dans lequel les tendances historiques se poursuivent sans que rien soit fait pour les infléchir ; puis la famille des scénarios technologiques, dans lesquels sont intégrées diverses hypothèses « optimistes »… le rapport avait pour but de dégager les conséquences de différentes hypothèses sur le comportement du modèle, et de saisir les dynamiques qui sous-tendent ce comportement sans « prédire » un effondrement du système planétaire aux alentours de telle ou telle date.

4) Le Club de Rome n’était pas franchement à l’aise avec les conclusions du rapport

Il est intéressant d’observer qu’un projet issu d’un groupe d’industriels et d’acteurs institutionnels de haut rang a débouché sur la publication d’un rapport appelant à faire cesser la croissance industrielle. C’est sans doute ce caractère paradoxal qui a expliqué l’avalanche de critiques, qui ont émané de la gauche, de la droite, du monde dit développé et des pays en développement, et même des écologistes.

5) Le titre de la traduction française du rapport initial comportait un point d’interrogation

En France, le rapport des Limites a initialement été publié sous le titre Halte à la croissance ? La première mise à jour du rapport, Beyond the Limits, publiée en 1992 aux États-Unis, n’a jamais été publiée en France. Quant à la seconde mise à jour, The Limits to Growth : The 30 -Year Update, publiée en 2004 aux États-Unis, elle a été traduite en français sous le titre Les Limites à la croissance (dans un monde fini) et publiée à deux reprises, une première fois en 2013 aux éditions Écosociété et une seconde fois en 2016 aux éditions Rue de l’échiquier

résumé du rapport sur notre réseau biosphere

édition Fayard, Halte à la croissance ? 318 pages, 26 francs

Introduction

L’un des mythes les plus communément acceptés de la société actuelle est la promesse que la poursuite du processus de croissance conduira à l’égalité de tous les hommes. Nous pouvons démontrer au contraire que la croissance exponentielle de la population et du capital ne faisait qu’accroître le fossé qui sépare les riches des pauvres à l’échelle mondiale. Dès que l’on aborde les problèmes relatifs aux activités humaines, on se trouve en effet en présence de phénomènes de nature exponentielle. Considérant le temps de doublement relativement court de nombreuses activités humaines, on arrivera aux limites extrêmes de la croissance en un temps étonnamment court.

La plupart des gens résolvent leurs problèmes dans un contexte spatio-temporel restreint avant de se sentir concernés par des problèmes moins immédiats dans un contexte plus large. Plus les problèmes sont à longue échéance et leur impact étendu, plus est retreint le nombre d’individus réellement soucieux de leur trouver une solution. Pour examiner la problématique mondiale de l’écosystème, nous avons choisi la dynamique des systèmes mise au point par le professeur Jay W. Forrester au MIT. Il n’est cependant par nécessaire d’être un spécialiste de l’informatique pour appréhender nos conclusions et les discuter. Ce que nous cherchons, c’est à ouvrir largement le débat.

1/5) La variable démographique

La croissance de la population humaine obéit à une loi exponentielle. En 1650, la population s’élevait à quelque 500 millions d’habitants et augmentait d’environ 0,3 % par an, ce qui correspond à un temps de doublement de 250 ans. En 1970, la population du globe atteint 3,6 milliards et le taux de croissance 2,1 % ; le temps de doublement n’est plus que de 23 ans. Nous pouvons nous attendre à un chiffre global de l’ordre de 7 milliards d’humains aux environs de l’an 2005 (ndlr : ce chiffre est atteint le 31 octobre 2011). La population a mis plus d’un siècle pour passer de un à deux milliards, trente ans plus tard nous avons dépassé le troisième milliard et nous disposons d’à peine vingt ans pour accueillir le quatrième milliard (ndlr : il y a désormais 1 milliard de plus d’habitants tous les douze ans en moyenne). La rapidité des progrès techniques nous a permis jusqu’ici de faire face à cette démographie galopante, mais l’humanité n’a pratiquement rien inventé sur le plan politique, éthique et culturel qui lui permette de gérer une évolution sociale aussi rapide.

Que faudrait-il pour maintenir la croissance de la population ? La première condition concerne les moyens matériels indispensables à la satisfaction des besoins physiologiques. Les terres les plus riches sont effectivement cultivées de nos jours. Le prix d’un aménagement de nouvelles superficies serait si élevé que l’on a jugé plus économique d’intensifier le rendement des zones actuellement cultivées. Le manque de terres cultivables se fera désespérément sentir avant même l’an 2000. Les conséquences d’une multiplication par deux ou par quatre de la productivité des terres se traduisent respectivement par un ajournement de la crise à 30 ans et à 60 ans, ce qui correspond à chaque fois à un délai inférieur au temps de doublement de la population. Toute duplication du rendement de la terre coûtera plus cher que la précédente. Chaque crise successive sera plus dure à surmonter. Ce phénomène pourrait s’appeler la loi des coûts croissants. Pour augmenter de 34 % la production mondiale de denrées alimentaires entre 1951 et 1966, les dépenses se sont accrues de 63 % pour les tracteurs et de 146 % pour les engrais azotés. Parallèlement, la consommation annuelle de pesticides a triplé. La seconde condition comprend les nécessités sociales comme la paix et la stabilité sociale, l’éducation, le progrès technique. Notre rapport ne peut traiter explicitement de ces données socio-économiques.

