un curé d’avant-garde

Jean Meslier, curé d’Etrépigny de 1689 à 1729, n’y va pas avec le dos de la cuillère : « Levez-vous, unissez-vous contre vos ennemis, contre ceux qui vous accablent de misère et d’ignorance. Rejetez entièrement toutes les vaines et superstitieuses pratiques des religions… Votre salut est entre vos mains, votre délivrance ne dépend que de vous, car c’est de vous seuls que les tyrans obtiennent leur force et leur puissance. » Jean Meslier rejette la religion (dans un livre édité après sa mort, il était prudent !) pour mettre à la place une conception matérialiste très contemporaine :

 

« Sur quelles bases ont-ils fondé cette prétendue certitude de l’existence d’un Dieu? Sur la beauté, l’ordre, sur les perfections des ouvrages de la nature? Mais pourquoi aller chercher un Dieu invisible et inconnu comme créateur des êtres et des choses, alors que les êtres et les choses existent et que, par conséquent, il est bien plus simple d’attribuer la force créatrice, organisatrice, à ce que nous voyons, à ce que nous touchons, c’est à dire à la matière elle-même? Toutes les qualités et puissances qu’on attribue à un Dieu placé en dehors de la nature, pourquoi ne pas les attribuer à la nature même qui est éternelle ?

 

Ah ! L’autre vie ! L’âme immortelle ! Est-ce que nous ne sentons pas, intérieurement et extérieurement par nous-mêmes, que nous ne sommes que matière, et que nos pensées les plus spirituelles ne sont que de la matière de notre cerveau, qu’elles sont le résultat de sa constitution matérielle et que ce que nous appelons notre âme n’est en réalité qu’une portion de la matière, la plus délicate et la plus subtile ? L’âme n’est ni spirituelle ni immortelle. Elle est matérielle et mortelle aussi bien que le corps. Il n’y a donc point de récompense à espérer ni de châtiments à craindre après cette vie. Il n’y a point de bonté souveraine pour récompenser les justes et les innocents, point de justice souveraine pour punir les méchants. Il n’y a point de Dieu. 

 

Mais il y a l’homme, il y a la terre, il y a la vie, il y a le sentiment de l’équilibre et de la justice, et c’est sur cette terre qui lui appartient, dans cette vie qui est sienne, que l’homme doit réaliser la justice, le bonheur, la solidarité et la fraternité universelles. Ce n’est pas en Dieu que l’homme doit chercher la puissance, la bonté, la perfection, c’est en lui-même : par l’instruction il deviendra savant ; par l’éducation, il se fera juste ; par l’aide mutuelle et la solidarité, il réalisera sur la planète, qui est son domaine, la perfection possible. Il faut avoir le courage de rejeter toutes les idées préconçues et surtout d’effacer ce préjugé de la perfection des choses actuelles, comme ayant été créées définitivement par l’ordre d’un Dieu. »

Jean Meslier, à l’heure de la catastrophe écologique actuelle, serait sans doute notre guide sur les chemins de la Biosphère, tout au moins dans les pays qui laissent la liberté d’opinion et d’expression.

 

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