François Hollande avait noué d’étroites relations avec Daniel Cohn-Bendit auquel il proposait de réserver une trentaine de circonscriptions aux législatives en échange d’une non-candidature des Verts à la présidentielle. On n’en est plus là, Eva Joly a été désignée lors de primaires écolos et elle avait même estimé que ce n’était pas la place de ses militants d’aller voter aux primaires socialo. Quand dimanche soir 16 octobre, François Hollande prononce son premier discours de candidat socialiste à la présidentielle 2012, c’est pour percevoir « les atteintes multiples à notre environnement », mais c’est surtout pour égrener « les inquiétudes qui entourent notre avenir commun, les désordres de la finance, les excès de la mondialisation, les insuffisances de l’Europe ».
Il n’empêche que la société civile s’inquiète de son environnement. Samedi 15 octobre, la mobilisation antinucléaire avait réuni plus de 20 000 manifestants à Rennes*. Les colloques de scientifiques se succèdent pour dénoncer la planète au pillage. L’opinion publique sait plus ou moins confusément qu’il y a crise écosystémique globale, surpopulation, déplétion des énergies fossiles, pénurie des matières premières, pollutions, dérèglements climatiques, déforestation, désertification, sixième extinction des espèces, tarissement de l’eau potable, cancers environnementaux, disparités alimentaires, etc. Les médias donnent désormais au moins autant place à l’insécurité environnementale qu’à l’insécurité civile. François Hollande sait donc pertinemment qu’il va falloir s’occuper de la transition énergétique et de bien d’autres problèmes environnementaux. Tout cela facilitera les négociations entre les écologistes et les socialistes ; il est quasiment certain qu’Hollande proposera à EELV un groupe parlementaire en échange du ralliement des Verts pour le deuxième tour des présidentielles.
Contrairement à ce qu’affirme LEMONDE.FR**, les écologistes ne sont pas fragilisés par la désignation de M.Hollande. La maire de Lille prévoyait la fermeture de 60 % des centrales françaises d’ici 2025, alors que le candidat élu ne propose qu’une réduction de l’atome à 50 % dans le mix énergétique. Les politiques aiment bien se disputer entre camarades, il faut bien marquer son territoire. Mais les politiques connaissent aussi les vertus de l’alliance face aux électeurs, le grand rassemblement unitaire des socialistes dès la fin de leur primaire en est un signe évident. C’est pourquoi la tiédeur des « Hollandais » à l’égard des thèses défendues par l’écologie (sortie du nucléaire, gestion de la descente énergétique, représentation des acteurs absents, etc.) deviendra des retrouvailles avec EELV bien mises en scène au fur et à mesure qu’on se rapprochera des élections de 2012.
* LEMONDE.FR | 16.10.11 | Pour les Verts, le nucléaire sera le débat prioritaire pendant la campagne de 2012
** LEMONDE.FR | 17.10.11 | Les écologistes sont fragilisés par la désignation de M. Hollande
Hervé Kempf dans LE MONDE du 19 octobre :
« La vision du monde de François Hollande ne brille pas par sa nouveauté. Le candidat intronisé reste structuré par l’idéologie productiviste qui l’a formé à l’ENA dans les années 1970. Depuis, il n’a guère changé d’idées – non plus d’ailleurs que celles de son parti…
Le discours que M. Hollande a consacré à l’environnement, le 27 août, était paradoxalement consacré à la croissance. De la dégradation écologique de la planète et du pays, il ne fut pas question. Toute politique était déclinée en termes de « levier pour la croissance ». Le clou de la péroraison était cet aphorisme alambiqué : « Sans croissance, pas de perspective écologique, parce que c’est la condition, l’écologie, pour avoir davantage de croissance. » De ce galimatias émerge une idée : la question écologique est seconde par rapport à l’augmentation du produit intérieur brut (PIB).
Rappelons la contradiction dans laquelle sont englués les croissancistes. Ils postulent une corrélation entre croissance économique et emploi. Mais ladite corrélation est anéantie par le progrès constant de la productivité du travail. Ce progrès conditionne le simple maintien du niveau d’emploi à une augmentation forte de la production. Or celle-ci requiert, malgré une meilleure efficacité technique, davantage d’eau, d’énergie, de sols et de matériaux, ce qui entraîne un dégât écologique croissant. Il faut donc changer de paradigme…
Rêvons, puisque M. Hollande veut nous faire rêver. Rêvons que le parti principal de la gauche ne se liera pas les mains dans une vaine course à la croissance. Rêvons qu’il se distingue de ses principaux adversaires. »
Hervé Kempf dans LE MONDE du 19 octobre :
« La vision du monde de François Hollande ne brille pas par sa nouveauté. Le candidat intronisé reste structuré par l’idéologie productiviste qui l’a formé à l’ENA dans les années 1970. Depuis, il n’a guère changé d’idées – non plus d’ailleurs que celles de son parti…
Le discours que M. Hollande a consacré à l’environnement, le 27 août, était paradoxalement consacré à la croissance. De la dégradation écologique de la planète et du pays, il ne fut pas question. Toute politique était déclinée en termes de « levier pour la croissance ». Le clou de la péroraison était cet aphorisme alambiqué : « Sans croissance, pas de perspective écologique, parce que c’est la condition, l’écologie, pour avoir davantage de croissance. » De ce galimatias émerge une idée : la question écologique est seconde par rapport à l’augmentation du produit intérieur brut (PIB).
Rappelons la contradiction dans laquelle sont englués les croissancistes. Ils postulent une corrélation entre croissance économique et emploi. Mais ladite corrélation est anéantie par le progrès constant de la productivité du travail. Ce progrès conditionne le simple maintien du niveau d’emploi à une augmentation forte de la production. Or celle-ci requiert, malgré une meilleure efficacité technique, davantage d’eau, d’énergie, de sols et de matériaux, ce qui entraîne un dégât écologique croissant. Il faut donc changer de paradigme…
Rêvons, puisque M. Hollande veut nous faire rêver. Rêvons que le parti principal de la gauche ne se liera pas les mains dans une vaine course à la croissance. Rêvons qu’il se distingue de ses principaux adversaires. »