Interrogations actuelles sur la temporalité

Le long terme devrait être privilégié, nous devons tenir compte des acteurs absents, considérer dans toutes nos décisions et actions le devenir de la biodiversité et le sort de nos générations futures. Or le Français moyen veut avant tout protéger ses avantages acquis, le système socio-politique garde une préférence pour le présent et la population pratique le court-termisme… Savoir l’espèce humaine en danger n’implique pas nécessaire que nous allons agir pour sauvegarder son avenir. D’autant plus que les intellectuels s’acharnent à nous conter des fables incompréhensibles.

Karl Eychenne, chercheur en finance : « L’homme se distingue de l’animal sur ce point précis : il est le seul à s’interroger sur ce que si passera après. La théorie économique affirme que le prix du présent est prohibitif, et que les prix d’après sont au rabais. Au niveau social, la valeur du temps dépend du « reste à vivre », c’est-à-dire de la durée qui nous sépare du trépas. Plus cette durée est faible, plus le temps nous est précieux. Inversement, plus cette durée est grande, et plus nous jetons le temps par les fenêtres. Mais la technoscience nous propose la vieillesse durable augmentée comme horizon existentiel. Il y a certes un prix à payer : la faillite de l’instant. Terrible nouvelle pour l’Homo economicus. En effet, il a toujours cru qu’« un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Il se produit comme un bug existentiel, c’est ce qu’on appelle l’angoisse de la mort. Et cette angoisse produit un choc inflationniste, pour parler comme les économistes. Sa valeur augmente de manière exubérante, comme s’il venait à devenir rare. Dans le scénario transhumaniste, l’angoisse de la mort, et donc la valeur temps, s’évanouit. La stratégie du déni n’est plus convoquée, car elle n’est plus nécessaire. »

Le point de vue des écologistes a-temporel

N.B. : La flèche du temps… En ne remettant pas en doute une conception linéaire du temps, l’auteur passe à côté de l’essentiel. Nous sommes passés d’une conception circulaire à une conception linéaire du temps, il est assez probable que l’inverse devienne possible. Et tant pis pour l’inutile théorie économique et le mythe du progrès.

Michel Sourrouille : Eychenne raconte n’importe quoi ! On peut dire le contraire : très souvent, plus la durée qui nous sépare du trépas est courte, moins ce qui nous reste à vivre importe. Le sentiment temporel est subjectif. Il y a des personnes qui vivent toujours au jour le jour et d’autres qui prévoient dans le long terme. Mais vivre 1000 ans comme l’espère les transhumanistes n’est qu’une resucée du mythe de la vie après sa mort. Une personne les pieds sur terre ne pense pas à soi, mais aux générations futures et agit en conséquence. Une fois mort, le seul projet qui reste, c’est ce que nous avons déjà fait de notre vivant. Poutine et Netanyahou  auront de vilains restes…

Jacques Py : L’homo œconomicus, c’est justement ce que nous devons refuser d’être : il est cohérent pour un économiste de penser le temps comme des instants qui se répètent pour tenter de surmonter leur vacuité. Vivre très, très vieux et d’une vie vide de sens, c’est la dépression assurée et l’envie de mourir. L’essentiel est d’accepter la mort comme humble nécessité de la vie, pour tout simplement que d’autres vivent, nos enfants. Mourir est écologique, et je n’ai toujours pas saisi en quoi le transhumanisme nous rendrait plus heureux de vivre.

PetiPou : Rassurez-vous, le biologiste que je suis peut affirmer que la « technoscience » n’est pas prête à réaliser le quart du millième de ce qu’elle annonce à grand coup de buzz médiatique, qui n’a d’intérêt que de doper la réputation de « visionnaires » de certain moghul de la Silicon Valley, et de drainer des financements vers quelques labos plus experts en communication qu’en biologie !!! Pauvres mortel-le-s, assailli-e-s de bactéries multirésistantes, soumis-es à des 50°C à l’ombre au moment de l’apéro, à des perturbateurs endocriniens, et des polluants éternels, quand ce n’est pas menacé-e-s par des missiles hypersoniques invincibles ou le revolver du voisin, nous resteront encore longtemps sous l’emprise ricanante et mortelle de la physiopathologie !!

