Victoire de la chimie contre l’écologie

Rachel Carson sur ce blog biosphere en 2012 : Cinquante ans, 1962-2012, que Rachel Carson a publié son livre « Le printemps silencieux » : en résumé, l’usage du DDT tue les oiseaux, le silence règne sur les champs. Un site Internet commente : « La rhétorique extrémiste de Rachel Carson a généré une culture de la peur. » En France des personnes mal-intentionnées comme Christian Gerondeau, dans son brûlot « Ecologie, la fin », reprennent la même thématique. La démarche des marchands de doute et de leurs suppôts est toujours la même, que ce soit pour le tabac, pour les pesticides ou pour le réchauffement climatique, faire douter de la science pour mieux assurer le pouvoir des intérêts financiers. Rachel Carson avait une piètre opinion de ses attaquants :

« Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue » … « Vouloir contrôler la nature est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal. »

Lire, Culture de la peur et extrémismes, Rachel Carson ?

Rachel Carson sur ce blog biosphere en 2022 : Il y a soixante ans, le 27 septembre 1962, l’éditeur américain Houghton Mifflin publiait Printemps silencieux de Rachel Carson. Un Printemps sans oiseaux dénonçait les ravages environnementaux et les risques sanitaires que faisaient peser l’utilisation massive, indiscriminée et systématique des pesticides de synthèse dans l’agriculture, et bien d’autres activités.Tout l’été précédent, le New Yorker avait commencé à donner à ses lecteurs, en feuilleton, la primeur de ses dix-sept chapitres. Vendu à un demi-million d’exemplaires la première année, le livre a lancé le mouvement environnementaliste moderne. L’expression « protéger l’environnement » n’a commencé à se propager dans l’ensemble des sources écrites de langue anglaise qu’à partir des années 1960. Dès la publication officielle du volume, une féroce bataille d’influence du débat public était déjà engagée. Sentant que se jouait là, autour de ce livre, les conditions de sa survie, l’industrie chimique y a mis toutes ses forces.

Al Gore préfaçait ainsi l’édition de 2009 : «  Bien évidemment, le livre et son auteur (biologiste) se sont heurtés à une énorme résistance de la part de ceux à qui la pollution rapporte. Lorsque des extraits ont été publiés dans le New Yorker, le lobby a immédiatement accusé Rachel d’être hystérique et extrémiste. Comme Rachel était une femme, l’essentiel de la critique qui lui fut adressée jouait sur les stéréotypes de son sexe. Le Président Kennedy constitua un comité pour examiner les conclusions du livre, Rachel avait raison… Mais depuis la publication de Printemps silencieux, l’usage des pesticides dans l’agriculture a doublé, pour atteindre 1,1 milliard de tonnes par an. »

Le point de vue des écologistes

Le système actuel est un pari faustien, nous sommes gagnants à court terme, au prix d’une tragédie à long terme : les « nuisibles » s’adaptent en général par mutation, et les produits chimiques deviennent impuissants. Pourtant, malgré soixante années de passé, il fait peu de doute que l’industrie chimique est sortie globalement gagnante de la bataille engagée au printemps 1962. Le biologiste Roger Heim, grand résistant et président de l’Académie des sciences à une époque, n’hésitait pas, dans sa préface à la première édition française de Printemps silencieux, à demander : « Qui mettra en prison les empoisonneurs publics instillant chaque jour les produits que la chimie de synthèse livre à leurs profits et à leurs imprudences ? » Mais les « empoisonneurs publics » sont devenus des léviathans qui imposent leur volonté aux États.

Que reste-t-il à faire, comment réagir ? Pourquoi pas multiplier les sabotages dans les entreprises chimiques ? L’État fera des lois pour condamner lourdement de tels actes de sursaut civique. Ne plus acheter de produits chimiques ? Demandez leur avis aux agriculteurs productivistes. Les poisons sont partout, facilement décelables dans les cheveux de tout-un-chacun.

Lire, Des perturbateurs endocriniens dans tous nos cheveux

Et aujourd’hui les écologistes institutionnels font le buzz pour des histoires de féminisme mal digéré. C’est à désespérer de l‘intelligence humaine. Rachel Carson lance la cause environnementale dans les années 1960. René Dumont était un présidentiel très écolo dès 1974. Notre blog biosphere existe depuis 2005, un article au moins chaque jour 365 jours sur 365. Nous avons l’impression de crier dans le désert, mais cela fait du bien de crier…

2 réflexions sur “Victoire de la chimie contre l’écologie”

  1. Nobel de modération 2022

    – « Le prix Nobel de chimie 2022 a été attribué aux Américains Carolyn Bertozzi et Karl Barry Sharpless et au Danois Morten Peter Meldal « pour le développement de la “chimie click” et de la chimie bio-orthogonale », deux nouveaux domaines de la chimie moderne, a annoncé mercredi 5 octobre l’Académie royale des sciences.» (Le MONDE – 05/10/2022)

    Voilà déjà là LA PREUVE (par 9 et par a+b) qu’il y a bien chimie ET chimie.
    Ne comptez pas sur moi pour vous expliquer la chimie click et la chimie bio-orthogonale !
    Ben non, désolé, mais n’est pas Nobel de chimie qui veut. Voilà aussi de quoi relancer le «débat» sur le Nobel d’économie, de casseroles et de bidons. 🙂

  2. Esprit critique

    La chimie ne se résume pas aux pesticides. La chimie c’est comme la technique, on ne peut pas dire comme ça de but en blanc qu’elle est bonne (super bonne etc.) ou mauvaise. Là encore, il y a chimie ET chimie. Et nous avons notamment la chimie de synthèse. Et là encore, eh oui, il y a chimie de synthèse ET chimie de synthèse.
    Lire, par exemple : Intérêt pratique de la synthèse chimique (universalis.fr)
    Bref, c’est toujours une question de juste mesure, de limites. Et bien sûr ça fait déjà un bon moment que nous les avons dépassées. Sinon nous ne retrouverions pas autant de merdes dans nos cheveux, dans les océans, dans l’air et finalement partout.
    Ceci dit, si nous voulons nous en prendre aux empoisonneurs… ne serait-ce que parce que ça fait du bien de crier… pensons alors à tous les genres de poisons. Et là, il n’y a pas que la chimie qui soit en cause. Quel est le pire finalement ? Misère misère !

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