Combien d’hommes notre planète peut-elle nourrir ? La réponse est liée au choix que la société fait entre diverses possibilités. Il existe une incompatibilité entre l’accroissement de la production alimentaire et celui de la production d’autres biens et services. Il apparaît actuellement que le monde se soit donné pour objectif d’accroître à la fois la population et le niveau de vie matériel de chaque individu. Aussi la société ne manquera pas d’atteindre l’une ou l’autre des nombreuses limites critiques inhérentes à notre écosystème, que ce soit les ressources non renouvelables ou la pollution par exemple. Une population croissant dans un environnement limité peut même tendre à dépasser le seuil d’intolérance du milieu au point de provoquer un abaissement notable de ce seuil critique, par suite par exemple de surconsommation de quelque ressource naturelle non renouvelable. Une colonie de chèvres ne rencontrant plus d’ennemis naturels épuise sa zone de pacage jusqu’à l’érosion des terres ou la destruction de la végétation. Pendant un certain temps, la situation est extrêmement dramatique car la population humaine, compte tenu du temps de réponse relativement long du système, continue à croître. Un réajustement à un niveau démographique plus bas ne pourra se produire qu’après une période de recrudescence de la mortalité par suite de carence alimentaire et de détérioration des conditions d’hygiène.

Le processus de croissance économique, tel qu’il se présente aujourd’hui, élargit inexorablement le fossé absolu qui sépare les pays riches des pays pauvres. Le plus grand de tous les obstacles à une répartition plus équitable des ressources mondiales est l’accroissement de la population. C’est un fait partout observé, lorsque le nombre de personnes entres lesquelles une quantité donnée de produits doit être distribuée augmente, la répartition devient de plus en plus inégale. Une répartition équitable devient en effet un suicide social si la ration individuelle disponible n’est plus suffisante pour entretenir la vie. Les familles les plus nombreuses, et en particulier leurs enfants, sont statistiquement ceux qui auront le plus à souffrir de la malnutrition.

2/5) La technologie et les limites de l’expansion

Il n’est pas question pour nous de vouer aux gémonies le progrès technique, nous-mêmes sommes des technologues, travaillant dans un Institut de Technologie (le MIT). Nous sommes aussi opposés à un refus irraisonné des bienfaits de la technologie que nous le sommes à une foi aveugle en son omnipotence : par d’opposition aveugle au progrès, mais une opposition au progrès aveugle.

L’espèce humaine s’étant trouvée à maintes reprises au cours de son histoire dans l’impossibilité de vivre confinée à l’intérieur de limites de nature matérielle, c’est son aptitude à franchir ces limites qui a constitué la tradition culturelle de la plupart des nations dominantes. Durant les trois derniers siècles des progrès technologiques spectaculaires ont reculé les bornes apparentes de la population et les limites de l’expansion. Il est donc normal que bien des gens continue à espérer des solutions techniques permettant d’élever indéfiniment le plafond qui limite matériellement la vertigineuse ascension de l’humanité. Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Cette foi en la technologie est un comportement dangereux car elle détourne notre attention du problème le plus fondement – celui de la croissance dans un monde fini – et nous empêche d’en rechercher les solutions. Il ne reste plus qu’à attendre que le prix de la technologie soit devenu prohibitif pour la société ou que surviennent des problèmes qui ne comportent aucune solution technique.

Lors de la mise en œuvre de toute technologie, les effets parallèles sont inséparables de l’effet principal. Prenons l’exemple de la Révolution verte. Son objectif est de combattre la faim dans le monde grâce à de nouvelles variétés de semences à haut rendement. La Révolution verte va accentuer les inégalités entre paysans quand celles-ci préexistent à son application. Les gros fermiers sont toujours les premiers à se saisir des innovations techniques. S’enrichissant, ils achètent de nouvelles terres, contraignant les paysans défavorisés à aller grossir les rangs des chômeurs citadins. C’est ce qui s’est passé au Pakistan occidental et au Mexique. Ces conséquences non prévues de la Révolution verte entraînent dans certaines régions un échec au plan social et humain. La longue liste des inventions humaines a abouti au surpeuplement urbain, à la détérioration de l’environnement et à l’accroissement des inégalités sociales.

D’autre part, bien des problèmes aujourd’hui ne comportent pas de solution technique, entre autres la course aux armements, le racisme, le chômage. Même si le progrès technologique dépasse toutes nos espérances, ce sera vraisemblablement l’un de ces problèmes sans solutions techniques, ou la combinaison de plusieurs d’entre eux, qui mettront un terme à l’accroissement de la population et des investissements. La croissance se trouvera bloquée par des phénomènes qui échappent au contrôle de l’homme et à ce stade, comme le modèle global le suggère, les inconvénients seront d’une nature et d’une gravité tout autres que ceux résultant de restrictions volontairement consenties.