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Le long-termisme écologique contre la myopie (2023)

extraits : Une économie qui fonctionne seulement dans le court terme va dans le mur, les contraintes écologiques sont les plus fortes pour le long terme. Il y a un antagonisme profond qui existe entre ceux qui comprennent l’urgence écologique et ceux qui en restent au monde business as usual du court-termisme…

Opinion publique, engluée dans le court terme (2020)

extraits : A quoi pense l’opinion publique ? Au coronavirus, au coût de la vie, au chômage, à la pauvreté et au système de santé. Selon un sondage Ipsos, l’environnement se classe en sixième position des préoccupations dans trente pays. Comment se forme les idées de la population ? Essentiellement par les médias qui sont en très grandes majorité des supports publicitaires ; à longueur de journées de la pub pour consommer sans retenues. Les informations sérieuses sont très limitées, la priorité n’est pas là…

Pour penser le long terme au niveau institutionnel (2017)

extraits : La catastrophe écologique actuellement à l’œuvre a pour cause essentielle l’incapacité de l’espèce humaine à raisonner sur le long terme, à anticiper les drames à venir. Comment corriger notre myopie face à l’avenir ? En introduisant une « assemblée du long terme ». Cette assemblée de 200 membres serait composée pour partie de personnalités aux compétences reconnues, issues des mondes associatif ou académique, et pour une autre de citoyens tirés au sort mais formés aux problématiques du long terme…

Après les fous de Dieu, les cinglés du transhumanisme… (2015)

extraits : S’il fallait résumer la philosophie transhumaniste d’une image, la plus saisissante serait celle-ci : un jour, l’homme ne sera plus un mammifère. Il se libérera de son corps, ne fera plus qu’un avec l’ordinateur et, grâce à l’intelligence artificielle, accédera à l’immortalité. Le transhumanisme, c’est quelques gadgets pour riches qui ont peur de vieillir. La réalité pour tous, c’est l’espérance de vie en bonne santé qui recule dans les pays les plus développés ! L’immortalité pensée par les transhumanistes est en fait un fantasme mortifère et égoïste : pour que nos enfants puissent s’accomplir à leur tour, il faut pouvoir leur laisser la place. Ne pas accepter sa finitude, c’est refuser la conscience que notre mort appartient au cycle de la vie et de sa reproduction !…

LE MONDE est un quotidien, le long terme n’y vaut rien (2013)

extraits : Aujourd’hui la crise financière étouffe dans les médias toute perception claire de la crise écologique qui va dans les années prochaines approfondir gravement les crises socio-économiques. Car, comme le disait récemment Stéphane Foucart devant un parterre de journalistes environnementaux : « LE MONDE est un quotidien : par définition le long terme ne vaut donc rien par rapport au court terme. »…

5 réflexions sur “Interrogations actuelles sur la temporalité”

  1. Esprit critique

    – « Savoir l’espèce humaine en danger n’implique pas nécessaire que nous allons agir pour sauvegarder son avenir. D’autant plus que les intellectuels s’acharnent à nous conter des fables incompréhensibles. » ( Biosphère )

    Oui peut-être, et alors ? De toute façon on sait depuis longtemps qu’il y a un truc qui cloche dans notre cerveau. Mais quoi ? Et même si nous le savions …
    Lire déjà ce qu’en dit Karl Eychenne, dans cette tribune au Monde du 10 février 2022 :
    – « La crise climatique serait un accident au ralenti »
    Rien de nouveau, on pense de suite là à la fable de la grenouille (voir Wikipedia).
    Lire ensuite ce que disent les scientifiques, à travers divers articles :
    – Réchauffement climatique : pourquoi nous n’agissons pas malgré la menace ?
    ( futura-sciences.com 30 septembre 2019 )
    – La raison inattendue qui nous empêcherait de lutter contre le réchauffement climatique
    ( futura-sciences.com 03 janvier 2024 )

