Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot :
Le code minier français date du 21 avril 1810. Les différentes réformes dont il a fait l’objet jusqu’à maintenant n’ont guère pris en compte la question de leur impact environnemental. Du temps de François Hollande, les députés avaient adopté le 25 janvier 2017 une proposition de loi visant à l’adapter le code minier. Cette réforme, annoncée depuis plus de cinq ans, a laissé un goût amer. En effet, si certaines améliorations ont pu être adoptées, bien souvent malgré l’opposition du gouvernement, cette réforme arrivait en fin de quinquennat et ne pouvait aboutir.
A l’heure actuelle, le « droit de suite » donne encore un droit quasi-automatique au passage à la concession pour les entreprises qui détiennent un permis de recherche. Le Code minier, une législation pour faire de la terre un gruyère ! Emmanuel Macron a paraphé, le 30 décembre 2017, un texte de loi à portée symbolique : « A partir de demain la recherche et l’exploitation des hydrocarbures ne sera plus possible. » La France était le premier pays développé à prendre un tel engagement, mais en réalité le projet était plus subtil. Une semaine plus tôt, le Journal officiel publiait dans ses colonnes six arrêtés prolongeant des permis de recherche de mines d’hydrocarbures dans plusieurs départements métropolitains. A l’origine, j’avais souhaité fermer hermétiquement les vannes des hydrocarbures, avec un texte très coercitif. Mais, soumis au lobbying pressant des entreprises pétrolières et gazières, en même temps qu’aux contraintes du très pesant code minier qui sanctuarise le « droit de suite », j’ai dû composer pour donner de la sécurité juridique au projet de loi et protéger l’État contre de possible compensations financières réclamées par des entreprises. Le texte laissera donc la possibilité de sortir de terre « quelques gouttes » de pétrole après 2040. Il est vrai que la décision politique est complexe et doit ménager des intérêts divergents.
Même dans le détail, ça bloque. Avant le départ du président de la République en Guyane le 26 octobre 2017, j’avais longuement insisté auprès d’Emmanuel Macron sur les menaces pour l’environnement d’un gigantesque projet minier au cœur de la forêt amazonienne, baptisé « Montagne d’or », un monstre sur 190 km2 de concessions, qui prévoit une fosse de 2,5 km de long, 500 mètres de large et 400 mètres de profondeur, avec une usine de traitement du minerai par cyanuration, ainsi qu’une gabegie d’énergie. Porté par un consortium russo-canadien, ce projet menace aussi directement deux réserves biologiques exceptionnelles. Pourtant je n’ai pas été entendu. Lors d’un entretien accordé à France Télévisions Guyane le 27 octobre 2017, le chef de l’Etat s’est dit favorable au dossier : « C’est un projet qui, je le pense, sur ses fondamentaux, peut être bon pour la Guyane. » Que peut un ministre contre le président de la république ? Reporter les décisions qui fâchent dans le temps : « Les décisions ne seront prises qu’à l’issue du débat public ». Le débat organisé par la Commission nationale du débat public aura lieu au premier semestre 2018 pour une durée de quatre mois.
NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…
Tout ça me rappelle le bon vieux temps, quand les «partenaires sociaux» (c’est comme ça qu’on appelle les syndicats depuis un bon bout de temps) nous chantait à peu près la même chanson : « C’est compliqué, faut comprendre, faut composer * et blablabla. »
* composer = baisser le froc