Comment combattre la perte de biodiversité, 6ème extinction des espèces, quand on ne connaît pas la signification du mot biodiversité ? Selon un sondage récent, 79 % des Français déclarent avoir « entendu parler » de biodiversité, mais seuls 23 % en connaissent la signification (LeMonde du 25 mai). En cette année mondiale de la biodiversité, y’a un manque ! Voici quelques données pour s’y retrouver.
Nous pouvons considérer que c’est à partir du XVIIe siècle que la biodiversité commence vraiment à pâtir de l’action de l’homme. Le cas du pigeon voyageur en Amérique du Nord mérite d’être relaté. Une estimation d’un vol de migration, faite en 1810, fait état de plus de deux milliards d’individus. Vers les années 1880, l’espèce n’était plus présente qu’autour des grands lacs. En 1899, on observait le dernier oiseau sauvage en liberté et le dernier spécimen mourrait en 1914 au zoo de Cincinnati. Aujourd’hui, le rythme des extinctions semble s’être emballé puisque les chercheurs estiment à présent qu’entre 1 % et 10 % de la biodiversité disparaissent tous les dix ans. Cette biodiversité ou diversité biologique peut être définie comme la variabilité des organismes vivants de toute origine ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes. La convention sur la diversité biologique a été adoptée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992. Les signataires de la convention se disent (dans son préambule) conscients de « la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif culturel, récréatif et esthétique ». Cette convention devait comporter un volet financier. Elle en a été privée sous la pression des Etats-Unis. Plus de dix ans après Rio, la conférence de La Haye sur la biodiversité a réaffirmé la nécessité de se doter d’un mécanisme financier. Avec un peu de chance, il sera adopté dans vingt ou trente ans… Les humains ne se contentent pas de s’entretuer, il éliminent aussi des espèces entières. Cela n’est pas durable.
Parce qu’elle est la condition nécessaire à la vie sur Terre, la valeur de la biodiversité est infinie. On ne peut éluder aussi la dimension éthique justifiant la conservation de la biodiversité. En vertu de quelle autorité notre espèce pourrait-elle s’arroger le droit de procéder au cours du présent siècle à l’ultime génocide, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, qui tiendrait à l’anéantissement de plusieurs millions d’espèces vivantes ?
Oups, parti un peu vite ce dernier commentaire… les joies du touchpad. Pardon.
Je reprends donc :
Je passe ici le débat que l’on pourrait avoir sur la classification en espèce menacée ou vulnérable… lorsque l’on est de la partie, on peut constater des petites erreurs dans les deux sens (protection ou non protection).
Bref, tout ce que je puis dire sur le sujet est qu’il y a peu de chances que mes neveux, nièces, petits enfants suivent cette voie de la primatologie des grands singes. Non pas faute de vocation, mais faute de grands singes. 90% des populations de chimpanzés ont disparu depuis la fin du XIXème siècle. L’orang outan ? No comment. Le gorille des montagnes ? Déjà mort génétiquement. Ok, le gorille de montagnes n’est pas une espèce à part entière… Mais la biodiversité n’est-elle pas la diversité des organismes vivants ? Doit-on attendre la disparition de chaque sous espèce d’une espèce pour crier au feu ?
Il ne s’agit pas ici de brûler l’humanité toute entière face à ses méfaits… mais force est de constater que nous avons franchi un cap depuis quoi, un siècle, un siècle et demi, et que notre croissance s’accomplit de plus en plus aux dépens des autres espèces, sous espèces.
Difficile de dire s’il est trop tard, sans doute oui pour la grèbe, mais il reste encore tout de même encore l’espoir de faire en sorte de cohabiter plus sereinement avec les espèces encore présentes. Ce genre de débat peut nous amener à cette démarche… enfin je l’espère…
Merci à chacun de ce débat tout à fait passionnant… Ce ne sont que des mots, certes, mais on est déjà dans une forme d’éthique, et c’est donc forcément constructif, malgré les mésententes sur la notion d’espèce ou de sous-espèce. C’est l’éclairage, la connaissance, qui nous permettent de faire nos choix et le langage articulé est une belle invention il faut l’avouer !
Je ne suis pas une spécialiste de la biodiversité, encore moins du pigeon voyageur ou de la grèbe ; je suis seulement vétérinaire spécialisée en primatologie et j’ai la chance de travailler au contact des grands singes (classés Annexe 1 de la Convention de Washington). Je passe ici le débat que l’on pourrait avoir sur la classification en espèce menacée ou vulnérable… lorsque l’on est de l Tout ce que je puis dire sur le sujet est qu’il y a peu de chances que mes neveux, nièces, petits enfants suivent cette voie. Non pas faute de vocation, mais faute de grands singes. 90% des populations de chimpanzés ont disparu depuis la fin du XIXème siècle. L’orang outan ? No comment. Le gorille des montagnes ? Déjà mort génétiquement.
En 2007, l’UICN (Union mondiale pour la conservation de la nature) estime que 15 000 espèces sont déjà menacées d’extinction et, parmi elles, un amphibien sur trois, un mammifère sur quatre et un oiseau sur huit.
L’UICN, plus grand réseau de collecte de connaissance sur l’environnement, avait publié sa liste rouge 2006 des espèces animales et végétales menacées. Sur 40 177 espèces suivies, 16 119 sont menacées d’extinction, 784 sont officiellement éteintes et 65 n’existent plus qu’à l’état captif ou cultivé. Cette année-là l’ours polaire, victime du réchauffement climatique, et l’hippopotame ont fait leur entrée sur la liste des espèces vulnérables.
Les avertissements répétés ne servent à rien s’ils ne sont accompagnés d’une éthique de la Biosphère qui se généralise rapidement parmi les humains.
