Liberté de la presse et démocratie en lambeau

Guerres économiques, guerres idéologiques, guerres de propagande, nous sommes en guerre et pas seulement en Ukraine ou à Gaza. Le chemin vers une intelligence collective que nous recherchons sur ce blog biosphere est de plus en plus escarpé, la vérité est marginalisée, les journalistes de plus en plus écrasés par les différents pouvoirs. Le 3 mai, c’était la Journée mondiale de la liberté de la presse, l’organisation Reporters sans frontières a noté que plus de 50 % de la population mondiale vit sur un territoire « où exercer le métier de journaliste revient à risquer sa vie ou sa liberté ». Elle vient de rendre public son classement mondial de la liberté de la presse. Exemples :

Classement international (avec le score) : 1. Norvège (91.9) ; 2. Danemark (89.6)…….. 21. France (78.6)………. ; 46. Italie (69.6) …… ; 55. États-Unis (66.6)……… ; 61.Ukraine (65)………..101. Israël (53.2)……. ; 157. Palestine occupée (39.2)……… ; 162. Russie (29.9)…… ; 180. Érythrée (16.6)

À l’échelle mondiale, un constat s’impose : la liberté de la presse est menacée par ceux qui devraient en être les garants : les autorités politiques. Parmi les cinq indicateurs qui composent le score des pays, l’indicateur politique est celui qui baisse le plus en 2024, avec une chute globale de 7,6 points. Le gouvernement israélien a décidé de réduire au silence la chaîne d’information qatarie Al-Jazira au nom de la sécurité du pays. Plus d’une centaine de journalistes palestiniens a été tuée par les bombardements de l’armée israélienne depuis le 7 octobre 2023. Or la liberté d’informer sans avoir peur est un pilier constitutif de toute vraie démocratie. En France on a interdit la chaîne RT (Russia Today) quand la Russie a envahi l’Ukraine, et tout le monde a trouvé ça normal. En période de guerre armée, les chaînes du camp adverse ne sont pas tolérées.

Le journalisme, le 4ème pouvoir, est normalement la condition d’un système démocratique grâce à la transparence de l’information et la recherche d’un débat constructif. En 2024, plus de la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes. Mais les pouvoirs politiques en place sont nombreux à opérer un contrôle accru sur Internet, la répression envers les journalistes se fait parfois violente, l’autocensure par crainte des représailles se généralise. Reconnaissons que les autorités politiques ne peuvent briser la libre information que grâce à la passivité d’une population, ce qu’on appelle aussi « soumission volontaire ». Écoutez Anna Politkovskaïa, journaliste, qui a été assassinée le 7 octobre 2006 à Moscou :

« Les valets souriront servilement, tous des petits gradés du KGB ayant reçu leurs postes importants sous Poutine, ils se mettront au garde à vous… Mais je constate que les responsables de tout ce qui se passe, c’est nous. Nous d’abord. Pas Poutine. Notre attitude vis-à-vis de Poutine, notre attitude qui se limite à des « bavardages de cuisine », a permis à Poutine de transformer sans entrave la Russie. L’apathie dont fait preuve la société est incommensurable. Et elle est une indulgence pour Poutine pour les années à venir. Nous avons réagi à ses actions et à ses discours non seulement avec mollesse, mais avec peur. Et cette peur qui est la nôtre, nous l’avons montrée aux tchékistes, enracinés dans le pouvoir. Et cela n’a fait que renforcer leur désir de nous traiter comme du bétail. »

Le point de vue des journalistes écologistes

La censure n’est pas l’apanage des régimes autoritaires, il est aussi au cœur de nos démocraties dites libérales. Mais ce n’est pas une censure déclarée, elle se trouve de façon subreptice dans les modalités de l’information. Dans nos sociétés pluralistes et fragmentées, ce ne sont pas seulement des arguments qui s’affrontent mais aussi des identités forgés par les réseaux sociaux. Dans ce contexte, les propos qui rappellent les faits et font appel à la raison deviennent vite inaudibles. Gaza ou l’Ukraine sont certes couverts par le fil des infos, mais les médias même en France n’informent plus globalement sur rien, ils font du divertissement qui sature l’intelligence des gens. Les écrans publicitaires à tout moment, c’est une telle soupe commerciale ingurgitée sans résistance que la censure n’est plus utile, elle se fait toute seule par la loi du pognon.…. Un journaliste fait des choix éditoriaux, il approfondit certains thèmes et veut ignorer ce qui n’est pas à la mode du moment : le journalisme est toujours orienté. Prenons, l’écologie, la raison d’être de ce blog biosphere.

