Ukraine, éviter l’invasion était possible

Dans le monde complexe qui est le nôtre, il faut être dans ses convictions athée et amoureux de la Terre-mère, cosmopolite et localiste, et surtout adepte de la non-violence, pacifiste. Réfléchissons à l’Ukraine face à Poutine en utilisant cette grille de lecture.

Selon les militaires férus de stratégie rétroactive, les Alliés auraient du réagir très vite, dès que furent connus les préparatifs guerriers du Kremlin. Si les membres éminents de l’OTAN avaient décider de déployer aussitôt des armes nucléaires tactiques sur le territoire ukrainien, cette démonstration aurait calmé les ardeurs belliqueuse du maître du Kremlin en l’empêchant de foncer vers Kiev. En conséquence quelques centaines de milliers d’Ukrainiens et de Russes seraient encore en vie et près de 2 millions de blessés auraient été épargnés, chiffres provisoires.

C’est là une illustration du principe « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Un principe inopérant, l’histoire des conflits armés montrent que les belligérants font tant qu’ils le peuvent preuve de surenchère. La preuve, le jour de Noël 2023 la Biélorussie a fini d’installer dans ses arsenaux les armes nucléaires promises par Poutine en mars 2023. Le dictateur de ce pays, Alexandre Loukachenko, a déclaré : « Tout est à sa place, prêt à être utilisé. » L’hiver nucléaire est toujours une possibilité.

Le principe le plus fiable est celui des objecteurs de conscience : «  Si tu veux la paix, prépare la paix. » Si les Ukrainiens avaient laissé les chars russes arriver à Kiev sans intervenir, un gouvernement pro-Poutine aurait été mis en place, mais il n’y aurait eu aucun morts. Certes une dictature peut perdurer, mais tant que les citoyens feront preuve de soumission volontaire. Aucune dictature n’est éternelle, d’autant plus qu’elle repose le plus souvent sur une seule personne. Hitler, Staline ou Poutine n’ont que leur temps, ils ne maîtrisent pas l’avenir. Le problème n’est donc pas l’absence temporaire de démocratie, mais l’inertie des peuples. Les militaires ont le pouvoir parce qu’ils sont institutionnalisés, on paye des impôts pour les équiper et les nourrir. Une population d’objecteurs de conscience ne se laisserait pas faire, elle aurait la capacité de résister à toute situation imposée à mauvais escient. Une armée composée d’individus qui déterminent par eux-mêmes pour quoi et pour qui il faut se battre ne pourrait être utilisée par aucun pouvoir politique.

Une société œuvrant pour la paix et non pour la guerre n’aurait pas besoin d’armée. Avec des citoyens profondément objecteurs de conscience, nous n’aurions pas en France suivi les fantasmes de gloire de Napoléon, nous ne serions jamais intervenus militairement en Indochine ou en Algérie, nous n’aurions pas envoyé des supplétifs en Afghanistan ou en Côte d’Ivoire, ni des avions sur la Libye, ni intervenus au Mali. La France aurait été un pays déterminant au niveau international pour éliminer toutes les armées et construire une paix durable. Mais pour cela, il faut que notre société accepte d’éduquer les consciences individuelles ; le budget des armées serait amplement suffisant pour financer l’apprentissage à la résistance à l’injustice. On ferai même des économies.

Un témoignage de Michel Sourrouille sur sa période militaire : « Dans la cour, un gradé hurlait : « Bande de bœufs, mettez-vous en rang ! » Je rétorquais aussitôt : « On n’est pas des bœufs ». Il s’est tu. On a voulu m’apprendre un chant militaire, j’ai refusé. Le dernier couplet faisait dire à un jeune mourant sur le champ de bataille d’une de nos colonies : « Tu diras à ma mère que nous nous retrouverons ». J’ai exprimé ma surprise (feinte) devant un tel dénouement. L’instructeur a expliqué qu’après la mort, le combattant allait retrouver sa mère au paradis. J’ai déclaré que l’armée se devait à la neutralité en matière religieuse, je ne pouvais donc chanter cela. J’ai été dispensé de chant. On nous faisait répéter des mouvements avec un fusil. A chaque fois que nous devions mettre le fusil autrement, je demandais pourquoi. L’instructeur a explosé au bout de quelques pourquoi, me menaçant de tous les maux. Mais il s’est calmé, il ne pouvait rien intenter contre moi, il ne pouvait justifier ni ses instructions, ni sa colère. On m’a fait tirer au fusil, je suis un bon tireur. Au lieutenant qui admirait mon carton, j’ai dit que peut-être ce serait lui comme cible : je refuse la soumission volontaire, j’obéis à ma conscience. L’armée ne m’a gardé que 11 jours… je suis libéré par anticipation le 14 décembre 1979. »