@ Ferdinand :
Tout cela est regrettable, mais on est loin des « 1 à 10% tout les 10 ans » annoncés dans l’article ci-dessus.
Et puis, le pigeon en question, comme votre grèbe, ne sont pas des « espèces », mais des variétés d’une espèce. La définition d’une espèce est :
Groupe d’êtres vivants pouvant se reproduire entre eux (interfécondité) et dont la descendance est fertile.
L’espèce est l’entité fondamentale des classifications, qui réunit les êtres vivants présentant un ensemble de caractéristiques morphologiques, anatomiques, physiologiques, biochimiques et génétiques, communes.
Les espèces sont regroupées en genres et divisées en sous-ensembles dénommés variétés, races, souches ou populations.
Le recensement des espèces et de leur biodiversité relève de la systématique, leur nomenclature de la taxinomie.
Ainsi, dans le cas du pigeon voyageur américain, d’autres variétés de cette espèce – au comportement moins pénible pour l’agriculture – ont profité de sa disparition regrettable pour étendre leur population. Il en va de même pour le grèbe que vous citez, qui est une variété, non une espèce, et qui peut aisément être remplacé, en cas de problème, par une variété cousine qui jouera dans le biotope le même rôle.
Les deux exemples cités jusqu’ici ne sont pas des disparition d’espèces, mais de variétés. L’espèce des pigeons n’est pas menacée du tout (loin de là), et celle des grèbes non plus, à ce que j’en sait. On peut se plaindre à bon droit de la disparition de certaines variétés, en ce qu’elle constituent un amoindrissement des curiosités locales d’un biotope donné, une perte de charme ; mais ce n’est certainement pas un danger.
Salutations,
Jean-Gabriel Mahéo
PS : « Bestioles », sous ma plume, est un terme affectueux, certainement pas un signe de mépris.
« Le sujet revient régulièrement, mais on n’a jamais de liste des bestioles disparues ou en passe de l’être. » (JGM)
Faute de liste exhaustive, voilà déjà au moins un cas précis de « bestiole », comme vous dites, dont il ne restera sous peu qu’un souvenir :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/05/26/le-grebe-roussatre-disparait-de-la-surface-du-globe_1363396_3244.html
La biodiversité a une valeur infinie…
j’imagine que dans ces conditions, la vie humaine aussi a une valeur infinie…
Du coup, lorsqu’on doit trouver des compromis pour faire coexister les deux en part, ce genre de valeur n’aide pas beaucoup
@ auteurs :
Avec vous, ce qui ne risque pas de disparaître, ce sont les « marronniers », si vous voyez ce que je veux dire…
Le sujet revient régulièrement, mais on n’a jamais de liste des bestioles disparues ou en passe de l’être.
Si vous avez lu l’article de futura-science sur le sujet :
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/zoologie/d/il-est-mort-le-pigeon-migrateur-americain_17906/
vous avez constaté que ces oiseaux occupaient une niche écologique majeure, dans laquelle leur fonction était la fertilisation minérale naturelle (fientes, cadavres) et le « nettoyage » de la végétation de tout le territoire américain, de l’Atlantique aux Rocheuses et de la Baie d’Hudson au Golfe du Mexique.
Tant que l’activité humaine n’existe pas, ou demeure à un niveau primaire de culture vivrière, de chasse, de pêche et de cueillette, le rôle de ces créatures est particulièrement important pour la maintenance de la végétation continentale (l’efficacité des oiseaux en termes d’étendue de territoire traitée est largement supérieure à celle des herbivores), et par conséquent pour le maintien de la vie animale et humaine dans ces territoires.
Mais une fois que la civilisation agro-industrielle* eu décidé de s’étendre sur ce territoire, elle se trouva en concurrence féroce avec ces volatiles voraces et envahissants. Le pigeon migrateur américain était, de ce point de vue, l’équivalent des nuages de criquets d’Afrique : une plaie dangereuse, capable en quelques minutes de ravager toutes cultures et de semer la misère et la famine dans le sillage de leurs nuées.
Allez-vous aussi lancer une campagne contre le génocide des criquets migrateurs ?
http://locust.cirad.fr/principales_especes/lmi_fr.html
L’homme ayant au fur et à mesure remplacé, sur le territoire du continent américain, ce pigeon dans la fonction de maintenance et de fertilisation de la végétation, l’animal devint la cible d’une tentative de « régulation » à l’ancienne, en même temps qu’une ressource économique très intéressante. Il est regrettable que cette régulation non-mesurée se soit conclue par la disparition de cet oiseau, mais nous étions au 19ème siècle.
Faire procès à l’humanité de cette exagération, datant de plus d’un siècle et qui n’a causée aucun tort – bien au contraire – au progrès de la biosphère, est un peu abusif.
Salutations,
Jean-Gabriel Mahéo
*Civilisation agro-industrielle : étape du développement de la biosphère débutée avec la révolution du néolithique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Révolution_néolithique) et dont la montée en puissance au cours des millénaires a démultiplié la capacité d’accueil végétale, animale et humaine de la planète. Cette civilisation, dont les pratiques se sont répandues dans quasiment toute les nations, aborde au XXIème siècle une nouvelle révolution, qui est celle de la maîtrise de la terraformation.
Cette maîtrise sera acquise par l’humanité au fur et à mesure de la conquête de densité de flux énergétiques de plus en plus importants (nucléaire de fission, nucléaire de fusion, etc…)
Un jour, il ne restera qu’un petit millier d’espèces, de la girafe de zoo au papillon de serre. Les zones naturelles se compteront sur les doigts d’une main. Ce jour où tout sera notifié, la moindre disparition apparaîtra comme une perte.
La nature sera alors défendue par l’homme non parce qu’il aura découvert la beauté, mais parce qu’elle aura la taille de son cahier comptable.