Croissance verte ou décroissance écologique ?

Le terme décroissance commence à être utilisé au plus haut niveau sans en comprendre le sens profond. Quel pourrait être le point de vue des écologistes ?

11 juin 2019, Édouard Philippe lors de sa déclaration de politique générale : « Je ne me ferai pas passer pour un autre. Je ne suis pas un défenseur de la décroissance. Je crois en l’économie de marché régulée par le politique, en l’innovation et en la force de la croissance. Je crois possible un nouveau modèle économique qui produise des richesses, donc de l’emploi, sans salir, sans contaminer, sans détruire, sans condamner ceux qui viendront après nous ou ceux qui vivent loin de nous. »

15 juillet 2020, Jean Castex lors de sa déclaration de politique générale : « L’écologie, c’est notre affaire à tous. Elle doit être créatrice de richesses. Je crois en la croissance écologique, pas à la décroissance verte. »

Face à ces slogans croissancistes et simplificateurs, il me semble qu’un écologiste devrait dès qu’il en a l’occasion rebondir sur le mot-valise « décroissance » en précisant que le mouvement écologiste est contre une croissance du PIB impossible à poursuivre sur une planète dont on a dépassé les limites. Une telle option, caricaturée sous une dénomination « croissance verte ou écologique » qui ne fait qu’escamoter le « business as usual », nous amène en effet inéluctablement à des crises économiques, donc à des récessions (ou dépression) synonymes de décroissance subie. Par contre les écologistes réalistes sont pour une décroissance maîtrisée, sélective. Certaines activités économiques peuvent être développée, mais d’autres, carbonées, disparaître progressivement. Il s’agit de construire une société post-croissance en équilibre durable avec une pérennité des ressources naturelles. Il faut montrer dans toutes les occasions possibles que les problèmes socio-écologiques sont complexes ; par exemple on ne peut soutenir politiquement le secteur automobile ou aérien au nom d’une croissance « verte » utilisant des moteurs « propres » sans être en contradiction avec ses propres déclarations d’intentions. Emmanuel Macron avait dit juste avant Castex croire à une « écologie du mieux, pas du moins ». On présente l’enjeu écologique comme un sujet clivant plutôt que comme un impératif qui devrait nous rassembler autour de fondamentaux thermo-dynamiques comme les mécanismes de l’entropie et du réchauffement climatique. Quelques réactions sur lemonde.fr face au discours du nouveau premier ministre :

Melvin : Castex, ‘ La croissance écologique, pas la décroissance verte ‘ encore un qui a le niveau scientifique d’un enfant de 10 ans. Un ‘anti-science’ à la Trump ou Bolsonaro dont les incantations n’atteignent pas le niveau de l’idiotie. Il comprend la thermodynamique comme un singe une équation différentielle… A pleurer. Il ne peut pas y avoir de croissance sans destruction de l’environnement. Simplement parce que la croissance récompense, de façon ultime, toujours par des biens physiques. Et qu’il faut les créer. Mais ça, les politiciens actuels ne le comprennent pas.

Ricardo Uztarroz : « Croissance écologique » ??? Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Croissance et écologie sont antinomiques pour la simple raison que la croissance (produire toujours plus) est la cause de la dégradation de la nature. La croissance saigne la planète de ses ressources et l’épuise. Tout le discours de Castex est au diapason de cette formule vide de sens. Il n’a été que du verbiage ronflant accompagné d’une gestuelle de colonel de gendarmerie à la retraite parodiant le gendarme de Saint Tropez. Par exemple « séparatisme ». Ces « territoires » dits « perdus » ne cherchent pas à se séparer de la France, comme le souhaitent les indépendantistes corses, basques, bretons, mais à faire tâche d’huile, à s’épandre, à imposer leur loi à tout l’hexagone. Idem à propos des retraites : qu’entend-il par concertation et dialogue social ? Simple consultation ou réelle négociation ? Le vrai dialogue, c’est la négociation. Enfin, il a rendu hommage aux « réalisations considérables » d’Edouard Philippe. Lesquelles ? Les cadeaux aux riches ?

