Démographie et immigration, 2 sujets tabous
La réalité de la surpopulation et l’amplification des migrations forcées complexifient les débats. Alors qui va payer les retraites ?
Philippe Bernard : Les opposants au principe même d’une réforme des retraites font mine de croire qu’une France vieillissante et à la natalité en berne peut faire comme si de rien n’était. Le rapport entre actifs et retraités est passé de 2 cotisants pour un retraité en 2004 à 1,7 en 2019 et doit chuter à 1,5 en 2040. La question des flux d’immigration est le second tabou. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin se confie : « Nous ne donnons peut-être pas assez de titres de séjour aux gens qui travaillent et qu’un certain patronat utilise comme une armée de réserve, pour parler comme Marx. » Après des décennies d’occultation, la dimension économique de l’immigration est réhabilitée. Pourtant, l’idée selon laquelle l’immigration serait une réponse au vieillissement de la France et au financement des retraites est illusoire, ont tranché depuis longtemps les démographes : il faudrait au moins doubler les flux actuels, dont le niveau est déjà un chiffon rouge pour l’extrême droite. A droite, on appelle donc à la « vitalité démographique », sous-entendu à la naissance de nouvelles « têtes blondes », en s’indignant de l’importance de la part de l’immigration dans la hausse de la population française, 44 % en 2017.
Le point de vue des écologistes
Pour résumer cet article du nataliste Philippe Bernard, il faut faire des enfants pour payer nos retraites plus tard car les immigré seraient trop mal reçus par les Français de souche. Donc il veut mettre en place une pyramide de Ponzi démographique : on accroît la population française, ce qui fait qu’il y aura encore plus de retraités, ce qui implique de faire encore plus d’enfants, toujours plus jusqu’à ce que la pyramide s’effondre puisque croître dans un monde fini et à bout de ressources est impossible. Notez aussi que si des jeunes se retrouvent « actifs non occupés » (chômeurs), il ne faudra pas compter sur eux pour payer les pensions, ils seront également à charge ! Notez surtout que le chômage structurel en France depuis Giscard implique que la France et déjà surpeuplée, pas besoin d’immigrés.
On ne peut pas compter non plus sur une amélioration de la production par travailleur pour payer les retraites. Depuis la fin des années 80, la productivité stagne dans tous les pays avancés en dépit de l’informatisation. Il y a un malentendu fondamental lorsque l’on décrit le passage de l’industrie aux services de nos sociétés durant le XXe siècle. La part des services traditionnels – restauration, coiffeurs… – est en effet restée stable au fil des décennies, autour de 20 % de la main-d’œuvre. En revanche, celle liée aux emplois du secteur de l’information au sens large – informatique, finance, assurance, communication… – a explosé. C’est là qu’une bonne partie des bullshit jobs se concentrent. David Graeber a bien décrit comment 30 % des emplois sont totalement inutiles et sans intérêt, et pèsent donc sur cette productivité. Nous sommes en Bureaucratie, « a-t-on jamais dans l’histoire rempli autant de formulaires ? ». Les salariés de plusieurs secteurs sont déjà convaincus d’occuper des emplois absurdes, voire nuisibles pour la société. Des étudiants de grandes école remettent en cause ce pour quoi on veut les formater.
Dans un contexte de crise, il faudra donc s’habituer à la sobriété énergétique, à la sobriété alimentaire… et à la sobriété des pensions de retraite. Ce n’est pas lire dans une boule de cristal de dire que même Macron envisage déjà le pire pour l’avenir et nous balance lui-même en 2023 le mot « sobriété » qui va être cuisiné à toutes les sauces. On ne peut rien contre les réalités biophysiques d’une planète qu’on a pillé jusqu’à l’os ! Il faudra se serrer la ceinture, en espérant une sobriété partagée par tous.
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Les données officielles
Le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié en septembre 2022 montre que les perspectives ne sont pas bonnes,le solde entre recettes et dépenses devrait redevenir négatif dès 2023 et sur un laps de temps plus ou moins long suivant les hypothèses. Si ce taux de croissance était de + 0,7 % (soit la valeur moyenne observée sur 2009-2019) ou même de + 1 %, les comptes seraient constamment dans le rouge.le statu quo n’est pas souhaitable : « Plus les choix difficiles seront reportés, plus l’ajustement nécessaire risque d’être important. »
Olivier Dussopt, ministre du travail : « Le relèvement de l’âge légal (64 ans en 2030) et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation (quarante-trois ans dès 2027) permettent de ramener le système à l’équilibre en 2030… Revenir sur ce point serait renoncer au retour à l’équilibre et donc manquer de responsabilité pour les générations futures. » Prise en compte des carrières longues, amélioration du compte professionnel de prévention (pour la pénibilité), index sur l’emploi des seniors assorti d’une sanction financière en cas de non-publication pour les entreprises de plus de trois cents salariés, suppression des régimes spéciaux… Le ministre du travail et son collègue de la fonction publique, Stanislas Guerini, ont égrené les points fondamentaux du projet de loi.
Selon l’INSEE : En 2017, le solde migratoire s’établit à + 155 000 personnes, après + 65 000 en 2016. Les entrées d’immigrés sont toujours plus nombreuses que les sorties ; leur solde migratoire (+ 198 000) est cependant en léger repli par rapport à 2016. Les sorties de non-immigrés sont à l’inverse plus nombreuses que leurs entrées ; l’écart se réduit toutefois en 2017, sous l’effet d’une nette baisse des départs à l’étranger des non-immigrés. Depuis 2006, le solde migratoire des immigrés augmente (+ 21 %), porté notamment par celui des immigrés mineurs. Celui des non-immigrés provient essentiellement des jeunes de 18 à 29 ans, notamment durant leurs études. En 2019, 385 000 personnes sont entrées en France, dont 273 000 immigrés.