« Ne plus se mentir » de Jean-Marc Gancille

Ce livre constitue un petit exercice de lucidité par temps d’effondrement écologique. Les phrases percutent : « Nicolas Hulot en quittant le gouvernement a décidé de ne plus se mentir, mais l’humanité continue, elle, à se raconter des histoires… Comme par magie, l’achat d’un véhicule électrique est devenu vertueux… Nous sommes enfermés dans des modes de vie insoutenables, conditionnés par les normes sociales, les politiques publiques, les infrastructures, les technologies, le marché, la culture… Chercher des manières plus vertes de maintenir le statut quo d’une société marchande qui nous impose de vivre dans le mythe d’une croissance infinie n’est pas une solution… Sans rire, qui aujourd’hui peut affirmer qu’il connaît ou travaille dans une entreprise dont le modèle est, au mieux, neutre pour l’environnement ? Personne… Une majorité de la population vit aujourd’hui de ce qui détruit l’environnement, nuit à sa santé et hypothèque l’avenir de sa descendance… On n’est pas prêt de réconcilier la fin du monde et la fin du mois… Comment croire ne serait-ce qu’un instant qu’on puisse diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre (ce que recommandent a minima les scientifiques pour éviter les catastrophes) tout en courant obstinément après des points de croissance (ce à quoi s’acharnent à peu près tous les gouvernants de la planète)…Le tragique paradoxe du solutionnisme technologique ambiant est qu’il contribue finalement à renforcer le modèle économique mortifère et l’hyper-industrialisation qu’il devrait dénoncer… Rien n’arrête le progrès, dit-on. Même lorsqu’il devient suicidaire… Et pendant ce temps-là, l’habitabilité de la Terre se dégrade, le vivant s’effondre, le mur s’avance… L’effondrement global à court terme de notre société industrielle est devenu plus que plausible. Inévitable… »

Jean-Marc Gancille témoigne de son inquiétude profonde que nous nous devons de partager, tous les indicateurs sont au rouge. Nous savons qu’il faudrait sanctuariser les derniers espaces sauvages, stopper l’agriculture industrielle, laisser sous terre les trois quarts des réserves fossiles économiquement exploitables. Nous savons intimement qu’il est désormais obligatoire que nous nous fixions des limites. Maximales, radicales, drastiques. Pour ne pas y penser, nous faisons preuve de dissonance cognitive, d’une pensée clairvoyante mais d’un comportement qui va dans le mauvais sens. Les décision des gouvernements, des entreprises et des ménages convergent au bout du compte pour que tout continue comme avant. On ne peut plus croire qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer une société bloquée dans son croissancisme. Nos indignations virtuelles, nos marches festives, nos contestations symboliques et même nos alternatives locales isolées sont bien peu de choses face à la montée inexorable du carbo-fascisme global incarné par Trump, Dutertre, Bolsonaro, Poutine et tant d’autres à venir. On ne peut pas compter sur des gouvernements qui donnent blanc-seing à de grands projets climatocides, qui sont hostiles à une fiscalité écologique… Même les ONG environnementalistes baissent leur niveau d’exigence, ce qui entame leur crédibilité.

Alors que faire quand aucune conversion généralisée de nos modes de vie, aucun nouveau récit porteur, aucune innovation technologique ne pourra contrarier les lois immuables de la biophysique dans le bref temps qu’il nous reste ? Qui peut raisonnablement croire en une dictature éclairée et bienveillante exercée au nom de l’intérêt général face à un avenir menaçant ? Face à l’inéluctabilité de la catastrophe, Jean-Marc Gancille envisage une impitoyable sélection naturelle qui laissera des milliards d’humains et de non-humains sur le carreau. Mais il voudrait aussi que soit aussi inéluctable une véritable « guerre civique », sabotages, hacking, libérations animale, destructions matérielles, genre « Deep Green Resistance ». Un livre à lire en retenant son souffle, 98 pages écrites en petits caractères pour 10 euros.

NB : pour savoir ce que signifie l’effondrement de notre système, lire notre article précédent, sur la « Fermeture des centrales à charbon » : Le Venezuela actuel est une bonne illustration de ce qui va se passe si on ne fait pas de rupture écologique. Expression « transition écologique » est un leurre, nous n’avons pas le temps d’atermoyer.

4 réflexions sur “« Ne plus se mentir » de Jean-Marc Gancille”

  1. Dame nature se moque des velleités ou des pouvoirs de M. Bezos (Guy ?) car elle seule détient les clés de notre survie ou de notre disparition .
    Tout le reste ,n’ est que littérature et mégalomanie bezosienne .

  2. Didier Barthès

    Je ne partage pas l’avis de Monsieur Gancille sur la guerre civique, elle n’apportera rien, juste un peu de malheur en plus et dès lors que nous sommes convaincus que l’effondrement est inéluctable il est inutile d’en rajouter, ce sera bien assez dur comme ça. Ca n’évitera rien ni n’adoucira rien pour plus tard, les guerres auront bien des raisons de finir par se déclarer. Une telle (pré) guerre ne ferait que provoquer des injustices et des souffrances plus tôt encore sans atténuer celles de demain.
    Ce qui est terrible c’est de voir comme (hélas, avec fondement) l’idée d’effondrement est passé de la science fiction aux scientifiques (ceux qui se spécialisent sur cette question s’autoproclamant collapsologues) et maintenant à une partie non négligeable de la population. C »est un signe peut-être avant coureur de l’imminence du phénomène.
    J’ai longtemps pensé que l’effondrement aurait lieu au cours du 21ème siècle je tends à croire aujourd’hui que ce sera peut-être avant 2050, soit dans 30 ans, la même durée qui nous sépare de 1989, pas grand chose finalement, c’est peut-être pour demain.
    La continuation de l’explosion démographique alors que la perspectives se précise est vraiment extraordinaire, on dirait que l’humanité veut absolument que les choses se passent comme dans le pire des scénarii. Un effondrement avec le plus de milliards d’hommes possibles pour le subir, pour être bien certains qu’il sera total et impitoyable.

