Haïti, des millions de sinistrés avant le séisme, des millions de sinistrés après. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, on espérait agir sur les causes du « sous-développement ». Aujourd’hui on se résout à multiplier conjoncturellement les aides palliatives, que l’on qualifie d’aide « humanitaire ». Haïti était déjà sous perfusion, bien avant le tremblement de terre. Si la secousse a été aussi dévastatrice et meurtrière, c’est parce qu’elle frappe un pays d’une très grande vulnérabilité dans ses constructions, ses infrastructures et ses moyens de secours. La Minustah, ou Mission des Nations unies de stabilisation en Haïti, composé en majorité de militaires et de policiers, était le seul organisme encore cohérent dans ce pays. Sans lui, les scènes de violence pouvaient se multiplier dans les bidonvilles de Port-au-Prince comme dans les ruines d’aujourd’hui.
Nous versons face à cette catastrophe les sanglots de l’homme blanc, l’expression de cette mauvaise conscience de ceux qui profitent de l’abondance, alors que meurt habituellement l’autre moitié de monde. D’où cette solidarité automatique, issue à la fois du christianisme et du marxisme. Le FMI a annoncé une aide financière à Haïti de 100 millions de dollars, les Etats-Unis débloquent la même somme, on en appelle aux contributions privées, « même d’un ou deux dollars ». On achemine par avion des troupes de sauveteurs, les télés sont saturés d’images de désolations, des page entières de photos dans les quotidiens qui n’apportent aucun autre message que celui du voyeurisme.
D’un côté, on a contribué à déstabiliser les Etats qui deviennent incapables de maintenir l’ordre public et d’assurer leurs tâches redistributives, ouvrant ainsi toutes grandes les portes du conflit et de la misère ; de l’autre on pallie au coup par coup les effets négatifs en accroissant les efforts dits humanitaires. Avant comme après le séisme d’Haïti, les deux moitiés de la planète se séparent de plus en plus et le Nord continue de construire patiemment le mur par lequel il espère tenir à distances les nouveaux barbares. Pour la pensée ordinaire, le scandale se trouve toujours du côté des pauvres, que l’on console de temps en temps à leur accordant une aide. Alors que l’on pourrait affirmer qu’un monde qui tolère une richesse excessive de la part d’une minorité sera toujours sujet aux catastrophes écologiques et autres.
NB : Les informations de cette synthèse sont issue du Monde du 16 janvier, la trame narrative est proposée par Gilbert Rist, Le développement, histoire d’une croyance occidentale..
Le FMI responsable de la misère à Haïti ? Ah, ah ah ! Encore un altermerdialiste paranoïaque pour avoir une idée pareille !
En direct du blog de Jean-Pierre Martin
Après le séisme qui a ravagé l’île, le Tribunal Pénal International a décidé de prononcer un non-lieu à l’encontre du FMI et de la banque mondiale dans l’enquête sur la misère et la famine en Haïti. En effet, d’après les enquêteurs, le tremblement de terre (qui succédait aux cyclones de 2008) a effacé toutes les traces du méfait. D’après un enquêteur, « les soupçons se portent maintenant sur la malédiction et la fatalité ».
Exit donc les accusations de dérégulation du marché et d’appauvrissement du pays à l’encontre du FMI. Les enquêteurs soupçonnaient notamment l’instance internationale d’avoir sciemment imposé à Haïti de baisser ses taxes aux frontières de 50% à 3%, provoquant l’invasion du riz américain moins cher et remettant en cause l’autosuffisance alimentaire.