L’immense majorité des journalistes amenés à traiter d’environnement adhère à la doxa du « capitalisme vert ». Sous l’emprise de puissantes logiques commerciales, les journalistes s’engouffrent dans la célébration du « green business ». Dans le droit fil du succès de l’expression « développement durable », l’expression longtemps à la mode, c’est aujourd’hui autour du label « croissance verte » de faire florès auprès des professionnels de l’information. Profondément enfouis dans leur for intérieur, les principes de rentabilité, concurrence, compétitivité… leur apparaissent comme légitimes et incontournables. A bien des égards, ne pas remettre en cause l’esprit croissanciste de la société thermo-industrielle, c’est le considérer pour acquis et donc prendre parti en sa faveur. Mis aller contre le sens du courant idéologique dominant, c’est – pour un journaliste – prendre le risque de se discréditer auprès de son employeur.

S’ils veulent être le « contre-pouvoir » qu’ils prétendent constituer, alors les journalistes doivent avoir le courage de questionner leurs convictions les plus profondes, celles qui les empêchent de voir que d’autres visions du monde existent en dehors de l’étroit moule capitaliste.

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A69, entraves à la liberté de la presse (2024)

extraits : Le rapporteur spécial des Nations unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, a demandé le 29 février 2024 à ce que le travail de la presse soit facilité sur le site occupé par les opposants au projet de l’autoroute A69. A l’issue de sa visite sur le lieu de la mobilisation, à Saïx, dans le Tarn, il a pointé plusieurs atteintes aux droits de l’homme….

Liberté de la presse et écologie, le cas Hervé Kempf (2013)

extraits : Dans les années 1970, il y avait des militants journalistes et des journalistes militants. L’écologie faisait son entrée dans les médias. Aujourd’hui l’écologie est une rubrique parmi d’autres. L’information produite a tendance à se formater, à se dépolitiser, à se déconflictualiser. La logique commerciale, la crise de endettement et la vulgate croissanciste ont étouffé le militantisme écolo ; rares sont les journalistes qui peuvent encore s’exprimer librement. Hervé Kempf était un de ceux-là. Censuré par LE MONDE, il a été acculé à démissionner le lundi 2 septembre 2013….

Les journalistes et l’écologie vendue au capitalisme (2013)

extraits : Nos analyses sur le traitement médiatique des enjeux climatiques en France ont ainsi montré que plus les journalistes parlent du problème climatique, plus ils parlent de ses conséquences au détriment de ses causes et solutions. Cette tendance à illustrer les problèmes plutôt qu’à les expliquer n’est pas neutre, les journalistes évacuent du champ du pensable environnemental la question des relations entre la mécanique capitaliste et la détérioration des écosystèmes. S’ils veulent être le « contre-pouvoir » qu’ils prétendent constituer, alors les journalistes doivent avoir le courage de questionner leurs convictions les plus profondes, celles qui les empêchent de voir que d’autres visions du monde existent en dehors de l’étroit moule capitaliste….

3 réflexions sur “Liberté de la presse et démocratie en lambeau”

  1. – « Le chemin vers une intelligence collective que nous recherchons sur ce blog biosphere est de plus en plus escarpé, la vérité est marginalisée, les journalistes de plus en plus écrasés par les différents pouvoirs. »

    Même si je ne partage pas tous les points de vue de Biosphère, je reconnais que bon nombre de ses articles (sujets) sont d’une qualité plutôt rare. Seulement j’ai l’impression que c’est comme donner de la confiture aux cochons.
    La liberté de la presse régresse, c’est factuel comme dit l’autre. Tiens, la Preuve :
    – La liberté de la presse en danger dans le monde entier (un.org)
    ( à suivre )

    1. La liberté de la presse est évidemment liée à la liberté d’expression, elle-même aux droits de l’Homme etc.
      Justement j’en ai parlé vite fait hier 7 MAI 2024 À 18:42 sur l’article précèdent.
      Voir en suivant la réaction, et jugez par vous-même. Enfin, si vous pouvez. Au sujet des Européennes, Biosphère qualifiait les échanges (le débat) de lamentable(s) !
      Nous en sommes donc là, et pour tout et n’importe quoi !
      Aujourd’hui l’Actu du jour c’est l’arrivée du Belem. Vive la Flamme, vive les Jeux, vive le Cirque etc. Misère misère !

    2. Je cite Coluche : « L’esprit d’équipe… C’est des mecs qui sont une équipe, ils ont un esprit ! Alors, ils partagent !  »

      Mouais autant dire que partager un seul cerveau avec Mélenchon, Martine et Manon Aubry, Macron, Clémentine Autain, Attal, … et Michel C, ça ne me branche pas du tout ! L’intelligence collective c’est le nivellement par le bas ! On voit et constate les funestes résultats en France…

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