  3. Jean-Marc Gancille nous reproduit l’interview de JEFF Bezos, PDG d’Amazon qui assume sans vergogne son délire :
     « Nous ne voulons pas vivre dans un monde rétrograde. Nous ne voulons pas vivre sur une Terre où nous devrions geler la croissance de la population et réduire l’utilisation d’énergie. Nous profitons d’une civilisation extraordinaire, alimentée par de l’énergie et par la population. Nous voulons que la population continue de croître sur cette planète. Nous voulons continuer à utiliser plus d’énergie par personne ».
    commentaire de Jean-Marc: Nous voulons, peut-être ! Mais nous ne pouvons pas. Pour une raison très simple qui s’exprime par une équation, utilisée notamment par le GIEC, l’équation de Kaya. Simplissime, elle relie les émissions anthropiques de dioxyde de carbone à des paramètres d’ordre démographique, économique et énergétique. Le niveau total d’émission de CO2 peut s’exprimer comme le produit de quatre facteurs : la population, le PIB par habitant, l’intensité énergétique et le contenu en CO2 de l’énergie consommée. L’équation démontre que la forte hausse de la croissance annuelle des émission résulte d’une forte progression du PIB mondial par habitant, de la poursuite de la croissance de la population et d’un ralentissement de l’amélioration de l’intensité énergétique du PIB, aggravée par utilisation accrue du charbon. Il y a donc fort à parier que l’intensité du réchauffement climatique ruinera le rêve de monsieur Bezos… à moins éventuellement d’un effondrement démographique rapide qui diviserait par un facteur d’au moins 3 la population mondiale, combiné à un choix délibéré de récession pour limiter drastiquement le niveau de richesse par habitant. Voilà, voilà… Et gare au blasphème de la décroissance, cet épouvantail bien pratique qui renvoie directement à la case « Caverne éclairée à la bougie » sans passer par la case « Je réfléchis deux secondes ».

  4. Ce sera l’effondrement inéluctablement, et de manière très brutale et très violente. Il y a trop de freins pour permettre une transition en douceur. En faite, il aurait mieux valu une guerre mondiale avant, il y a de cela 2 ou 3 décennies, histoire de contenir la démographie en son temps. Il aurait mieux valu une guerre il y a 30 ans qui n’aurait fait que quelques millions de morts, mais au moins beaucoup de pays auraient procédé plus tôt et plus efficacement à leur transition démographique. MAIS, à cause des droits de l’homme, ben les populations ont enflé ! Ce qui fait qu’à terme vous aurez quand même la guerre mais avec des milliards de morts, en fait les droits de l’homme ont juste retardé la guerre qui aurait du avoir lieu, mais en la retardant vous l’aurez en plus grosse et plus meurtrière, et beaucoup plus de ravages aussi ! C’est à dire que si la guerre avait eu lieu plus tôt alors beaucoup plus d’espèces animales et insectoïdes auraient pu être sauvées afin de pérenniser la vie humaine par ricochet mais de manière plus durable….

    En faite, ce sera l’effondrement inéluctablement, car aucun gouvernement ne peut prendre les bonnes décisions parce que des instances internationales empiètent la souveraineté de nombreux gouvernement. C’est à dire que l’Onu et l’Organisation internationale du commerce sont cul et chemise pour empiéter les décisions des gouvernements, ces 2 instances internationales n’ont que pour objectif la CROISSANCE ÉCONOMIQUE, leur objectif est d’étendre le commerce international et d’intégrer tous les continents au commerce international et la finance internationale, alors mécaniquement il faut en déduire que ces 2 instances sont à l’encontre de l’écologie, puisqu’elles ont pour objectif principal la CROISSANCE afin d’étendre le mode de vie occidental à l’échelle globale. D’ailleurs, vous le voyez déjà ces instances ouvrir leur poire à l’encontre de Macron pour des coups de matraque sur des gilets jaunes et notamment pour l’empêcher d’établir des lois anti-casseurs…

    En faite, tous les gouvernements arrêteront d’écouter ces instances internationales nuisibles qu’à la dernière seconde, une fois trop tard…. Et une fois trop tard, lorsque l’effondrement va s’accélérer et que les gouvernements subiront la pression démographique par la contestation et manifestation, et ben ces gouvernements décideront d’octroyer aux forces de l’ordre de tirer à balles réelles…. C’est ce qui se passera…. Dans l’idéal, il faudrait démanteler ces 2 instances internationales pour limiter la casse, mais je n’y crois pas, car la majorité de population espère la croissance infinie…

    Sinon, lors de l’effondrement en France, attendez-vous aussi à ce que les animaux entreposés dans les zoos se fassent manger…. Alors que les zoos ont été créés pour servir d’arche de Noé, finalement ces zoos vont finir en garde manger, et les français goûteront à de la Girafe, du jambon de Rhinocéros, de la terrine de Chimpanzé, du rumsteak de zèbre, de l’escalope d’antilope, etc…. Bref, comme je vous le présage d’avance, pour sauver des animaux vous aurez mieux fait d’accepter une guerre en son temps….

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