Voici quelques extraits de la pensée de Nicolas Hulot
L’écologie n’est pas dans la mentalité du personnel politique qui, pour la plupart, a été élevé dans l’idée que nos institutions, notre technologie, notre recherche trouveront remèdes à tout, que des désordres éventuels seront solubles grâce à notre intelligence. La politique telle qu’on la conçoit aujourd’hui s’inscrit dans un registre de temps incompatible avec l’engagement écologique car ce que l’on va semer ne profitera pas, en termes électoraux, à celui qui aura semé. Lorsque l’on parle de fiscalité énergétique à un homme politique de droite ou de gauche, il a décroché depuis longtemps car il voit arriver les lobbies et les menaces sur l’emploi. La droite se contente de soutenir l’ultra-libéralisme et la gauche reste à la traîne de son passé industrialiste. De plus les politiques ont une connaissance le plus souvent parcellaire de l’écologie. Cette surdité des décideurs est une forme de violence à laquelle répond l’activisme et la virulence de Greenpeace. Un mode d’action non violent, mais un peu plus physique, qui n’est d’ailleurs que le minimum que l’on puisse opposer à cette violence. Mais je suis plus pragmatique. Pas question de décroissance, ni d’antilibéralisme, c’est un simple problème de vocabulaire. Je ne rejette pas en bloc le système actuel. Mais je suis contre le capitalisme sauvage, qui nous mène à la catastrophe.
Les problèmes sont extrêmement complexes, il faut donc s’adapter sans dogmatisme. J’avais une stratégie, essayer d’influencer directement ceux qui sont au pouvoir. J’étais en situation médiatique de le faire. J’avais compris qu’en étant inclassable, j’étais plus efficace pour faire passer un message que je voulais lucide. Il faut faire un pas après l’autre, c’est notre tâche de colibri pour reprendre l’expression de mon ami Pierre Rabhi. Il faut être radical dans les objectifs, évolutif dans l’engagement. Je suis bien conscient du fait que je participe à me donner bonne conscience, mais ce qui est important, c’est d’avancer. Si je n’ai eu qu’un succès dans mon parcours, c’est d’avoir réussi, à mon niveau, à déghettoïser l’écologie en France. Je suis convaincu d’y avoir contribué au moins dans le milieu politique et dans les industries, deux sphères très éloignées de l’écologie. Je n’ai jamais eu de réticences à avoir des interlocuteurs dans toutes les sphères. Face à une urgence ardente, celle de répondre aux futures crises provoquées par une consommation effrénée et dépourvue de sens, je tiens le discours des valeurs.
Je me suis rapproché physiquement des sphères dominantes, mais pas spirituellement. Des années-lumière m’en séparent. Il faut pourtant trouver un moyen d’y opérer des changements. Il est important de sortir de son vase clos pour ne pas remâcher sans arrêt les mêmes constats désespérés. J’ai appris à être pragmatique. Il existe deux manières de se positionner par rapport à ce qu’on appelle « le système » : soit on reste définitivement à l’extérieur en le fustigeant, mais cela revient à jeter des petits cailloux sur un dinosaure, soit on l’intègre en essayant de faire bouger les choses. La complémentarité de ces deux méthodes est importante. Quand j’observe mon parcours, je m’aperçois que j’ai probablement fait bouger le curseur dans ce système. A mon niveau, et avec d’autres, j’ai obligé des entreprises à évoluer. Essayer de modifier les attitudes de l’intérieur, à la façon d’un cheval de Troie, peut être efficace.
NB : ces extraits ont été publiés dans le livre de Michel Sourrouille paru en octobre 2018, « Nicolas Hulot, la brûlure du pouvoir ». Mieux vaut rendre la pensée de Nicolas Hulot publique, la libre circulation des idées écolos contribue à la formation de notre intelligence collective… Chaque jour vous aurez un nouvel extrait sur ce blog biosphere jusqu’à parution intégrale d’un livre qui a été écrit en prévision de la démission de Nicolas de son poste de ministre de l’écologie. On ne pouvait avoir durablement un ministre voué à l’urgence écologique dans un gouvernement qui en restait au business as usual…
Je me demande si aujourd’hui il y croit encore, à toutes ses blagues.