Écologisme et sexualité, mélange détonnant

La vie interne dans un parti n’est pas un long fleuve tranquille. C’est d’autant plus vrai quand un parti qui se dit écolo mélange son objectif de conquête du pouvoir par les urnes et revendications sociétales d’un féminisme très particulier. Exemple :

Didier : Cette année, je voulais fêter mes 20 ans d’adhésion à l’écologie politique. Au final, par ce mot, je vous informe que je démissionne en date d’aujourd’hui, ce 9 décembre 2020. Ma décision est conditionnée par l’arbitraire de la décision rendue ce matin par le conseil statutaire, et l’arbitraire de la décision rendue par la cellule d’enquête et de sanction sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes. Je n’ai pas fauté, il n’y a pas eu de ma part d’intention de voler un baiser ou quoi que ce soit d’autre lors d’une soirée privée avec une camarade. Lors de l’audition, je n’ai jamais su ce qui m’était reproché exactement, sous couvert de vouloir protéger la victime. Aucun débat contradictoire n’a pu avoir lieu, j’étais quoiqu’il arrive coupable. Je trouve ça terrible qu’il n’y ait pas eu de dialogue, de médiation. Je nous trouve stupide, hyper-violent, immature, inconséquent dans notre fonctionnement collectif. J’ai saisi le Conseil Statutaire car une décision de suspension temporaire de 6 mois doit être prononcée contre moi à titre conservatoire. Mon recours a obtenu cette réponse : « le Conseil statutaire ne pouvant se prononcer que sur des éléments factuels, votre recours ne peut pas être instruit. »

Gérard : Le conseil statutaire dans sa réponse brut de décoffrage ne peut que laisser en plein désarroi un de nos militants qui affronte une procédure ou les « droits de l’accusé », doivent être exemplaires, sur le fond et la forme.

Jacques : Je suis assez surpris de la réponse du conseil statutaire. Quand on empêche une personne de se porter candidat à une élection parce qu’il existe une mesure conservatoire (suspension de 6 mois),  il existe de fait une  sanction. Si au final, il venait à être blanchi, on l’aura empêché d’être élu régional.

Michel : Il paraît donc qu’EELV s’est doté d’une « cellule d’enquête et de sanction sur le harcèlement et les violences sexuelles et sexistes ». De façon pragmatique, des instances judiciaires officielles existent déjà pour enquêter (et sanctionner) les violences sexuelles avec bien des garanties que n’offre pas une instance partisane interne. Un parti politique ne devrait (à mon avis) sanctionner un(e) de ses membres que si la justice officielle le déclarait coupable. Il est pour moi important politiquement de respecter la séparation des pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Au delà des cas particuliers, nous devrions nous interroger sur la place d’une telle instance disciplinaire dans un parti normalement à vocation écologiste. Là est notre vocation et là est notre image électorale. Si nos compatriotes-électeurs savaient qu’une des préoccupations principales de notre parti « écolo » est de se polariser sur les pratiques sexuelles, il n’est pas certain que leur vote se porterait sur nous…

Sarah : tais-toi (à mon avis)

Françoise : Bravo pour la concision… On ne peut plus discuter ?

Jean-Michel : Comment ça, « tais-toi » ? Puisque l’intéressé a rendu publique sa convocation devant la cellule d’enquête, il serait bon de savoir de quoi il s’agit. Et Michel a raison de rappeler qu’il existe aussi des « instances judiciaires officielles ».

Annie : Mettre en opposition l’urgence écologique et le droit aux femmes de ne pas être agressées, violées, harcelées est tout bonnement honteux.

Jocelyne : Cette cellule (sur la sexualité) devrait avoir pour seule fonction d’écouter, soutenir, guider et conseiller les victimes. Point final.

Hélène : Il y a dans ce Parti un avant et un après « l’affaire Baupin ». Dans l’avant, la parole des femmes qui venaient dénoncer des agressions sexuelles, celles de Denis Baupin, ou d’autres encore, n’était absolument pas respectée. Les cadres du Parti osaient leur répondre : « mais ce n’est rien du tout, on sait que Denis est un grand dragueur, nous sommes un Parti libertaire, il faut l’accepter.. » Dans l’Après Baupin, de peur de faire les mêmes erreurs, on crée une cellule pour recueillir la parole des victimes sans écouter dans les règles celle de l’accusé qui n’a plus le droit de se défendre comme il se doit. Si un homme a le malheur de poser sa main sur l’épaule d’une copine cela peut lui coûter très cher…

