Vider les océans jusqu’aux tréfonds du fond

Dans les années 1970, nous considérions déjà les étendues de nodules au fond des océans comme des eldorados, mais nous avons d’abord exploité à outrance le plus abordable, vidant les océans de ses poissons. Nous nous tournons maintenant vers les profondeurs océaniques, soi-disant pour mieux connaître, mais avec une telle envie d’exploiter les ressources jusqu’à la lie.

Lire « La planète au pillage » de Fairfield Osborn (1948)

Martine Valo : « Les temps sont venus pour de grandes odyssées d’exploration et d’aventures », a lancé Emmanuel Macron le 12 octobre 2021. Dans sa ligne de mire, l’océan, et plus précisément les grands fonds marins… Paris ne cache pas son appétit pour les ressources minérales qui reposent sur le plancher océanique : cobalt, manganèse, nickel, platine, métaux rare… Elles sont contenues dans les nodules et sulfures hydrométalliques qui se sont lentement formés au fond de l’eau. Certains industriels arguent de l’intérêt de ces métaux pour répondre aux besoins de la décarbonation de l’économie et de la croissance des énergies nouvelles, qui requièrent ces matériaux… Les dégâts environnementaux liés apparaissent cependant inévitables, dans le dernier espace qui n’est pas encore quadrillé par les activités humaines…. Le président Macron ménage la chèvre et le chou : « 84 % de nos minerais sont dans nos océans, formidables réservoirs de recherche, de matières premières dont il nous faut organiser à la fois la connaissance ET l’extraction de manière compatible avec les autres activités, avec la recherche et la préservation de la biodiversité. »

Les commentaires sur lemonde.fr ne sont aps dupes :

ElGringo : Sainte Mère de la croissance infinie, quel bonheur de voir le moine-soldat Macron s’occuper enfin des fonds marins ! Dans un espace fini et pour pouvoir pepétuer une croissance infinie, il nous faut tout exploiter jusqu’à la moelle. Ainsi soit-il

Fëp : Pas sur que ce soit bien rentable, mais y’a des entreprise comme SMD subsea qui commencent à faire des machine sympas comme le bulk cutter qui a de la gueule, pour aller ouvrir des carrières à 3000 m de fond, pour exploiter 50 cm de croûte… Bon… adieu éponges, coraux et toute la chaîne biologique au-dessus, adieu baleines entre Tahiti et Moorea…

W40 : C’est très angoissant cette course en avant. Pourtant, le mur est juste devant… le choc sera violent. On nous dit qu’on a encore 10 ans pour éviter le pire et on fonce à l’inverse de ce qu’il faut faire. Je pige pas. Tous les voyants sont au rouge non ? C’est ce que la science nous dit pourtant.

Thalberg : Un livre parmi d’autres qui nous a alertés sur les dangers de la surexploitation des ressources (eau, forêts, terres cultivables, combustibles fossiles, minerai) : « Les Limites à la croissance » (Rapport Meadows), à l’initiative du Club de Rome en 1972. Les mauvaises tentations sont toujours là.

Krakatoe : On veut modeler tous les recoins du monde à notre image, encore et toujours. Que rien n’échappe. Toujours plus. Conquérir. On est le boss, il s’agit de transformer tout ce matériau qu’est le non soi, le non humain, en attribut de l’humain. Pas de place pour d’autres logiques, d’autres façons d’être. On ne s’intéresse pas aux autres formes d’intelligence, formes de vie, sauf pour les exploiter. Y voir notre intérêt prédateur. Sauf à la rigueur, en garder quelques spécimen dans une cage ou une réserve pour faire joli et nous promener le dimanche. On a tendance à éradiquer ce qui n’est pas nous. C’est assez dingue ce comportement à ce point prédateur, en tant qu’espèce, et même entre nous.

