Être objecteur de conscience en France

Historique de l’objection de conscience en France

1963. Le projet de loi  » relatif à certaines modalités d’accomplissement des obligations imposées par la loi sur le recrutement  » – autrement dit le projet de  » statut des objecteurs de conscience « , a été adopté en quatrième et dernière lecture par l’Assemblée nationale, qui avait le dernier mot. Elle avait recueilli en première lecture le 24 juillet dernier 204 voix contre 32 au Palais-Bourbon, mais avait été rejetée par le Sénat. Le général Bourgund (U.N.R.), vice-président de la commission de la défense nationale, considérait comme  » déplacée  » l’importance donnée à  » des sentiments contraires à la tradition républicaine « . Au moment du vote décisif, s’écria le général Bourgund, « songez aux monuments aux morts et aux anciens combattants ! » Seuls votent contre quelques U.N.R. et républicains indépendants ; les socialistes et les communistes s’abstiennent.

1983. La loi Joxe assouplit considérablement les conditions d’obtention du statut d’objecteur de conscience. L‘obtention du statut devient automatique sous réserve d’envoyer une lettre type mentionnant que « pour des motifs de conscience » l’appelé « se déclare opposé à l’usage personnel des armes et demande donc à être admis au bénéfice des dispositions relatives à l’objection de conscience ».

1995. Mme Marie-Madeleine Dieulangard appelle l’attention de M. le ministre d’Etat, ministre de la défense, sur la situation des objecteurs de conscience. Elle s’inquiète de la grande variétés des situations concernant la durée de service à accomplir sous les drapeaux. Elle rappelle que le Parlement européen a adopté une résolution affirmant que  » l’accomplissement d’un service de remplacement ne peut être considéré comme une sanction « . Ces inégalités face au service national lui semblant être l’héritage d’une conception quasi uniquement militaire du service national, et prenant acte du développement des formes civiles de service national, elle lui demande quelles initiatives il compte prendre pour uniformiser la durée des différentes formes civiles du service national.

Réponse. – Le livre blanc sur la défense a rappelé que le service militaire doit demeurer l’épine dorsale du service national, car il lui confère sa légitimité. Les besoins des armées doivent être satisfaits en priorité. L’article L. 116-1 précise que les jeunes gens se déclarant opposés à l’usage personnel des armes sont  » admis à satisfaire à leurs obligations soit dans un service civil relevant d’une administration de l’Etat ou des collectivités locales, soit dans un organisme à vocation sociale ou humanitaire assurant une mission d’intérêt général, agréé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Bien qu’ils servent en dehors des armées et en tenue civile, ces appelés conservent la qualité de militaire et sont soumis, à ce titre, aux dispositions du statut général des militaires et du règlement de discipline générale dans les armées. S’agissant de la durée du service des objecteurs de conscience, fixée à 20 mois par la loi du 4 janvier 1992, celle-ci n’a nullement pour objectif d’introduire une forme de pénalisation destinée à dissuader les jeunes gens. Ce service civil plus long permet de s’assurer de la sincérité des jeunes gens optant pour l’objection de conscience, afin d’éviter que certains ne revendiquent ce statut pour des raisons de confort, de facilité, voire de sécurité. Dans ces conditions, il n’est pas prévu de modifier les dispositions du code du service national relatives à la durée des différentes formes du service national : 10 ou 12 mois pour la forme militaire, 10 mois pour le service dans la police nationale et le service de sécurité civile, 16 mois pour les services de l’aide technique et de la coopération et enfin de 20 mois pour les objecteurs de conscience.

1997. Le service militaire n’est plus obligatoire à partit de 2002, le Code du service national est actualisé pour tenir compte des objecteurs de conscience déjà incorporé. Leur statut reste militarisé.

Chapitre IV : Service des objecteurs de conscience. (Articles R227-1 à R227-20)

Article R227-1. Le présent chapitre fixe les conditions dans lesquelles les jeunes gens admis au bénéfice de l’article L. 116-1 accomplissent leurs obligations de service national.

Article R227-3. Assujettis au service national, les jeunes gens visés à l’article R. 227-1 doivent accomplir, à l’exclusion de tout autre, le travail défini en accord avec le ministre dont dépend cette formation et qui leur est confié. Il leur est interdit de s’absenter du lieu de travail sans autorisation.