3/5) interaction entre les cinq variables

Notre modèle d’analyse des systèmes traite cinq tendances fondamentales : l’industrialisation, la population, l’alimentation, les ressources naturelles non renouvelables et la pollution. Les interactions sont permanentes. Ainsi la population plafonne si la nourriture manque, la croissance des investissements implique l’utilisation de ressources naturelles, l’utilisation de ces ressources engendre des déchets polluants et la pollution interfère à la fois avec l’expansion démographique et la production alimentaire.

Il est possible que la généralisation des réacteurs à fusion permette d’accroître considérablement la durée d’utilisation de matériaux fissiles. La possibilité de traiter les minerais à faible teneur et d’exploiter les fonds marins se traduira par la duplication des réserves disponibles. Mais s’il n’y a pas de risque immédiat de pénurie de matières premières, la croissance se trouvera entravée par la pollution. La possession de ressources illimitées ne semble pas devoir être la clé d’une expansion continue.

On peut aussi penser qu’une société humaine ayant à sa discrétion les sources d’énergie pourrait mettre au point des techniques susceptibles d’empêcher la génération des polluants d’origine industrielle. Mais cette élimination totale se heurte à des impératifs économiques. Le coût de l’élimination des polluants croît vertigineusement en fonction du pourcentage éliminé. S’il y a contrôle de la pollution, la population et le produit industriel par tête augmentent au-delà du maximum précédent. L’effondrement du système est dû cette fois au manque de nourriture. Des terres arables sont transformées en zones industrielles ou urbaines, une partie des terres commence à s’éroder à la suite des méthodes de culture intensive. L’ultime limite du potentiel cultivable est atteinte. La population continue de croître, mais les quotas alimentaires individuels diminuent. Le taux de mortalité commence à croître.

La validité de notre modèle réside dans le fait que, quelles que soient les conditions initiales, il y a toujours un point sur le graphique où l’expansion s’arrête et où l’effondrement commence. Partout dans le réseau des interactions existent des délais sur lesquels les techniques les plus élaborées n’ont aucun effet. Les conséquences d’une politique de régulation des naissances ne pourront devenir sensibles qu’avec un retard de l’ordre de 15 à 20 ans. Le cycle de la pollution est très long, pour certains cancérigènes il peut atteindre 20 ans. Le transfert des investissements d’un secteur à l’autre n’est pas une opération instantanée. Dans les systèmes à croissance rapide ou exponentielle, les changements d’orientation doivent intervenir tellement vite que les impacts des changements précédents n’ont pas encore pu être déterminés.

4/5) Solutions : vers l’état d’équilibre global

Nous avons le droit d’envisager des hypothèses qui soient en concordance avec notre conception d’une échelle des valeurs. Nous avons affirmé notre système de valeurs en rejetant comme indésirable tout phénomène de « surchauffe » entraînant un effondrement du système. Dans tout système fini, il faut qu’il existe des contraintes dont l’action contribue à l’arrêt de la croissance exponentielle. Ces contraintes sont représentées par des boucles négatives. L’autre solution aux problèmes nés de la croissance serait d’affaiblir l’action des boucles positives qui entretiennent le caractère exponentiel de cette croissance.

La théorie des modèles dynamique met en évidence l’existence d’une boucle positive ou boucle d’amplification modérée par une boucle négative. Par exemple les populations ont connu des variations régies par la naissance et la mort. La croissance stupéfiante de la population mondiale est un phénomène récent résultant essentiellement d’une réduction victorieuse de la mortalité dans toutes les parties du monde, le taux de natalité brut restant sensiblement inchangé. Il n’y a que deux façons de rétablir l’équilibre : ou abaisser le taux de natalité au niveau du taux réduit de mortalité, ou il faudra bien que le taux de mortalité augmente à nouveau. On a vu qu’en laissant le système poursuivre son évolution exponentielle, la croissance de la population se trouve fatalement stoppée par un accroissement brutal de ce taux de mortalité. Toute société qui tient à éviter ce résultat doit prendre des mesures délibérées pour contrôler le fonctionnement de la boucle positive : réduire le taux de natalité. En d’autres termes, nous demandons que le nombre de bébés à naître au cours d’une année donnée ne soit pas supérieur au nombre de morts prévisibles la même année. Les actions des boucles positives et négatives se trouvent rigoureusement équilibrées. Lorsque l’amélioration de l’alimentation et de l’hygiène entraînent une réduction supplémentaire de la mortalité, il faut encore faire baisser d’autant le taux de natalité. Un état d’équilibre ne sera pas exempt de contraintes, aucune société ne peut les éviter. Il nous faudra renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfant que nous le souhaitons.

Stabiliser uniquement la population ne suffit pas à empêcher la surchauffe et l’effondrement. Nous pouvons stabiliser le niveau des investissements en posant pour principe que le taux d’investissement reste égal au taux de dépréciation du capital. Nous pouvons aussi combiner des changements de technologie avec des changements de valeur, afin de réduire les tendances à la croissance. Au niveau technique, favorisons le recyclage des ressources naturelles, l’utilisation de dispositifs anti-pollution, l’accroissement de la durée de vie de toutes les formes de capital et l’utilisation de méthodes de reconstitution des sols. On ne pourra plus éluder le problème de la répartition des biens en invoquant la croissance. L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités peu polluantes et ne nécessitant pas de consommation notable de matières premières non renouvelables.

