LE MONDE est un quotidien, le long terme n’y vaut rien

« Suite à la décision du journal « Le Monde » de supprimer sa page « planète », nous vous invitons à écrire massivement à la directrice et au médiateur du Monde pour manifester votre incompréhension ». C’est ce qui s’imprime sur la toile. Rumeur ou réalité ?

D’abord un progrès, sur lemonde.fr la rubrique Planète apparaît enfin dans le bandeau principal, horizontal, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les sous-rubriques sont alléchantes, Climat, Energies, Pandémies, Pollutions, etc. Mais il est vrai qu’avec les changements dans l’offre éditoriale du Monde papier à partir du 30 avril, certains craignaient que certains sujets « Planète » jugés de moindre importance passent à la trappe. Soyons plus précis. Au sein de la rédaction du journal, le Service Planète est transformé en pôle Planète, intégré au Service International. Cela signifie qu’il perd en autonomie et sans doute en pouvoir de participation aux décisions rédactionnelles du journal. Les pages « Planète » disparaissent en tant que telles, les articles d’environnement relatifs à l’international apparaîtront sous une têtière « International et Planète » après, par exemple, « International et Europe ». Les articles environnementaux concernant la France sont dispatchés sans label spécifique dans les pages « Politique et Société » ou « Economie ». Par contre la chronique Ecologie d’Hervé Kempf est maintenue (édition du dimanche-lundi) et même allongée à 3 000 signes. Donc rien ne change vraiment au fond, sauf que l’écologie reste assise sur un strapontin. Mais c’est mieux que le New York Times qui a supprimé son service Environnement en janvier dernier.

De toute façon l’écologie ne prend que la place médiatique que la société civile lui donne. Quel score la candidate de l’écologie a-t-elle obtenu aux dernières présidentielles ? Voici un historique de la rubrique environnement au journal LE MONDE déjà parus sur notre blog. Nous donnons un résumé, pour en savoir plus il faut cliquer sur les liens :

1945-1973 : Nous avons interrogé les journalistes Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf qui ont été successivement en charge de la rubrique environnement au MONDE. Les débuts du quotidien en la matière ont été désastreux. Dans son numéro 199 du 8 août 1945, le quotidien annonçait le largage de la première bombe atomique en manchette sur trois colonnes avec, en surtitre, cette formule ingénue et terrible : « Une révolution scientifique » (…) C’est seulement à partir de 1969 que LE MONDE ouvre un dossier « Environnement » au service de documentation…

1974-1981 : Marc Ambroise-Rendu est arrivé au MONDE en mars 1974. Son directeur, Jacques Fauvet, n’avait aucune idée de la manière dont il fallait traiter la nouvelle rubrique environnement, mais comme il y avait un ministère du même nom depuis le 7 janvier 1971, un ministre (Robert Poujade), des officines diverses, des salons de l’environnement et des réactions patronales, il fallait « couvrir »…

1981-1988 : L’élection de Mitterrand en 1981 a été un coup d’arrêt à la politique environnementale ; c’est pourquoi, quand Roger Cans reprend la rubrique environnement au MONDE, il se retrouve seul et isolé. L’affaire de Bhopal, cette fuite de gaz mortel qui tue ou blesse des milliers d’habitants d’une grande ville indienne en décembre 1984 ne donne lieu qu’à une brève le premier jour. Et le correspondant à New-Delhi n’ira à Bhopal que plusieurs mois après la catastrophe, lorsque l’affaire deviendra politique…

1998-2011 : Avec l’arrivée à la direction d’Eric Fottorino en juin 2007, LE MONDE mobilise davantage de rédacteurs à la chose environnementale : six ou sept rédacteurs au lieu d’un seul, durant presque 25 années (1974-1998), cela fait une sacrée différence. A partir du numéro du 23 septembre 2008, la page 4 est consacrée à la Planète, au même titre que les pages International ou FrancePlanète est devenu un véritable service comptant plus de dix journalistes, un cas unique en France…

2012-2013 : Marc Ambroise-Rendu, Roger Cans et Hervé Kempf ont témoigné que l’écologie avait pris de l’importance dans ce quotidien de référence. Mais comme il faut préserver les convenances et les recettes publicitaires, LE MONDE cultive encore la croissance, le tout automobile et les néfastes futilités…

Aujourd’hui la crise financière étouffe dans les médias toute perception claire de la crise écologique qui va dans les années prochaines approfondir gravement les crises socio-économiques. Car, comme le disait récemment Stéphane Foucart devant un parterre de journalistes environnementaux : « LE MONDE est un quotidien : par définition le long terme ne vaut donc rien par rapport au court terme. »

1 réflexion sur “LE MONDE est un quotidien, le long terme n’y vaut rien”

  1. Je me permets une petite correction car il faut rendre à César ce qui lui appartient : certes, c’est sous la direction d’Eric Fottorino que l’environnement a gagné ses lettres de noblesse dans Le Monde mais uniquement par la volonté farouche d’un seul homme, le journaliste Pierre Barthélémy, qui a créé d’abord le service Science et Environnement puis les pages Planète en 2008 : http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/pierre-barthelemy/

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