Article R227-4. Tout manquement aux devoirs et obligations visés à l’article précédent expose son auteur à des sanctions disciplinaires prononcées par le préfet de région mentionné à l’article R. 227-2. Les jeunes gens susceptibles d’être sanctionnés doivent être mis en mesure de s’expliquer sur les faits qui leur sont reprochés.

1997. Mme Gisèle Printz attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les dispositions des lois sur l’objection de conscience. Elle demande ses intentions exactes sur le statut d’objecteurs de conscience.

Réponse. – Le service civil des objecteurs de conscience concerne actuellement plus de 14 000 appelés ayant pour vocation de servir dans le cadre des administrations de l’Etat et des collectivités territoriales ou au sein d’organismes à caractère social ou humanitaire assurant une mission d’intérêt général. L’augmentation sensible ces dernières années du nombre des jeunes gens admis à satisfaire aux obligations du service national en qualité d’objecteur de conscience est à l’origine de difficultés rencontrées par certains d’entre eux quant à la recherche d’un poste de travail susceptible de leur être attribué. La mesure prise par le précédent gouvernement tendant à faire participer les organismes à la prise en charge financière des intéressés a pu amplifier ces difficultés, certaines structures ayant de fait limité le nombre des appelés accueillis. Toutefois, les conditions de préparation du budget 1998 n’ont pas permis de revenir sur cette disposition.

2007.  M. Jean-Michel Bertrand appelle l’attention de Mme la ministre de la défense sur les conséquences de la loi n° 97-1019 sur l’exercice du droit à l’objection de conscience en cas de conflit armé. L’objection de conscience est un droit reconnu par les articles L. 116-1 à L. 116-9 du code du service national. Or ces dispositions n’ont plus d’objet en raison de la suppression du service national. De ce fait, les objecteurs de conscience ne sont plus recensés. En conséquence, il lui demande dans quelle mesure l’objection de conscience pourrait être exercée si les circonstances appelaient un rétablissement immédiat de l’ordre sous les drapeaux.

Réponse publiée au JO le 20/03/2007 : L’article L. 112-2 du code du service national, inséré par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, prévoit que l’appel sous les drapeaux est suspendu pour tous les Français nés après le 31 décembre 1978 ainsi que pour ceux qui sont rattachés aux mêmes classes de recensement et qu’il peut être rétabli à tout moment par la loi dès lors que les conditions de la défense de la nation l’exigent ou que les objectifs assignés aux armées le nécessitent. Aucune possibilité de se déclarer « objecteur de conscience » n’est prévue par la loi du 28 octobre 1997. Les mesures définissant les conditions de cette déclaration devraient donc nécessairement apparaître dans le texte de la loi portant rétablissement de l’appel sous les drapeaux, si l’hypothèse prévue par l’article L. 112-2 précité devait se réaliser. Le ministère de la défense ne peut préjuger des dispositions que prendrait le pouvoir législatif sur les conditions de recevabilité des demandes d’admission au bénéfice du dispositif de l’objection de conscience. Enfin, la forme de service que souhaiterait accomplir chaque administré effectuant la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) n’est pas l’une des données dont le recueil est autorisé par l’arrêté du 5 août 2004 portant création d’un traitement automatisé d’informations nominatives relatif à la gestion des administrés du service national.

2024. Réarmement militaire. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, appelle entreprises et collectivités au « patriotisme » pour permettre à leurs salariés de devenir réservistes dans l’armée. En 2022, le président Emmanuel Macron avait annoncé vouloir doubler le nombre de réservistes des armées d’ici à 2030, pour atteindre 80 000 personnes. La nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030 a porté de cinq à dix jours la durée de mise à disposition des salariés à laquelle les entreprises ne peuvent s’opposer.

Sébastien Lecornu : « La plupart des crises que nous avons à gérer ne sont plus des crises courtes, mais des menaces qui vont nécessiter une capacité à durer dans le temps et donc à relayer les forces . J’en appelle à une forme de patriotisme du capitalisme français ».

Exit l’objection de conscience en France ?

7 réflexions sur “Être objecteur de conscience en France”

  1. C’est comme pour la natalité, pourquoi faire campagne en France pour la baisser quand on sait qu’on est déjà en dessous du seuil de renouvellement en France ? Ça serait plus utile de faire campagne ailleurs, là où la natalité est trop élevée ! Ben pour l’objection de conscience, c’est exactement pareil ! Pourquoi faire campagne en France pour l’objection de conscience quand on sait que la greffe de minou remboursée par la sécurité sociale est de plus en plus sollicitée par nos (ex) hommes ? Allez faire campagne aux Usa ça sera plus utile !