Lire, Manifeste du pacifisme par un objecteur de conscience

Extraits : Désobéir pour la paix est à la fois un acte individuel et un acte collectif. La démarche de l’objecteur de conscience, refusant l’armée pour des motifs personnels, ne peut en réalité se concevoir que dans une vision de la société désirable et dans la volonté de faire partager un idéal. Car la recherche de la paix a le mérite de poser publiquement des questions fondamentales :

–          Quel type de société mérite d’être défendu ?

–          Contre qui ?

–          Par quels moyens qui soient à la fois efficace et justes ?

Lutter contre l’encasernement nous semble un bon signe de santé mentale, mais difficile à mettre en œuvre quand toute notre existence est une mise en boîte. De l’action individuelle du désobéissant pour la paix jusqu’à l’organisation d’une société durable en passant par la défense civile non violente à l’échelle de toute une communauté, nos possibilités de libération sont nombreuses…

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Invasion russe en Ukraine, Poutine s’éclate

extraits : La Russie n’avait « pas d’autre moyen » pour se défendre que de lancer ses forces en Ukraine, a affirmé le 24 février 2022 le président Vladimir Poutine, au moment même où l’armée russe était en train de mener une invasion de ce pays voisin. Plusieurs dizaines de personnes qui manifestaient contre l’invasion russe de l’Ukraine ont été arrêtées jeudi à Moscou et à Saint-Pétersbourg pour avoir bravé l’interdiction de se rassembler décrétée par les autorités russes…

Objection de conscience en temps de guerre

extraits : Le patriotisme est resté une vertu pour les dirigeants, qu’on s’appelle Volodymyr Zelensky, Vladimir Poutine ou même Emmanuel Macron. Pourtant se déclarer objecteur de conscience est un droit fondamental. Le droit à l’objection de conscience au service militaire repose sur l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ou de conviction.

Alexander Belik, Russe  : « Il n’est pas si difficile de refuser le service militaire en Russie, car il existe un service civil…

Yurii Sheliazhenko, Ukrainien : « Il n’existe pas d’alternative au service militaire, ni d’objection de conscience en Ukraine. Les objecteurs de conscience risquent des amendes et des peines de prison…

Crime de guerre, la guerre est un crime

extraits : Depuis l’Antiquité jusqu’au début de l’époque moderne, la pensée sur le droit de la guerre fut centrée sur le jus ad bellum, le « droit à la guerre », c’est-à-dire la légitimité ou non du recours à la force, comme en témoignent les réflexions de saint Augustin (354-430), puis de saint Thomas (1225-1274) sur la guerre juste. Le jus in bello, le « droit dans la guerre », c’est-à-dire la manière dont la guerre est menée et la façon de traiter les combattants, n’a commencé à s’affirmer qu’au milieu du XIXe siècle, avec le début des carnages de la guerre de masse. Nous pourrions penser et réaliser une troisième période, celle de l’interdiction de toute guerre, et par là-même en finir complètement avec les crimes de guerre…

Horrible, une société sans armées !!!

extraits : Nous sommes enfermés dans des ridicules espaces territoriaux artificiels qu’on appelle « nation ». Tant, que les Etats-nations voudront se faire la guerre, tant que les citoyens financeront des armées toutes plus nuisibles les unes que les autres, il n’y aura pas d’avenir possible. Devenons tous et toutes objecteurs de conscience, opposés en toutes circonstances à l’usage collectif des armes. En conséquence, il n’y aurait plus d’armée institutionnalisée, il n’y aurait plus de guerres généralisées. John F Kennedy disait : « La guerre existera jusqu’au jour lointain où l’objecteur de conscience jouira de la même réputation et du même prestige que ceux du guerrier aujourd’hui. »…

