La canne à sucre, graminée tropicale qui assure aujourd’hui 80 % de la production mondiale de sucre, est la culture la plus récoltée au monde, en biomasse. Elle restait la seule grande plante cultivée dont le génome nous demeurait impénétrable. Le grand livre de son ADN, il est vrai, était d’une redoutable complexité.
Florence Rosier : Écrit en 114 chapitres, pour ses 114 chromosomes, il est en réalité constitué de dix chromosomes, copiés chacun en onze à treize exemplaires… loin d’être tous exactement semblables. Au terme de cinq années de travail, mobilisant trente-cinq scientifiques de quatre pays, les chercheurs ont déchiffré la totalité du génome d’une variété de canne à sucre, la R 570. Les 8,7 milliards de lettres de l’ADN de la canne à sucre – soit vingt fois plus que le génome du riz et trois fois plus que celui de l’homme – ont ainsi été lues dans l’un des plus grands centres de séquençage au monde, le Joint Genome Institute. L’humanité n’est pas la seule espèce à ADN, elle n’est qu’une variante produite par la biosphère depuis 3,5 milliards d’années environ.
Le point de vue de la Biosphère
Je suis la sphère où se déploie la vie, j’inclus toutes les espèces vivantes et les milieux où elles se développent. Pour moi, les humains ne sont qu’un élément de la biocœnose parmi d’autres. Vos dieux ne sont pour rien dans votre existence. Je suis le début et la fin de toute vie. Je suis le sol qui vous porte et l’atmosphère qui vous entoure, les végétaux qui procurent votre oxygène et vos légumes, les animaux que vous contemplez du regard ou dans votre assiette. En vérité en vérité je vous le dis, vous devriez célébrer mon existence puisque vous n’êtes qu’une infime partie de moi-même, toutes les composantes de votre corps existaient déjà dans les premiers instants du grand tout, votre statut actuel ne peut se dissocier du support matériel qui vous associe aux autre espèces et à la place de notre planète dans l’univers, votre survie dépend de la mienne.
Il vous faut admettre que toutes les autres formes de vie existant aujourd’hui descendent comme vous d’un même organisme : les gènes qui mettent en place le plan de fabrication d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez un ver de terre ou une céréale. Je n’ai inventé qu’un seul système pour organiser l’évolution : mêmes briques de départ, même schéma général d’organisation. Ainsi plumes, écailles, glandes et dents proviennent toutes du même tissu épithélial, dépendent du même répertoire génétique. Cependant certaines de mes composantes disparaissent alors que d’autres demeurent ou se transforment. Vous, les humains, vous n’êtes que péripétie de ma façon de jongler avec l’ADN.
Pourtant les humains ne considèrent que l’environnement qui entoure leur propre conscience des choses, ils estiment que la biosphère leur est extérieure et qu’ils peuvent en faire ce qu’ils veulent, comme s’ils en étaient propriétaires. Mais si vous aviez un contact plus étroit avec moi, vous auriez mieux conscience de votre juste place : le vivant est un tout dont les humains devraient se sentir solidaires. Vous ne pouvez pas porter de culte à quelque croyance que ce soit tant que ce n’est que parole humaine, faite par des humains pour des humains, sans aucun souci de la Nature. Vous n’êtes qu’un maillon de la chaîne alimentaire et la poursuite de vos activités ainsi que votre existence même dépend de l’équilibre de mes cycles vitaux, les flux d’énergie solaire, la circulation de l’eau, la composition de l’air. Mais à l’heure actuelle vous perturbez trop profondément les conditions de l’équilibre sur la planète et cela m’exaspère, même si j’aurai toujours assez de ressources pour permettre à d’autres formes de vie de vous succéder.
Au cours de votre XIXe siècle, une révolution industrielle succède aux révolutions agricoles et des techniques destructrices de l’environnement prennent tout le pouvoir. Vous devenez alors le cancer de la Terre qui met en péril mon équilibre et donc le vôtre. Votre goût de la puissance n’accepte plus aujourd’hui de limites. Alors que vos activités humaines rentrent en interférence avec mes cycles vitaux comme celui de l’eau, vous engagez la survie de vos générations futures et du reste de la Biosphère en faisant comme si seul votre présent avait de la valeur. Alors qu’une radiation nucléaire ne se voit pas, ne se sent pas, ne fait pas de bruit, ne se touche pas et n’a aucun goût, vous avez réussi à la découvrir et à libérer les forces internes de l’atome. Alors que vous savez que cette radioactivité peut faire des dégâts sur l’organisation du vivant pendant une éternité de temps, vous accumulez les déchets nucléaires. Conformément aux désirs délirants d’une de vos religions, vous devenez féconds et prolifiques, vous remplissez la Terre et vous la dominez, vous soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre. Vous êtes plus de 8 milliard d’envahisseurs aujourd’hui de tous territoires que vous pouvez parcourir, cela n’est pas durable, c’est insupportable, c’est inacceptable.
