Une phobie est une peur, souvent irrépressible comme l’arachnophobie, la peur des araignées. Les médias viennent de consacrer la nomophobie, non la peur des lois comme l’étymologie le laisserait supposer, mais la peur panique d’être privé de son téléphone portable : nomophobie, contraction de « no mobile phobia ». Le mot a été inventé au cours d’une étude menée en 2008 par la UK Post Office à propos des angoisses subies par les utilisateurs de téléphones mobiles. Environ 58 % d’hommes et 48 % de femmes souffrent de cette phobie en Grande-Bretagne.
LE MONDE* vient de consacrer un mini-article à ce nouveau constat sociologique. Au Royaume Uni, 66 % des utilisateurs de mobile se déclarent « très angoissés » à l’idée de perdre leur téléphone. En France, 34 % des 15-19 ans déclarent qu’il leur est « impossible » de passer plus d’une journée sans leur téléphone portable. Les témoignages abondent d’enseignants qui, ayant confisqué un portable intempestif pendant un cours, voient l’élève réclamer par la suite l’objet de leur addiction d’un ton suppliant : « Monsieur, je vous en prie, j’ab-so-lu-ment besoin de mon téléphone ! » Il s’agit bien de la génération des écrans, obsédée par la réception immédiate des derniers potins à la mode. Derrière l’angoisse des amateurs de gadgets électroniques se cache l’essentiel : il faut changer de portable aussi souvent que l’exigent la mode, le « progrès » et les fabricants. Plus que toutes les prothèses antérieures, le portable pousse au mimétisme et au conformisme si chers au marchandising. Faites le test, dites à vos collègues que vous n’avez pas de portable ; la majorité s’esclaffe : « T’es contre le progrès ? Tu t’éclaires à la bougie ? » Ou s’inquiètent : « Mais comment tu fais ? »… « Et si t’as un accident ? »
Mais pourquoi aurions-nous besoin d’une médiation électronique pour communiquer ? Le portable est typique d’un système d’innovation qui consiste à vendre les remèdes aux maux causés par les innovations précédentes, un monde qui atomise chacun de nous et qui morcelle nos vies, y compris familiales. Vous ne parlez plus à vos parents à cause de la télévision et de l’ordinateur ? Téléphonez-leur ! Nous avons besoin de l’apparition d’une génération sans portable, mais ce n’est pas le sujet des présidentielles françaises…
Pour réflexion complémentaire, lire notre post Ni portable, ni carte bancaire.
Ou ce résumé de livre : La tyrannie technologique, critique de la société numérique
* LE MONDE du 14 avril 2012, Le développement de la « nomophobie »