le sceptique @ Ricardo Uztarroz : vous avez raison si vous prenez le programme écologique dans son entièreté, à savoir que non seulement il faut arrêter le réchauffement, mais aussi arrêter les extractions, les artificialisations, les pollutions etc. Nous souffrons justement que peu de gens, même parmi ceux se disant une sensibilité « verte », ont réellement lu et réfléchi la littérature de l’écologie scientifique. On voit déjà que pour une large part des commentaires, l’écologie se résume à la lutte contre le réchauffement. Si tel est le cas, alors en effet, une croissance écologique ou une écologie industrielle est possible (au moins sur 20-30 ans, terme raisonnable d’investissements). Voir ce que fait l’Allemagne. Mais l’Allemagne, ce sont aussi des paysages de plus en artificialisés, des résultats médiocres en biodiversité, etc. Si l’on veut la totalité du programme écolo, c’est une régression massive : vivre du produit d’un lopin de terre en touchant un minimum aux milieux.

Sejas : Croissance écologique ? Quand vous développer les transports électriques et le nucléaire, quand vous développez la production d’hydrogène pour stocker l’électricité intermittente des ENR, quand vous isolez les bâtiments, quand vous développez les carburants à base de produit agricole (carburant avion non carboné), quand vous développez la productivité des cultures (précision farming, semis sans labour..) etc vous faite de la croissance non carbonée. La vraie écologie ce n’est pas les combats d’arrière garde contre les OGM ou le glyphosate qu’il faut pouvoir utiliser une fois par an pour les semis sans labour.

Ricardo Uztarroz @ Séjas : parce que vous pensez sincèrement que toutes les solutions que vous avancez sont écologiques. Transports électriques ? Avec quoi fabrique-t-on les batteries et comment les recycle-t-on ? Comment produit-on l’hydrogène ? Avec une baguette magique ? L’isolement des bâtiments ? Avec quoi ? Avec de la laine de verre. Celle-ci est-elle une création spontanée ? Les carburants « agricoles », comment cultive-t-on les plantes d’où ils sont extraits. J’ai vécu au Brésil à l’époque où les voitures roulaient à l’alcool de cane à sucre (j’en ai eu une). Les conséquences écologiques ont été désastreuses. La croissance écologique (nouvelle formule pour croissance durable) n’est que foutaise, un gros mensonge. Une politique écologique implique la décroissance. Mais personne n’en veut, même pas les écolos. L’humanité court à sa perte malgré elle. Mais ce qu’il adviendra à la planète dans mille ans, je m’en tape allègrement. La société industrielle est une course irréversible vers l’abîme. Lucide le mec !

14 réflexions sur “Croissance verte ou décroissance écologique ?”

  1. Quand Jean Castex, dans sa déclaration de politique générale, se dit pour une croissance écologique et non pour une décroissance verte, on peut se dire que d’une certaine manière, c’est déjà une victoire pour les partisans de la décroissance. En effet, jusqu’à présent l’idée de décroissance était balayée d’un revers de main. Les économistes orthodoxes n’avaient-ils pas rapidement réglé son compte au rapport Meadows , en insistant sur les faiblesses du modèle utilisé (celui de Forrester), plutôt que de vouloir discuter du fond. Pour la première fois donc, l’idée de décroissance verte est évoquée publiquement dans une instance politique majeure, à l’occasion d’un débat politique qui, quoi qu’on en pense, reste d’importance pour le pays.
    Que cette décroissance soit évoquée signifie que l’on commence, chez les croissants, à se demander si l’idée de décroissance ne fait pas son chemin.

  2. Bien sûr il n’est pas question de les brûler en place publique, soyons honnête dans la critique qu’on peut leur faire, etc. Pour moi c’est le b-a-ba de la réflexion qui s’appuie sur la raison. Bien sûr la difficulté est terrible, c’est pour ça que pour rien au monde je ne voudrais de leur poste, ou être à leur place. D’ailleurs si je prends n’importe lequel… je me demande où serait sa place, si j’étais à la sienne. Je doute qu’il préfère la mienne.
    Bien sûr les contradictions, c’est notre lot à tous. Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie. Ceux qui disent ne pas en avoir du tout sont, là encore, soit des andouilles soit des marchands de salades.
    Chacun devrait savoir pourquoi il fait, désire, veut ou croit, ceci ou cela. Pour ça il faut déjà se poser la question. J’en reviens encore à cette injonction qui commence à dater et que chacun devrait toujours avoir en tête : «connais-toi, toi-même» .