Annie : Lire que bientôt les hommes n’oseront plus mettre la main sur l’épaule d’une femme est assez grandiose !! Dans l’affaire Baupin, ce fut le genre de propos tenus à la barre par Mesdames Voynet et Ferri ainsi que par Messieurs Benhamias et Archimbault . Minimiser l’acte en banalisant le geste ! Il y a des mains sur l’épaule que nous ne supportons pas comme il y a des regards qui nous dérangent. Laissons les femmes gérer leur vie, leur corps, leurs émotions. Aidons les à parler, croyons les…

Hélène : Quand j’écris « Si un homme a le malheur de poser sa main sur l’épaule d’une copine cela peut lui couter très cher », c’est une façon de dire qu’il ne faut pas passer d’un extrême à l’autre. Pour certaines femmes, notamment chez celles qui ont déjà été victimes d’agression sexuelle, certains gestes d’hommes, qui font partis de la séduction, peuvent être très mal ressentis. Cela ne fait pas pour autant de ces hommes des agresseurs sexuels. Une femme peut mentir, ou exagérer les faits, ne serait-ce que pour servir ses intérêts. Les fausses accusations pour viol, sont rares mais elles existent bel et bien. Et je ne vous parle pas des fausses accusations d’agressions sexuelles.  J’ai subi plusieurs agressions sexuelles, je sais très bien ce que l’on peut ressentir. Mais je sais faire la différence entre la séduction et la séduction à laquelle on dit : STOP !  Cela devient une agression sexuelle si notre STOP n’est pas respecté. C’est du harcèlement si on reçoit de manière répétée des sms à caractère sexuel. Mais tout cela ne m’empêche pas de dire que, si toute victime doit être entendue et soutenue, tout accusé a droit également à être entendu, à être défendu et a droit à la présomption d’innocence.

Marie-Claire : C’est grave de nier les ressentis des femmes agressées. Ce que nous disons, ressentons est toujours juste. Il n’y a aucune preuve, dans le travail des traumas post-traumatiques d’une perception faussée. C’est un ressort connu du patriarcat qui nie le ressenti de l’autre pour dire que ce que ressent l’autre est faux. C’est notre travail de femme féministe de dire. Non ! Vivement que les femmes apprennent la sororité et l’histoire des féministes.

Delphine : Là ça me fait réagir de lire ça.  Évidemment qu’il faut respecter son ressenti, que la sororité est importante et que la cause des femmes est à défendre plus que jamais. Mais une dérive ne se rééquilibre pas par une autre, les abus sont réels,  les malentendus aussi. Je suis psychologue,  je reçois des femmes abusées et des hommes aussi parfois. Le ressenti doit se confronter à la réalité de l’autre, la situation est toujours singulière. C’est ça rétablir une altérité juste. Certaines personnes, hommes ou femmes,  sont parfois coincées dans un trauma  mais elles sont bien contentes de pouvoir se rendre compte que toute personne qui les drague à nouveau n’est pas cet abuseur qui les a tant marqué, qu’autre chose est possible, heureusement.

Sylvain @ Marie-Claire : Ce que nous disons, ressentons est toujours juste. »Ainsi donc vous confirmez l’idée selon laquelle les femmes sont des animaux fragiles, esclaves de leurs émotions et dont il faut prendre le plus grand soin. C’est au passage toute la philosophie des lumières qui promeut l’élévation de l’esprit humain pour le libérer de ses émotions et préjugés qui est ainsi remis en cause… au plus grand bénéfice de tous les spécialistes en marketing qui travaillent pour la société de consommation et l’abrutissement des masses, où l’acte d’achat est promu par l’émotion, l’impulsion, l’envie, comme le saint Graal pour accéder au bonheur.Bravo, avec une telle dose de lucidité, il ne fait aucun doute que l’écologie est sur la bonne voie et l’humanité très prochainement sauvée d’elle même.

Jacques : Didier soulève une certaine dérive stalinienne qui prend forme dans le parti. Je le constate moi-même. On a très vite fait de vous mettre au pilori si vous ne rentrez pas dans le moule sur certaines positions de société ou refusez certaines stratégies. J’ai l’impression de me retrouver plus de 20 ans en arrière, à l’époque où je travaillais dans une mairie communiste en région parisienne.

Michel : On peut se demander à quoi sert un parti qui devrait être voué à l’engagement militant au nom de l’urgence écologique et qui de targue de lutte contre les « violences sexuelles ». Ce qui est au cœur de la vocation collective d’un parti écologique, c’est débattre de la controverse récente entre Macron et la convention citoyenne sur le climat, c’est condamner le parti pris pro-nucléaire de Macron qui veut construire 6 EPR et fabriquer un nouveau porte-avion nucléaire,. Entrer dans des considérations sans fin sur la sexualité humaine brouille forcément le message des écologistes.