Le peuple communiste existe avec l’avènement de la révolution industrielle et la polarisation entre facteur travail et facteur capital. Contre le pouvoir du capital, le peuple communiste avait ses mots d’ordre et son catéchisme marxiste : exploitation de l’homme par l’homme, lutte de classes, syndicat courroie de transmission, dictature du prolétariat, etc. Le peuple communiste avait sa solidarité de classe, dans l’atelier, dans les banlieues rouges, dans les mutuelles, dans le syndicat. Le peuple communiste existait, il n’existe presque plus. Le peuple écolo n’existe pas encore, il existera un jour.
Le facteur travail et le facteur capital sont aujourd’hui surdéterminés par la raréfaction du troisième facteur qu’on croyait inépuisable, les ressources naturelles. Il n’y a plus seulement les travailleurs contre les capitalistes, il y a l’activité humaine confrontée avec les limites de la planète. Comme le pensait Marx, ce sont les circonstances matérielles qui déterminent les consciences et non l’inverse. Notre existence sociale est conditionnée par une réalité qui nous dépasse : les rapports de production chez les communistes, la géologie des richesses minières et l’état des écosystèmes pour un écologiste. Notre activité économique dépend étroitement des ressources fossiles que nous avons dilapidées et de la dynamique de l’écosphère que nous avons gravement détraquée. Or la nature ne négocie pas, que ce soit à Fukushima ou en termes de réchauffement climatique. Aux humains de s’adapter. Il est trop tard pour éviter la catastrophe, mais plus tôt nous agirons, plus nous réduirons la violence du choc. Les richesses naturelles étant en quantité limitées et rapidement décroissantes pour les non renouvelables, la seule solution pour vivre en paix est le partage équitable de la pénurie. Un parti politique définit le sens de l’histoire. L’écologie politique relaye le constat de l’écologie scientifique, l’austérité est notre destin.
Devant la catastrophe en marche, nous n’avons que deux solutions, soit subir dans le désordre et la violence une récession économique sévère, soit faire preuve de coordination et d’exemplarité. Une crise écologique, donc économique, pourrait avoir un effet déstructurant sur nos sociétés complexes. Mais nous savons aussi que la société dépend des perceptions croisées entre individus : je me représente comment les autres se représentent les choses et moi-même. En termes savants, on dit qu’il y a interactions spéculaires, comme devant un miroir. Il y aura un peuple écolo quand il y aura effet boule de neige : tu fais parce que je fais parce que nous voulons tous faire de même. Cela commence par des petits gestes, économiser l’énergie, prendre l’escalier plutôt que l’escalator ou l’ascenseur, boire bio, c’est-à-dire boire de l’eau. L’écolo utilise des techniques douces et rejette les techniques sophistiquées. Il sait que marcher à pied vaut mieux que de prendre un vélo, mais le vélo est bien préférable à l’autobus ou au train. L’écolo fait plutôt du covoiturage et rapproche son domicile de son lieu de travail, il isole sa maison et baisse la température dans ses pièces. Il choisit de vivre à l’étroit plutôt qu’augmenter son emprise sur les sols arables, il fait ce qu’il doit et le bonheur lui est donné de surcroît.
Car le bien-être n’est pas lié à la somme des objets que nous pouvons posséder, tout au contraire. L’achat d’un téléphone portable qui est démodé dans le mois qui suit n’entraîne pas un sentiment de satisfaction, mais un perpétuel sentiment de manque. La publicité nous formate pour avoir toujours envie d’autre chose, alors nous ne pouvons plus trouver la plénitude d’être. Un écolo refuse la pub, refuse la cigarette, refuse le verre d’alcool de trop. Pour chanter et s’épanouir, pas besoin d’être alcoolisé. Un écolo est sobre, il n’est pas austère même s’il pratique l’austérité. Il y aura un peuple écolo quand la majorité des citoyens refusera le voyage en avion, la voiture individuelle et les trois heures de télé par jour. Le peuple écolo préférera jouer au ballon plutôt que regarder un match de foot, il préférera une partie de belote plutôt qu’une séance télé. La simplicité volontaire des uns se conjuguera avec la décroissance conviviale des autres.
Toute personne qui a compris que nous avons dépassé les limites de la planète devrait savoir qu’il lui faut vivre autrement. Un parti écologiste sera adulte quand ses adhérents agiront en ce sens. Un parti politique digne de ce nom est composé de militants qui vivent ce qu’ils prêchent. Il y aura un peuple écolo quand les militants d’EELV commencement à donner l’exemple de la sobriété énergétique et de la simplicité volontaire. Le peuple écolo existera quand EELV nous donnera une certaine cohérence, des éléments de langage, le sens de la solidarité, l’exemplarité de ses membres. L’équilibre compromis entre les possibilités de la planète et l’activisme humain entraîne nécessairement l’avènement du peuple écolo… ou l’écolo-fascisme !
Tout à fait d’accord avec cette analyse. J’aime bien résumer les choses en disant que nous n’avons pas le choix entre la croissance et la décroissance mais bien entre la décroissance subie et la décroissance peu ou prou consentie et organisée. Décroissance qui je le précise (à l’inverse de ce que prêchent en général les représentants de ce courant de pensée) doit bien entendu s’étendre à la question démographique. D’accord aussi avec l’auteur pour dire que le choc aura lieu quoi qu’il en soit et que la seconde solution aura pour seule vertu de le rendre un peu moins douloureux.
En ce qui concerne EELV je serais peut-être plus sévère que cet article. Au delà de la question du comportement de tel ou tel de ses membres, son discours même s’est complètement éloigné de l’écologie. On y parle plus de la nature, on y parle jamais de la protection animale, on ne sent chez eux aucune tendresse pour la beauté du monde, simplement un discours politique. Dans mon esprit, EELV, n’est tout simplement pas un parti écologiques (avec bien entendu toutes mes excuses aux quelques membres d’EELV (il y en a et j’en connais) qui échappent à cette description générale).