Les concepteurs du Monde des livres (25 mai 2007) font de l’auto-congratulation : « Quelles que soient les directions successives, les équipes, les inclinations d’époque, le roman a joui d’une sorte de préséance On y évide une évidence, à savoir que le roman joue un rôle capital dans la conscience que nous avons du monde. »
Mais quelle conscience ? Le roman, support du rêve, instrument d’une fausse liberté ! Si vous aviez le temps de lire tous les romans parus dans l’année, vous êtes sûr de finir aussi ignorants des réalités que lorsque vous avez commencé. Ce n’est pas ainsi qu’on fait un homme ! Le prix Nobel de littérature devait récompenser normalement une « inspiration idéaliste », maintenant l’écrivain projette le lecteur dans un monde fictif qui n’a pour principal acteurs que des hommes centrés sur leur nombril. Sauf trop rares exceptions, c’est un point de vue anthropocentré qui s’exprime, nullement l’apprentissage des relations de l’homme et de la Nature, l’apprentissage de l’équilibre. Le « partage d’humanité » (selon l’expression du Monde des livres) permet au lecteur de se replier dans une petite bulle confortable où il ne prête nulle attention aux malheurs de la Biosphère.
On connaît la puissance du langage, la force de persuasion des mots et la magie des phrases. Encore faut-il que cela puisse ouvrir véritablement les yeux au monde Ainsi, aucun enfant ne peut admirer un paysage avant que sa socialisation ne lui ait construit par des mots le sens de son environnement. Apprendre à ressentir les choses n’est pas rattaché à l’écrit, encore moins au roman, les civilisations orales étaient bien plus durables car elles se contentaient de leur stabilité et non de la fugacité des romans. Seule une socialisation qui forgera l’amour de la Biosphère pourra nous permettre de construire un discours commun : toutes les inventions des romanciers, toutes les analyses des sociologues ou des économistes, tout cela ne remplacera jamais la contemplation d’un coucher de soleil en famille.