11 réflexions sur “Ukraine, éviter l’invasion était possible”

  1. Didier BARTHES

    On retrouve la difficulté de concilier les positions pacifistes de long terme et de principe avec les positions de court terme liées à l’événement.
    Je suis pour les premières mais conçoit que l’Ukraine se défende.
    Il y a dans ce texte une confusion Ceux qui étaient pour que l’Ukraine se défende n’ont généralement pas (il peut y avoir des exceptions) proposé qu’on envoie des armes nucléaires, mais simplement plus d’armes classiques pour que la Russie comprenne qu’elle ne gagnerait pas (la confusion vient d’un rappel à l’ancienne situation quand l’Ukraine membre de l’URSS avait des armes nucléaires sur son territoire mais c’est autre chose. Sans doute si elle les avaient gardées, et sous sa responsabilité, la Russie n’aurait pas attaqué, mais ne redonnons pas ces armes à l’Urkraine, par contre ne laissons pas gagner la dictature, sinon elle s’étendra, la Chine n’attend que ce genre de signe pour Taiwan

    1. Bonjour Didier Barthès
      Le résultat à long terme dépend toujours de nos positionnements à court terme. Le niveau de population futur dépend de notre choix de fécondité aujourd’hui comme le niveau de gaz à effet de serre dans l’atmosphère demain dépend de notre consumérisme carboné actuel. Il en est de même au niveau militaire, choisir le nucléaire ou l’armement conventionnel en Ukraine, c’est toujours favoriser une société militarisée pour nos générations futures.

      1. Didier BARTHES

        Mais que fait-on alors ? On laisse la dictature gagner ?
        Car quand même, il y a une contradiction, le titre de l’article dit :
        « Eviter l’invasion de l’Ukraine était possible »
        et le contenu de l’article dit qu’il fallait laisser les Russes envahir l’Ukraine (au motif que les dictatures finissent par s’écrouler) mais donc cette hypothèse valide bien l’invasion, et donc se trouve en contradiction avec le titre.

        1. @ Didier Barthès. Vous le dites vous-même À 12:32, « On retrouve la difficulté de concilier les positions [etc.]». Ce qui fait que les contradictions n’ont rien d’extraordinaire, elles sont d’ailleurs notre lot à tous. Ajoutez à ça un peu de confusion, et tout le monde est perdu, plus personne ne sait où il en est.
          « Eviter l’invasion de l’Ukraine était possible » ce ne sont que ces grands stratèges rétroactifs (radioactifs) qui disent ça. Ceux qui refont l’histoire après coup, avec des si partout. Et Biosphère en fait le titre de cet article. Dans lequel il nous fait la promo du pacifisme. De l’anti-militarisme et en même temps (ne confondons pas les deux). Et nous dit en effet qu’il eut suffit que les Ukrainiens se couchent pour que les choses se déroulent mieux. Seulement ce n’est là que ce qu’il croit. Est-ce que ça aurait calmer l’ardeur (sic) de ce fou ? J’en doute…

      2. Pour moi, le résultat à long terme (?) dépend surtout du hasard. Ce qui bien sûr ne veut pas dire que ce que nous faisons, ou pas, n’a aucune conséquence. Pensez à cette fable qui raconte les effets que peut produire le battement d’aille d’un papillon.
        Pour l’Ukraine, franchement je ne sais pas qu’elle est la meilleure position. Comment sortir de cette grosse Merde ? Et encore s’il n’y avait que celle-là. Comme Didier je dirais qu’il ne faut surtout par laisser gagner la dictature. Mais là encore, dire ça ne nous avance pas à grand chose. Si ce n’est à nous faire prendre conscience qu’il ne faut surtout pas laisser progresser les idées (pourries) qui font son lit. Ce qui serait déjà ça.

        1. Didier BARTHES

          Oui, il est certain que l’aléa peut avoir un rôle important, les personnes aussi. Je crois que c’est une règle générale dans l’Histoire.