    1. Pour la clarté du débat : ce commentaire de 19:43 est la réponse à celui de Didier Barthès à 18:42

  3. On peut lire aujourd’hui sur Contrepoint « La décroissance, cette illusion dangereuse » ou il y a 4 jours « La décroissance est un caprice d’enfant gâté occidental », puis il y avait aussi un article sur les escrolos de la décroissance quelques jours encore avant.

    Enfin bref, au fur et à mesure que l’on va s’approcher de la Présidentielle 2022, dites vous bien que des gardiens de la croissance vont devenir de plus en plus agressifs verbalement contre ceux souhaitant la décroissance.

    1. D’autant que, comme je l’ai déjà souligné, la décroissance est impossible à mettre en œuvre tant qu’on ne s’attaque pas au créditisme. Bah oui, il faut impérativement de la croissance pour rembourser ses crédits. OR, si on addition les dettes publiques 2500 milliards (+4 à 5000 milliards de hors bilan correspondant aux engagements de l’état) + les dettes des entreprises + les dettes des ménages = il y a plusieurs trillards de dettes dans la machine et c’est impossible à rembourser dans un régime décroissant.

      Alors mécaniquement, les politiciens poursuivront la croissance. Seules les déplétions des ressources et d’approvisionnements viendront de temps en temps mettre une épine dans le pied dans la poursuite de croissance, mais ils poursuivront la croissance coûte que coûte.

      1. Techniquement, pour mettre en œuvre la décroissance, ça implique au préalable de désengorger les crédits, et réduire les émissions de crédits progressivement d’une année sur l’autre, jusqu’à temps qu’il soit possible de mettre en place un système économique sans crédit ou peu de crédits.

        Mais tant que ce sera un système économique de crédits, impossible de mettre en œuvre un programme de décroissance, puisque les dettes on les rembourse après les avoir contractées, donc il faut de l’argent pour rembourser alors il faut que la consommation production se poursuive dans l’avenir.

  4. D’un point de vue écologique, tout est là dans le discours de Castex : « Je crois en la croissance écologique, pas en la décroissance verte.» Je passe sur l’usage du verbe « croire », très révélateur… On est bien là dans le domaine de la « croyance », et même de la Foi… Sur le fond, cette phrase n’aurait pas pu être « prononcé par un premier ministre ecolo ».  Car c’est bien autour de cette question de la promesse intenable de la croissance infinie – même « écologique » – que va se structurer le débat politique à venir. Castex oppose écologique à verte », désignant EELV. Le Vert est l’ennemi, la croissance est le champ de bataille.
    Cette question croissance / décroissance (ou post croissance, ou a-croissance ou tout simplement sobriété…) est majeure. Car le modèle croissantiste – et en l’occurrence capitaliste – implique une prédation notamment sur les territoires dit « périphériques » au profit des « centralités ».

    1. D’accord avec vous. Toutefois je ne suis pas certain que Castex et Compagnie y croient… que ce soit seulement une affaire de foi ou de croyance. Ce sont tout simplement des menteurs, des marchants de salade, des comédiens, etc.
      Rappelons-nous de ce que disait Bernard Charbonneau : « Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir, qui est celui de faire ce qui ne peut être fait autrement.»
      Ce à quoi en 2011, Vincent Cheynet rajoutait : «Ces gens n’ont aucun scrupule et c’est à ça qu’on les reconnaît à travers les époques. Ils sont prêts à tout pour conserver leur poste. Prêt à tout, c’est à dire au pire.»
      http://www.decroissance.org/index.php?chemin=textes/cg3_vincent.htm

  5. La «croissance écologique», ou «verte», ou «durable»… c’est du bidon, du pipeau, de la flûte etc. C’est le Développement Durable. Ce sont là des oxymores, des trompes couillons. L’«écologie du mieux, pas du moins» de Macron c’est pareil, ça veut dire que moins ne peut pas être mieux, mais que PLUS=MIEUX, ça va dans le sens du fumeux «et en même temps», bref c’est du bidon.
    Pour moi ce n’est pas compliqué, quand on entend ou lit ce genre d’expressions il suffit de partir du principe qu’on a affaire là, soit à un andouille, soit à un marchand de salades (un menteur, une crapule, ou tout ce que vous voulez). Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Jean Castex et Jean Passe sont tout ce que vous voulez, mais pas des écologistes. Et pour moi, ce ne sont même pas des écotartufes (pour moi un écotartufe est tout simplement un andouille).

