la place des non-humains

Superbe. Deux pages entières dans LeMonde * pour les non-humains. Il faudrait donc faire une place aux non-humains, mais quelle place ? Disons tout de suite que nous n’avons rien compris aux analyses sur les différents livres récemment parus sur la question, comme l’ouvrage « Humains, non-humains » ou « Ce à quoi nous tenons ». Seul surnage cette question : « Emmanuel Kant définissait l’homme comme le seigneur de la nature ; pour lui, les êtres dénués de raison n’avaient aucune valeur. Cette tradition de pensée est responsable de tous nos malheurs écologiques. Pourquoi ? » Pourquoi ? Parce que le roi est devenu fou**.

                « Ce qu’on appelle la crise de l’environnement est tout simplement le résultat d’une violation sans cesse aggravée des lois de l’écologie, fondées sur l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leur milieu physique, c’est-à-dire sur la notion d’équilibres naturels. Un rapide coup d’œil sur les étapes de la situation de l’homme au sein de la biosphère, face aux autres éléments de la communauté biologique, peut aider à prendre une vue d’ensemble. Dans une première phase, l’homme reste un prédateur parmi d’autres, occupant une modeste place dans sa biocénose originelle ; ses prélèvements sur le milieu demeurent comparables à ceux des autres parties prenantes : le lion, le guépard, les autres singes. Mais avec le perfectionnement de ses techniques d’acquisition, avec le biface, la flèche, le feu, son efficacité s’accroît sensiblement. Avec la révolution néolithique apparaît l’animal domestique, la céréale cultivée, la poterie, la ville, le palais, le temple, la boutique, l’entrepôt, la caserne, le bordel et la prison : la civilisation est en marche. Le processus de déséquilibre entre le potentiel de destruction de l’homme et les capacités de récupération du milieu naturel est dès lors engagé : il mènera tout droit à la bombe atomique et aux autres merveilles que nous prépare une technologie emballée, devenue une fin en soi et médiocrement soucieuse, jusqu’ici, de ce qui devrait tout de même compter : l’homme. Une idéologie belliqueuse et orgueilleuse, la mythologie d’un « roi de la création » chargé de conquérir, de dominer, sans souci des droits des autres êtres vivants, devaient nous permettre de ravager la planète en toute bonne conscience. Et d’autant plus facilement que la religion du profit allait rendre licite n’importe quel méfait du moment que l’assurance d’un gain venait l’absoudre, voire le sanctifier. »

Constatons enfin qu’on agite dans LeMonde l’épouvantail de l’écologie profonde : « Le propos d’Emilie Hache est de se dégager de la deep ecology », « Vous (Stéphane Ferret) refusez les thèses de l’écologie dite profonde ». Les poncifs faux et éculés sur l’écologie profonde font encore  florès même parmi ceux qui se disent spécialistes des non-humains. Pour redonner sa vraie place à l’homme, c’est-à-dire un simple élément parmi l’ensemble des animaux et des plantes, il faudra d’abord nous rendre compte que les humains sont devenus fous et qu’il nous faut nous soigner.

* LeMonde des livres, 4 février 2011, Faire une place aux non-humains.

** le paragraphe suivant a été écrit par Théodore Monod dans le hors série du Nouvel observateur (juin juillet 1972), La dernière chance de la terre.

8 réflexions sur “la place des non-humains”

  1. Notre texte : Homo sapiens, espèce nuisible
    – texte non cité par St. Ferret : « On n’a pas pu observer un seul spécimen depuis plus de cinquante ans, le phoque moine des Caraïbes est donc considéré comme une espèce éteinte (LeMonde du 17.06.2008). Ce n’est qu’un exemple particulier de l’extinction massive des autres espèces entraînée par homo sapiens. Tous les autres habitants de notre planète sont considérés par les humains soit comme des choses bonnes à manger ou à utiliser, soit comme des concurrents directs pour l’espace vital et l’accès aux ressources naturelles. Ces disparitions en masse font penser à ce bon docteur qui, au début des années 1950, a transmis volontairement aux lapins une épizootie, la myxomatose, pour les détruire. Des centaines de millions de lapins de garenne moururent dans toute l’Europe, mais c’est finalement le docteur qui gagna le procès intenté contre lui : le lapin fut déclaré « animal nuisible » puisqu’il fut jugé par le tribunal l’un des plus grands ennemis des récoltes. Pourtant, »

