LeMonde met en épingle des événements ponctuels comme les Roms de Sarko, quelques enlèvements au Niger ou un succès de la thérapie génique car les gens n’aiment pas lire les choses qui fâchent, le pic pétrolier, le réchauffement climatique, la 6e extinction des espèces… Aussi, quand il s’agit de sujets plus structurels comme la pauvreté dans le monde, on rassure, on compte sur la croissance pour l’éradiquer (Robert Zoelick) ou sur l’enrichissement (Bjorn Lomborg). Aujourd’hui LeMonde* complète par une étude du groupe Allianz qui constate l’émergence d’une classe moyenne mondiale définie comme les personnes « disposant d’actifs financiers compris entre 5300 euros et 31600 euros ». Cette classe globale atteindrait 565 millions de personnes aujourd’hui contre 200 millions en l’an 2000.
Le capitalisme libéral (Allianz) cherche ainsi à détourner l’attention du public de la montée des inégalités en laissant croire que tout le monde peut s’enrichir. Non seulement c’est une illusion, il n’y a pauvreté que parce qu’il y a des riches, mais c’est aussi un cercle vicieux. Hervé Kempf montre bien dans son livre « Comment les riches détruisent la planète » que la destruction de la planète est entraînée par l’existence d’une classe moyenne mondiale. Nous pouvons mieux désigner cette catégorie prédatrice par une expression symbolique, celle de classe globale. Non seulement cette classe globale dilapide les ressources de la planète, mais la tendance des catégories moins favorisée à vouloir imiter ce genre de vie entraîne un consumérisme généralisé. Comment faire en sorte que cette nouvelle Nomenklatura soit prête à changer de mode de vie et à ne plus accumuler des capitaux ? Difficile.
L’efficacité de l’analyse marxiste, c’était sa simplicité : il y avait deux classes en lutte, donc un adversaire bien délimité, une conscience de classe objectivée et un projet de transformation de d’appropriation du capital. A l’heure actuelle la classe globale n’a pas d’adversaire qui puisse lui imposer le changement et elle vit avec délice un sentiment d’abondance. Les peuples vernaculaires sont écrasés, ou ne veulent qu’une chose, accéder à leur tour à la classe globale ! Il faudrait que cette classe globale (qui comprend aussi les ouvriers des pays les plus développés) prenne conscience des conséquences de son propre comportement sur la planète. Mais les gens n’aiment pas envisager les choses qui dérangent…
Deux faits peuvent cependant faire bouger les mentalités. D’abord, l’usage de la pédagogie de la catastrophe, sachant que c’est plutôt la catastrophe qui nous servira de pédagogie. Les soubresauts de la biosphère rappellent de plus en plus fréquemment aux humains qu’ils sont dépendants de ses services. Il n’y a plus seulement le facteur travail et le facteur capital à considérer, il y a aussi le facteur Terre. Ensuite le quatrième pouvoir, celui des médias, sera essentiel. Il est symptomatique que chaque journal télévisé ou presque ait sa rubrique environnementale. Il est symptomatique que le journal LeMonde ait créé la rubrique « environnement et science » cantonnée dans les dernières pages. Maintenant il s’agit de la rubrique « Planète », mis en évidence page 4 et servant aussi de nomenclature pour les blogs.
*LeMonde du 18 septembre, La classe moyenne a triplé en dix ans (Une étude montre la dynamique de l’enrichissement à l’œuvre dans les pays les plus pauvres)
PS : un autre article du Monde est à mettre en contradiction avec l’idée d’enrichissement : « La pauvreté augmente aux Etats-Unis, notamment chez les Noirs et les Hispaniques ».