La taxe carbone a été introduite en 2014, sous forme d’une composante incorporée dans les accises énergétiques (taxes sur les volumes d’énergie consommés), au prorata de leurs contenus respectifs en CO2. Entre 2014 et 2017, le taux de cette taxe a augmenté, mais son impact sur les énergies fossiles a été moindre que celui de la baisse de leurs prix hors taxe résultant de l’affaiblissement des cours mondiaux. Pour les ménages, le renchérissement de la taxe a donc été indolore. Mais en 2017, le cours du brent était voisin de 40 dollars le baril. Pour discuter du projet de loi de finances pour le budget 2019, il cotait à plus de 80 dollars*. La hausse du carburant devient cette fois visible, les consommateurs poussent des hauts cris. Alors le gouvernement opte pour des rustines, pour des mesures financières d’accompagnement, par exemple le chèque énergie, en fait un « bon d’achat » qui facilite l’abaissement des factures pour les seuls usages du chauffage. Ou bien une prime à la casse ou, abomination, l’aide à l’achat d’un véhicule électrique. « Il faut faire une bonne alliance entre la protection de la planète et la protection du porte-monnaie. Quand on fait des économies d’énergie, on pollue moins et on dépense moins », a déclaré M. de Rugy, le ministre de la transition écologique et solidaire**.
Or l’objectif des taxes « vertes » est d’abord de changer le comportement des Français. La fiscalité écologique est la seule composante de la fiscalité du budget de l’État qui ait une justification autre que celle de procurer des recettes. Il s’agit d’inciter les Français par un signal prix à réduire l’utilisation des énergies fossiles et donc les émissions de gaz à effet de serre : rouler moins, utiliser le vélo, améliorer l’isolation de son logement, etc. Toute hausse de 10 % du prix des carburants et combustibles fossiles entraîne une baisse d’environ 5 % de leur consommation***. Faut-il utiliser les recettes de la taxe carbone pour modifier les comportements, lutter contre la précarité énergétique, financer l’achat des hybrides, réduire le déficit public ou baisser d’autres impôts ? Faux dilemme puisqu’on envisage une transition énergétique indolore. Le signal prix amoindri par la distribution de prébendes ne change ni la diminution des ressources fossiles en voie de disparation, ni le réchauffement climatique en voie de dépasser 3°C.
Un gouvernement responsable de notre avenir commun mettrait en place un système directement égalitaire et non relié à la question budgétaire : la carte carbone. Malheureusement les gouvernements ne basculeront vers ce système de rationnement que contraint et forcé, juste après le prochain choc pétrolier ressenti comme tel. La dernière goutte de pétrole ira sans doute à un véhicule militaire… hybride !
* LE MONDE éco du 24 octobre 2018, « Pour la fiscalité carbone, c’est l’heure de vérité »
** LE MONDE du 19 octobre 2018, Fiscalité verte : le gouvernement annonce des coups de pouce pour les plus modestes
*** LE MONDE éco du 24 octobre 2018, « Il ne faut pas blâmer la fiscalité écologique »