Un décret sur l’épandage du lisier soulève la colère des écologistes*. La limite maximale de déjections animales déversées chaque année dans les champs s’élèvera à 170 kg d’azote par hectare de « surface agricole utile », alors que la référence précédente était la « surface potentiellement épandable ». La différence entre les deux modes de calcul reviendrait à autoriser le versement d’un surcroît d’azote de 20 % : en bref, il s’agit d’un coup de pouce supplémentaire à l’élevage intensif, grosses fermes industrielles pourtant à l’origine de la prolifération d’algues vertes sur le littoral de la Bretagne. Les gouvernements se trompent depuis des années, ils favorisent le productivisme des grandes unités au lieu de valoriser l’artisanat de proximité. Il en est ainsi sur terre comme sur mer.
Il vous faut lire d’urgence Plus un poisson d’ici 30 ans ? (surpêche et désertification des océans) de Stephan Beaucher. « De même que les agriculteurs, les pêcheurs sont devenus les sous-traitants de l’industrie agroalimentaire. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la petite pêche côtière était totalement absente des plans de reconstruction qui s’adressaient à des bateaux de plus de trente mètres détenus par des sociétés. La France métropolitaine, qui comptait 59 000 marins pêcheurs en 1950, n’en avait plus que 18 000 en 2008. Encore ne s’agit-il que de la partie apparente du déclin : on estime qu’à dix emplois embarqués correspondent une dizaine d’emplois à terre. Et la responsabilité revient aux pouvoirs politiques qui ont été trop libéraux en matière d’autorisation de captures, trop laxistes quant à la répression des infractions et trop tardifs dans leur prise de conscience de la gravité de la situation. En France, la politique publique de la pêche n’a jamais été pensée sur le long terme, n’a jamais répondu à une stratégie autre que le maintien de la paix sociale dans les ports. Un certain nombre de bateaux, quand ils quittent le port, ne partent plus pêcher des poissons mais des subventions.
On pourrait disserter longtemps sur la gravité relative de la faillite d’une banque, d’une part, et de la perspective d’océans vides de poissons, de l’autre. Dans les deux cas, on se situe dans un contexte de risque systémique majeur. Mais le premier est perçu au quart de tour par les autorités, le second est assimilé à des fantasmes d’écolo voulant se faire peur ! Or, pour un tiers de l’humanité, la mer constitue l’unique source de protéines animales. Ce sont les circuits courts qui sont vertueux. Pêcher un poisson pour qu’il soit consommé à l’autre bout du monde est un schéma archaïque. »
* LE MONDE du 13 octobre 2011, un décret sur l’épandage du lisier soulève la colère des écologistes