L’homme est-il responsable de ses malheurs ? Une controverse célèbre entre Voltaire et Rousseau eut lieu lors d’un raz-de-marée et d’un incendie qui ravagea Lisbonne le 1° novembre 1755. On compta plus de 50 000 victimes. Voltaire se désole de la fatalité et de la cruauté du sort dans un poème sur le désastre de Lisbonne :
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l’horreur des tourments leurs lamentables jours !
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ?
J.J.Rousseau fit à Voltaire une réponse sublime : « Vous auriez voulu, et qui ne l’eut pas voulu ! que le tremblement se fût fait au fond d’un désert. Mais que signifierait un pareil privilège ? […] Serait-ce à dire que la nature doit être soumise à nos lois ? La plupart de nos maux physiques sont encore notre ouvrage. Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. (Lettre sur la providence)
Aujourd’hui encore plus que hier, c’est Rousseau qui a raison.
Le Vénézuélien Salvano Briceno, qui dirige la Stratégie internationale de réduction des catastrophes des Nations unies, confirme : « C’est l’action de l’homme qui transforme l’aléa naturel en désastre. L’aménagement du territoire et la politique de construction portent une responsabilité essentielle dans la fabrication des catastrophes. Elles ne sont pas naturelles. On a permis aux gens de s’installer sur les bords des fleuves, dans les plaines d’inondation. Des endroits où les risques étaient pourtant bien connus. En Russie, la mauvaise gestion des forêts a été une des causes principales des incendies. En Chine, la croissance urbaine incontrôlée et la déforestation favorisent les glissements de terrain. En Haïti, le 12 janvier, les habitants de Port-au-Prince ont été tués par leur pauvreté, pas par le tremblement de terre. Il faut substituer une stratégie de réduction du risque, aujourd’hui largement inexistante, à la politique actuelle de gestion des catastrophes.»(LeMonde du 28 août)
Autre exemple de responsabilité humaine :
Au Bangladesh, un décès sur cinq est causé par l’arsenic. Les puits creusés avec l’aide financière des ONG pour atteindre des nappes phréatiques ont amené une eau dont la teneur en arsenic ont entraîné cancers, diabète et maladies cardiovasculaires. Le quart des 4,8 millions de puits testés sont dangereux (LeMonde du 26 août).
Comme pour le climat ou l’environnement, c’est l’intervention de l’homme qui crée la catastrophe.