La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. L’état d’équilibre prélèvera moins de nos ressources matérielles, mais en revanche exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Les données dont nous aurions le plus grand besoin sont celles qui concernent les valeurs humaines. Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit commencer à procéder à des choix. Doit-il y avoir davantage de naissances ou un revenu individuel plus élevé, davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourritures pour les pauvres ou encore plus de  services pour les riches ? L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses à ces questions et à traduire ces réponses en un certain nombre d’orientations. Si après nous avoir lu, chacun est amené à s’interroger sur la manière dont la transition doit s’opérer, nous aurons atteint notre objectif premier.

Accepter que la nature se venge des agressions de l’homme ne demande pas plus d’efforts intellectuels que de « laisser courir et voir venir ». Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème mondial des limites ultimes de sa croissance. Etant donné les temps de réponse du système, si l’on attend que ces limites deviennent évidentes, il sera trop tard. Décider de ne rien faire, c’est donc décider d’accroître le risque d’effondrement. Adopter un tel comportement, nous l’avons maintes fois démontré, c’est finalement courir au déclin incontrôlé de la population et des investissements par voie de catastrophes successives. Cette récession pourrait atteindre des proportions telles que le seuil de tolérance des écosystèmes soit franchi d’une manière irréversible. Il resterait alors bien peu de choses sur terre permettant un nouveau départ sous quelque forme envisageable que ce soit.

(Donella H.Meadows, Dennis L.Meadows, Jorgen Randers et William W.Behrens III du Massachusetts Institute of Technology)

5/5) le rôle clé d’Aurelio Peccei

Ce rapport est dédié par ses auteurs à Aurelio Peccei (1908-1984). Ce n’est certes pas son activité professionnelle de vice-président d’Olivetti et de chef de l’organisation Fiat en Amérique latine qui mérite grande attention. Ce sont ses préoccupations pour l’humanité et son avenir qui ont incités beaucoup de personnes à entreprendre une réflexion à long terme sur notre monde. Aurelio Peccei est l’homme qui a voulu nous faire prendre conscience du désastre en cours. Voici quelques extraits de son interview par Janine Delaunay :

« Je suis né en homme libre et j’ai tâché de le rester. Alors j’ai refusé, j’ai refusé… vous comprenez ce que ça veut dire, surtout en Italie à mon époque : la soumission au conformisme religieux, le fascisme. Je me sens obligé de faire tout ce que je peux pour mettre à la disposition des hommes ce que je sais, ce que je sens, ce que je peux faire. Nous avons tellement développé notre capacité de production qu’il nous faut soutenir une économie dont le côté productif est hypertrophique.  On le fait avec ces injections de motivations artificielles, par exemple par la publicité-propagande. Ou on le justifie par la nécessité de donner du travail à des gens, à une population qui sont enfermés dans un système dans lequel, s’il n’y a pas de production, tout s’écroule. Autrement dit nous sommes prisonniers d’un cercle vicieux, qui nous contraint à produire plus pour une population qui augmente sans cesse.

Nous avons été fascinés par la société de consommation, par les bénéfices apparents ou les satisfactions immédiates, et nous avons oublié tout un aspect de notre nature d’hommes. Le profit individuel, ou la somme des profits individuels, ne donne pas le profit collectif ; au contraire, la somme des profits individuels donne une perte collective, absolue, irréparable.  Nous le voyons maintenant avec le plus grand bien commun qu’on puisse imaginer : les océans. Les océans seront détruits si on continue à les exploiter comme on le fait actuellement. Ils seront exploités à 100 % pour les bénéfices personnels de certaines nations, de certaines flottes, de certains individus, etc. Et le bien commun disparaît. Les richesses que nous avons reçues des générations précédentes disparaissent. Notre génération n’a pas le droite de volatiliser un héritage, nous devons à notre tour le passer aux autres.

Nous sommes en train de détruire, au-delà de toute possibilité de recyclage, les bases mêmes de la vie. L’homme achèvera son œuvre irresponsable, maudite – il a détruit les formes animales les plus évoluées ; les grands animaux, les baleines, la faune africaine, les éléphants, etc. C’est l’aspect le plus voyant de notre puissance destructrice dans la biosphère. Quand nous coupons du bois pour en faire l’édition du dimanche d’un journal à grand tirage, qui est constitué pour 90 % de publicité qui est une activité parasitaire, quand nous reboisons, il nous semble que nous reconstituons la nature. En fait le fait d’avoir détruit un bois détruit tous ces biens infinis de vie qui avaient besoin de l’ensemble de ces grands arbres, et  qui étaient un tissu de cycles, de systèmes enchevêtrés l’un dans l’autre ; tout ce bouillonnement de vie est dégradé par le fait que nous avons, sur une grande superficie, coupé les arbres. C’est comme une blessure : après le tissu de reconstitue mais la cicatrice reste. Si nous le faisons sur des superficies très grandes, comme nous le faisons partout dans le monde, nous provoquons d’une façon irrémédiable une dégradation de la biosphère. L’homme, servant son intérêt immédiat, réduit la déjà mince capacité de support de vie humaine dans le monde : la biosphère, cette mince pellicule d’air, d’eau et de sol que nous devons partager avec les animaux et les plantes.