    – texte recopié par St. Ferret : « du point de vue de la Biosphère, il n’y a aucune différence entre les espèces ; c’est seulement le parti pris unilatéral des homo sapiens de faire un classement entre espèces, utile ou nuisible, belle ou moche, mangeable ou tabou. Les végétariens ne veulent pas attenter à la vie animale, mais la vie végétale a tout autant de valeur que la vie humaine. D’une manière ou d’une autre, une société biocide qui tue à outrance et combat à coup de pesticides les insectes, les champignons (fongicides) et les « mauvaises » herbes (herbicides), les escargots, les « nuisibles » et même les vers de terre s’en prend forcément à elle-même. C’est l’espèce humaine qui est nuisible pour la Biosphère, et elle se nuit forcément à elle-même. Les personnes qui veulent à notre époque toujours plus de croissance économique et démographique sont des personnes nuisibles pour la santé de la Biosphère, et en conséquence pour l’espèce humaine elle-même. Homo sapiens, à classer comme homo demens. »

  2. Notre texte : Homo sapiens, espèce nuisible
    – texte non cité par St. Ferret : « On n’a pas pu observer un seul spécimen depuis plus de cinquante ans, le phoque moine des Caraïbes est donc considéré comme une espèce éteinte (LeMonde du 17.06.2008). Ce n’est qu’un exemple particulier de l’extinction massive des autres espèces entraînée par homo sapiens. Tous les autres habitants de notre planète sont considérés par les humains soit comme des choses bonnes à manger ou à utiliser, soit comme des concurrents directs pour l’espace vital et l’accès aux ressources naturelles. Ces disparitions en masse font penser à ce bon docteur qui, au début des années 1950, a transmis volontairement aux lapins une épizootie, la myxomatose, pour les détruire. Des centaines de millions de lapins de garenne moururent dans toute l’Europe, mais c’est finalement le docteur qui gagna le procès intenté contre lui : le lapin fut déclaré « animal nuisible » puisqu’il fut jugé par le tribunal l’un des plus grands ennemis des récoltes. Pourtant, »

    – texte recopié par St. Ferret : « du point de vue de la Biosphère, il n’y a aucune différence entre les espèces ; c’est seulement le parti pris unilatéral des homo sapiens de faire un classement entre espèces, utile ou nuisible, belle ou moche, mangeable ou tabou. Les végétariens ne veulent pas attenter à la vie animale, mais la vie végétale a tout autant de valeur que la vie humaine. D’une manière ou d’une autre, une société biocide qui tue à outrance et combat à coup de pesticides les insectes, les champignons (fongicides) et les « mauvaises » herbes (herbicides), les escargots, les « nuisibles » et même les vers de terre s’en prend forcément à elle-même. C’est l’espèce humaine qui est nuisible pour la Biosphère, et elle se nuit forcément à elle-même. Les personnes qui veulent à notre époque toujours plus de croissance économique et démographique sont des personnes nuisibles pour la santé de la Biosphère, et en conséquence pour l’espèce humaine elle-même. Homo sapiens, à classer comme homo demens. »

  3. Ce blog est critiqué par Stéphane Ferret dans son livre « Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique (Seuil 2011, p.208-209) dont LeMonde des livres fait la promotion. Nous exerçons notre droit de réponse.

    Ce directeur d’un cabinet de conseil d’entreprise commence par fractionner l’article visé , ce qui peut bien entendu dénaturer le sens de nos propos. Ensuite il nous fait un procès d’intention : « Le nouveau Dieu de notre époque est la biosphère. » Puis il analyse nos propos en deux coups de cuiller à pot : « Considérer que la vie végétale a la même valeur que la vie humaine en dit long sur l’état de santé philosophique et sur l’état de santé tout court de notre société. Le problème est qu’il ne s’agit pas d’un texte isolé. » Après quelques incidentes sans rapport avec notre texte, il revient à la charge : « Les interprétations incohérentes de la métaphysique non-H mal assimilée peuvent conduire à une sacralisation excessive de n’importe quel existant. Ici les végétaux. » Nous faisons remarquer à St. Ferret que les végétaux viennent en premier dans la chaîne alimentaire. Sans végétaux, St. Ferret n’existe pas. Et St. Ferret dédie son livre à « Herbe et Dune ». Humour involontaire sans doute…

    Finalement Stéphane Ferret s’est bien gardé de laisser un commentaire rattaché à l’article susvisé sur notre blog. C’est vrai que c’est plus facile d’affirmer des choses dans un livre sans contradicteur possible. C’est d’ailleurs un des rares avantages d’Internet, l’interactivité quand elle est intelligente !