  2. – « Dans le monde complexe qui est le nôtre, il faut être dans ses convictions athée et amoureux de la Terre-mère, cosmopolite et localiste, et surtout adepte de la non-violence, pacifiste »

    Sur l’échelle du Savoir (?) pour moi une conviction est ce qu’il y a de plus solide. Bien plus solide qu’une vulgaire opinion (point de vue) et autres idées reçues, une conviction ne peut être atteinte qu’après un long et laborieux travail, de réflexion. Elle repose sur ce qu’on appelle des vérités scientifiques. Rappelons que la Science ne prétend nullement détenir la Vérité. Et que celle-ci reste du domaine de la religion et du dogmatisme. Ne confondons donc pas conviction et dogmatisme et gardons toujours à l’esprit que tout n’est que croyance.
    Partant de là je ne vois pas trop ce qu’un athée (un croyant qui ne croit pas) aurait de plus ou de mieux qu’un croyant. Et encore moins qu’un agnostique. ( à suivre )

    1. Pour l’Ukraine face à Poutine… je laisse la Stratégie Rétroactive aux spécialistes.
      Refaire le monde avec des si … c’est intéressant mais ça va un temps. D’autant plus quand il s‘agit, comme ici, de prédire les réactions de grands malades. Si… les membres éminents de l’OTAN… si Poutine ceci, si les Ricains n’étaient pas là … et si ma tante en avait etc. etc.
      Avec ça nous voilà toujours aussi bien avancés. Aussi cons quoi.
      Mais heureusement nous avons la (mal)chance d’avoir ici deux grands spécialistes des questions militaires, grands admirateurs de leur ami Vlad et en même temps. Je suis d’ailleurs étonné que cet article ne les inspire pas plus que les précédents, surpris qu’ils ne viennent pas nous éclairer, de leurs lance-flammes. Misère misère ! ( à suivre )

    2. -« Aucune dictature n’est éternelle […] » (Biosphère)
      Rien n’est éternel. À part Dieu, peut-être… 😉

      – « Qui d’entre nous n’a pas songé depuis quelques mois, avec espoir, à la disparition de Vladimir Poutine ? Avouons-le : dans un coin de notre tête, nous avons tous élaboré notre petit scénario. » ( Comment finissent les dictateurs – Le Point )

      Oui, à part bien sûr ceux qui se plaisent à imaginer leur ami Tsar de toutes les Russies. Voire du monde. Avouons-le, c’est vrai que ça fait du bien d’imaginer un monde débarrassé de telle ou telle saloperie. Un monde meilleur quoi. Seulement combien ont vraiment poussé la réflexion ? Et quand bien même ce misérable serait subitement rayé de la carte, pulvérisé, foudroyé ou empoisonné peu importe… qui là encore peut savoir et dire les effets ?
      Toutefois je pense qu’il vaudrait mieux, pour tout le monde, que la balle ou la bombe soit tirée depuis son propre camp.

  3. Le chercheur indien Sundeep Waslekar milite pour la paix perpétuelle avec un livre :
    Entre guerre et paix. Histoire et politique des conflits dans le monde (titre d’origine, A World Without War)
    Pourquoi, s’interroge le chercheur en point de départ de son livre, faut-il qu’au moment où « nous possédons tout le génie nécessaire pour faire de notre planète un paradis nous avancions vers un suicide collectif », en ces temps les plus dangereux de l’histoire de notre espèce ? Deux menaces pèsent, selon lui, sur l’avenir du genre humain : la course aux armements cataclysmiques et l’hypernationalisme de dirigeants mus par les mésusages du pouvoir. (à suivre)

    1. (suite et fin) Face au démantèlement des traités de non-prolifération, à la militarisation de l’intelligence artificielle et à l’appétit ubuesque de princes aux discours abrasifs, l’une des principales solutions préconisées par le chercheur est d’interpeller les opinions publiques et de créer les conditions d’un « contrat social mondial ». Ce dernier passe par une cohabitation de chacun entre empathie envers l’humanité et loyauté envers son État. Mais comment faire ?

      Dans le sixième et dernier chapitre de l’essai, Sundeep Waslekar propose une série de mesures simples relevant de la modernisation des instruments existants, comme le droit international humanitaire, mis à rude épreuve par la compétition entre les principales puissances mondiales.

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