Parce que nos connaissances nous ont donné des possibilités supérieures, nous pouvons engranger toutes les calories que nous savons puiser dans la terre, nous pouvons nous entasser dans des communautés plus vastes que celles que nous savons manier, nous pouvons obtenir des vitesses plus grandes que celles que nous savons maîtriser, nous pouvons avoir des communications plus rapides entres nous sans savoir quel contenu leur donner. Nous agissons comme des barbares, l’homme n’a pas su utiliser ses connaissances d’une façon intelligente. Les bêtes, elles, quand elles ont satisfait leurs besoins, ne tuent pas, ne mangent pas, n’accumulent pas, elles gardent leur nature primitive et belle.

Savoir communiquer demande la reconnaissance de valeurs communes, une possibilité créatrice et une vision de la vie. Nous avons perdu ces trois choses, et nous nous obstinons à créer des moyens de communication qui restent sans contenu. Nous donnons à nos enfants le téléphone, la motocyclette, la télévision, l’avion, etc., mais aucunement la capacité d’utiliser ces moyens techniques de façon créatrice. L’homme emploie ses connaissances pour créer des biens matériels, des machines, des biens consommables, et ce que nous appelons le progrès : ce ne peut pas être notre but. Nous sommes prisonniers des machines que nous avons créées. L’essentiel reste les élans spirituels, la morale, qui n’ont rien à voir avec la technologie, la technique, les gadgets. Notre culture s’est essentiellement axées, dans sa forme capitaliste ou socialiste, sur des valeurs purement matérielles. C’est ce que nous devons réformer en nous. Il existe d’autres cultures, métaphysique en Inde, instances d’amour du Bouddhisme, cultures naturistes de l’Afrique… »

(PS : Ce livre de 1972 a été actualisé en 2004 sous le titre The limits to Growth – The 30-year update)

Complément d’analyse

1/2) les limites des ressources renouvelables

Il y a plus de quarante ans, l’impossibilité de poursuivre une croissance indéfinie dans un monde fini était déjà démontrée par le rapport du Club de Rome dont voici ci-dessous un extrait :

« Rares sont ceux qui imaginent devoir apprendre à vivre à l’intérieur de limites rigides lorsque la plupart espèrent les repousser indéfiniment. Cette foi s’est trouvée renforcée par une croyance en l’immensité de la terre et de ses ressources et en la relative insignifiance de l’homme et de ses activités dans un monde apparemment vaste. Ce rapport entre les limites de la terre et les activités humaines est en train de changer. Même l’océan, qui, longtemps, a semblé inépuisable, voit chaque année disparaître, espèce après espèce, poissons et cétacés. Des statistiques récentes de la FAO montrent que le total des prises des pêcheries a pour la première fois depuis 1950 accusé une baisse en 1969, malgré une modernisation notable des équipement et des méthodes de pêche (on trouve par exemple de plus en plus difficilement les harengs de Scandinavie et les cabillauds de l’Atlantique.

Le secteur de l’industrie baleinière est un secteur marginal de l’économie globale, mais il fournit l’un des exemples les plus caractéristiques de l’accroissement sans frein d’une activité dans un cadre matériellement limité : les baleines les plus rentables, les baleines bleues, ont été systématiquement exterminées avec des moyens sans cesse plus puissants et plus perfectionnés. Pour maintenir et accroître le tonnage d’huile produit chaque année, on a mis en œuvre des bateaux de plus fort tonnage, plus rapides et dotés de moyens de traitement plus productifs. En conséquence il a fallu pourchasser en nombre croisant les baleinoptères dont le rendement en huile était inférieur. Cette seconde espèce puis une troisième étant en voie de disparition, les baleiniers en sont maintenant à chasser le cachalot. C’est l’ultime folie. Déjà depuis les années 1965, le tonnage capturé accuse une baisse sensible. On a voulu que l’industrie baleinière survive à la baleine, ce qui se passe de commentaires. »*

Nous en sommes encore là en 2014, le « choc de croissance » qu’attend François Hollande n’est pas celui qu’il imagine… le rapport du club de Rome a été récemment actualisé. En voici la conclusion : « Une chose est claire : chaque fois que la transition vers un équilibre soutenable est repoussée d’un an, les choix qui restent possibles s’en trouveront réduit. Les problèmes augmentent, alors que les capacités de les résoudre sont moindres. Attendre vingt ans supplémentaires, et on se trouve embarqué dans une expérience chaotique et finalement sans issue. »

2/2) les limites des ressources non renouvelables

Gros titre, « le MIT se trompe en assimilant les réserves naturelles à un trésor ». Suit dans LE MONDE du 15 août 1972 un article de Pierre Laffitte, ingénieur en chef des mines : « Les réserves minières ne correspondent pas à des objets, à un stock de métal déposé dans un hangar… Plus on exploite les ressources naturelles, plus les réserves reconnues augmentent… es-ce à dire qu’il ne faille pas se préoccuper de l’avenir ? Au contraire ! Mais en se défiant de l’emploi de l’ordinateur avec de gros modèles, de multiples paramètres…On évoque le cas du chrome… » Cet article est symptomatique de l’ensemble des réactions qui, en dénigrant le rapport commandité par le Club de Rome*, nous ont empêché depuis plus de quarante ans à réagir à la finitude des ressources confrontés à une croissance irrationnelle de l’activisme humain. Voici donc ce que disait  réellement ce rapport à propos des ressources minières :

