Sicco Mansholt, auteur d’une restructuration de la politique agricole commune (PAC) visant des gains de productivité par l’exode rural et l’agrandissement des exploitations, avait eu en 1972 une « révélation » à la lecture du rapport du Club de Rome :
« J’ai compris qu’il était impossible de s’en tirer par des adaptations : c’est l’ensemble de notre système qu’il faut revoir. » Puis il va au bout de sa pensée: « Est-il possible de maintenir notre taux de croissance sans modifier profondément notre société ? En étudiant lucidement le problème, on voit bien que la réponse est non. Alors, il ne s’agit même plus de croissance zéro mais d’une croissance en dessous de zéro. Disons-le carrément : il faut réduire notre croissance économique, notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance celle de la culture, du bonheur, du bien-être. »
Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances et des Affaires économiques, répond qu’il ne veut pas « devenir objecteur de croissance. » Nous sommes en 2023, que de temps perdu ! On a voulu la croissance jusqu’à heurter le plus violemment possible le mur des réalités biophysiques !
lire, Souvenirs, Mansholt et les limites de la croissance
Antoine Reverchon : Le 9 février 1972, Sicco Mansholt, vice-président de la Commission européenne chargé de l’agriculture (et à ce titre un des pères de la politique agricole commune), adressait une lettre au président de la Commission européenne. M. Mansholt avait suivi de près les travaux du Club de Rome, qui allait publier un mois plus tard le rapport Meadows, ou Les Limites à la croissance, en y annonçant l’épuisement final des ressources naturelles et énergétiques en cas de poursuite de la croissance mondiale au rythme atteint à l’époque : « Il est évident que la société de demain ne pourra pas être axée sur la croissance. »
Lire, les limites de la croissance ou rapport au club de ROME (1972)
Selon Mansholt, la boussole ne devrait plus être le produit national brut, mais l’« utilité nationale brute », c’est-à-dire une limitation de la production aux besoins de la société. Conscient que cela signifierait « un net recul du bien-être matériel par habitant et une limitation de la libre utilisation des biens », Mansholt préconise une planification stricte de la production par la puissance publique (la Commission et les Etats) afin de la répartir équitablement entre tous les citoyens et, pour ce qui est des matières premières, entre les entreprises.
Il souhaite aussi mettre en place la compensation de la réduction de la consommation de biens matériels par l’extension de l’offre de biens « incorporels » (santé, éducation, culture, loisirs), une aide massive aux pays du tiers-monde, qui, sinon, poursuivraient leur propre chemin de croissance au péril de l’environnement, une réorganisation de la production, y compris agricole, pour en limiter l’impact environnemental (recyclage, matériaux et énergie « propres », chasse au gaspillage, mesures antipollution), la taxation aux frontières des produits étrangers non conformes à ce mode de production, etc.A l’époque, la lettre avait suscité une avalanche de commentaires négatifs, à droite comme à gauche. Ce programme proposé il y a un peu plus de cinquante ans est peu ou prou celui que préconisent aujourd’hui les économistes écologistes.
Le point de vue des écologistes décroissancistes
Mansholt proposait une économie planifiée, ce que faisait à l’époque l’URSS, modèle à suivre selon le PCF. Mais le communiste Georges Marchais, dans une conférence de presse du 4 avril 1972, partage paradoxalement la position du Conseil national du patronat français (CNPF) et lance : « Au nom de la recherche d’une meilleure qualité de la vie, faut-il proposer une société de pénurie et de rationnement, ainsi que la nette diminution du niveau de vie actuel ? Cela n’est pas notre politique. Une forte croissance économique est indispensable pour couvrir les immenses besoins non encore satisfaits et améliorer le niveau de vie des plus défavorisés. » Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir… les communistes française en 2023 restent malheureusement fidèles à la position de Marchais de 1972 malgré le choc climatique et la descente énergétique qui s’annonce !
Et encore, s’il n’y avait que le PCF de Fabien Roussel, mais tous les ténors aujourd’hui aussi bien politiciens qu’économistes, médias ou médiatisés, tous en cœur continuent d’entonner le chant religieux de la croissance sans fin dans un monde fin. Le temps perdu ne se retrouve pas…
Le hasard faisant bien les choses, cet article tombe comme une réponse à mon commentaire À 12:08 sur l’article précédent.
D’abord, tout le monde n’a pas la chance, comme Sicco Mansholt et de nombreux prophètes, illuminés et autres, d’être touché par une révélation (avec ou sans « »). Généralement ce n’est que lentement que les idées évoluent, quand elles évoluent.
Et je doute que le dogmatisme puisse aider à aller plus vite, bien au contraire.
Combien, dans ces années là, ont spontanément adhéré à cette nouvelle vision du monde, suite au rapport du Club de Rome ? Pas beaucoup. Tout le monde ou presque ne jurait alors que par la Croissance économique, mère du sacro-saint Progrès etc.
Marchais, c’était donc une autre époque. ( à suivre )
Mais bien sûr, ceux qui sont définitivement fâchés avec le rouge… et qui pour rien au monde n’oseraient penser plus loin… ni essayer de voir de plus près les idées de certains de ces horribles «gauchos»… ne retiendront de Marchais que ses conneries. La plus grosse étant pour moi celle du «globalement positif». Et je pense là à certains, qui osent juger de la même façon la politique de l’enfant unique en Chine. Ceux-là, s’ils veulent être pris un peu au sérieux, devraient déjà éviter de ne pas se moquer de ce pauvre Georges. Ni de nos pauvres communistes, qui sont depuis longtemps sur la liste rouge, comme les éléphants, les ours blancs et j’en passe. Les anti-rouges anti-jaunes à l’occasion, feraient bien mieux de décoloniser leur pauvre imaginaire, afin de pouvoir participer à construire cette alternative, cette utopie, dont le nom et la couleur sont vraiment secondaires.
Peut-être qu’en perdant 50 ans on a perdu… tout l’avenir
En considérant qu’ON puisse en perdre ou en gagner, du temps, c’est bien plus que 50 ans qui ont été perdus. C’est au moins 150… si on se réfère à Marx, Engels, Proudhon, Kropotkine etc. Allez va, et même Malthus 😉 Et 500 si on pense à Thomas More.
Et même plus de 2000 ans, de perdus, pour ne pas avoir mieux écouté Platon, ou Jésus.
– Communisme (Wikipédia)
Mais bon, qu’est que c’est que ça pour Sapiens ? Vous le savez bien, mon cher Didier, que pour une planète, une étoile… 2000 ans ce n’est rien. Alors 50 … 🙂