  4. L’écologie profonde ne serait même pas nécessaire si chaque humain avait cette tendance à refléter le soi profond dans ses comportements et ses pensées plutôt que d’agir délibérément sous les impulsions d’une nature superficielle réactive et impulsive soumis aux piliers de la forme humaine anthropique déniant toute conscience aux végétaux et aux animaux subordonnés à ses besoins ou encore aux minéraux et aux élémentaux. Si l’écologie profonde devient un mouvement de pensée auquel il faut se rallier, c’est qu’il manque des conducteurs de ce type e machine, qu’il maque des éducateurs à cette façon juste et correcte de penser et de sentir et que peut-être ce n’est pas non plus là le destin de l’humain que de s’assurer une survie
    Peut-être est il déjà bien trop tard et que la bifurcation aurait dû être bien antérieure pour que naisse un autre être plus naturellement écologique sans pour autant qu’il soit un humain mutant ou transformé
    Pour ma part, je doute que nos enfants et nos petits enfants aient un jour l’opportunité de réfléchir à cela… il leur faudra bien plus agir sous la pression de l’environnement immédiat et retrouvant peut-être aussi la source du Soi agissant dans le plus simple de leur mouvement

  5. L’écologie profonde ne serait même pas nécessaire si chaque humain avait cette tendance à refléter le soi profond dans ses comportements et ses pensées plutôt que d’agir délibérément sous les impulsions d’une nature superficielle réactive et impulsive soumis aux piliers de la forme humaine anthropique déniant toute conscience aux végétaux et aux animaux subordonnés à ses besoins ou encore aux minéraux et aux élémentaux. Si l’écologie profonde devient un mouvement de pensée auquel il faut se rallier, c’est qu’il manque des conducteurs de ce type e machine, qu’il maque des éducateurs à cette façon juste et correcte de penser et de sentir et que peut-être ce n’est pas non plus là le destin de l’humain que de s’assurer une survie
    Peut-être est il déjà bien trop tard et que la bifurcation aurait dû être bien antérieure pour que naisse un autre être plus naturellement écologique sans pour autant qu’il soit un humain mutant ou transformé
    Pour ma part, je doute que nos enfants et nos petits enfants aient un jour l’opportunité de réfléchir à cela… il leur faudra bien plus agir sous la pression de l’environnement immédiat et retrouvant peut-être aussi la source du Soi agissant dans le plus simple de leur mouvement

  6. L’écologie profonde comme complément nécessaire de la démocratie profonde :
    1) La démocratie de surface – celle qui se résume au vote de la population pour choisir un gouvernement – ne peut pas survivre si la démocratie profonde ne s’enracine pas. La démocratie profonde exige plusieurs conditions : le respect de l’état de droit, la liberté d’expression, une justice impartiale et indépendante , une transparence de l’administration locale, l’absence de corruption.
    (Catherine Ashton, haute représentante des affaires extérieures de l’UE, LeMonde du 5 février 2011)
    2) L’écologie superficielle – celle qui se contente de rechercher des solutions ponctuelles pour des problèmes ponctuels – n’arrivera à rien si l’écologie profonde ne s’enracine pas. L’écologie profonde exige plusieurs conditions : la fin de l’anthropocentrisme, le fait de donner une valeur intrinsèque aux non-humains, une justice qui se soucie de l’équilibre des écosystèmes, une décentralisation géographique du pouvoir, des citoyens qui cherchent l’épanouissement de Soi au travers de toutes les formes de vie, une population humaine en diminution volontaire.

  7. L’homme, comparable à une puce d’eau ?
    « C’est une leçon de modestie. La puce d’eau possède quelque 31 000 gènes, soit davantage que l’homme qui en compte environ 23000. De tous les invertébrés, la puce d’eau est aussi, à ce jour, l’animal qui a le plus de gènes en commun avec l’homme. »
    (LeMonde du 5 février 2011)

  8. L’homme, comparable à une puce d’eau ?
    « C’est une leçon de modestie. La puce d’eau possède quelque 31 000 gènes, soit davantage que l’homme qui en compte environ 23000. De tous les invertébrés, la puce d’eau est aussi, à ce jour, l’animal qui a le plus de gènes en commun avec l’homme. »
    (LeMonde du 5 février 2011)

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