En dépit de découvertes spectaculaires récentes, il n’y a qu’un nombre restreint de nouveaux gisements minéraux potentiellement exploitables. Les géologues démentent formellement les hypothèses optimistes et jugent très aléatoires la découverte de nouveaux gisements vastes et riches. Se fier à des telles possibilités serait une utopie dangereuse… les réserves connues du chrome sont actuellement évaluées à 775 millions de tonnes. Le taux d’extraction actuel est de 1,85 millions de tonnes par an. Si ce taux est maintenu, les réserves seraient épuisées en 420 ans. La consommation de chrome augmente en moyenne de 2,6 % par an, les réserves seraient alors épuisées en 95 ans… On peut cependant supposer que les réserves ont été sous-estimées et envisager de nouvelles découvertes qui nous permettraient de quintupler le stock actuellement connu. Il serait alors épuisé théoriquement en 154 ans. Or l’un des facteurs déterminants de la demande est le coût d’un produit. Ce coût est lié aux impératifs de la loi de l’offre et de la demande, mais également aux techniques de production. Pendant un certain temps, le prix du chrome reste stable parce que les progrès de la technologie permettent de tirer le meilleur parti de minerais moins riches. Toutefois, la demande continuant à croître, les progrès techniques ne sont pas assez rapides pour compenser les coûts croissants qu’imposent la localisation des gisements moins accessibles, l’extraction du minerai, son traitement et son transport. Les prix montent, progressivement, puis en flèche. Au bout de 125 ans, les réserves résiduelles ne peuvent fournir le métal qu’à un prix prohibitif et l’exploitation des derniers gisements est pratiquement abandonné. L’influence des paramètre économiques permettrait de reculer de 30 ans (125 ou lieu de 95 ans) la durée effective des stocks.

Le rapport de 1972 concluait : « Etant donné le taux actuel de consommation des ressources et l’augmentation probable de ce taux, la grande majorité des ressources naturelles non renouvelables les plus importantes auront atteint des prix prohibitifs avant qu’un siècle soit écoulé ». Vérifions cette conclusion de 1972 avec les données de 2014 : les gisements métalliques et énergétiques, à la base de notre économie moderne auront pour l’essentiel été consommés d’ici 2025 (date de la fin de l’or, de l’indium et du zinc) et 2158 (date de la fin du charbon). La fin du chrome, dont la production mondiale varie de 17 à 21 M t par an, est estimée à l’an 2024.

à lire absolument, « Mondes en décroissance »

L’Observatoire de la post-croissance et de la décroissance a lancé sa revue Mondes en décroissance :

https://revues-msh.uca.fr/revue-opcd/

Accessible gratuitement en ligne, son lancement coïncide avec trois anniversaires : les cinquante ans du rapport Meadows au Club de Rome, les vingt ans du Colloque Défaire le développement, refaire le monde et la création de l’OPCD. C’est autour de ces trois marqueurs du paysage post-croissant et décroissant que se constitue le premier numéro.

Numéro 1 | 2023 : Lancement de la revue Mondes en décroissance

Sommaire

éditorial (extraits) : qu’entendons-nous par post-croissance et décroissance ? 

Par post-croissance, nous entendons les différents futurs possibles qui viennent après l’époque de la croissance. La post-croissance place la vie en société (et tout ce qui contribue à son maintien et son épanouissement) à l’intérieur des limites planétaires. Elle remet en cause l’accumulation de valeur ajoutée (PIB) et la poursuite de la croissance économique sous toutes ses formes. 

Par décroissance, nous entendons une réduction de la production et de la consommation, planifiée démocratiquement, pour retrouver une empreinte écologique soutenable, pour réduire les inégalités, pour améliorer la qualité de vie. 

En plus de ces définitions liminaires, nous devons réaffirmer, dans le climat actuel, que la décroissance s’inscrit dans une tradition politique fondamentalement émancipatrice, ouverte et solidaire. Ses fondamentaux s’articulent autour d’une démocratie plus directe, de plus de justice sociale et environnementale et du refus de tout racisme, xénophobie, sexisme, homophobie et autres formes de rejet.

Si les contributions à ce numéro sont principalement issues d’un autorat occidental, tout l’enjeu est de pouvoir appréhender ces thématiques par le prisme d’autres territoires. Nous rappelons que la décroissance est née en lien avec la critique du développement, concept fondamentalement impérialiste d’un point de vue culturel et économique. La décroissance se retrouve dans la notion de pluriversel, comme une piste, parmi la variété des visions du monde et des pratiques, qui participe à un « monde écologiquement sage et socialement juste » (Kothari A. et al., 2022, p. 25)1.

Meadows, Mondes en décroissance

Lancement d’une nouvelle revue « Mondes en décroissance » lisible sur Internet. Voici des extraits d’une compilation des réponses de Dennis Meadows à 21 des questions les plus récurrentes sur son rapport « Les limites de la croissance », publié en 1972.