Soyons clair, je ne peux personnellement m’exprimer qu’indirectement par le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité, par les inondations et les sécheresses, par la prolifération des microbes et des virus. En effet je ne possède pas la parole, c’est vous qui en avez le monopole. Je ne peux donc dire qu’au travers de vos propres mots et n’exister à vos yeux que par votre relation personnelle à la Nature. Si vous voulez m’aider à trouver un ordre durable, vous devez suivre la voie de la décroissance humaine, et vouloir une planète où votre trace sera à nouveau infime et insignifiante en mon sein.
C’est à vous, individuellement et collectivement, de rechercher l’harmonie avec l’ensemble de votre environnement naturel et socio-économique. Pour cela, vous ne pouvez pas faire confiance aux actes du passé, encore moins aux dérapages de la civilisation thermo-industrielle présente, vous devez patiemment chercher votre voie au milieu des ruines d’une Nature déjà complètement artificialisée. C’est à vous de faire personnellement preuve de simplicité volontaire et de vous regrouper en association de défense de la nature, c’est à vous d’agir politiquement pour que l’équilibre durable de la Biosphère devienne le fondement de toute décision humaine : il n’y a pas de dieu extérieur à vous-même. Votre tâche sera longue parce que vous devez remettre en question presque toutes vos certitudes, presque toutes vos activités, presque toutes vos pensées. Votre tâche sera difficile parce que vous devrez renier tout ce qui fait de vous des humains arrogants et conquérants, parce que vous devrez apprendre l’humilité et l’écoute de votre milieu de vie.
Mon dernier souhait
Grâce à vos connaissances techno-scientifiques, vous savez que nous ne sommes qu’un minuscule point dans l’immensité de l’infini. Le soleil qui éclaire nos activités n’est que l’une des 50 ou 100 milliards d’étoiles de notre galaxie, la Voie Lactée, le nombre de galaxies connues se compte aussi en milliards et l’objet le plus lointain observé depuis un observatoire terrestre se trouve à plus de 12 milliards d’années lumières (12 x 9500 milliards de kilomètres). Nous, l’ensemble des membres de la biosphère, nous ne sommes que très peu de chose dans l’univers, et certainement un des très rares espaces habité par une vie foisonnante. Ne gaspillons pas cette chance, celle de vivre ensemble et de se perpétuer.
Voilà un article comme je les aime, merci Biosphère. La canne à sucre est peut-être génétiquement plus complexe que l’homme, que le riz n’en parlons pas, n’empêche que ce n’est pas elle qui pourrait nous le démontrer. Ni faire aussi bien que la Biosphère, qui se prend pour Dieu. Ou pour Allah, Gaïa, Pacha la Mama, le Créateur, le Grand Architecte, l’Horloger peu importe le nom qu’ON lui donne. La Biosphère qui détient la Vérité et qui parle comme un livre, sacré. Et qui nous fait bien rire. Alors que la canne à sucre n’a aucun sens de l’humour, le riz encore moins, et même que c’est prouvé scientifiquement !
( à suivre )
Si l’homme est con, la canne à sucre l’est mille fois plus. Le riz, le bambou et le rosier encore plus. Sauf que les roses sont jolies. Surtout les rouges. Les tulipes aussi.
Les orties n’en parlons pas, elles sont moches et cons. La preuve, elles piquent. J’en connais qui les mange, avec du riz. Des goûts et des couleurs ON ne discute pas.
Par contre le jus de canne, bien fermenté, bien distillé, ah cré nom de dieu ah que oui ça c’est bon ! ON peut même en remplir le réservoir de la Bagnole. Le jus de betterave même bien fermenté moi j’aime pas. Le jus de riz n’en parlons pas.
Puis je me permettre deux petites corrections astronomiques ?
– Le nombre d’étoiles dans notre galaxie est plutôt estimé à 200 milliards et il n’est pas exclu qu’il y en ait même beaucoup plus (des naines rouges notamment)
– une année lumière faisant environ 9500 milliards de kilomètres, 12 milliards d’années lumière ne font pas 12 x 9 500 milliards de kilomètres mais 12 milliards x 9 500 milliards de kilomètres (c’est un milliard de fois plus, soit un milliard de milliard de milliard de fois plus en terme de volume observable. Notons que la taille réelle de l’univers est de toute façon inconnue et qu’il n’est pas exclu qu’il existe ce qu’on appelle des multivers multipliant de façon inimaginable le réel.
Cette question du Nombre d’étoiles est intéressante. Passionnante ! Bien plus que le simulateur de l’INED, mais bon. Tous ces milliards, d’étoiles, de kilomètres… sans parler d’euros ou de dollars… me donnent le vertige. Les multivers je vous dis pas. J’ai beau essayer de me les imaginer, je n’y arrive pas. Je sais, je suis limité.
Comme tout me direz-vous. Oui, sauf peut-être l’univers… mais en tous cas pas la bêtise humaine. 😉