HLB : Et quand on aura fini de détruire la vie sur terre et dans les océans, ce ne sera pas grave, on aura trouvé une autre planète à exploiter…

12 réflexions sur “Vider les océans jusqu’aux tréfonds du fond”

  1. « Dans les années 1970, nous considérions déjà les étendues de nodules au fond des océans comme des eldorados. »

    Quand j’étais très jeune (14-15 ans, c’est-à-dire vers 1978) et plein d’illusions sur la technoscience, j’avais demandé à mes parents de m’acheter « Scénarios du futur » de F. de Closet. Dans l’un des deux volumes de cet ouvrage, celui-ci prédisait l’exploitation des nodules polymétalliques du fond des océans aux environs de l’an 2000. Nous sommes en 2021 et… toujours rien. Encore un rêve comparable à celui de l’hydrogène ou de la fusion nucléaire (ce dernier ayant tout de même près de 70 ans d’âge).

    1. Peu après l’arrivée de l’homme sur la Lune (21 juillet 1969) on prédisait l’arrivée de l’homme sur Mars pour la décennie ou, au pire, pour les deux décennies à venir. Je suis pour ma part persuadé que nous n’irons pas au cours de ce siècle (et après j’en doute aussi, compte tenu de la difficulté du problème et de l’état de la planète Terre à ce moment).
      En 1975 on allait à New York en un peu plus de 3 h il en faut plutôt 6 ou 7 aujourd’hui. Il y a donc bien des points sur lesquels la technologie échoue. En fait seul l’informatique et l’électronique ont fait des progrès qui concrètement change les choses, mais pour la partie mécanique, ça ne change pas fondamentalement (un avion ou un voiture sont très proches de ce qu’ils étaient il y a 60 ans) . Nous nous heurterons (et selon moi, c’est heureux) à ces limites physiques quels que soient les rêves des Elon Musk et autres technophiles.

      1. Pour en revenir aux nodules, je vous propose aussi la lecture de l’article :
        – Les nodules polymétalliques des fonds océaniques, objets géologiques et miniers? (De Lucien Leclaire, dans le Bulletin de l’Association de Géographes Français de juin 1984)
        Vous verrez qu’il y a un déjà un bon moment que ces nodules en intéressent plus d’un. Les réflexions tournent autour de la question : « Les nodules polymétalliques sont-ils à la fois des objets d’intérêt géologique et minier ? »
        Et c’est là qu’on retrouve notre cher Manu. Oui tout à fait ! C’est exactement ça ! Les deux et en même temps ! Et en attendant, j’imagine oh combien notre Manu est curieux de savoir d’où viennent ces nodules, comment ils se sont formés etc. 🙂

    2. Ah oui, ce cher de F. de Closet ! Un sacré «expert» celui-là aussi. Fut un temps de Closet était le Cymes de la Science. Ah ce que je le regrette moi aussi !
      Rassurez-vous mon cher Guy, je ne me moque pas. Ce n’est pas mon genre. 😉 Et que celui ou celle qui n’a jamais commis d’erreur de jeunesse… vous jette la première pierre.
      Tiens en parlant de ça, je me souviens d’un Pierre qui s’était joliment moqué de ce pauvre François. Je vous invite à écouter, ou réécouter, ce formidable réquisitoire, de Pierre Desproges, au Tribunal des flagrants délires.
      ( Diffusé sur France Inter le 12/10/1982, vous trouverez facilement ).

      1. Vous pouvez toujours rigoler, mais c’est quand même grâce à des vedettes comme de François de Closet et les frères Bogdanov qu’on en est arrivé là.

  2. POGNON à fond !

    Et finalement, on peut se demander quel est le but de la Science. La Connaissance vraiment ?
    N’en savons nous pas suffisamment comme ça ? Pourquoi par exemple explorer notre galaxie ? Avec des télescopes pour le moment. Quel est l’intérêt de la cartographier ? S’il y a des domaines à explorer, n’y en a t-il pas d’autres plus intéressants que la galaxie et le fond des océans ?
    Oui mais voilà, c’est quoi l’intérêt ? Quand on voit le peu de moyens de la recherche fondamentale, notamment en France, on commence à comprendre. Autre exemple, la fusion nucléaire. Maintenant qu’on sait comment ça marche, en laboratoire, pourquoi continuer ?
    C’est clair non ? Si l’intérêt principal est seulement le Pognon, alors la Science se doit d’être au service du Pognon.