  2. Le questionnement sur la notion de temps remonte probablement à ce moment (?) où un de nos ancêtres a pris conscience du «temps qui passe». Depuis, nombreux furent les penseurs (philosophes, physiciens, économistes, curés de toutes sortes et j’en passe) qui voulurent nous dire ce qu’est le temps. Pour les uns il est linéaire, pour d’autres il est cyclique. On croit savoir qu’il n’est pas une réalité physique, que sa perception est subjective, et pas spécialement propre à l’Homme (les animaux ont eux aussi une certaine notion du temps). Tout le monde admet que le temps se mesure (secondes, heures etc.) Pour certains le temps c’est de l’argent (hi-han !)
    Le temps ne fait rien à l’affaire… chantait Brassens. C’est sûr !
    En attendant (?) qui n’a jamais fait l’expérience de ce temps qui dure une éternité (au feu rouge, dans la file d’attente…) et au contraire de ce temps qui passe trop vite. ( à suivre )

    1. Quel vieux (vieille) niera que le temps file plus vite avec l’âge ? Là dessus les neurobiologistes nous éclairent. Oui la perception du temps est subjective. Comme l’idée que chacun se fait sur le sens de la vie. De la sienne d’abord, bien sûr. Certains, encore en forme, de quoi peu importe, se disent qu’ils ont encore plein de choses à FAIRE. Et à VOIR. Tout naturellement ils espèrent avoir le temps. Voir Venise et mourir. D’autres, fatigués, pensent voir tout fait, tout vu, ou bien assez comme ça, ils n’ont plus goût à rien, ont hâte d’en finir… les pauvres.
      Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai pas de jauge. De compteur quoi. Ni de montre d’ailleurs.
      Demain, après-demain, dans 10 ou 20 ans… qui peut me dire ? En attendant, même si je me plais à rien foutre et que je me fous d’avoir vu Venise je ne suis pas pressé. J’ai tout mon temps quoi. Et si ça se trouve tout ça n’est qu’une énooorme Blague.

  3. – « Néanmoins, il ne semble pas que la technoscience soit le principal adjuvant à la phobie du vieux.
    La faute à la pensée
    « Le vieux c’est le jeune en moins, il va moins vite, il est moins intéressant, il est moins rentable, il est moins marrant, il est moins… ». Admettons. Et alors ? Où est le problème ? Depuis quand on pend les moins ? On ne va quand même pas en vouloir au vieux de ne plus être jeune. Par contre, on peut en vouloir aux gars qui ont fait en sorte qu’une telle lecture soit possible. Une lecture qui rend le récit d’une existence de moins en moins intéressant au fil des pages, et vous invite presque à refermer le bouquin avant la fin. Parce que la fin n’est pas jugée digne d’intérêt, parce qu’elle est connue d’avance, parce qu’on a autre chose à faire, ou qu’importe la raison invoquée. La fin ne « nous » intéresse plus. »

    ( Karl Eychenne : « Revenez quand vous serez plus jeune » – 18 juin 2023 )

    1. Karl Eychenne n’est pas qu’un vulgaire chercheur en finance, il faut absolument lire ce qu’il écrit. Que ce soit sur la finance, l’économie, l’Homo economicus… les clowns, les cons, les jeunes, les vieux (seniors)… son chat, ChatGPT, le sens de la vie (sur la cuvette) et j’en passe. Son blog est une mine de pépites (blogs.mediapart.fr/karl-eychenne).
      Son style, son humour, sa façon de jouer avec l’absurde, sa philosophie (?) me font un peu penser à Jean-Baptite Botul. Toutefois c’est loin d’être du grand n’importe quoi.

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