  2. – « 2024. Réarmement militaire. Le ministre des armées, Sébastien Lecornu, appelle entreprises et collectivités au « patriotisme » [etc.] »

    Plus exactement à … « une forme de patriotisme du capitalisme français ».
    Faut oser quand même, non ? En tous cas voilà le genre de déclaration qui aurait du faire discuter dans les chaumières, les bistrots etc. Voire provoquer un scandale, une révolution… Ben quoi ON peut rêver, non ? Mais non, ON préfère discuter de ce crâne découvert par une randonneuse, des prochains J.O et autres actualités servant à faire diversion.
    Certes certains en ont parlé, vite fait bien fait. Dont Cédric Pietralunga dans Le MONDE, le 18 avril 2024. Ou encore Benoit Barnett, le même jour, sur revolutionpermanente.fr :
    – Salariés réservistes de l’armée : Lecornu appelle au « patriotisme du capitalisme français »
    Seulement ça passe par une oreille et ça sort par l’autre. ( à suivre )

    1. Et pendant ce temps le Capitalisme con solide ses bases : la Compétition, la Guerre !

      – « Il faut voir comme ON nous parle. » ( Souchon – Foule sentimentale )

      Lecornu est bien sûr un des ces ON. Il suffit de voir comme il parle :
      – Déclaration de M. Sébastien Lecornu, ministre des armées, sur l’École Polytechnique et l’intelligence artificielle, à Palaiseau le 8 mars 2024. (vie-publique.fr )
      Tout y passe, ON n’oublie rien : L’uniforme, le combat… pour la transition énergétique…
      la sécurité, la compétition… la Patrie, les Sciences et la Gloire ! Misère misère !

      1. Dire que Sébastien Lecornu a été secrétaire d’Etat auprès de Nicolas Hulot, ministre de l’écologie !
        La politique politicienne mène à tout…

        1. Parti d'en rire

          Oui, à tout et n’importe quoi ! Peut-être encore plus marrant, sa remarquable carrière militaire. Et en même temps que secrétaire d’Etat auprès de Hulot… le type s’offre les galons de colonel à 31 ans ! Et ça quand même, c’est pas à la portée du premier convenu. Autre chose, au sujet de ses casseroles, là encore l’enquête a été classée sans suite. Comme quoi la politique politicienne mène à tout… 😉

        2. Sébastien Lecornu, né le 11 juin 1986, étude de droit (licence, master non terminé). Dès 16 ans, il milite à l’Union pour un mouvement populaire (UMP). Assistant parlementaire en 2005 (à 19 ans), en 2008, il est conseiller politique, puis maire, sénateur, secrétaire d’État, ministre des Outre-mer, ministre des Armées depuis le 20 mai 2022 et même commandeur de l’ordre de l’Etoile de Mohéli. Trop jeune pour avoir fait son service militaire, il a cependant un grade à la gendarmerie « de réserve ». Il est nommé en catimini « colonel » à 31 ans… peu après son entrée au gouvernement ! Ah, n’oublions pas son agrafe « Gendarmerie nationale », à commander sur Internet (4,90 euros).
          Autant dire que c’est un spécialiste de la politique politicienne, certainement pas de la défense nationale.

        3. PARTI D'EN RIRE

          Ah, j’avais pas pensé à l’agrafe « Gendarmerie nationale », c’est pas con ça.
          Comme je suis pas mal étourdi, pour des histoires de priorités, de stop pas marqué et autres conneries du genre, avec ça à coup sûr j’obtiendrais la clémence des collègues en bleu. Et en plus à ce prix là elle serait vite amortie.
          Je serais donc trop con de m’en priver.
          Je l’ai de suite trouvée sur le Net (4,90 euros), merci Biosphère pour le tuyau.
          Sauf qu’ON me dit : « Vente soumise à conditions. Livraison en brigade ou copie de votre carte professionnelle obligatoire. »
          Rien à foot ! Je ne vais quand même pas m’en priver pour si peu.
          Comme j’ai la chance d’avoir un bon pote de la Maison, même s’il est comme moi en retraite je suis sûr que pour une bouteille de Ricard il va me dégoter cette foutue agrafe. Le képi et toute la panoplie et en même temps !
          Je lui fais grâce de la matraque.

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