  3. Esprit critique

    Maintenant ne nous y trompons pas, si on met en avant l’exploration (le but étant la connaissance) c’est juste pour masquer l’idée qui se cache derrière. Macron a quand même lâché que cette exploration permettra «peut-être [l’]accès à certains métaux rares».
    Aurions-nous déjà oublié les gaz et pétroles de schiste ? Là aussi on a pris soin de nous expliquer qu’on ne ferait qu’explorer. Nous laissant croire que si, par hasard, on découvrait d’immenses gisements, et qui plus est accessibles, alors on verrait. Et on en discuterait. Et blablabla. Bref, on pèserait alors le POUR et le CONTRE pour savoir s’il y a lieu de pomper ou pas. C’est vraiment nous prendre pour ce que nous sommes, des Shadoks.

    1. Même chose pour l’Antarctique, le traité signé à Madrid en 1991 interdit les activités relatives aux ressources minérales de ce continent.
      Mais attention ! Les activités… autres que la recherche scientifique.
      Pour l’instant on se contente donc juste d’aller voir. Mais on reste sages, on n’y touche pas. Comme les gosses avec les jupes des filles.

  4. Macron se demande qui «peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans l’inconnu le plus complet une part si importante du globe ?» Macron est un coquin, il titille là notre curiosité innée. Rappelons-nous les pochettes surprises de notre enfance, les devinettes, et puis cette folle envie d’aller voir sous les jupes des filles. C’est vrai ça, qui n’a pas envie de connaître l’inconnu ? Et qui plus est, l’inconnu le plus… complet, à commencer ici par le plus… profond. Mais plutôt que de gratter au fond de soi («connais-toi toi-même»), ce qui est bien trop fatiguant et dérangeant, mieux vaut gratter le fond des océans. C’est plus marrant et plus juteux.
    Quand on pense à toute cette énergie et à tous ces métaux qui se perdent dans le noyau de la Terre, c’est vrai qu’il y a de quoi se dire : «c’est con quand même !»

    1. Le présigland ne regarde pas la jupe des filles mais plutôt le service 3 pièces des garçons surtout s’ ils sont bronzés .

  5. Ce serait bien d’ envoyer macrondelle explorer les abysses regorgeant de nodules polymétalliques : on le lesterait de plusieurs kilos de fonte (et non de plomb car polluant) et hop le tour serait joué car on se débarrasserait d’ une infâme raclure par la même occasion .
    On pourrait même lui joindre Sarkozy et Hollandouille pour que sa solitude ne soit pas trop « pesante »😁 lors de la descente dans la fosse des Mariannes

  6. Biosphère s’est arrêté en chemin, dans la citation. Soyons précis, ne déformons pas ses propos, Macron parle de «grandes odyssées d’exploration et d’aventures à la fois humaines, intellectuelles et de recherche». Reste juste à voir ce que Macron entend par «aventures intellectuelles».
    Ne veut-il pas plutôt parler de «délires intellectuels» ? That’s the question ! Après la Lune, Mars. Et après Mars, Century du Centaure. Et après encore plus loin, toujours plus loin, no limit !
    En attendant, c’est vrai que ça la fout un peu mal, et qu’il y a de quoi se marrer, se moquer etc.
    Quand je pense à toutes ces difficultés pour descendre à 10.000 mètres, et au «succès» de ce projet de la compagnie Nautilus Minerals à 1600 mètres de profondeur (Solwara 1), je me marre en imaginant le reste. L’exploitation des abysses est du même acabit que l’exploitation des exoplanètes.

Les commentaires sont fermés.