Dennis MEADOWS : En 1972, nous avons publié la première édition de Limites à la croissance. Comme il était impossible de prévoir avec certitude la trajectoire générale de la croissance physique future, nous avons présenté douze scénarios différents dans l’édition de 1972 de notre rapport – douze trajectoires possibles pour l’expansion de la population humaine et de l’économie matérielle. Même lorsqu’il est impossible de dire avec certitude ce qui va se passer, il est souvent facile de décrire de nombreux futurs qui n’ont aucune chance de survenir. Les constantes physiques ne changeront pas. Les lois de la thermodynamique ne seront pas abrogées. Mon point de vue actuel découle de la lecture approfondie de milliers de rapports, de discussions intenses sur ces questions avec des centaines de collègues professionnels, de recherches professionnelles menées pendant cinq décennies. Nous n’avons pas considéré une seule projection informatique comme étant l’avenir le plus probable. Mais plusieurs études récentes et indépendantes ont montré que l’un de nos scénarios, la figure 35 du livre de 1972, suit raisonnablement bien les données historiques de 1970 à 2010. Ce scénario est reproduit ci-dessous sous forme de figure.

L’épuisement est un processus thermodynamique. Augmenter le prix d’une ressource épuisée ne réduit pas magiquement son entropie ni n’en crée davantage dans le sol. Puisque la substitution infinie entre ressources non renouvelables ne sera pas possible en pratique, les projections de notre modèle sont trop optimistes. Il serait trompeur de parler de la technologie comme solution universelle et d’imaginer qu’elle surgirait rapidement et spontanément. Les technologies sont très spécifiques. Par exemple, les technologies qui combattent la pandémie ou facilitent les télécommunications ne compensent pas l’épuisement du pétrole. Et les investisseurs ne s’attendent pas à tirer profit de la résolution des problèmes mondiaux. Les motivations et les institutions qui créent les nouvelles technologies sont généralement les mêmes que celles qui ont produit les problèmes mondiaux existants. La résolution des problèmes mondiaux nécessite principalement de nouvelles normes, et non de nouveaux outils. Bien sûr, il y aura des guerres à l’avenir, les résultats de notre modèle brossent donc un tableau trop optimiste.

Si nous acceptons qu’une petite fraction de la population contrôle la plupart des richesses de la planète et exerce un contrôle central sur la majeure partie de l’humanité, qui vit dans la pauvreté matérielle, avec une mauvaise santé et peu de liberté, plusieurs milliards de personnes pourraient probablement survivre sur Terre plus ou moins indéfiniment. Si, au contraire, nous voulons que les peuples de la Terre vivent longtemps et en bonne santé, avec une relative aisance matérielle, une bonne santé et une liberté substantielle, et avec une équité en matière de bien-être et de pouvoir politique, le niveau de population durable sera certainement bien inférieur aux chiffres actuels. Je crois intuitivement que la planète Terre pourrait faire vivre durablement peut-être un milliard de personnes avec des niveaux de vie comme ceux de l’Italie aujourd’hui. Quel que soit le meilleur chiffre pour le niveau de population durable aujourd’hui, il diminue rapidement car les progrès technologiques ne parviennent pas à compenser les conséquences de la consommation accélérée de l’humanité et de la détérioration des ressources de la planète.

La population mondiale diminuera, que nous nous efforcions ou non d’atteindre ce résultat. Si elle n’est pas réduite par une intervention sociale proactive, elle le sera par les forces écologiques. Une action délibérée est requise de notre part uniquement si nous aspirons à ce que le déclin soit pacifique, équitable et progressif.

Je crois maintenant que le changement climatique est l’une des principales menaces existentielles pour la société industrielle sur cette planète. Mais son élimination magique laisserait subsister d’autres problèmes graves, tels que l’évolution pacifique de la dépendance profonde aux combustibles fossiles et l’arrêt de l’érosion des sols. Il n’existe aucun moyen d’éviter les profondes perturbations qui se produiront dans les décennies et les siècles à venir. Nos systèmes politiques, économiques et culturels comportent de nombreux mécanismes qui favorisent le court terme au détriment du long terme – élections fréquentes, rapports boursiers quotidiens, concept d’actualisation des flux de trésorerie, courte durée d’attention des médias. Tant que les politiques ne seront évaluées qu’en fonction de leurs conséquences immédiates et locales, il ne sera pas possible de parvenir à une durabilité globale.

Au cours de ses quelque 300 000 ans de présence sur cette planète, l’homo sapiens s’est adapté à de nombreuses reprises à des climats radicalement différents de celui dont jouit la société actuelle. Je ne m’attends donc pas à ce que le changement climatique fasse disparaître notre espèce de la planète. Mais le changement climatique détruira certainement les fondements d’une société à forte population, consommatrice d’énergie fossile et aux normes matérielles élevées.