    1. Quant à la «décroissance verte» (celle qui fait peur à Castex et Compagnie), ça doit être cette joie de vivre dans la simplicité volontaire, la convivialité et la solidarité, dont parlent ces écolos radicaux-originaux-anarcos-gauchos-etc. … bref ça doit vouloir désigner cette vision du monde qui est à l’opposé du système libéral actuel.
      Maintenant, comme j’ai eu l’occasion de le dire récemment, à force de répétitions etc. (lire Goebbels) il ne devrait pas être difficile de prouver que la décroissance c’est n’importe quoi… un cercle, un carré peu importe, n’importe quoi SAUF cette vision du monde si chère aux objecteurs de croissance, dits aussi décroissants.

      1. « Quant à la «décroissance verte» (celle qui fait peur à Castex et Compagnie), ça doit être cette joie de vivre dans la simplicité volontaire, la convivialité et la solidarité, dont parle »

        Pourquoi pas ? Mais alors dans une France à la population réduite à 10 millions d’ habitants harmonieusement répartie entre petites villes et ruralité et surtout débarrassée de tous les mahométans , des parasites afromuzz et de la vermine gauchiste .
        Cette version corrigée me plaît vraiment !

        Cela dit que le PM s’ appelle Castex ou Eratosthène , il est un grand nuisible issu de l’ ENA au service de l’ infect macrondelle , lui-même servant zélé du mondialisme pour le compte d’ Attali lui – même commandité par l’ épouvantail Soros .

  6. La croissance verte est plus qu’un oxymore, c’est une bêtise. Il n’y a pas de croissance durable possible dans un ensemble fini, quelque soit le nom qu’on lui donne. Il peut juste y avoir une croissance provisoire qui se poursuit un peu plus qu’on ne l’avait cru par changement provisoire des ressources et déplacement tout aussi provisoire des sources de pollution.
    Maintenant, je suis moins sévère avec les hommes politiques. Que peuvent-ils faire ? que peuvent-ils dire ? Ils sont en charge de trois choses intrinsèquement contradictoires : le long terme, le court terme et la satisfaction des électeurs.
    Comment dire « On va décroître et je vais fermer la moitié des entreprises qui vous emploient et bien sur tous vos services qui dépendent des prélèvements sur ces entreprises ne seront plus disponibles » ?
    Que ferions-nous à leur place ? C’est une impossible équation.

    1. Bonjour Didier Barthès.
      Bien que j’invite souvent les gens à se mettre à la place de l’Autre… la question «Que ferions-nous à leur place ?» me semble n’avoir aucun intérêt.
      Que la tache des politiques ne soit pas facile, ça me parait évident. Toutefois ils ont voulu le poste, très souvent même ils se sont battus pour l’avoir. Alors n’allons surtout pas compatir à leurs difficultés, ou à leur misère (avec ou sans guillemets).

      1. Didier BARTHES

        Bonjour Michel C,
        Il ne s’agit pas temps de compatir que de se montrer honnête dans la critique que l’on peut leur faire. Certes, ils ont voulu le poste et on peut leur adresser beaucoup de reproches, mais la question me semble quand même devoir être posée.
        Chaque fois que l’on critique quelqu’un, on doit selon moi se demander si à sa place on saurait mieux faire, bien sûr la question n’a pas tellement de sens s’il s’agit de gagner le Tour de France ou de grimper sur le K2 où la question de la compétence est indiscutable; mais sur des sujets où il s’agit de prendre des mesures, je trouve plus correct de l’avoir toujours en tête. Si personne ne réussit vraiment, c’est que la difficulté est terrible, et que nul ne sort des contradictions entre les trois objectifs que j’évoquais.

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