Une aspirine peut permettre au patient de se sentir mieux temporairement, mais elle ne résout pas le problème sous-jacent. Il faudrait s’attaquer à la croissance incontrôlée des cellules cancéreuses dans l’organisme. De même, l’atténuation du changement climatique, de l’érosion des sols ou de la pollution peut permettre aux gens de se sentir mieux à court terme. Mais tant que les causes de la croissance incontrôlée de la population et de la consommation matérielle ne seront pas traitées, il n’y aura pas de solution permanente. La gestion des problèmes d’une population et d’une économie en déclin sera certainement plus facile que les efforts visant à maintenir les taux de croissance actuels. Mais notre culture résiste à cette idée.La promesse de la croissance – plus pour tous – a été le principal facteur de cohésion sociale nécessaire à une gouvernance efficace. Dans un système où chaque participant s’attend à avoir plus au bout du compte, il est possible de parvenir à un consensus. . Mais lorsque tout le monde comprend que la croissance n’est plus possible, lorsque la vie devient manifestement un jeu à somme nulle – si quelqu’un obtient plus, un autre doit obtenir moins – alors le consensus disparaît. La gouvernance durable exige des institutions et une culture capables de choisir et de supporter des sacrifices à court terme pour garantir des gains à long terme. Aucun système de gouvernance ne produira un avenir attrayant s’il est dominé par des personnes égocentriques, corrompues, imprévoyantes ou stupides. Jusqu’à présent, aucun des systèmes de gouvernance nationaux actuels n’a montré une grande propension à inciter ses citoyens à faire des sacrifices à court terme pour le bien-être à long terme des autres.

Il est clair que notre rapport n’a apporté aucun changement perceptible dans les politiques des dirigeants du monde depuis cinquante ans. Aujourd’hui encore, les gouvernements nationaux cherchent instinctivement à résoudre tous les problèmes en favorisant la croissance.

Pour moi, la plus grande réussite de notre rapport, ce sont les milliers de personnes qui partent du principe que la croissance physique ne peut pas et ne pourra pas continuer sur une planète finie. Que la résilience, dans l’équité, et non la croissance perpétuelle, est l’objectif le plus important.

Pour en savoir plus grâce à notre réseau biosphere

les limites de la croissance ou rapport au club de Rome (1972 )

Les limites à la croissance (dans un monde fini) de Meadows et Randers (2004)

(traduction française de The limits to Growth – The 30-year update)

Les limites de la croissance selon Gerondeau et Meadows (mai 2012)

la nature va gagner contre l’homme, Meadows l’a dit (juin 2012)

croiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiissance, Meadows contre Hollande (juin 2012)

MEADOWS et la décroissance démographique (juin 2022)

Meadows, rien n’a changé depuis 1972, la cata (avril 2023)

Madagascar, en route vers l’enfer

Si vous voulez faire du tourisme off shore, faites preuve d’une grande prudence à Madagascar en raison du taux de criminalité élevé et du risque d’instabilité politique. Même les manifestations qui se veulent pacifiques peuvent soudainement donner lieu à des actes de violence. Méfiez-vous des personnes qui se font passer pour des « guides ». Des bandes armées se livrent à des cambriolages de domicile et à des enlèvements, et opèrent dans des secteurs fréquentés par les étrangers. Des attaques se produisent sur les principales autoroutes. Les crimes sont courants. Etc, etc. Pourtant Madagascar était une île magnifique dotée de richesses naturelles immenses.

Mais le poids du nombre transforme cette île en enfer. Il y a quelque 1 200 ans, la population comptait seulement une trentaine de femmes. L’évolution démographique s’est accélérée de nos jours, 5 millions d’habitants en 1960, 10 millions en 1985, 20 millions en 2009, 26 millions en 2018, 52 millions possibles en 2040 puisque le taux de croissance démographique annuel est de 3,01 %. C’est invivable pour les touristes comme pour les Malgaches et c’est ingérable.

Ce n’est pas l’avis de la Banque mondiale qui s’interroge : «  Pourquoi la pauvreté persiste-t-elle et comment briser le cercle vicieux » ?

Selon la Banque mondiale, la persistance de la pauvreté à Madagascar est seulement le résultat de la stagnation de la croissance ! « Malgré une modeste reprise économique après la dernière crise politique de 2009-2013, le taux de croissance du PIB par habitant a été en moyenne légèrement supérieur à 0 % par an… Plus de 90 % de la population en âge de travailler reste engagée dans l’agriculture de subsistance et les services informels… La productivité agricole est faible… La création d’emplois dans l’industrie et les services à forte valeur ajoutée reste insuffisante… La pauvreté élevée est également le résultat d’une mauvaise gouvernance… ».

Absolument rien pour indiquer qu’une forte fécondité est aussi la cause d’un appauvrissement. De toute façon à Madagascar l’IVG, même pour des motifs thérapeutiques ou en cas de viol ou d’inceste, est interdit !!

Lire sur ce blog biosphere

Madagascar, un état de surpopulation

Un peu de mathématique pour conclure : Puisque le taux de croissance du PIB par habitant a été en moyenne de 0 %, sachant que le rythme d’accroissement actuel de la population est légèrement supérieur à 3 %, cela veut dire que si la population avait été stabilisée, le niveau de vie par habitant augmenterait de 3 %… cqfd.

Que faire ? Agir avec l’association Démographie Responsable

https://www.demographie-responsable.org/

Que lire ? Alerte surpopulation – Le combat de Démographie Responsable

https://livre.fnac.com/a17437174/Michel-Sourrouille-Alerte-surpopulation